Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 07 octobre 2019

Du plus loin de l'oubli.

John Everett Millais Ophelia.jpg

Ce serait bien que ces mots, par lesquels vous commencerez votre devoir, vous inspirent :

« Sur l’onde calme et noire
Où dorment les étoiles… »

Et ce serait parfait s’il se terminait sur :
« Encore aujourd’hui, il m’arrive d’entendre, le soir, une voix qui m’appelle par mon prénom, dans la rue. »
Entre les deux, vous contez sans compter…
À lundi.
Et n’oubliez pas, quand vous passerez lundi pour lire mon devoir, d’annoncer aux foules avides de vous lire, que vous avez-vous aussi, raconté une chouette histoire.


« Sur l’onde calme et noire
Où dorment les étoiles… »
C’est ce qui m’est venu à l’esprit quand je me suis accoudé au parapet du pont de l’Archevêché.
Oh ! Je n’allais pas la jouer « La blanche Ophélia flotte comme un grand lys »…
Non… En réalité, pour paraphraser Arthur, « la blanche Ophélia flotta dans mon grand lit ».
Ça avait commencé bêtement, au printemps précédent, il faisait beau mais frais en ce mois d’avril.
Il n’y avait que peu de place sur le flanc de l’escalier de pierre ou elle était assise.
La dernière pierre était libre, je m’y suis assis.
Je m’étais retourné et avait été charmé par cette femme à l’air un peu triste.
Et même de mauvaise humeur…
Elle m’avait jeté peu aimablement « Qu’est-ce que vous faites là ? Qu’est-ce que vous cherchez ? »
Pris de court, j’avais haussé les épaules et la seule chose qui m’était venue à l’esprit en voyant sa chevelure rousse avait été d’abord « ben… » puis saisi d’une inspiration subite, j’ai ajouté  « C’est qu’un matin d’avril, un beau cavalier pâle, un pauvre fou muet s’assit à vos genoux ».
Elle a sifflé. Vraiment sifflé. Un sifflement dont elle m’assura plus tard qu’il était admiratif.
Mais pas devant le texte, non, devant ce qu’elle avait appelé « mon culot ».
De fil en aiguille, nous avons appris des tas de choses l’un sur l’autre.
Puis elle n’est plus là.
D’un coup.
D’ailleurs, je crois qu’elle n’allait pas bien, que quelque chose la rongeait.
Depuis j’erre toutes les nuits dans les quartiers que nous avons parcourus.
Je suis passé maintes fois dans cette rue des boutiques obscures.
J’ai même passé des nuits dans le café de la jeunesse perdue.
Mais plus le temps passe, plus je crois qu’elle est morte.
Elle ne serait pas partie comme ça.
Alors je la cherche.
Je la cherche toutes les nuits.
Je parcours les rues où nous sommes passés, silencieusement, examinant tous les porches où nous nous sommes arrêtés.
Encore aujourd’hui, il m’arrive d’entendre, le soir, une voix qui m’appelle par mon prénom, dans la rue.