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samedi, 08 août 2015

Vue sur la mère...

Pour en revenir à ces « promenades solitaires à plusieurs », ma grande sœur ne prenait pas du tout le chemin de mon père.
Quand elle eut atteint une quinzaine d’années, elle s’était mise à avoir des envie de solitude, elle ne jouait plus avec nous que sur injonction maternelle et ça l’ennuyait prodigieusement.
La seule chose qu’elle faisait assez volontiers, c’était « jouer au baccalauréat » et recopier interminablement la liste du « langage des fleurs ».
Malgré tout, elle détestait « jouer au baccalauréat » avec mes sœurs.
« Souricette » avait une orthographe approximative  mais il y avait pire, la benjamine trichait de façon scandaleuse, inventait des mots et hurlait quand on lui disait que tel ou tel mot n’existait pas.
Je me rappelle une de ces chamailleries, la lettre choisie était la lettre « N », quand, dans la colonne « animaux » elle avait écrit « nourse », la guerre avait éclaté.
- Nourse, ça n’existe pas ! Avait lancé Grande Sœur.
- Ah mais si ! Avait rétorqué Benjamine.
- Mais non enfin !
- Ah bon ? On ne dit pas « un nourse » peut-être !
La partie était terminée, les feuilles volaient, la petite déchirait, la grande l’aurait piétinée, « Souricette » piaillait, je soupirais et ma mère distribuait les taloches pour calmer tout le monde.
Sauf à « Souricette » qui savait bien jouer du violon…
Alors je me mettais à côté de ma grande sœur qui écrivait « Amarante, amour fidèle »
Et, au milieu de la feuille, avec un soupir à fendre l’âme d’un usurier « Immortelle, amour éternel »…
Elle arrivait même à prendre un teint plus comme celui qu’elle avait après avoir couru quand elle écrivait « Rose rouge, amour ardent ».
Si c’était le début de l’après-midi, elle demandait :
- Maman ?
- Hmmm ?
- Je peux aller faire un tour…
- Ou vas-tu ?
- Je peux aller au Sacré-Cœur ?
Si elle avait de la chance, ma mère disait :
- Emmène ton frère et ramène un pain en rentrant…
- Merci maman.
- Un pain de chez Galy, hein ! Et fais attention aux Arabes ! Ne passe pas par la rue Neuve de la Chardonnière, il y en a plein !
Ma grande sœur me prenait la main et on descendait les quatre étages.
Elle m’arrêtait à la moitié de l’étage, me disait « fais pipi, et attends moi »
On partait vers le Sacré-Cœur, j’aimais bien y aller avec ma grande sœur. Elle me racontait des choses sur ce qu’elle voulait. Elle voulait mettre du rouge à lèvres, avoir une jupe droite, des mocassins rouges. Je les ai eus plus tard, ces mocassins…Mettre des bas, ce qui lui valu une paire de claques peu de temps plus tard. Et nous rejoignions le boulevard Ornano au métro Simplon, nous le traversions et elle prenait la rue Joseph Dijon, en regardant attentivement partout, comme si elle cherchait quelqu’un.
Je savais qu’on passerait par le square Clignancourt.
Ce square est devenu « Square Maurice Kriegel Valrimont » depuis peu.
Sûrement pour célébrer la déesse « Baraka » parce que franchement, quand tu es juif, résistant et communiste, t’es comme Krasucki, tu cumules cher.
Alors en plus réchapper des années 40 après avoir été arrêté, c'est fort …
Bref, arrivés au square Clignancourt, on le traversait et elle avait toujours l’air de chercher quelqu’un. Alors elle soupirait. Elle ne m’a jamais dit ce qu’elle cherchait…
Je vous raconterai le chemin la prochaine fois parce que là, je me suis laissé entraîner à la digression.
Mais on a le temps, hein, lectrices chéries…

Commentaires

Cela me rappelle , aussi, mes promenades solitaires, le regard en coin :)

Écrit par : Nina | samedi, 08 août 2015

J'adore quand tu digresses.

Écrit par : Berthoise | samedi, 08 août 2015

Et surtout, on va le prendre le temps...raconte-nous!

Écrit par : Lumières&papiers | samedi, 08 août 2015

sûr! Prends ton temps ! ....mais pas trop !
Robert est le spécialiste pour inventer des mots inconnus! Il dit qu'il ne voit pas pourquoi il n'aurait pas le droit d'en inventer lui aussi ! Je me demande où il va les chercher!

Écrit par : emiliacelina | samedi, 08 août 2015

Je ne connais pas du tout ce quartier mais mon arrière grand-père habitait bd d'Ornano au n° 38.
Ma petite fille, 12 ans, t'aurait expliqué que Grande Sœur " entendait l'appel de l'amour " !

Écrit par : Sauve qui veut | samedi, 08 août 2015

porte de clingnancourt et son marché

Écrit par : pucca | dimanche, 09 août 2015

La fameuse station de métro!

Écrit par : livfourmi | mardi, 11 août 2015

Les commentaires sont fermés.