Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 04 mai 2017

Te regarder t’échiner, c’est ma saison préférée...

cassius clay.jpg

On a regardé la télé, hier soir.
J’ai, assez étrangement, reculé de quarante six ans dans le temps.
Oui, je suis comme ça.
J’ai repensé au match « Jo Frazier vs Cassius Clay ».
Je ne suis pas du tout amateur de boxe mais une chose m’avait frappé à l’époque.
C’était un soir de mars 1971 et j’étais chez un copain.
Je ne savais pas encore que quelques jours plus tard je croiserais la lumière de mes jours et je me remettais tant bien que mal de mon quatre-vingt-dix-septième chagrin d’amour.
Nous regardions la télé, lui et moi dans son gourbi de la rue de Rochechouart.
C’était un rez-de-chaussée au fond de la cour de l’immeuble pas loin du croisement de la rue de Montholon, oui, celle qui mène au square.

Ce soir là, mon pote était pour une fois muet et ne semblait pas dans une forme éblouissante.
Il faisait frais ce soir là, un peu comme hier soir.
On avait dîné ce soir là dans une des dix mille gargotes du coin, le McDo de Cadet n’existait pas encore et je n’avais toujours pas la télé.
Lui aussi était célibataire ce soir là.
Il m’avoua « Ça me botterait d’avoir ma nénette, là je l’aurais bien fait reluire ».
Oui, lui et moi n’avions pas la même conception de la poésie et j’ai toujours pensé que l’art de présenter la chose avait son importance car décemment, la variété du matériel de base n’est pas là des plus flagrantes.
Nous échouâmes donc dans son canapé devant un écran de télé noir et blanc, en train de regarder une des deux chaînes de l’ORTF.
J’ai posé sur l’accoudoir du canapé mon paquet de « Kent », la cigarette que j’ai fumée jusqu’à ce que j’arrête de fumer.
Lui a sorti son attirail habituel, le petit morceau marron dont l’aspect a donné son nom au produit, le petit paquet de « Rizla+ » et le paquet de « clopes normales » qu’il étripait pour fabriquer ses « cigarettes qui font rire ».
Il a posé ça à côté de son accoudoir, sur l’espèce de tablette qui supportait aussi sa platine vinyle.
Il a allumé la télé, ça a « rayuré » et « neigé ».
Il a donné un coup sur le rotacteur et l’image est apparue.
Oui, en 1971 les télés n’avaient pas de « zapette » mais un « rotacteur », un truc qui nécessitait une poigne de fer pour le tourner avant de trouver le bon canal.
Ce soir là, j’ai vu un grand type, aux mouvements élégants, aux gestes de danseur face à un adversaire aux allures et aux gestes de voyou.
C’est à ça que j’ai repensé hier soir.
Je me rappelle que Cassius Clay a été battu aux points par Joe Frazier…
Le danseur élégant avait été battu par le voyou…

mercredi, 03 mai 2017

Le silence de l’agneau.

Je ne sais pas quoi vous écrire, lectrices chéries.
Comme Mab l’a souhaité, nous sommes allés à Paris faire un tour.
Hélas, Mab, je n’ai rien de drôle ni même d’intéressant à raconter.
Ce fut agréable, certes, mais pas enthousiasmant.
Le temps ne semblait pas se prêter à l’exposition d’appas affriolants.
Les vitrines exposaient bien sûr des choses intéressantes, courantes dans le quartier de la Bibliothèque Nationale.
Mais même le Japonais « Dosanko Lamen » était fermé, son service terminé il ne parfumait plus le trottoir de soupe.
On ira un jour la goûter, elle sent délicieusement bon.
J’allais donc vous raconter des choses que je vous ai déjà dites.
Que nous sommes allés chez notre Turc et qu’on a papoté avec un Algérien qui regardait comme un gâteau la jolie Marocaine qui lui faisait face.
Heure-Bleue, assise à côté de l’Algérien, le trouvait beau garçon.
Pendant qu’elle faisait ça, j’ai vérifié.
Et oui, j’arrive encore à faire éclater de rire une jeune femme.
Mais bon, outre que j’accompagnais la lumière de mes jours, l’Algérien l’intéressait manifestement plus que moi.
Ces jeunes sont d’une cruauté…
Je n’ai donc rien à vous dire, lectrices chéries.
Ah si !
Les ascenseurs de la passerelle, après plus de trente ans de tergiversations entre l’Etat, la région, , le département, la SNCF et les trois municipalités intéressées, ascenseurs qui devaient fonctionner dès novembre, sont enfin en service.
Il est toujours agréable de n’avoir pas à monter trois étages à pied et d’une seule volée  avant de prendre l’ascenseur qui m’amène chez moi.
Ça a amené dans ma cervelle embrumée une réflexion inquiétante.
Si plus de trente ans ont été nécessaires à l’obtention d’un accord intéressant une centaine de milliers de personnes et portant sur quelques millions d’€uros entre sept intervenants, j’imagine combien de siècles seront nécessaires avant de parvenir à un accord à l’Assemblée Nationale sur un sujet intéressant soixante millions de Français…
Vous pouvez donc constater avec effroi que j’ai raison quant à la vacuité de cette note.
Balzac avait terriblement raison qui ne pensait sûrement pas que ça pouvait s’appliquer aux blogs quand il a écrit « Il est plus facile d’être amant que mari par la raison qu’il est plus difficile d’avoir de l’esprit tous les jours que dire de jolies choses de temps en temps »…
Et il en ira de la sorte jusqu’à lundi prochain, lectrices chéries.

mardi, 02 mai 2017

Les gens…

En attendant dimanche prochain et son choix qui ne devrait pas être cornélien, comme Heure-Bleue je me rappelle certaines gens qui m’ont frappé.
Pas le facteur qui levait si bien le coude que Stéphane Collaro était allé faire un reportage idiot et cruel au café en face de chez nous.
Collaro avait trouvé drôle de l’interroger après lui avoir fait ingurgiter une quantité phénoménale de rosé.
Comme c’était gratuit, le facteur s’en était donné à cœur joie…
Ce n’était pas de ce facteur que j’allais vous parler mais d’une vieille dame.
Elle était folle et il lui arrivait parfois de se faire raccompagner chez elle par ceux qui la croisaient, nue et échevelée en pleine rue.
Tous la connaissaient et la plaignaient.
Elle passait régulièrement chez ma libraire préférée.
Elle lui tendait une vieille photo en noir et blanc et demandait « Vous pourriez me faire faire un tirage, s’il vous plaît ? »
Après un soupir elle ajoutait « J’attends mes enfants vous savez, l’autre jour les Allemands sont venus les chercher… Je les attends »
Puis elle partait.
Parfois elle venait rechercher le tirage et disait « Non, ils ne sont toujours pas revenus… Mais ils vont revenir...»
Elle ne venait pas toujours chercher le tirage noir et blanc mais la lumière de mes jours l’a toujours fait faire.
Et quand elle faisait faire un tirage, on se disait « On ne va pas tarder à la trouver dans la rue en pleine nuit en train d’errer… »
C’est aussi à cause de ça que je ne manque jamais de voter.
Il y a, comme ça, des « détails » qui marquent plus que d’autres…

lundi, 01 mai 2017

Mes champs en mal d’aurore…

Je sais que ça ne tombe pas tout à fait juste, Mab

lakevio.jpg

Il est beau, ce champ.
Bon sang qu’il est beau !
Pourtant il a quelque chose de triste, je le sens bien.
Ça fait déjà plusieurs heures qu’assis sur ma souche je regarde ce tracteur préparer la prochaine récolte et je ne parviens pas à me débarrasser de cette impression de manque qui me serre la gorge.
Et d’un coup ça me revient.
Je le connais depuis toujours, ce champ.
Depuis que je suis petit je le regarde.
Seulement avant j’étais assis « en tailleur » à côté de l’arbre sur la souche duquel je suis assis aujourd’hui.
Avant je crois que l’herbe était plus verte.
Non, je suis sûr qu’elle était plus verte.
Je suis même sûr qu’il faisait toujours beau.
Je sais aussi que le monde était plus beau.
D’ailleurs, j’étais heureux avant.
Les choses étaient stables.
Tout était mieux avant.
Même l’air sentait bon.
J’attendais que ma grand’ mère m’appelle pour « mon quatre heures ».
Même ce pain était le meilleur que j’aie jamais mangé.
Le tracteur approche et s’arrête.
Le conducteur, un gamin d’une trentaine d’années, en descend et s’approche du fossé qui borde le champ.
Il arrose l’herbe et se rebraguette puis il me voit.
- Ça va ? Il fait beau hein ?
- Moins qu’avant, avant il faisait toujours beau avant…
- Mais non, juste vous étiez jeune, c’est tout.
- Non non, j’en suis sûr, c’était mieux !
- Pfff… Moi aussi quand j’étais petit il faisait toujours beau…

Il retourne vers son tracteur.
Je l’entends grommeler « non mais quel vieux con… »
Il a peut-être raison, c’est peut-être juste parce que j’étais jeune…

 

dimanche, 30 avril 2017

Quand la guerre pue, nique !

20170429_162040.jpg

Hier, retour dans le Marais.
Même gargote, autre musée.
Autres raviolis, autres œuvres.
Si l’attente pour entrer fut amusante, l’exposition fut plutôt décevante.
J’ai craint un instant que la lumière de mes jours, prête à faciliter la vie de son Goût préféré, n’enfourchât un de ces destriers qui la font se lancer à l’assaut de moulins à vents inexistants, armée de ma carte de bancal.
Mais non…
Bon, en fait je sais qu’elle n’aime pas attendre.
Nous avons seulement court-circuité la moitié de la file, profitant de l’invitation d’un couple inconnu mais charmant.
Je sais hélas que ce n’est pas parce que nous sommes mignons mais parce que nous sommes vieux.
J’ai lu le petit panneau qui surplombe la plaque « Accès prioritaire ».
Tout le monde est prioritaire…
- Les journalistes.
- Les handicapés –pardon, « les personnes en situation de handicap ».
- Les Amis du CCAM.
- Les titulaires de la carte « Musées ».
- Les agents du CNRS.
Et j’en oublie tant la liste est longue.
Il n’en reste pas moins que le sixième étage me plaît.
C’est celui où la vue de Paris est assez large pour y voir une grande partie de la ville.
Il est aussi assez limité en hauteur –quarante sept mètres je crois-  pour qu’on y reconnaisse sans difficulté les points remarquables.
L’expo était plus pleine que riche.
Tout était fait pour faire remarquer combien le commissaire était un mec intelligent et avait une connaissance exhaustive d’Evans, ce dont on je doute pas mais dont je me foutais.
Bref c’était plus une compilation qu’une exposition marquant les points forts du regard de Walker Evans.
Un peu comme si on avait étalé tous les clichés de Doisneau, Ronis ou Boubat sans discernement, faisant ainsi rater l’essence de leur regard.
Mais bon, je ne suis pas commissaire d’exposition non plus, hein…
Alors la lumière de mes jours m’a pris la main et m’a entraîné vers la sortie.
Nous nous sommes arrêtés à la terrasse du petit café qui jouxte la boutique où était sise la librairie d’Heure-Bleue.
Nous y avons regardé passer les gens en buvant, elle un Périer, moi un diabolo grenadine.
Non, il n’avait pas de fraise…
Et comme toujours, nous avons été émerveillés par la diversité des gens, des mœurs, des goûts.
Il est grand temps de se préoccuper d’autre chose que de « la décadence », ce truc dont se plaignait déjà Aristophane il y a vingt-cinq siècles.
Ce truc qui fait qu’on regarde toujours par-dessus son épaule au lieu de regarder devant soi et qui fait chercher un coupable quand on se casse la figure…
Le « c’était mieux avant » fait reculer, pas avancer…