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dimanche, 31 août 2014

Les cyprès du Loing…

Comme je vous le disais il y a peu, lectrices chéries, mon père savait, en dehors de chercher des histoires à ma mère ou lui faire des enfants, des tas de choses qui intéressaient les enfants. Même nous faire rire.
Là où il était le meilleur, c’était chez les parents de ma mère qui avaient une maison du côté de Montargis. Il pouvait donner libre cours à une imagination débordante les jours où ma mère était trop occupée à papoter avec les cousins et cousines, dont celle qui avait le magasin  « Presse-Épicerie-Mercerie » de la petite place où il y avait la pharmacie remplacée depuis par la Poste. Mes sœurs et moi, et surtout, surtout, mon père, en avions rapidement assez d’entendre parler de « l’oncle Marc » et des millions d’autres qui étaient morts, certains depuis des décennies. Pour ça, ma grand’mère, Berrichonne pure souche était parfaite et c’est la seule que nous écoutions. Elle nous racontait des histoires épouvantables de sa voix tremblotante et nous fichait une trouille pas possible avec ses histoires de revenants et de « meneux de loups », de mauvais sorts, des trucs de Berrichon, quoi…
J’aimais bien aussi son accent, quand elle disait à la dame en face, affligée d’un fils cavaleur sévère, « agalu don’ ton gamin ! Là-bas, en train d’bicher la chtiote fumelle derrière la cabane à l’âââne ! »
Mon père, lui nous avait appris un truc qui nous avait valu d’être interdit de séjour chez cette voisine mais je vous raconterai ça une autre fois. On était des monstres…
Mais, les jours où il décidait qu’il serait un père exemplaire, il l’était. Il nous emmenait à la pêche sur un des nombreux bras du Loing et choisissait prudemment les moins profonds, d’abord parce qu’il s’était déjà fichu dedans, ensuite pour éviter d’avoir à expliquer à ma mère qu’il avait laissé se noyer une de mes petites sœurs en me montrant quelque chose d’intéressant. Il m’apprit alors comment faire un petit moulin à eau avec seulement de petits bouts de branche et un canif. Un moulin à vent avec quatre feuilles et une brindille fichée dans un bout de bois un peu plus gros. Il nous a appris aussi, à mes sœurs et moi, que le soufre décolorait les fleurs. Il me l’a montré avec les allumettes soufrées qu’on pouvait encore acheter dans les années cinquante et une violette. J’ai appris bien plus tard en cours de chimie l’action du dioxyde de soufre sur certains pigments mais celui qui me l’a montré de la façon la plus intéressante et la plus poétique, c’est mon père.
Heure-Bleue vous dira sans doute que le côté poète de mon père ne lui a jamais semblé flagrant mais c’est seulement parce qu’elle ne l’a pas connu quand elle était petite fille. Bon, il lui disait souvent après l'avoir embrassée « Hmmm... Les rouquines, ça sent... »
Il nous a aussi appris la patience. Parfois, avant d’atteindre le « bon coin » il nous fallait marcher le long de la rive biscornue du Loing, et longtemps. Alors, chaque fois qu’une de mes sœurs ou moi lui demandions « C’est encore loin ? » il s’arrêtait nous tenait par la main et nous disait « tu vois le tournant, là-bas ? Eh bien c’est pas là, c'est après. »
Et chaque fois qu’on avait franchi un tournant, il fallait atteindre le suivant qui serait peut-être le dernier. Mais on finissait toujours par arriver.
On rentrait à la maison quand toutes les lignes était accrochées aux branches et qu’il n’en restait plus pour pêcher. Mon père était très fort pour attraper une branche d’arbre en lançant sa ligne dans l’eau car les cyprès étaient nombreux le long de la rivière…
Il se contentait de dire « Et merde ! Encore un bas de ligne ! Putains d’arbres, ils auraient pu les planter ailleurs ! »
Des fois on lui demandait où et il répondait sérieusement « Au bord des routes ! Ça arrête drôlement bien les voitures ! »
Bon, des fois, il était « relou », notamment quand il était en colère après de Gaulle.
Lui regrettait l’Algérie et ça dérapait parce que ma mère lui disait « Ah bon ! Parce que tu trouves qu’il n’y a pas assez d’Arabes ici, peut-être ! »

samedi, 30 août 2014

La tectonique des claques.

Comme vous le subodoriez peut-être, lectrices chéries, le couple de mes parents allait cahin-caha. Cahin quand l’un voyait bien l’autre dans le rôle d’Abel. Rôle assez bref si vous vous rappelez cette sombre histoire qui survint dans la Genèse. Caha car il était rare que tout allât bien dans un logement exigu où six personnes devaient cohabiter. Là où ça se passait le moins bien, c’était les samedis et les dimanches d’hiver. Ma mère était frileuse comme une vieille chatte. Mon père supportait mal que l’appartement « sentît la loutre » selon son expression. Ça entraînait immanquablement de nombreuses disputes que ma mère savait lancer plutôt astucieusement. Elle savait pouvoir compter sur la réflexion désagréable qui le lancerait. Elle oubliait souvent que sa réflexion permettrait à mon père de faire montre de l’humour détestable dont il savait faire preuve quand ma mère le titillait un peu trop. Ça marchait à tous les coups, elle sortait perdante de la joute et ils se disputaient jusqu’à ce que le soufflé retombe et qu’arrive l’heure de préparer le repas ou celle des informations à la radio.
Un de ces samedis de février me revient où ma mère s’était levée du pied gauche. Il faisait froid dans la maison, le poêle s’était, comme toujours, éteint vers le milieu de la nuit. Mon père, qui travaillait comme un esclave, devait encore aller faire « des heures sup’ » histoire d’allonger la dose de margarine dans les pâtes –personne n’aimait les épinards et le beurre était trop cher- et ma mère lui demanda d’allumer le poêle avant de partir.
Il aurait dû se méfier, mes sœurs et moi avions depuis longtemps remarqué que, quand notre mère était en forme, elle appelait mon père « Lemmy », quand tout semblait aller pour le mieux entre eux, elle l’appelait « Chéri » et quand elle était « mal virée » elle l’appelait « Gaby ».
C’était un jour néfaste. Il commença par :
- Gaby !
 Mon père, qui la connaissait aussi bien que nous, savait que « Gaby » ça voulait dire emmerdements à brève échéance. Il en profitait parce qu’il savait aussi que quand il l’appelait « ma poule », elle détestait ça et le piétinerait volontiers.
- Oui ma poule ?
Ça ne rata pas. Profitant d’heureuses dispositions pour la chamaillerie elle jeta :
- Hoouuuu ! Je te giflerais quand tu m'appelles « ma poule » je déteste ça ! Il faut rallumer le poêle, les enfants vont attraper la crève !
Il s’y mit, froissa deux ou trois feuilles de « Paris Presse-L’intransigeant », mit une poignée de petit bois par-dessus et la séance commença :
- Fais attention en retirant le bac à cendres, Gaby ! Tu vas en mettre partout.
Silence paternel. Pas même un soupir. Il prit le bac à cendre et le versa dans la poubelle en ne soulevant qu’un peu de poussière. Je le regardais attentivement car, comme tous les petits garçons, j’aimais bien l’idée de jouer avec le feu. Il remit le bac à cendre à sa place, ouvrit la gueule du poêle, prit le seau à charbon et en versa un peu sur le petit bois.
«  Aaaaattttentiooonnn !!! » Cria ma mère, « tu va tout salir !!! »
- Mais non ma poule…
- Je te connais comme si je t’avais fait ! Tu ne sais pas faire le feu !
- Ouais, ben à propos de feu, il y a des jours où je comprends le docteur Petiot…
- Justement, si tu étais docteur, on ne serait pas là, dans ce taudis.
Quand on en arrivait là, nous savions tous que ma mère avait perdu la bagarre qu’elle avait elle-même lancée. Quelques années plus tard, nous saurions même exactement quand elle lancerait la mauvaise réflexion, celle qu’attendait mon père, confiant dans le caractère routinier de ma mère.
- Si j’avais été médecin, je ne t’aurais pas croisée, ma poule…
Et il se mit à chantonner l’air de « Comment épouser un millionnaire ».
Ma mère est partie, vexée, vers le boyau qui servait de cuisine en pestant « j’aurais dû me marier avec un gendarme, au moins ils sont bien logés ! »
Puis mon père est parti travailler…
Il savait, en dehors de chercher des histoires à ma mère, faire des tas de choses qui intéressaient les enfants.
Je vous en raconterai quelques unes, si vous voulez, lectrices chéries.

vendredi, 29 août 2014

J’ai fait mon thé tard...

Et je l’ai bu en lisant les commentaires suscités par ma note précédente.
Ils m’inquiètent.
Ou mes lectrices chéries ont toutes moins de vingt-cinq ans, sauf Mab qui en a vingt-huit, ou elles ont l’entendement qu’elles avaient à cinq ans quand elles prenaient pour argent comptant ce que disaient les adultes, ne soupçonnant pas encore qu’il y a une différence entre une hypothèse et une certitude.
Si si, je vous assure, on peut émettre des suppositions, et même y ajouter des fioritures pour faire joli.
Mais non, lectrices chéries ! Les destins de Merveille et P’tite Sœur ne sont pas scellés ! Si on connaissait l’avenir avec précision, on ne commencerait même pas, sachant comment ça finit.
Oui, lectrices chéries, je peux vous l’affirmer, ça finit mal !
Il ne s’agissait, de la part de JJF et de votre Goût préféré que de supputations partant de l’état du moment de ces deux petites filles.
Nous sommes raisonnablement stupides, nous savons bien que si quelque chose est plus illusoire que les promesses des candidats, c’est la spéculation sur ce que deviendront nos enfants.
Je tiens à vous rassurer.
Fauvette d’abord : Ne t’inquiète pas, nous allons leur laisser vivre leur enfance, nous allons nous contenter de la leur pourrir avec l’école, l’éducation, tout ça.  
Et même, à un moment ou un autre Heure-Bleue leur dira « Non mais ça va pas ! T’as vu à quoi il ressemble ? » car elle aura oublié que le Goût ne ressemblait à rien…
Maevina ensuite : Tu prêches un convaincu. Si tu savais comme j’étais beau quand j’avais dix ans, plus rien à voir avec l’adulte que je suis aujourd’hui.
Et puis Mab : Non il n’est pas facile d’être romantique et heureux.
Et Praline aussi : Oui, il est possible d’être romantique et heureux.
Néanmoins, avoir un heureux caractère aide.
Et on peut être romantique avec un heureux caractère.  Ça s’appelle un « cœur d’artichaut ».
Même JJF qui, a fait de longues études de lettres, sait bien que réécrire la fin de Roméo et Juliette est une entreprise aussi stérile que les tentatives d’Heure-Bleue de me faire ranger mes affaires.
Pour en revenir à Merveille et P’Tite Sœur, la seule chose qu’on peut dire de leur avenir, c’est qu’il ne sera pas drôle tous les jours pour ceux qui partageront leur vie.
Mais je suis sûr qu’au moins, une chose sera drôle.
C’est quand toutes ces hordes de mâles tourneront autour de  ces deux sœurs avec des idées qui ne plairont pas du tout à l’Ours…
A ce moment là, je suis sûr que JJF saura lui rappeler qu’il ne valait pas plus cher que ces jeunes gens et qu’il avait les mêmes idées derrière la tête.
Elle ajoutera même « La preuve : Tu crois que Merveille et P’Tite Sœur ont été livrées par Cigogne Express ? »
J'en ricane d'avance...

jeudi, 28 août 2014

Science friction

Par une chance insigne, nous avons pu dîner chez les enfants, ce mercredi soir.
J’avais amené une bouteille de Bordeaux, le sommelier de notre ex-coin, que je connais depuis plus de trois ans a profité de mes goûts pour me fourguer vicieusement une bouteille de qualité.
Comme chaque fois que je vais chez l’Ours & JJF, P’tite Sœur commence par me faire la gueule tandis que Merveille squatte mes genoux sans vergogne.
Merveille, toujours elle, est venue me voir, tandis que je papotais avec ma fille, JJF.
Elle a commencé, d’un ton hésitant, par me demander si dormir à la maison était possible.
Vous connaissez, lectrices, la faiblesse coupable de votre Goût adoré pour Merveille.
J’ai acquiescé sans réserve. Ce ne fut pas suffisant. Merveille, croyant percevoir une certaine réserve chez son papy, se mit à avoir les larmes aux yeux. L’ours, d’un naturel bourru et qui avait oublié que lui-même avait cette propension à chougner pour rien quand il avait l’âge de Merveille, a râlé sur la précocité de l’adolescence de Merveille.
La réaction normale de JJF a d’abord de pester après l’homme de sa vie. Merveille a dit « mais ne vous disputez pas ! »
Je me suis donc retrouvé entraîné dans la salle de bains par une Merveille pleurante qui s'est installée sur mes genoux.
Une Merveille prétendant à gros sanglots que « papa ne m’aime pas !!! ».
Après une longue séance de consolation, Merveille m'a entraîné dans sa chambre, puis, comme n'importe quelle fille qui ne sait pas ce qu'elle veut, elle m'a dit en se tordant les mains -douée pour le théâtre, cette petite-  « maintenant, laisse moi, papy, je te rejoindrai tout à l'heure... »
Je me suis donc précipité sur mon verre de Bordeaux parce que quand même, hein, faut pas exagérer…
P’Tite Sœur profitait honteusement de la situation pour traîner à quatre pattes dans la maison en foutant le balagan partout.
La P’Tite Sœur se trouva satisfaite d’être ligotée dans la chaise haute avec l’illusion de participer au dîner avec tous.
J’étais à côté de ma fille, celle que m’avait donné la providence et nous discutions du caractère de ses deux filles.
JJF a regardé Merveille avec amour et un peu d'inquiétude.
Puis, après avoir considéré ses deux filles un moment, JJF m'a dit « L’une est une heureuse, l’autre est une romantique .»
Nul besoin de précision, nous savions tous deux qui était qui.
J’ai acquiescé.
JJF dit :
- C’est vrai, non ?
- Oui, ça ne va pas être drôle tous les jours.
- Qu’est ce que ça va donner ?
Je me suis contenté de dire :
- Une s’enverra en l’air, l’autre sera amoureuse…
Nous sommes tombés d’accord. JJF a soupiré :
- Oui... Sans aucun doute...
Pas la peine d’insister, nous savions tous les deux qu'il manquerait toujours à l'une ce que l’autre avait et le lui envierait…
Il n'est jamais facile d'avoir le beurre et l'argent du beurre...

mercredi, 27 août 2014

Je suis serin…

Vous avez vu ce temps, lectrices chéries ?
Un temps à se foutre dans la Seine ! Le SAD va frapper fort ces temps ci…
C’est un temps à se laisser embarquer dans les souvenirs, ça.
Et à se retrouver avec des histoires. Le problème, c’est que les rues de Paris que je parcours régulièrement sont pleines de souvenirs, que beaucoup de celles qui ne me rappellent rien de particulier sont les rues d’arrondissements qui ne me plaisent pas.
J’ai bien un souvenir dans la rue Raffet, plus précisément la portion de cette rue bien pensante entre la rue Jasmin et la rue de la Source, tout près de l’avenue Mozart.
C’est bien le seul souvenir agréable que j’ai du XVIème arrondissement. Cet arrondissement m’a toujours semblé profondément ennuyeux, tout comme le XVème m’a toujours semblé assez tristounet.
Mais le XVème, c’est sans doute parce qu’une amourette, hélas frustrante, m’a fait apprécier modérément le square Saint-Lambert.
Que voulez-vous, lectrices chéries, il y a les jours à pelle, les jours à tarte et les jours à râteau.
Et pour ce que je constate, pour être aller retrouver mini-néphro à l’Hôpital George Pompidou, le XVème n’a pas changé.
On dirait bien qu’une part de Paris a vocation d’être ennuyeuse.
Et si, pour le XVème, j’ai écrit « tristounet », ce n’est pas par goût de l’euphémisme. C’est parce que là, même la tristesse a un côté ennuyeux.
Ce n’est pas la tristesse, la mélancolie qui peut vous saisir quand vous traversez certaines rues quand le temps est à l’unisson, quand Léo Ferré parle de « ce mal qui nous fait du bien ». Ce sentiment qui fait qu’on s’y complairait presque, si on avait des tendances masochistes. Non, non, cet arrondissement là est seulement ennuyeux et j’ai, hâte d’en sortir.
Ah ça ! Ce Paris là n’a rien de commun avec la ville, la vraie ville. Ce Paris dont j’emprunte les rues avec délices. Bon, il y a eu quelques modifications, surtout du côté des Halles mais tout de même, si vous aviez connu les rues Tiquetonne et Rambuteau, pas loin de là où est mort Gavroche, c’était quelque chose. Maintenant, évidemment, Gavroche est devenu un nom de gargote pour touristes et la rue Rambuteau n’a plus rien de commun avec ce qu’elle était avant les années 1970 et la construction du musée Pompidou et du Forum des Halles.
Mais je vous en dirai plus demain.
Ou après demain…