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samedi, 18 avril 2015

On pêche petit et c'est très bien, on pèche grand et c'est tellement mieux…

Il me vient un truc, lectrices chéries, à voir le ciel et ses minces vagues de brume ce matin.
Et c’est Pennylane qui vit près d'un coin de mariniers qui me le rappelle.
On dirait un de ces matins où mon père m’emmenait à la pêche.
Je vous ai déjà parlé de Nadia ?  Une cousine de ma mère, plutôt de ma grand’mère ?
Vaguement Gitane ou Russe, on ne sait jamais dans cette famille maternelle que ma mère disait si gauloise.
Elle le fut, gauloise.
Dans l’autre sens, celui qui favorise les rapprochements inattendus.
Ces rapprochements qui rappellent qu’un Indochinois, à défaut d’entrer dans la famille entra dans une de mes aïeules
Cette Nadia, je m’en souviens surtout comme quelqu’un de brun, très brun, avec une voix un peu « roulante » et des yeux qui n’étaient pas comme ceux du reste de la famille, bruns, très bruns, mais plutôt brun-vert avec des paillettes d’or dedans quand il faisait beau.
Mon grand-père paternel était le seul qui n'était pas un pruneau et avait les yeux verts.
Je me souviens aussi de Nadia comme d’une femme pas jeune mais tout le monde était vieux quand j’étais petit. Sauf mes sœurs…
Chaque fois que je l’ai vue, elle était vêtue d’une veste de tricot de couleur prune et d'une blouse bleu-marine à petites fleurs blanches et mauves.
Elle nous interdisait d’aller traîner le long du canal et nous en dissuadait en nous disant « les noyés tirent les enfants qui passent trop près de l’eau par les pieds et les entraînent dans leur monde ».
Après un silence inquiétant elle ajoutait « c’est un monde affreux où tout le monde pleure et a mal… »
Mon père nous emmenait à la pêche avec lui, on était au bord de l’eau alors je savais bien que les noyés ne pouvaient pas me tirer par les pieds.
Au pire, si on tombait dans le canal, il n’y avait que des gardons et des goujons.
Oui, lectrices chéries, à l’époque il y avait encore des goujons dans le canal.
Et je savais que les poissons mangeaient des asticots, des vers de vase et des pâtés bizarres jetés par les pêcheurs, pas les enfants.
Je l’ai dit à Nadia. J’ai eu tort. Je ne l’ai su que plus tard mais elle détestait être contredite, surtout par des petits enfants. Pire, elle connaissait des histoires encore pires que les histoires de Berrichons, tous vaguement sorciers, que racontait ma grand’mère.
Elle s’est enfoncée dans le fauteuil de la grande pièce, m’a jeté un regard attentif, presque mauvais.
J’ai encore dans la cervelle ce moment. J’ai détourné les yeux, j’étais sûr que c’était une sorcière. Elle m’a dit « regarde moi quand je te parle, mon garçon ! »
Elle m’a raconté une histoire de bateau qui perdait sa cargaison chaque fois.
Le marinier –elle avait été marinière elle aussi, comme ma grand’mère et mon grand-père - était désespéré, non seulement il perdait ses cargaisons mais il était depuis toujours malade. Il a fait appel à un type qu’elle appelait « meneux de leu ».
Le type a fouillé le bateau et a trouvé au fond de la cale une bouteille contenant quelque chose. Elle n’a jamais su quoi sauf que c’était maléfique et que ça avait été mis là après la noyade d’un autre marinier.
Elle a continué l’histoire, disant « tu vois mon garçon ? Il a donné la bouteille à un verrier du côté du Gâtinais. »
J’écoutais de toutes mes oreilles.
« Trois fois la bouteille est ressortie du four ! A la fin, il a si vite fermé la porte que la bouteille est restée. »
J’ai dit « Et alors ? »
Elle m’a encore jeté ce regard et a dit « La coulée de verre a été perdue mon garçon ! Oui ! Perdue ! »
Je n’étais pas tranquille du tout. C’était pire que les histoires de ma grand’mère.
Elle m’a pris sur ses genoux et m’a assuré que « les noyés, c’est une sale engeance mon garçon, ça se venge, je le sais, j’ai passé toute ma vie sur un bateau, je n’ai jamais voulu apprendre à nager… »
Plus tard, j’ai appris que les noyés revenaient assez peu sur les berges autrement que ramassés par les pompiers, n’attrapaient pas les enfants et qu’un « meneux de leu » c’est « un meneur de loups », un truc de Berrichon.
Non mais quelle famille…

Commentaires

Ah oui quelle famille romanesque!

Écrit par : mab | samedi, 18 avril 2015

Je comprends mieux ton attirance pour les peaux claires ......

Écrit par : Boutoucoat | samedi, 18 avril 2015

ha!! oui!! très rassurante cette histoire !!!!

Écrit par : maevina | samedi, 18 avril 2015

Super. Merci.

Écrit par : Berthoise | samedi, 18 avril 2015

Une famille qui t'en donne des histoires à raconter!

Écrit par : livfourmi | samedi, 18 avril 2015

Chez nous , il se disait que l'arrière grand- mère était anglaise , en fait , elle était bretonne et personne ne comprenait son langage !

Écrit par : Brigitte | samedi, 18 avril 2015

tu l'as dit : quelle famille!!!!! Tu en a d''autres comme çà ???

Écrit par : emiliacelina | samedi, 18 avril 2015

Moi j'y crois aux sorcières !

Écrit par : pennylane22 | dimanche, 19 avril 2015

"J’ai encore dans la cervelle ce moment". J'aime beaucoup cette expression qui dit vraiment la force de la trace que peut laisser un regard, une odeur, un goût....

Écrit par : marie-madeleine | mercredi, 22 avril 2015

Les commentaires sont fermés.