lundi, 29 mai 2017
La carte et le latin.
De rien Mab…
- Tu vas voir, elle est extraordinaire !
- Qui ça ?
- La voyante, on y va !
- Mais quelle voyante ?
- Ben celle qu’on m’a présentée la dernière fois que…
- Ne me dis pas que…
- Ben si ! Allez viens !
Il y a des jours, comme ça, où on se demande si Descartes a existé.
Franchement, me demander ça, à moi !
Alors qu’il y a plus de trois cents ans qu’on a viré l’astrologie de l’Université de Paris !
Franchement, il n’y en a que deux dans ma famille, pourtant nombreuse, à croire ces balivernes et c’est tombé sur mes sœurs…
- Bon, alors tu viens avec moi ?
- Et pourquoi as-tu besoin de moi ?
- Pour faire sérieux…
Des fois, je me demande.
J’ai pris ma veste et je l’ai suivie.
En arrivant, je suis tombé en arrêt devant l’immeuble.
Je ne sais pourquoi je m’attendais à une vague roulotte ou une guitoune de fête foraine, avec des étoiles partout et du rouge gueulard pour « décorer ».
Eh bien non.
C’était un assez bel immeuble haussmannien du VIIIème arrondissement, rien de m’as-tu-vu, sauf peut-être les deux caryatides de part et d’autre du porche et qui avaient l’air d’avoir du mal à soutenir le balcon du premier étage.
- C’est là ?
- Oui. Au premier.
Chouette entrée, pavée de comblanchien, escalier ciré avec tapis de passage luxueux, puis porte d’entrée à deux battants.
Une seule par étage…
- Hé bé… Dans ma prochaine vie, je ferai voyant, c’est plus rentable qu’ingénieur.
- Oh ! Arrête avec ça et sonne !
Le bon goût s’est arrêté là.
La porte fut ouverte par une jeune femme improbable, accoutrée genre « french soubrette », le genre de tenue qu’on vend plutôt dans le IXème, du côté de Pigalle.
Je n’ai pu m’empêcher, mauvais esprit que je suis, de penser « ad augusta per angusta »…
Elle nous fit entrer, asseoir dans un petit salon et disparut.
Quelques instants plus tard une autre porte s’ouvrit, une jeune femme en passa le seuil et appela ma sœur.
Elle tint la porte d’un bras qui, un bras, un bras dont j’eus envie de goûter la peau immédiatement.
Je l’ai détaillée d’un regard que j’espérais discret mais en tout cas rapide.
Si ses traits n’étaient pas extraordinairement fins, c’était en y réfléchissant bien, qu’elle avait un front exagéré par cette coiffure trop sévère.
C’était dommage car ça ne rendait pas hommage à des yeux allaient si bien avec sa peau.
Et gâcher des cheveux comme ça avec une coiffure si contraignante était en soi un scandale.
Avant même de la connaître j’avais déjà envie de passer le doigt sur l’arête de son nez aquilin.
- Vous entrez ?
Là, m’a échappé :
- Si vous saviez comme j’en rêve…
Elle a souri.
- Je vois, je vois…
- Moi aussi. Des problèmes à venir…
- Pas sûr, mais je vais commencer par votre sœur, car c’est votre sœur n’est-ce pas ?
- Oui.
Quand elle a posé ces deux pommes sur la table, je suis sûr qu’elle pensait à une vieille histoire de tentation…
08:21 | Commentaires (12)
vendredi, 26 mai 2017
Être vague sans faire de vagues...
Vagues réflexions sur la politique : Fait.
Récit d’amours de jeunesse : Fait.
Journées avec Merveille et P’tite Sœur : Fait.
Saynètes avec Heure-Bleue : Fait.
Confidences de Merveille : Fait.
Pérégrinations parisiennes : Fait.
Choses vues et entendues dans le bus : Fait.
Accès brutaux d’humeurs élégiaques : Fait.
Du coup, je me demande de quoi je vais pouvoir vous parler, lectrices chéries.
Déjà, ce matin je savais avant d’ouvrir l’œil que ça allait déconner.
Oui, vous savez bien lectrices chéries, ce moment bizarre où la cervelle s’ouvre avant les yeux.
Enfin, pour être plus précis, l’œil.
Le gauche.
Celui qui voit et aujourd’hui n’est plus rouge.
Donc, sorties du rêve pour arriver au jour sont arrivées quelques unes de ces pensées décousues qui font que la lumière de mes jours est, soit persuadée qu’elle a bien fait de se marier avec ce type extra, soit qu’elle a eu la malchance de tomber sur un cinglé…
Ça, c’est le plus courant.
Juste avant l’ouverture de l’œil donc, je me suis posé une question bête, au risque de démarrer la journée par une migraine carabinée.
C’était une pensée du genre « sachant que pour ce que j’ai vu jusqu’à présent, la relation de cause à effet s’est vérifiée… »
Là mon œil s’est ouvert et je me suis dit « mais alors, quelle est la cause qui a entraîné l’apparition du temps ? »
Pas le temps qu’il fait lectrices chéries, non.
Le temps qui passe.
Comme c’était le matin assez tôt je suis resté sec.
Puis j’ai repensé à la « Théorie de la chaleur » de Fourier, dont les travaux furent honteusement utilisés par Schrödinger, célèbre pour une histoire de greffier.
Et là je me suis dit « mais alors ? Je connais au moins un effet sans cause ! »
J’ai évité de supputer un possible Nobel et ai réfléchi plus sereinement à la chose.
Je dois dire que pour le temps, celui qui passe, pas celui qu’il fait et qui est aujourd’hui radieux, j’ai encore besoin de temps justement.
Je me suis levé.
J’ai pensé un moment que le temps était juste un truc qui sert à justifier le retard compulsif chez certains ou une ponctualité maladive chez d’autres.
Puis je me suis dit que « ça faisait un peu short » comme cause et me suis livré à mes activités matutinales habituelles.
Celles qui prennent du temps.
Franchement, à part le développement effréné du marché de l’agenda, vous voyez quoi comme cause à l’apparition du temps ?
Cela dit, j’ai surtout remarqué qu’on n’a jamais le temps de quoi que ce soit.
Sauf les moments où on s’ennuie et là le temps est interminable.
Mais je suis sûr que vous ne saviez pas qu’il n’existe aucune équation qui définisse clairement le temps.
C’est dingue, non ?
09:27 | Commentaires (13)
mercredi, 24 mai 2017
Les voraces et les coriaces.
Non, Mab, je ne parle pas des prochaines élections législatives…
Bon, lectrices chéries qui avez des petites filles, écoutez moi.
Vous connaissez Heure-Bleue ?
Mais oui, c’est celle qui dit au Goût, votre Goût préféré « Toi qui es le sentimental, celui qui de nous deux est resté « fleur bleue » et le sera jusqu’à la fin de tes jours. »
Oui, cette Heure-Bleue là.
Eh bien c’est cette Heure-Bleue qui a essayé un truc et l’a enseigné à Merveille pendant que je me dépatouillais avec P’tite Sœur.
Et qu’a-t-elle essayé, qui m’a valu un regard soupçonneux ?
Eh bien c’est assez simple.
Comme nous marchions d’un pas de sénateur dans la « Coulée Verte », la lumière de mes jours a cueilli une pâquerette et a commencé.
« Il m’aime, un peu, beaucoup, passionnément… »
Elle arrache deux pétales d’un coup car elle n’a pas la vue de l’aigle et continue.
« À la folie, pas du tout, il m’aime, un peu, beaucoup, passionnément à la folie… »
Échappe la pâquerette.
Merveille la ramasse, la tend à Heure-Bleue et ne voit pas qu’un autre pétale se tire.
« Pas du tout, il m’aime, un peu beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout, il m’aime… »
Paf ! Plus de pétales !
La lumière de mes jours me regarde.
« Quoàààààà !!! Juste tu m’aimes !!!! Pas même passionnément ? Pfff... »
Merveille arrange les bidons en racontant tout des erreurs de manip dont s’est rendue coupable Heure-Bleue.
J’aime bien quand elle a tort et que ce n’est pas moi qui lui dis.
Elle prend une autre pâquerette et la tend à Merveille.
« Il m’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. »
Encouragements d’Heure-Bleue.
C’est le problème des pâquerettes quand on est pressé de savoir.
Ou on arrache deux pétales ou on oublie un « passionnément » ou un « à la folie ».
Surtout quand on a cueilli une pâquerette plutôt mal en point…
Si ça tombe sur « à la folie », on cueille des pâquerettes et on recommence, histoire d’être sûr.
Des fois que l’amour qu’un des amours de sa vie tienne à un pétale.
Si ça tombe sur « pas du tout », on cueille des pâquerettes jusqu’à ce que ça tombe sur « à la folie » ou mieux sur « passionnément ».
Me croirez-vous, lectrices chéries si je vous dis que dans un rayon de dix-sept kilomètres autour de la maison, on ne trouve plus une pâquerette ?
Bon, j’exagère un peu mais à peine.
Toujours est-il que le pas d’une Merveille rassurée sur son pouvoir de séduction est devenu, la dernière pâquerette déplumée, très alerte…
La cible, que j’ai déjà vue, ne va pas rigoler tous les jours.
Surtout que Merveille semble persuadée que le monde est une réserve où la chasse est ouverte toute l’année…
16:32 | Commentaires (5)
mardi, 23 mai 2017
Distribution d’épris…
Ce matin, le temps est tant temps qu’il est tentant.
Il me vient du coup, malgré la crainte du jugement de la flèche –de la balance- une envie de « kouignettes ».
Malgré la réticence que je pressens de la lumière de mes jours, j’irais bien faire un tour du côté de la rue de Steinkerque.
Plus exactement du côté de chez Larnicol, ce pâtissier qui vend des produits pour lesquels je me damnerais…
Hélas, notre camarade de déambulation attitrée pour ce quartier ne sera pas disponible avant le mois prochain.
J’en ai besoin car elle distrait Heure-Bleue de sa tendance à me chercher des histoires à propos de ce qu’elle suppute de ma vie quand elle allait encore au lycée.
Ça me permet de flâner en regardant des vitrines qui, honnêtement, se sont particulièrement dégradées depuis des décennies.
Je peux néanmoins tenter le coup car mon « œil de lapin russe » m’ayant ôté le peu d’attrait que j’avais encore, elle m’a jeté l’autre soir à la figure :
- Là au moins, je suis sûre qu’aucune autre ne te regardera…
Entre Merveille, P’tite Sœur et la lumière de mes jours, je suis désormais entouré de filles qui me trouvent moche.
Que je me trouve moche, bon, j’avais l’habitude.
Je ressentais ça depuis la première fois où je pensais que ça m’aurait arrangé de ressembler à Stewart Granger.
À l’époque, Georges Clooney ne savait même pas qu’il ferait du cinéma et encore moins qu’il vendrait du café.
Bref, depuis qu’une envie irrépressible de me renseigner sur l’autre moitié de l’humanité s’était emparée de moi, je me trouvais moche.
J’avais eu du mal à m’y faire mais j’y étais parvenu.
Je n’étais pas surpris que la lumière de mes jours, myope comme une taupe, n’y ait pas prêté attention.
Hélas, trois fois hélas…
Les coups les plus mortels vous viennent des plus proches.
Demandez à César, il vous le confirmera en même temps qu’il vous fera remarquer la qualité exceptionnelle de cet alexandrin arrivé tout seul sous mon clavier.
Pour en revenir à mes moutons, les coups fatals me furent assénés par celles dont je comptais sur l’innocence et surtout l’ignorance.
Merveille et P’tite Sœur m’ont-elles aussi trouvé, l’une effrayant, l’autre moche.
Heureusement, mon avenir de chercheur est derrière moi.
Mais tous ceux qui se lanceront sous peu dans les mêmes recherches vont se heurter à forte partie.
Ils auront intérêt à être beaux, intelligents, dotés d’un solide sens de l’autodérision mais surtout d’un blindage de cuirassé.
Sans oublier, les pauvres, qu’ils devront ne pas user d’un sens de la répartie trop affûté car il leur faudra aussi apprendre non seulement à encaisser mais surtout à ne pas rendre.
Sinon leurs tentatives d’en savoir plus sur cette autre moitié de l’humanité se révéleront vaines, à leur grand dam…
10:22 | Commentaires (8)
lundi, 22 mai 2017
Si la photo est bonne...
Quand on a fini la « partie de baccalauréat » elle a quitté la chambre avec les feuilles.
Elle range tout bien, tout le temps, elle…
Elle est partie vers le salon en disant « je vais chercher le scrabble, tu veux bien faire une partie ? »
Bien sûr que je voulais bien !
Mais j’ai juste hoché la tête.
J’ai regardé autour de moi.
Elle était drôlement bien, sa chambre.
Et puis j’ai vu le cadre sur sa petite table de nuit.
Sa photo.
Sûrement une photo de l’été dernier, elle riait à côté de sa mère, les yeux plissés face au soleil.
Qu’est-ce qu’elle était belle !
J’ai sorti la photo du cadre, ai déchiré le morceau où on ne voyait qu’elle et l’ai glissé dans ma chemise.
Je suis retourné m’asseoir sur la petite chaise sur le côté de son petit bureau de bois peint en blanc.
Elle est revenue, la boîte verte dans les bras et l’a posée sur le bureau.
Puis elle s’est assise en face, de l’autre côté du bureau.
J’ai attendu qu’elle ouvre la boîte, l’air de rien mais le cœur battant de celui qui sait qu’il a fait une bêtise,
C’est quand elle a tourné la tête qu’elle a vu le morceau de photo avec le visage de sa mère.
Je l’avais complètement oublié…
Elle a crié « Oh non ! » puis elle s’est levée et on a commencé à se bagarrer, elle m’a traité de tous les noms.
Moi je connaissais les plus « mal élevés » et pas elle, mais je ne lui ai pas dit non plus, parce que…
Et puis j’ai fait attention à ne pas lui faire mal mais elle criait quand même.
Quand sa mère est arrivée, elle lui a dit :
- Il a déchiré ma photo, voilà !
- Mon garçon, je vais être obligé de le dire à ta mère !
- Mais, madame…
- Ce que tu as fait là ne se fait pas ! C’est tout !
Là, ma copine m’a poussé encore une fois et elle a senti le morceau de photo dans ma chemise.
Elle a tiré brutalement et ça a arraché les boutons en l’ouvrant.
- C’est moi, là, sur le bout de photo !
Elle avait dit ça d’une voix bizarre alors sa mère a levé les yeux au ciel.
Ella a fait semblant de ne pas sourire et est partie en disant juste :
- Bon…
Ma copine s’est tournée vers moi :
- Tu te rends compte ?
- Oui… Excuse-moi, je voulais…
- Mais tu me prends mes affaires sans me demander !
- Mais c’est juste que…
- Je sais… Mais qu’est-ce que ça va être quand on sera mariés, hein ?
Là, j’ai failli tomber dans les pommes.
Rien que l’idée d’être toujours avec elle.
Je ne sais pas ce que ça fait quand on est grand mais ça doit être drôlement bien pour qu’ils veuillent tous faire comme ça.
Et là, c’est elle qui veut.
Moi aussi bien sûr mais je n’aurais jamais osé lui dire…
07:55 | Commentaires (11)