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jeudi, 17 novembre 2022

L’espace d’un instant…

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J’ ai lu la dernière note d’Alainx, je le remercie d’avoir inspiré celle-ci.
Je dois dire que j’ai, comme lui parfois, la sensation de radoter.
Sauf que je radote pour de bon.
Ce n’est pas une volonté délibérée, c’est simplement que les mêmes questions reviennent régulièrement occuper ma cervelle parce que je leur cherche vainement une réponse.
Pourquoi la rue Turgot, pour ne parler que d’elle reste-t-elle coincée dans ma mémoire de façon irréversible ?
Alainx se demande régulièrement pourquoi il a l’impression que ses « cloisons intellectuelles se gondolent ».
La belle affaire ! Il n’est pas le seul !
Les miennes se sont effondrées il y a longtemps.
Non quand je me suis aperçu que j’étais mortel mais avant.
Quand je me suis demandé pourquoi la sensation de solitude et de fuite du temps et des amours se faisait si lourde.
Pourquoi diable cette boulangerie du coin de la rue Ronsard et de la rue Charles Nodier reste-t-elle accrochée à ma mémoire comme le morceau d’albuplast l’est au doigt du capitaine Haddock alors qu’elle a disparu ?
Et je cherche, et je gratouille ce neurone rétif jusqu’à ce que surgisse cette petite fille.
C’est lancinant ces souvenirs qui ne veulent pas resurgir quand on les sollicite.
Je pense parfois à cette boulangerie « l’espace d’un instant »…
Il matérialise très bien ce « paradoxe du bonheur triste », celui que je nomme in petto le « syndrome du radotage intérieur », ersatz du voyage dans le temps…
Vous ressentez soudain le bonheur d’avoir vécu l’instant, et êtes écrasé par la certitude qu’il s’est enfui à jamais.
L’instant qui me vit, marchant lentement, mon cartable me battant le mollet.
J’étais tout seul et flânait car il faisait beau et doux alors arrivé place Saint Pierre, je suis entré dans le jardin du Sacré-Cœur, suis sorti rue Paul Albert pour descendre les escaliers jusqu’à la rue Ronsard.
Je me suis arrêté devant la vitrine de la boulangerie pour regarder les gâteaux, juste à côté de la porte.
Un instant plus tard elle est sortie, son cartable dans une main, un « pudding » dans l’autre.
La boulangère a crié « la porte ! » quand elle est sortie, tirant la porte de son coude, les deux mains encombrées.
J’ai dit « je peux fermer la porte ».
Je ne sais pourquoi j’ai dit ça.
Peut-être, sûrement même, parce que je trouvais jolie.
Elle a dit « oh merci ! », j’ai fermé la porte.
Quand je me suis retourné elle m’a tendu son cartable.
Elle a repoussé le papier, a arraché un petit morceau du « pudding » et m’a dit « tu en veux ? »
J’ai juste hoché la tête et, les deux mains encombrées, je me suis penché.
Elle a glissé délicatement le petit morceau de « pudding » entre mes lèvres et a dit « T’es en quelle classe ? «
J’ai eu soudain très chaud aux oreilles, je le sais bien.
J’ai réussi à avaler ma salive avec la petite bouchée de « pudding », je l’ai regardée et j’ai dit « en sixième… » elle m’a répondu « Oh ! Moi aussi ! »
Elle n’a pas dit « Ah ! », elle a dit « Oh ! » et j’ai trouvé ça plus joli.
Avant de descendre la rue André Del Sarte, je l’ai suivie du regard tandis qu’elle descendait la rue Charles Nodier.
Nous n’étions pas du même monde…
Mon dieu que j’ai envié son monde à ce moment, le mien était bien plus dur…
J’ai suçoté ce morceau de « pudding » jusqu’à la maison…
Ce morceau de « pudding » et ce qui allait autour est un des nombreux instants de bonheur grappillés au long de ma vie.
Mon dieu, que le bonheur est une essence volatile…
Ah ça, c’est bien plus long qu’une note d’Adrienne !

mardi, 15 novembre 2022

Rafraîchissement.

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Je ne sais pourquoi nous en parlions hier après-midi, Heure-Bleue et moi.
Probablement parce qu’allant chez le médicastre nous sommes passés devant la mairie qui nous « unit pour le meilleur et pour le pire ».
La lumière de mes jours admirait les arbres du Square du Temple, magnifiquement habillés de couleurs d’automne pour certains et étonnamment de couleurs de printemps pour d’autres.
Nous nous sommes souvenus de ce qu’était ce square quand Heure-Bleue a transporté ses pénates dans mon pigeonnier.
Les arbres en étaient plus maigres et la mare qui abrite des canards et d’autres bestioles n’était alors qu’une flaque pas terriblement engageante.
Le kiosque à musique abritait quelquefois un concert de la fanfare municipale.
Aux dires d’Heure-Bleue, le square « était plus beau maintenant mais trop apprêté ».
Un square de cinéma en somme…  
Nous nous mîmes à parler de quelques épisodes de ces moments où nos jambes étaient plus vives et nos mains plus habiles.
C’est là que la lumière de mes jours se rappela un manteau de shantung blanc ruiné par la femme d’un collègue.
Elle se vengea l’été suivant dans un restaurant du quartier.
Une pizzeria de la rue Saint Denis devant laquelle nous passons de temps à autre.
Je me souviens qu’il faisait un temps magnifique ce qui fit que, comme toujours, moitié chérie eut trop chaud.
Avec quelques amis dont un que nous voyons encore parfois, nous étions attablés et, la femme dont il est question faisait comme d’habitude beaucoup de bruit pour rien.
Le repas s’animait, la conversation très occupée par cette femme bruyante et maladroite, celle qui ruina le fameux manteau.
Un bref moment de silence survint que mit à profit Heure-Bleue pour entamer le cycle infernal qui allait enfin rafraîchir l’atmosphère qui ne demandait qu’à devenir orageuse.
Elle interpella Hubert, le pauvre mari.
- Dis-moi, Hubert, tu es marié avec elle depuis combien de temps ?
- Ben… Dix ans.
- Et t’en as pas marre ?
Lâcha la lumière de mes jours d’un ton sérieux.
La température devint d’un coup polaire.
Le repas finit dans un silence de monastère.
Nous ne les revîmes qu’une fois.
Il nous invitèrent à dîner.
Ce fut rapide et si frugal qu’à peine sortis nous nous précipitâmes dans un café pour y manger deux sandwiches…
Hubert était un homme gentil qui ne me battit même pas froid.
Cette histoire n’est pas passionnante mais elle nous fait toujours rire, plus de quarante-huit après...

dimanche, 13 novembre 2022

Humains, trop humains…

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Ce matin, comme tous les matins, j’écoutais la radio.
J’ai des matins routiniers avec leur lot de tâches matinales.
Il m’a semblé ce matin que le monde, lui aussi, était routinier…
J’ai ainsi appris qu’un homme arrivé en 1988 à l’aéroport de Roissy, fuyant le régime iranien, était resté dix-huit ans dans une salle de la zone internationale.
Il en est sorti puis est retourné y mourir…
J’ai écouté, comme chaque matin depuis plusieurs jours, la litanie des atermoiements à propos de deux-cent-trente-quatre personnes enfin descendues d’un bateau qui eut bien du mal à trouver un quai où s’accrocher.
J’en ai retiré qu’on vit dans un monde extraordinaire.
Vous rendez-vous compte, lectrices chéries – et rares lecteurs chéris aussi – que les gens entre les mains de qui nous remettons nos vies et, si nous sommes assez jeunes, notre avenir, réussissent une performance remarquable.
Oui ! Nous avons là vingt-sept gouvernements représentant près de cinq cents millions de personnes.
Et que font-ils ?
Ils se chamaillent comme dans une cour de récréation pour savoir comment régler plus ou moins humainement le sort de deux-cent-trente-quatre pauvres bougres !
Et, fort de leur niveau de culture élevé, ils se moquent hardiment de cette époque où des prélats perdaient un temps fou à discuter du sexe des anges…
On vit vraiment une époque formidable.
Vous ne trouvez pas que cette façon de nous gouverner à quelque chose d’effroyable ?
Car j’ose prendre ce « formidable » au sens premier du terme…

lundi, 07 novembre 2022

Devoir de Lakevio du Goût No142

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J’ai peur de savoir où mène cet escalier sorti de l’imagination d’Anne-Françoise Couloumy.
L’histoire commencerait par « Dans l’escalier étroit leurs souffles se mêlaient. »
Si en plus elle se terminait sur « À chaque fois tout recommence
Toute musique me saisit », ce serait parfait…
J’espère vous lire lundi.

« Dans l’escalier étroit leurs souffles se mêlaient. »
C’est ce vers de Victor Hugo qui m’est venu à l’esprit quand que suis passé de nouveau dans ce passage.
Le « Passage du Désir », si bien nommé quand j’y repense…
Ce petit immeuble un peu lépreux qui abritait ce qui fut un refuge et qui devint sa tombe.
Ce petit bâtiment dont l’entrée n’était éclairée que par la lumière de la loge d’une bignole effroyablement indiscrète et dont l’escalier ne s’éclairait qu’en montant chez « Elle ».
Peut-être après tout était-ce « Elle » qui dispensait la lumière, allez savoir…
En attendant, je retournais dans cet immeuble chaque fois que le spleen me saisissait.
Et il me saisissait chaque fois que je pensais à « Elle ».
Ces jours où la désolation me serrait la gorge, je prenais le métro et descendait à « Château d’Eau », traînais les pieds jusqu’au passage si bien nommé, espérant la voir encore.
La voir toujours.
 Le temps passant, je continuais à passer jusqu’au jour où, la concierge disparue, il fallut taper un code pour entrer dans l’immeuble.
J’en étais arrivé, lorsque la concierge était partie, à espionner les gens qui entraient pour regarder le code afin de pouvoir entrer à mon tour.
Les années passant, il me fallut espionner plus d’une fois pour entrer dans l’immeuble.
Chaque fois, la mauvaise surprise surgissait.
Elle n’était plus là.
Je m’asseyais, me rappelais que je ne la verrai plus jamais, que seul l’escalier ne changeait pas.
Parfois les larmes venaient et je ne reniflais même pas, ne sortais pas mon mouchoir et laissais les larmes inonder mes joues et me couler dans le cou.
Le chagrin me submergeait, c’est tout.
Parfois assis là sur les marches du premier étage je me surprenais à chuchoter ce « lamento » de Théophile Gautier, celui qui disait

« Ma belle amie est morte :
Je pleurerai toujours ;
Sous la tombe elle emporte
Mon âme et mes amours. »

Je me consolais en me rappelant Régine Crespin le chantant sur une musique de Berlioz.
Alors je me levais et repartais dans la vie en me disant
« À chaque fois tout recommence
Toute musique me saisit »…

samedi, 05 novembre 2022

Parfois le mari c'est leste.

J’ai honte, je ne pensais pas tomber si bas...

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Aujourd’hui je peste !
Je viens de tomber dans un piège !
J’ai commencé à lire une bêtise sur Internet : Une citoyenne britannique a rapidement compris, en ces périodes « brexitesques » pleines d’inflation et de manque de sous, qu’il était urgent de trouver une source de revenus supplémentaire.
Comme elle ne pouvait décemment râler après un mari accro au pub ou au foot, elle a décidé de présenter à la location les divers talents de l’époux.
Les hasards langagiers du journaliste donnent à ce billet un côté plutôt facétieux.
J’y retrouve ce sens aigu du double sens qui fait le charme de la lumière de mes jours.
Après s’être complaisamment étendu (!) sur le fait que non, la dame ne se livre pas au proxénétisme, la plume alerte du rapporteur insiste sur le fait que le mari n’est pas loué dans des conditions qui nécessiteraient l’examen des faits par un tribunal.
Les dames alentour se précipiteraient, enthousiastes, sur le mari de la dame.
Insistant sur le fait qu’il serait « particulièrement adroit de ses mains ».
J’ai souhaité au mari de la dame loueuse une santé assez florissante pour qu’il la fasse bénéficier de ses talents et suis passé à autre chose.
Autant dire à rien…
C’est là qu’une nouvelle entendue hier soir m’est venue à l’esprit.
Nouvelle qui m’a laissé estourbi face à la cupidité qui atteint des sommets dans cette société qui parle abondamment de gentillesse et d’empathie.
D’après la dame qui présentait la chose, les autoroutes augmenteraient leur débit grâce à la lecture automatique des plaques d’immatriculation au passage des portiques de péage.
Ce ne serait pas grand’ chose, hormis pour les gens qui gagnent maigrement leur vie à encaisser les fortunes des sociétés d’autoroutes, si les données récupérées par les caméras n’étaient revendues pour permettre au titulaire de la carte grise du véhicule d’être noyé sous des publicités qu’il ne souhaite pas recevoir…
Toutes ces nouvelles, plus effarantes les unes que les autres me convainquent qu’en réalité je vis dans une artère marseillaise, pas loin des quais.
Ces rues pleines de gens dits « aboyeurs » qui vous tirent par la manche pour vous inciter à acheter ceci ou cela.
C’est la raison qui m’a poussé à retirer « WhatsApp » de mon « smartphone », installé par la Tornade et illico envahi pas des appels intrusifs, des publicités indiscrètes, bref, des emmerdeurs.
Je suis suffisamment agacé par l’incrustation de publicités qui me proposent des produits dont j’ignorais l’existence, qui ne me manquaient pas et dont je n’ai pas le premier sou pour les acheter.
Heureusement, il y a un type qui œuvre efficacement contre les annonceurs : Elon Musk.
Ce cinglé, qui vire la moitié du personnel du piaf social, accuse les internautes de faire pression sur les annonceurs qui rendent son bidule rentable.
Hélas, s’il peut virer son personnel, virer les internautes est risqué.
Sans internautes, pas d’audience.
Pas d’audience, pas d’annonceurs.
Pas d’annonceurs, pas de sous qui rentrent.
Insulter le client n’est pas toujours rentable, hélas.
Ah que le monde est cruel pour les « tycoon »…