mercredi, 24 mai 2017
Les voraces et les coriaces.
Non, Mab, je ne parle pas des prochaines élections législatives…
Bon, lectrices chéries qui avez des petites filles, écoutez moi.
Vous connaissez Heure-Bleue ?
Mais oui, c’est celle qui dit au Goût, votre Goût préféré « Toi qui es le sentimental, celui qui de nous deux est resté « fleur bleue » et le sera jusqu’à la fin de tes jours. »
Oui, cette Heure-Bleue là.
Eh bien c’est cette Heure-Bleue qui a essayé un truc et l’a enseigné à Merveille pendant que je me dépatouillais avec P’tite Sœur.
Et qu’a-t-elle essayé, qui m’a valu un regard soupçonneux ?
Eh bien c’est assez simple.
Comme nous marchions d’un pas de sénateur dans la « Coulée Verte », la lumière de mes jours a cueilli une pâquerette et a commencé.
« Il m’aime, un peu, beaucoup, passionnément… »
Elle arrache deux pétales d’un coup car elle n’a pas la vue de l’aigle et continue.
« À la folie, pas du tout, il m’aime, un peu, beaucoup, passionnément à la folie… »
Échappe la pâquerette.
Merveille la ramasse, la tend à Heure-Bleue et ne voit pas qu’un autre pétale se tire.
« Pas du tout, il m’aime, un peu beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout, il m’aime… »
Paf ! Plus de pétales !
La lumière de mes jours me regarde.
« Quoàààààà !!! Juste tu m’aimes !!!! Pas même passionnément ? Pfff... »
Merveille arrange les bidons en racontant tout des erreurs de manip dont s’est rendue coupable Heure-Bleue.
J’aime bien quand elle a tort et que ce n’est pas moi qui lui dis.
Elle prend une autre pâquerette et la tend à Merveille.
« Il m’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. »
Encouragements d’Heure-Bleue.
C’est le problème des pâquerettes quand on est pressé de savoir.
Ou on arrache deux pétales ou on oublie un « passionnément » ou un « à la folie ».
Surtout quand on a cueilli une pâquerette plutôt mal en point…
Si ça tombe sur « à la folie », on cueille des pâquerettes et on recommence, histoire d’être sûr.
Des fois que l’amour qu’un des amours de sa vie tienne à un pétale.
Si ça tombe sur « pas du tout », on cueille des pâquerettes jusqu’à ce que ça tombe sur « à la folie » ou mieux sur « passionnément ».
Me croirez-vous, lectrices chéries si je vous dis que dans un rayon de dix-sept kilomètres autour de la maison, on ne trouve plus une pâquerette ?
Bon, j’exagère un peu mais à peine.
Toujours est-il que le pas d’une Merveille rassurée sur son pouvoir de séduction est devenu, la dernière pâquerette déplumée, très alerte…
La cible, que j’ai déjà vue, ne va pas rigoler tous les jours.
Surtout que Merveille semble persuadée que le monde est une réserve où la chasse est ouverte toute l’année…
16:32 | Commentaires (5)
mardi, 23 mai 2017
Distribution d’épris…
Ce matin, le temps est tant temps qu’il est tentant.
Il me vient du coup, malgré la crainte du jugement de la flèche –de la balance- une envie de « kouignettes ».
Malgré la réticence que je pressens de la lumière de mes jours, j’irais bien faire un tour du côté de la rue de Steinkerque.
Plus exactement du côté de chez Larnicol, ce pâtissier qui vend des produits pour lesquels je me damnerais…
Hélas, notre camarade de déambulation attitrée pour ce quartier ne sera pas disponible avant le mois prochain.
J’en ai besoin car elle distrait Heure-Bleue de sa tendance à me chercher des histoires à propos de ce qu’elle suppute de ma vie quand elle allait encore au lycée.
Ça me permet de flâner en regardant des vitrines qui, honnêtement, se sont particulièrement dégradées depuis des décennies.
Je peux néanmoins tenter le coup car mon « œil de lapin russe » m’ayant ôté le peu d’attrait que j’avais encore, elle m’a jeté l’autre soir à la figure :
- Là au moins, je suis sûre qu’aucune autre ne te regardera…
Entre Merveille, P’tite Sœur et la lumière de mes jours, je suis désormais entouré de filles qui me trouvent moche.
Que je me trouve moche, bon, j’avais l’habitude.
Je ressentais ça depuis la première fois où je pensais que ça m’aurait arrangé de ressembler à Stewart Granger.
À l’époque, Georges Clooney ne savait même pas qu’il ferait du cinéma et encore moins qu’il vendrait du café.
Bref, depuis qu’une envie irrépressible de me renseigner sur l’autre moitié de l’humanité s’était emparée de moi, je me trouvais moche.
J’avais eu du mal à m’y faire mais j’y étais parvenu.
Je n’étais pas surpris que la lumière de mes jours, myope comme une taupe, n’y ait pas prêté attention.
Hélas, trois fois hélas…
Les coups les plus mortels vous viennent des plus proches.
Demandez à César, il vous le confirmera en même temps qu’il vous fera remarquer la qualité exceptionnelle de cet alexandrin arrivé tout seul sous mon clavier.
Pour en revenir à mes moutons, les coups fatals me furent assénés par celles dont je comptais sur l’innocence et surtout l’ignorance.
Merveille et P’tite Sœur m’ont-elles aussi trouvé, l’une effrayant, l’autre moche.
Heureusement, mon avenir de chercheur est derrière moi.
Mais tous ceux qui se lanceront sous peu dans les mêmes recherches vont se heurter à forte partie.
Ils auront intérêt à être beaux, intelligents, dotés d’un solide sens de l’autodérision mais surtout d’un blindage de cuirassé.
Sans oublier, les pauvres, qu’ils devront ne pas user d’un sens de la répartie trop affûté car il leur faudra aussi apprendre non seulement à encaisser mais surtout à ne pas rendre.
Sinon leurs tentatives d’en savoir plus sur cette autre moitié de l’humanité se révéleront vaines, à leur grand dam…
10:22 | Commentaires (8)
lundi, 22 mai 2017
Si la photo est bonne...
Quand on a fini la « partie de baccalauréat » elle a quitté la chambre avec les feuilles.
Elle range tout bien, tout le temps, elle…
Elle est partie vers le salon en disant « je vais chercher le scrabble, tu veux bien faire une partie ? »
Bien sûr que je voulais bien !
Mais j’ai juste hoché la tête.
J’ai regardé autour de moi.
Elle était drôlement bien, sa chambre.
Et puis j’ai vu le cadre sur sa petite table de nuit.
Sa photo.
Sûrement une photo de l’été dernier, elle riait à côté de sa mère, les yeux plissés face au soleil.
Qu’est-ce qu’elle était belle !
J’ai sorti la photo du cadre, ai déchiré le morceau où on ne voyait qu’elle et l’ai glissé dans ma chemise.
Je suis retourné m’asseoir sur la petite chaise sur le côté de son petit bureau de bois peint en blanc.
Elle est revenue, la boîte verte dans les bras et l’a posée sur le bureau.
Puis elle s’est assise en face, de l’autre côté du bureau.
J’ai attendu qu’elle ouvre la boîte, l’air de rien mais le cœur battant de celui qui sait qu’il a fait une bêtise,
C’est quand elle a tourné la tête qu’elle a vu le morceau de photo avec le visage de sa mère.
Je l’avais complètement oublié…
Elle a crié « Oh non ! » puis elle s’est levée et on a commencé à se bagarrer, elle m’a traité de tous les noms.
Moi je connaissais les plus « mal élevés » et pas elle, mais je ne lui ai pas dit non plus, parce que…
Et puis j’ai fait attention à ne pas lui faire mal mais elle criait quand même.
Quand sa mère est arrivée, elle lui a dit :
- Il a déchiré ma photo, voilà !
- Mon garçon, je vais être obligé de le dire à ta mère !
- Mais, madame…
- Ce que tu as fait là ne se fait pas ! C’est tout !
Là, ma copine m’a poussé encore une fois et elle a senti le morceau de photo dans ma chemise.
Elle a tiré brutalement et ça a arraché les boutons en l’ouvrant.
- C’est moi, là, sur le bout de photo !
Elle avait dit ça d’une voix bizarre alors sa mère a levé les yeux au ciel.
Ella a fait semblant de ne pas sourire et est partie en disant juste :
- Bon…
Ma copine s’est tournée vers moi :
- Tu te rends compte ?
- Oui… Excuse-moi, je voulais…
- Mais tu me prends mes affaires sans me demander !
- Mais c’est juste que…
- Je sais… Mais qu’est-ce que ça va être quand on sera mariés, hein ?
Là, j’ai failli tomber dans les pommes.
Rien que l’idée d’être toujours avec elle.
Je ne sais pas ce que ça fait quand on est grand mais ça doit être drôlement bien pour qu’ils veuillent tous faire comme ça.
Et là, c’est elle qui veut.
Moi aussi bien sûr mais je n’aurais jamais osé lui dire…
07:55 | Commentaires (11)
dimanche, 21 mai 2017
L’œil du cyclone.
Vendredi déjà, si l’idée de draguer m’avait effleuré l’esprit, elle eût été tuée dans l’œuf par la trace de lucidité qui me reste.
J’avais néanmoins passé une excellente journée.
Hélas, tout n’est pas, lectrices chéries, que luxe, calme et volupté.
Vous souvenez-vous de mon œil droit ?
Celui dont je vous ai déjà conté la mésaventure avec force détails ?
Cet œil, victime de l’intérêt pour les sciences qui tua déjà Pline l’Ancien, avait un regard qui n’était pas forcément celui de l’œil gauche.
Eh bien, lectrices chéries, un petit vaisseau a éclaté jeudi soir sur la conjonctive de l’œil gauche.
Vous imaginez bien qu’avec un œil merdique et un autre de lapin russe, toute idée de badinage est vouée à l’échec.
Mais il y a pire.
Ce samedi c’était la fête à l’école maternelle de P’tite Sœur.
Hormis le fait que je me suis dès l’entrée dans l’école retrouvé « fleur » avec les fameux tickets.
Mais si, vous savez bien lectrices chéries.
C’est comme ça depuis Jules Ferry, enfin depuis la communale de l’Ours.
On vous prévient que « le samedi gnagnagna de mai, il va y avoir « la kermesse à l’école » et que si… hein… Bon, vous faites ce que vous pouvez… »
On peut résumer ainsi :
- Vous achetez la farine, le sucre, tout ce qu’il faut.
- Vous faites un grand gâteau avec le plus grand plat à tarte que vous avez.
- Quand il est fini, vous le coupez en parts égales.
- Vous en tirez le plus grand nombre de parts compatible avec l’article L241-3 du Code de commerce, celui qui réprime l’escroquerie.
Oui, il faut que le gâteau soit le plus rentable possible pour l’école…
- Vous redescendez acheter le rouleau de papier aluminium car le morceau qui reste est trop petit.
- Vous apportez le gâteau à l’école.
- La directrice vous tanne pour que vous preniez le plus de tickets possible.
- Le soda est tiède, vous le videz dans le bac à fleurs.
- La merguez est presque crue, alors vous la jetez en douce dans les toilettes.
- Vous finissez par vous rabattre sur votre gâteau, dédaigné évidemment par les autres parents.
A la fin, vous avez dépensé des sous pour faire le gâteau, vous avez acheté votre gâteau au prix fort et votre petite-fille n’a rien gagné avec le ticket de loterie que vous lui avez donné.
Samedi ce fut pire.
Avec mon œil injecté de sang, pas plus Merveille que P’tite Sœur n’a voulu approcher de son papy autrefois chéri.
« T’es un fantôme papy ! Tu me fais peur » a dit P’tite Sœur en mettant sa tête dans le blouson d’Heure-Bleue.
Merveille est une vraie garce qui m’a jeté un regard dégoûté et m’a dit « Si tu veux draguer, papy, te reste plus que le clin d’œil ! »
Même la lumière de mes jours frissonne chaque fois qu’elle me regarde.
Et ça n’a rien à voir avec les frissons que j’ai connus il y a… Tout ça…
Voilà comment on pourrit super efficacement un samedi de papy.
06:50 | Commentaires (11)
jeudi, 18 mai 2017
Je me souviens…
Je ne sais pourquoi la rue Turgot me revient à l’esprit.
Peut-être le mois de mai.
Nous sommes le 18 mai, mais quoi ?
Ce coin reste obstinément accroché à ma mémoire comme une poche de ma veste était restée à une poignée de porte.
On croit qu’on l’en a détachée mais les conséquences de cet arrachage me marquent.
Je ne sais si c’est à cause du carrefour au bas de cette rue du IXème et du café où j’attendais parfois le 85.
Mais c’est comme ça, cette rue revient régulièrement flotter à la surface de ma mémoire, tirée par l’unique neurone qui me reste aujourd’hui.
Quelque chose qui me fait penser que la mémoire est comme une bibliothèque.
À la naissance, bien que pleine d’étagères, elle est vide.
Presque vide.
Sur une étagère du bas il n’y a qu’un micro-dictionnaire.
« Ouiinn », « Maman », « Papa »
Il y a aussi un mini-Bescherelle.
« Manger », « Dormir », « Toucher », « Entendre », « Sentir », « Voir ».
La bibliothèque se remplit chaque jour.
Pendant longtemps, elle est bien rangée.
Hélas comme toutes les bibliothèques de grands lecteurs, le bordel s’y installe.
Les années passent, les rayonnages se remplissent.
Puis, quand il n’y a plus de place sur les étagères, « on fait des piles ».
Les piles se multiplient avec les années.
Plus il y a d’années, plus il y a de tas informes à côté des piles.
Vient un moment où on a besoin d’une information dont on sait qu’elle est là, cachée au milieu du balagan.
Mais où ?
Tant que c’était rangé sur les étagères, ça allait.
Quand c’est dans les piles, ça va encore, suffit de trouver la pile.
Alors on fouine, on sait que ce n’est pas sur les étagères mais dans les piles.
Peut-être même dans les tas qu’on se met alors à fouiller.
Assez drôlement, on tombe sur un souvenir en cherchant dans un tas et, par je ne sais quel miracle il y a « une table des matières du tas » bien pratique qui permet de retrouver le déroulement de moments de vie…
Aujourd’hui, j’ai fait écrouler un tas par inadvertance.
En me penchant pour le relever, mon regard est passé sur une étagère.
J’ai vu un souvenir.
Les pages collées par les ans, je n’y vois que « Rue Turgot ».
Pas plus.
Un jour ça va sécher.
Il s’ouvrira…
Je ne sais pas ce que vous en pensez mais c’est l’effet que ça me fait.
11:07 | Commentaires (14)