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jeudi, 20 novembre 2014

Qu’a fait au laid la belle ?

De rien, Mab...
Arrivés au café nous nous assîmes côte à côte, mobilisant deux tables rondes que nous avons éloignées du mur pour pouvoir mettre quatre chaises les unes à côté des autres.
J’avais convaincu mon copain que d’abord c’était à lui de porter les tables, ensuite qu’il était plus prudent d’éviter le face à face immédiat.
Fallait vraiment tout lui apprendre, je me suis demandé comment il avait fait pour ne plus être puceau…
Je dus lui expliquer, alors que nos possibles futures camarades de jeux attendaient patiemment la fin de notre petit déménagement, que « face à face » ça veut dire « inspiration immédiate et sujet de conversation passionnant d’entrée », si possible avec « en face de toi des yeux qui te mangent du regard et une fille qui boit tes paroles ».
Je n’eus pas à insister pour qu’il saisisse d’un hochement de tête que ce n’était pas le truc qui arrivait comme ça, sauf coup de foudre improbable.
J’ai amené Françoise à s’asseoir sur la seconde chaise tandis que mon pote amenait Nicole à s’asseoir à côté de sa copine.
Alors que Bernard s’asseyait à côté de celle qui l’attirait je me suis assis à l’autre extrémité et ai regardé ma voisine. Elle m’attirait aussi.
Contrairement à ce que prétendait Bernard, elle n’était pas maigrelette, elle était très mince et avait le je ne sais quoi d’un peu réfrigérant qui me fit me demander pourquoi je jetais toujours mon dévolu sur des filles aux traits aigus, qui avaient l’air de marcher sur des œufs et à peu près aussi accessibles que le Koh-i-Nor.
Bernard était muet, celle qu’il espérait amener dans ses bras, muette itou.
Les lèvres de celle que j’espérais attirer dans les miens s’étiraient légèrement en un mince sourire narquois. La garce…
J’ai osé :
- Vous croyez que vous allez nous décourager comme ça ? Mais vous ne nous connaissez pas !
- Alors allez ! Intéressez moi ! Proposez moi quelque chose !
- Vous savez que c’est risqué ça, comme injonction ?
- Pfff… Vraiment… Vous êtes tous pareils...
- Ah mais non, je suis bien mieux ! Bon, on ne va pas commencer comme ça…
J’ai embrassé la compagnie du regard et ai demandé :
- Qu’est-ce que vous prenez ? Françoise ? Nicole ?

En expert de la prétérition, j’allais écrire que je n’aimais pas le prénom « Nicole » mais je me suis rappelé à temps qu’une de mes lectrices chéries s’appelle Nicole…

Le garçon a fini par arriver. Comme d’habitude, j’ai demandé la boisson des temps chauds, le diabolo fraise, les autres les leurs et nous avons commencé à converser.
Plus exactement, les deux autres se sont lancés dans une conversation tandis que Françoise attendait désespérément, en réalité narquoisement, que je trouve quelque chose d’intéressant à dire.
J’ai tenté un truc improbable. Le truc qui allait soit causer un fou rire, soit amener un air de commisération mortel pour mon entreprise.
Je sentais qu’elle était du genre à apprécier le second degré un peu déjanté.
Alors j’ai osé, avec du mal à ne pas rire :
- C’est à vous ces beaux yeux ?
Ça a marché. Elle a d’abord pouffé, envoyant une vaporisation de diabolo menthe sur le trottoir puis a ri de bon cœur…
- J’ai eu peur vous savez, c’était un coup à vous voir lever les yeux au ciel et partir.
- Si j’avais pensé un instant que vous étiez sérieux, c’est ce que j’aurais fait…
Nous avons commencé à nous poser des questions sur ce que nous étions, faisions.
Je lui ai demandé ce qu’elle attendait, espérait et autres bonnes raisons d’échanger des paroles. Comme tout le monde, elle ne demandait qu’à parler. Elle parla.
Et pendant que j’écoutais sa voix plutôt douce, je me disais qu’il ne me restait plus qu’à obtenir un rendez-vous prochain.

mercredi, 19 novembre 2014

Ah… Faire un tour dans la gironde…

Nous descendions donc la rue de Steinkerque qui n’était pas dans la débine où elle est aujourd’hui.
Tandis que j’avais remis à une journée plus faste l’idée de me faire câliner par quelqu’un d’inconnu, Bernard qui scrutait avec attention me donna un coup de coude.
Mon désenchantement s’évanouit d’un coup.
Sur le trottoir en face, deux jeunes filles descendaient elles aussi vers le boulevard.
Chaussées de ballerines, elles avançaient d’un pas souple et le balancement de leur minijupe nous remontait le moral et surtout nous faisait nous perdre en supputations sur la meilleure façon de les aborder.
J’ai freiné un instant l’enthousiasme de mon pote.
- Du calme ! On ne sait pas à quoi elles ressemblent ! Si ça se trouve elles ont plein de boutons et des dents en bois…
- Si elles sont bien, moi c’est la blonde, elle est pas comme l’autre, au moins « il y a de quoi ».
Je voyais bien ce qu’il voulait dire. Il aimait les filles plutôt en chair, contrairement à moi qui ai toujours eu du goût pour les ablettes. Celles dont il me disait « mais qu’est-ce que tu veux faire avec ça ? Y rien à bouffer sur un piaf comme ça ! »
- Allez, on y va !
Il a acquiescé et nous avons allongé le pas de façon à voir leur visage.
C’est ça la flemme. Ne pas se précipiter dans une séance genre parade nuptiale et se trouver tout bête devant quelqu’un que tu ne connais pas et que tu n’as surtout pas envie de connaître.
Nous les avons dépassées, elles étaient en pleine conversation et ne prêtaient pas attention aux deux types qui allongeaient le pas sur l’autre trottoir.
Nous avons regardé avec attention les deux filles. La blonde me semblait quelconque mais avait l’air de satisfaire Bernard.
L’autre, celle qu’il appelait « la maigrelette » était une fille aux cheveux châtains que je trouvai ma foi fort mignonne.
Mon copain dit alors :
- Non seulement elle est épaisse comme un casse-dalle de chômeur mais en plus elle est salement pâlichonne… 
- Mais non, c’est juste qu’elle a la peau claire.
Je n’ai pas dit qu’elle me plaisait drôlement, celle-là.
Il ajouta :
- Tu vas voir qu’en plus elle est malade.
Puis, après quelques pas :
- La blonde elle est bien, quand même… Allez, vas-y, après tout, le baratineur c’est toi !
Je n’avais aucune idée de ce que j’allais bien pouvoir dire mais il y a des moments où il faut se lancer. J’allais d’abord essayer de « vendre » mon pote, on verrait bien…
J’ai traversé, me suis placé devant la paire de filles et ai dit gentiment :
- dites moi, j’essaie le « on ne s’est pas déjà rencontré ? » ou « Vous habitez chez vos parents » ou je tente autre chose ?
Un silence profond avec un je ne sais quoi de vexant suivit…
- Si je vous dis « vous voulez boire quelque chose de rafraîchissant avec mon copain ? » vous voudrez bien ?
« Boulotte » semblait trouver la proposition intéressante mais « maigrelette » ne disait toujours rien.
- Vous voulez bien nous épouser après-demain ou vous vous allez vous demander où on veut en venir ?
« Pourquoi après demain ? » a demandé « boulotte »
« On voit très bien où vous voulez en venir… » a dit « maigrelette ».
Voyant que les filles avaient commencé à parler, Bernard s’est donné la peine de traverser.
Il s’est précipité sur « boulote » en tendant la main « Bonjour, moi c’est Bernard ! »
Elle lui a souri.
Le coup de coude de « maigrelette » n’arriva pas assez vite pour empêcher « boulotte » de répondre « Nicole. »
Je suis passé à la droite de maigrelette –eh oui, toujours cet œil…- en lui disant « je m’appelle Patrice et vous ? »
Elle a eu un petit sourire un peu pincé et a fini par lâcher « Françoise »
Bernard, disert maintenant que le plus dur était fait, a demandé :
- On va le prendre, ce rafraîchissement ?
Nous avons continué jusqu’au café au coin de la rue de Dunkerque et de la place d’Anvers.
Les négociations avec « maigrelette » s’annonçaient ardues…

mardi, 18 novembre 2014

Les amourettes, c’est une affaire de tripes.

De rien, Mab, de rien…
Il en va des amourettes comme du jardinage.
Il y a ces jardins dont on ressort plus souvent avec le souvenir d’un râteau sur l’amour propre que celui d’une pelle sur les lèvres…
Vous rappelez vous, lectrices chéries, cette devinette, que dis-je ce défi, posé par Liliplume ?
Mais si, voyons ! Liliplume était sûre que je ne connaissais pas le square Saint Lambert.
Je lui avais affirmé que si.
Et pour cause, je connais ce square.
Il m’y est arrivé quelque chose, plutôt quelques choses, dans ma jeunesse folle et estudiantine.
J’avais un copain avec qui j’étais resté en relation quoique nos chemins se soient séparés depuis qu’il était entré comme technicien à la RATP.
Ce lâcheur tomba raide dingue d’une Anglaise venue passer quelques jours de vacances à Paris et lâcha une carrière de fonctionnaire et un espoir de retraite à cinquante ans pour une blonde aux yeux bleus.
L’Anglaise quant à elle, ramènera « at home » son souvenir de vacances, se mariera avec et je ne reverrai mon pote qu’une seule fois, des années plus tard.
Ce copain, Bernard R. abandonnera la rue Championnet pour l’Angleterre peu après cette histoire où le square Saint Lambert a sa place.
C’est donc par un de ces après-midi d’été vides de sens et de compagnie que nous étions allés traîner au Sacré-Cœur.
Il y a comme ça, dans la vie, des moments de solitude que le garçon est tenté de combler un peu n’importe comment.
Je peux même vous dire qu’à ces moments, Musset se plante grave en affirmant « l’Amour est le grand point. »
Pas du tout, mais alors pas du tout. Seule est vraie la suite.
« Qu’importe la maîtresse, qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse »…
Nous nous sommes assis pour bavarder à une place stratégique, dans une des allées à larges marches qui menaient en zigzagant, de l’esplanade  de l’entrée à l’avancée qui mène au parvis de l’église.
Nous avons pris place sur un banc qui marquait le coude central de l’escalier.
Cet escalier était prévu entièrement pour ce que nous venions y faire.
Il était fait de marches pas très hautes qu’il fallait plus d’un pas pour franchir en largeur. Un peu comme une route en lacets permet d’atteindre un sommet sans que l’affaire ne tourne à l’escalade.
Cet escalier faisait quelques coudes pour permettre aux gens de monter toute la colline sans arriver sur le parvis à la limite de l’infarctus.
L’avantage corollaire était que ceux qui montaient vers l’église ou descendaient vers le boulevard de Rochechouart le parcouraient en flânant.
Et ça nous arrangeait…
Nous bavardions donc en balayant du regard les deux volées de marches dans l’espoir d’y voir deux filles qui nous aideraient, si nous nous y prenions bien, à franchir l’épreuve de l’été…
Oui, comme les flics, les filles dans les jardins publics allaient souvent par paires.
Paires souvent désassorties.
Au bout d’un long moment, nous en eûmes assez d’attendre en plein soleil alors nous sommes descendus pour boire quelque chose.
Nous continuâmes à regarder les gens tout en descendant vers le boulevard.
Et nous les vîmes…

lundi, 17 novembre 2014

T'es à moi comme t’es à l’amante...

Hier, nous avons écouté un moment André Dussolier.
Enfin surtout regardé.
Surtout Heure-Bleue.
Nous en avions gardé le souvenir d’un acteur de qualité.
D’un acteur qui savait aussi nous faire rire dans « Tanguy » ou dans « Trois hommes et un couffin ».
Parfois d’un type agaçant quand il se commettait dans des pochades.
Mais bon, il faut bien payer les impôts aussi…
Nous nous sommes alors perdus en conjectures sur le nombre d’acteurs et d’actrices qui avaient vécu avec les uns ou les autres.
Le théâtre et le cinéma, c'est vraiment une grande famille, un milieu où on est proche...
Je me suis demandé si Sabine Azéma, dont on venait de parler à l’instant, s’était éclatée avec Pierre Arditi ou bien...
Puis Heure-Bleue m’a dit qu’elle avait été mariée avec je ne sais qui avant d’épouser Alain Resnais et que Pierre Arditi partageait la vie d’Evelyne Bouix depuis longtemps.
En réalité, tout ceci n’a pas d’importance.
Heure-Bleue a regardé l’écran.
Moi aussi.
J’ai demandé :
- Mais quel il a âge a, Dédé ?
- Dédé ?
- Oui, André Dussolier ?
Gentille, Heure-Bleue l’a regardé et m’a dit :
- Il a une drôle de tonsure…  Pas du tout toi…
Je sais que mes tifs s’éclaircissent à la naissance de la chevelure mais on m’avait déjà renseigné lors de cette affaire de « cheveux de vieux » alors j’ai juste opiné du chef.
Puis j’ai insisté :
- Je vais aller regarder sur le Net, pour savoir… Pour son âge… 
- Tu ne sauras pas, ils mentent… 
- Non ! Tous ?
Elle a insisté :
- Ils mentent tous. Même les mecs…
Je n’aurais peut-être pas dû ajouter :
- Hon hon… Et même les tilleuls…
Quoi que je l’eus dit mezzo voce Heure-Bleue m’a jeté un tel regard de commisération que j’ai encore honte.
Mais que voulez-vous, lectrices chéries, je n'ai jamais pu résister...

dimanche, 16 novembre 2014

Monuments hystériques…

Il y a des jours comme ça où le temps est à l’orage…
Il suffit de peu pour que ça parte en vrille.
Une réflexion d’autant plus malvenue que j’aurais pu la garder pour moi si j’avais écouté plus attentivement la lumière de mes jours, par exemple...
Il ne s’agissait pas là de lumière mais de chauffage.
Et ça a chauffé, justement…
Ça m’a permis de me rendre compte que malgré le passage des décennies, peu de choses sont oubliées.
Notamment les choses désagréables.
Heure-Bleue, qui me taxe parfois d’Alzheimerisme avancé me reconnaît une mémoire plutôt fidèle.
Je peux vous assurer que la sienne l’est bien plus.
Je ne parle pas des reproches habituels qui vous viennent à l’esprit quand vous vous chamaillez, non, je vous parle de toutes ces petites choses que vous avez balancées au cours de votre vie.
Et c’est fou ce qu’on a pu envoyer comme vacheries en plus de quatre décennies.
J’ai tendance à les oublier et, de fait je ne m’encombre pas la mémoire avec ça.
Ce n’est pas la peine.
Si j’ai un trou de mémoire, je n’ai qu’à chercher querelle à Heure-Bleue, elle me les ressortira toutes.
Depuis la vanne lancée en juin 1971 à propos de mon retard – nous avions rendez-vous et je suis arrivé des heures en retard- jusqu’à ce « c’est futé, ça, de laisser le chauffage sur 20°C et laisser la fenêtre grande ouverte toute la nuit ! On chauffe la rue maintenant ? » nous en avons eu, des escarmouches.
Du coup, quand l’annuaire de tout ce que j’avais balancé comme vacheries a commencé à m’être jeté à la figure ligne par ligne, eh bien, lectrices chéries, je ne me suis pas esbaudi de mon sens de la répartie.
Non, non, non, pas du tout.
Je me suis enfui à mon rendez-vous avec cet ami.
Nous devions aller voir une expo photos au Grand Palais.
Ça a achevé le naufrage de la journée.
Tout ce que nous avons gagné, c’est de ne pas faire une queue de deux heures pour entrer.
En réalité il ne s’agit pas d’une expo mais d’un salon dans lequel des galeries tentent de vendre des tirages photo à un prix indécent.
Et pour avoir le droit de regarder des tirages photo, même si certains sont très beaux, ma carte de bancal fut sans effet.
L’entrée était à 30 €.
Bon, il y avait des tirages à 30.000 € mais tout de même, payer pour visiter une boutique...
J’ai quand même vérifié une fois de plus, à voir certaines photos, qu’il n’est pas si courant qu’une femme soit aussi belle nue qu’habillée.
Du coup je suis content d’avoir marié Heure-Bleue…
Il me faudra juste faire attention à « ne pas avoir la langue avant les dents » quand une vanne me viendra à l’esprit…