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mercredi, 26 juin 2024

Quand la réalité dépasse l’affliction.

Avant :
Bon, il y eut quelques modifications depuis...

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Aujourd’hui, un détail m’a frappé.
Enfin, il m’a surtout vexé.
Non que je sois particulièrement susceptible, contrairement à ce que pense Heure-Bleue.
Même si des envies de meurtre me traversent parfois l’esprit dès qu’elle met en doute le fait que je suis un mec absolument parfait.
Ce matin donc, la vexation m’a frappé de plein fouet.
Tandis que je faisais ma toilette, attendant avec impatience de contempler mon corps d’éphèbe, celui qui fit perdre la tête à Heure-Bleue les jours où elle n’avait pas encore trouvé ses lunettes, un détail me frappa.
Le premier de ma toilette.
Alors que je venais de mettre une lame neuve dans mon rasoir, une de ces lames magiques qui coûtent un bras et se mettent à plusieurs sur un support.
Vous savez bien, ces lames « la première redresse le poil, la deuxième tire le poil, la troisième coupe le poil, la quatrième coupe la peau et la cinquième racle le sang qui macule votre menton.
Ce détail ? Déjà, depuis un moment j’avais eu l’occasion de faire la différence entre une peau souple et une peau molle, « mature » disent les publicités.
Eh bien ce matin, et quelques matins précédents soyons honnêtes, j’ai fait la différence entre une peau molle et une peau flasque.
Le moral en berne, j’ai terminé ma toilette, consterné par le fait que je n’arrivais plus depuis près d’un an à mettre mes chaussettes debout.
J’ai découvert ce matin le pire, ce qui semble le début de la glissade vers la tombe.
Il m’a fallu me pencher légèrement pour passer la seconde jambe, la droite, dans mon caleçon en restant droit et debout.
J’ai hésité entre le hurlement de bête blessée, l’appel à l’euthanasie compassionnelle et me dire « et puis m… ! Je sortirai sans caleçon ! »
Je me suis retenu et enfilé quand même mon caleçon en me rappelant le sale regard que jettent mes congénères sur le type dont la braguette est mal fermée…
C’est donc malgré tout rasé de près et de frais, légèrement parfumé, très légèrement faute d’eau de toilette en quantité autre qu'une goutte et habillé que je suis retourné voir Heure-Bleue dans le séjour.
Je mentirais si je vous disais qu’elle a failli tomber de sa chaise en voyant débouler son Apollon préféré mais elle m’a quand même dit «  Mais tu es beau comme tout Minou ! »
Alors ça va mieux…

lundi, 17 juin 2024

La cousine bête...

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J’écoutais Gabriel Attal nous susurrer à mots à peine couvert que dans tout chômeur il y a un cossard qui sommeille et que non seulement ça coûtait un bras mais qu’en plus si on ne les secouait pas, ils resteraient là, sans penser à économiser un sou ni chercher un boulot, à se goberger de l’argent gagné par les gens courageux alors qu’ils devraient se jeter sur un boulot pénible et payé moins des deux tiers de ce qu’ils touchaient auparavant.
Le discours de Gabriel Attal m’a rappelé les leçons d’économie ménagère données régulièrement à ma mère.
Ça m’a immédiatement démontré qu’il y a pire que « Le cousin pauvre », il y a « la cousine bête »…
Les parents pauvres, ce n’est pas drôle tous les jours.
Surtout les jours où on doit aller à l’école en portant un tablier taillé dans la robe de Grande Sœur de l’année précédente alors que des « riches », ceux chez qui la fin du mois arrivait le 22 et non le 17 du mois, avaient de belles blouses grises à peine usées les années précédentes par les trois frères précédents…
C’est gênant surtout les jours de lycée où on doit aller « à la gym » avec des tennis à deux sous quand vos petits camarades de récré y vont en ayant us ac contenant un survêtement et des baskets.
Mais le pire reste la visite dominicale du cousin qui a vendu à votre père sa Traction –une « 11 », pas une « 15 », faut pas pousser-.
Il y avait dans son sillage sa moitié, une cousine persuadée que la dèche est une maladie infectieuse qui s’attrape en allant déjeuner chez des cousins peu argentés.
Immuablement, « les cousins » arrivaient vers midi et demie, le cousin embrassait tout le monde sans façon, jetait sa veste sur le lit en disant « Ça vient cet apéro, Gaby ? » tandis que la cousine, chapeautée comme la reine d’Angleterre, pinçait les lèvres en un simulacre de baiser en tendant à peine la tête pour être sûre que sa bouche n’allait pas toucher de la joue de pauvre.
Le père Le-Gout sortait la bouteille de porto, celle qui devait absolument faire l’année.
Ma mère sortait « les beaux verres », quatre, pas plus, versait une larme dans chaque, nous autres, les gamins avions droit à un verre des « bons Lithinés du Dr Gustin » , l’ersatz de limonade bien connu des années cinquante.
Je haïssais cette andouille de cousine qui tordait le nez en nous tendant un paquet de bonbons et collait un sourire aussi franc qu’un billet de trois francs sur une bouche faite plus pour mordre qu’embrasser.
Au fur et à mesure que les années passaient, malgré des efforts désespérés pour réparer des ans l’irréparable outrage, la minceur de son sourire et de sa peau parvenaient de moins en moins à masquer la méchanceté de cette garce.
« Vous devriez faire des économies, Bobette » disait cette imbécile, la bouche pincée.
Dire à quelqu’un de « faire des économies, Bobette » alors qu’il compte sur les allocs pour nourrir quatre gosses à partir du huit et sur les acomptes pour finir la dernière semaine du mois dénote une inconscience certaine.
Surtout connaissant ma mère. Si elle n’avait pas éprouvé une vive affection pour le cousin, il y a gros à prier que la cousine aurait été jetée dans l’escalier d’une taloche magistrale accompagnée d’un « je t’en ficherais, moi des économies Bobette ! » …

mercredi, 12 juin 2024

C'est le temps de l'amour, le temps des copains et de l'aventure...

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Ce matin, il fait beau.
Enfin… Normalement il fait beau.
Je le vois au travers des volets.
Heure-Bleue est réveillée, je le sais, comme elle sait que je suis réveillé.
Il est huit-heures moins le quart quand j’arrive dans la cuisine, dument mandaté pour la confection du petit déjeuner.
Mon premier geste est d’allumer la radio.
Et j’entends Didier Varrod, « directeur de la musique » à Radio-France, parler de Françoise Hardy.
Didier Varrod à huit-heures moins le quart, c’est un mauvais plan pour la personne dont il parle.
J’entends alors « Beaucoup de mes amis sont venus des nuages. » et il ne fait plus beau.
Pour la première fois depuis très longtemps je suis soudain très triste, je me dis « Oh merde ! Françoise Hardy est morte ! »
Je le dis à Heure-Bleue en train de lire.
Comme elle était plus branchée Gene Vincent que Françoise Hardy, elle me dit « Elle était malade… Elle avait quatre-vingts ans… Son fils nous avait déjà prévenus… »
Je garde donc ma tristesse pour moi.
Mais Heure-Bleue me dit alors « C’est comme si j’avais de nouveau perdu Joëlle dite Madame de. »
De fait nous sommes tristes tous les deux,
Je regarde Wikipédia pour savoir quelque chose que je sais déjà et je dis à Heure-Bleue « Elle est née le 17 Janvier » ce à quoi la lumière de mes jours répond platement « Pfff… Ça ne m’étonne pas, les Capricorne, des chieurs… »
Je l’entends penser d’ici que les Capricorne sont des rêveurs sentimentaux,  elle qui a une conception étrange de la logique mais est bizarrement pragmatique alors que non, c’est même pas vrai.
La preuve, j’ai attendu au moins une semaine avant d’acheter « Tous les garçons et les filles. » alors, hein, si c’est pas avoir un vrai cœur de pierre, ça !
Après ça, ma mère fut terriblement inquiète pour moi.
Elle aurait tant préféré que j’eusse un « béguin » pour Sheila, une fille sérieuse, une fille de commerçants qui savait, elle en était sûre, faire des économies et ne risquait pas de tomber dans ce travers de la passion dévastatrice qui en plus aurait détourné son fils de la personne qu’elle estimait seule digne d’être aimée de lui. Sa maman.
Elle n’aima jamais Françoise Hardy et lui préféra toujours des idoles moins délicates car elle savait bien que si je devais tomber amoureux, ce serait plutôt de Françoise Hardy que de Nicoletta ou Michèle Torr.
J’ai donc perdu aujourd’hui, la première fille dont je suis tombé amoureux, la radio m’a donc arraché la plus grande part de mon adolescence.
Elle avait cette âme mélancolique qui me touchait même si elle fut parfois idiote au point de penser que les communistes allaient lui étouffer ses droits d’auteur…
On parle évidemment de David Bowie, de Bob Dylan, de Mick Jagger qui furent amoureux d’elle.
Qu’ont-ils de plus que les millions de lycéens qui ont rêvé d’elle ?
Nous étions tous amoureux d’elle.
Nous savions tous qu’elle rêvait d’être la femme d’un seul homme.
Chacun espérait que ce serait lui.
Alors qu’avaient ils de plus que nous, ces lascars ?
Alors qu’ils n’étaient justes que beaux, riches et célèbres !
Mais elle qui avait l’âme attachée à l’idée d’être l’amour et la femme d’un seul homme tomba raide dingue d’un type qui avait l’idée d’être l’amour et l’homme de plusieurs femmes qui je pense l’aima au point de lui tenir la main jusqu’à son dernier instant…

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dimanche, 09 juin 2024

Les garçons bouchés.

La note d’alainx de vendredi m’a rappelé quelque chose.
Pour reprendre les mots d’Alainx :
« Ces derniers temps la nuit, je rends visite à mon père décédé il y a 36 ans, parce que je me découvre des choses à lui dire plutôt dans le registre gratitude pour tout ce qu’il a fait pour moi et que j’ai ignoré au temps de son vivant. »

La facilité de jugement impitoyable, position somme toute confortable, surtout si on a à n’assumer aucune responsabilité et qu’on est jeune est aisée, c’est plus tard que vient toujours un moment où on doit juger sa position de juge.
Et c’est là que ça m’est revenu.
Ou « Comment une suite de bévues efface une vie de courage, de blessures, de souffrances, de duretés subies ou infligées et il faut bien le dire, d’amour inconditionnel. »

***

J’ai entendu frapper à la porte.
J’ai ouvert.
Il est entré.
Il traînait encore cet imperméable qui me sortait par les yeux.
L’imperméable « mastic » à coupe dite « raglan », qui datait de la « mode James Bond » de mes années de lycée.
À peine assis, il s’est raclé la gorge et a demandé :
- Tu n’aurais pas une cigarette, fiston ?
Je lui ai tendu mon paquet de « Kent », il en a pris une et s’est tapoté les poches sans rien en sortir.
J’ai tendu mon « Cricket » et il a allumé la cigarette.
Un long silence suivit.
Il s’agitait sur le tabouret, ne sachant pas comment s’y prendre.
Il n’est pas aisé d’aborder certains sujet avec ses enfants, même s’ils ont plus de vingt ans…
Puis, il s’est remis à se racler la gorge et s’est lancé :
- Qu’est-ce qu’elle a ta mère ?
- Quoi ?
- Qu’est-ce qu’elle a ? Elle me laisse tout seul là-bas, dans la maison de campagne, au diable et elle ne me parle pratiquement plus…
- Tu as quand même exagéré, papa, tu ne trouves pas ?
- Mais qu’est-ce que j’ai fait ?
- Qu’est-ce que tu n’as pas fait, plutôt… Pas de boulot, tu viens, tu fumes, tu manges, tu gueules, tu es invivable.
- Ouais mais quand même ! On est marié depuis longtemps.
- Si peu mariés depuis un moment…
- Alors, quoi ?
- Ben maman en a marre et nous aussi !
Il a pris cette expression de chien battu qui donne envie de le battre.
Il a même tenté, en comédien accompli, la larme au coin de l’œil…
- Ben qu’est-ce que je dois faire ? Hein ? Dis-le !
- Mais tout le monde en a marre de ces cinémas !
- Et alors ? Hein ? Alors !
- Alors va-t’en, papa ! Va-t’en !!! C’est tout !
Il s’est redressé, comme s’il avait reçu un coup en traître puis s’est levé avec l’air d’avoir cent ans.
Il a attrapé son imperméable sur le crochet de la porte et est parti.
Je savais qu’il irait au café, prendrait un ou deux whiskies et repartirait à la campagne.
Sans même vérifier qu’il avait assez d’’essence pour y arriver.
Comme toujours... L’imprévoyance personnifiée...
J’ai refermé la porte, me suis assis sur le tabouret qu’il venait de quitter et ai éteint sa cigarette qui se fumait seule dans le cendrier.
Je me suis accoudé à la table et une vague de honte irrésistible et soudaine m’a submergé.
Je me suis d’un coup rendu compte j’avais foutu mon père à la porte de la maison !
J’avais mis à la porte l’homme qui m’avait élevé et avait été si gentil avec nous tous…
Qu’allait-il devenir ?
Il est si facile d’être impitoyable, de juger sans savoir.
Alors, toujours accoudé, la tête sur les bras, j’ai senti les premières larmes.
Puis de gros sanglots ont suivi.
Le chagrin des choses irréparables a suivi la vague de honte de les avoir dites…

vendredi, 07 juin 2024

Guère épais...

Heure-Bleue a fini son bouquin « En finir avec Eddy Bellegueule ».
Alors je l’ai pris et ai commencé à le lire.
Hé bé…
Comment ce gosse a-t-il pu grandir dans un tel environnement hostile.
Avec le recul de l’âge, je me dis que bien qu’il ait souffert, c’était finalement un « guerrier ».
Un vrai, un qui souffre mais ne se laisse pas abattre, entouré d’ennemis qui obéissent à un motif répandu.
Ce motif réel répandu chez les racistes qui pensent avoir de bonnes raison de haïr « l’autre » alors que la seule raison plausible qu’ils devraient s’avouer c’est « je ne le comprends pas donc je ne l’accepte pas ».
Ce gosse, Eddy Bellegueule dont je me demande en lisant son bouquin comment on peut être affublé d’un nom et d’un prénom comme ça.
« Eddy », je vous demande un peu à quoi ça sert si tu ne t’appelles pas « Barclay » ou « Mitchell ».
Quant à « Bellegueule », tu te demandes si ce n’est pas un surnom jusqu’à ce que tu apprennes que sur la carte d’identité de tes parents il y est écrit « Bellegueule ».
Ce gosse, avec un nom comme ça est désigné à la vindicte de ses camarades, en fait des tortionnaires.
Quand on est enfant et qu’on est jeté dans un milieu où la compétition n’est pas tant scolaire que guerrière, on doit d’abord résister, s’intégrer ou se battre pour rester soi-même et à l’écart.
Mais en lisant ce bouquin d’Edouard Louis, les années ayant apporté leur lot d’enseignement, après l’avoir plaint de tout mon cœur, une question s’est posée, lancinante : Comment ont été élevés ces tortionnaires pour qu’à peine mis en contact avec d’autres congénères ils se transforment en une meute de chiens face à un gibier inadapté à la lutte pour la survie en milieu hostile.
Comment a-t-on pu enseigner à ces enfants qu’il fallait martyriser un garçon qui a une voix plus aiguë que les autres, des façons moins brutales, des gestes qui ne sont pas ceux du déménageur.
Il semblait indispensable de lui cracher dessus, de le traiter de « pédé ».
En douce évidemment car être courageux dans certains cas semble surtout être capable de lâcheté au cas où quelqu’un leur apprendrait à se tenir correctement en utilisant leurs méthodes.
La lecture de la suite me renseignera sûrement.
Mais me semble déjà savoir ce qui risque d’arriver à ce gosse s’il ne se défend pas bec et ongles.
Je le sais, j’ai été précipité dans un milieu comme ça dans l’enfance et n’ai dû à un entraînement sévère dans mon quartier de m’être sorti par la force de ces tortionnaires mal surveillés par des gens dont le boulot est normalement de maintenir la paix même en dehors des classes.
Je vous dirai comment ce gamin, dont je sais qu’il va s’en tirer, fait son chemin dans une vie et un milieu rendu sauvage par la pauvreté, la volonté « d’endurcir ce gosse » avec des méthodes qui ont montré leur inefficacité sur leurs propres parents…