lundi, 01 décembre 2014
Il a frit, il a tout compris…
Instruit maintes fois par le soixante-quatrième de poil qui fiche en l’air le plan réglé au huitième de poil, je me suis bien gardé de peaufiner un stratagème quelconque.
Un seul m’est venu à l’esprit : Arriver à l’heure.
Directement à la terrasse du café en face. Et puis ça me donnerait une idée du film à voir, parce que je ne la sentais pas vraiment attirée par les western. A dire vrai je crois bien qu’elle se foutait totalement de John Wayne. Alors je cherchai fébrilement dans « L’officiel des spectacles » un film susceptible de l’intéresser.
J’étais sec. Pas une idée, moi qui en ai tant de biscornues, j’étais à court.
J’étais si occupé à chercher que bien que j’eusse l’air de fixer sorties du métro je n’en voyais rien.
J’ai failli renverser mon café quand j’ai senti une main se poser sur mon épaule.
- A quoi penses-tu ? J’ai traversé, j’ai cru que tu étais mort !
- A rien… Enfin si, je cherchais une idée de film à voir.
- On verra, paie moi un café.
Elle s’est penchée et m’a déposé un baiser sur chaque joue. Elle sentait bon et ses lèvres étaient aussi douces que mardi.
Elle s’est assise à côté de moi et a attendu.
J’ai dit :
- Je n’ai aucune idée de ce qu’on peut voir, je ne sais pas ce que tu aimes. Tu as une idée de ce que tu veux voir ?
- On va quand même au ciné ? On verra en passant.
Elle a passé sa main sur la mienne et ajouté.
- Ça va, on va trouver tu verras.
Mon palpitant a raté au moins trois battements. J’ai tenté :
- Fahrenheit 451, ça te dit ?
- J’ai lu, c’est bien mais c’est pas sorti l’année dernière ?
- Si mais on le donne encore au studio Action Christine.
Elle a bu son café, on s’est levé quand le serveur est venu encaisser puis on est descendu vers la Seine jusqu’à la rue Christine.
L’ouvreuse nous a mené jusqu’à la rangée de gauche, Françoise s’est assise du côté du mur, moi du côté de l’allée.
Il ne s’est rien passé pendant un moment, j’avais aussi lu le bouquin de Bradbury mais je n’aimais pas du tout la tête de Montag. Alors que dans mon esprit, c’était un type aux traits plutôt marqués, l’acteur me donnait envie de le baffer. Pour tout dire je lui trouvais une tête de « p’tit con » comme on dit à la récré.
Un peu plus tard, j’ai même pensé que c’était donner des perles à un cochon qu’une Julie Christie en pince pour lui.
Mais dans cette affaire ,j’ai été gagnant. « Maigrelette » a posé une fois encore sa tête sur mon épaule. J’ai attendu que Julie Christie regarde son bellâtre comme un gâteau pour attirer ma voisine. Elle a bien voulu échanger un baiser avec moi.
Pour être sûr que je ne rêvais pas, j’ai essayé plusieurs fois. Comme ça a marché je me suis tenu tranquille au moins cinq minutes…
Je ne savais pas encore ce qu’on allait faire demain avec nos copains mais j’étais sûr que ce serait une journée intéressante.
En sortant nous sommes revenus tranquillement vers Pasteur en descendant la rue de Vaugirard qui m’a semblée moins triste ce jour-là, allez savoir pourquoi.
Nous nous sommes encore embrassés en bas de chez elle et je me suis mis à attendre demain.
11:30 | Commentaires (9)
dimanche, 30 novembre 2014
Moderato cantabile…
Cet arrêt dans le petit square, près de la rue Cambronne, m’avait bien plu.
Je retournerais dans le square Saint Lambert, j’en étais sûr. Il n’était donc pas urgent d’affoler cette fille en étant trop pressé.
Enfin, affoler... Plutôt prendre une tarte et me faire jeter d'entrée.
Je me demandais ce que je pourrais bien proposer puis je me suis dit que demain je pouvais aussi bien travailler, histoire de pouvoir « suivre » samedi prochain.
Bernard et « Boulotte » travaillaient, eux, ils n’étaient pas riches mais dans tous les cas plus que moi.
J’ai donc dit à « maigrelette » que je ne la verrai pas demain.
Elle l’a bien pris, la garce…
- Oh mince ! Je croyais que j’allais te manquer !
Je n’ai pas ajouté « Je ne peux déjà plus me passer de toi ! » histoire d’éviter d’avoir l’air encore plus cruche.
Elle m’a embrassé sur la joue, a haussé les épaules en levant les yeux au ciel et en soupirant de désespoir et nous nous sommes levés.
Elle a passé son bras sous le mien et nous sommes repartis vers chez elle en rejoignant la rue Lecourbe que nous avons remontée jusqu’au boulevard Pasteur.
Arrivés au métro, elle parut avoir une hésitation. J’ai dit :
- Oui ?
- Et jeudi ?
- Je dois rendre mon job et me faire payer…
- Vendredi ?
Ma petite machinerie à rouages de câlins s’est mise en marche.
- On sort samedi avec Bernard et ta copine…
- Bon…
- Mais si tu veux, vendredi on peut se faire une toile du côté d’Odéon.
Oui, en ces temps reculés, on disait beaucoup « se faire une toile » pour « aller au ciné ».
Elle eut d’abord un regard soupçonneux mais j’avais un visage si innocent que même elle s’y est laissé prendre, elle eut alors l’air content et me dit :
- D’accord. Alors comme lundi ? Odéon vendredi à treize heures ?
- Hon hon…
Je l’ai regardée attentivement, supputant mes chances puis je me suis penché sur elle et l’ai embrassée sur les joues. Elle a fait pareil en me prenant une main et ça m’a vraiment beaucoup plu. J’ai commencé à négocier intérieurement la peau d’un ours que je n’avais pas attrapé.
Et à peine monté dans la rame du métro, je me suis mis à attendre vendredi treize heures.
Qui a fini par arriver…
J’étais impatient et un peu inquiet de la tournure que prendraient les évènements.
Allais-je ? N’allais-je pas ?
Étais-je en train de me tailler une veste sur mesure ?
Étais-je en train de me préparer des vacances délicieuses ?
Ne riez pas lectrices chéries, l’époque n’était pas si facile, non seulement « la pilule » n’était même pas encore en discussion à l’Assemblée Nationale, encore « Chambre des Députés » mais les filles semblaient d’une fécondité redoutable !
Donc ces moments délicieux étaient au choix gâchés par des « petits ballons » d’une épaisseur de gants de ménage ou pleins de craintes de mettre enceinte une fille qui ne demandait pas ça du tout.
La méthode Ogino ? Elle avait fait la preuve qu’on pouvait faire un baby-boom rien qu'avec des conseils de contraception...
Heureusement, si les pères gardaient un œil jaloux sur leurs petites chéries, les mères avaient parfois assez de jugeote pour leur expliquer qu’il y a « des moments où on peut sans risque mais fais quand même attention ma fille ! »
J’espérais donc, toujours à « compter les œufs dans le cul de la poule » que la mère de ma maigrelette préférée l’avait dûment renseignée.
Bref, j’étais fin prêt pour une vérification des théories les plus échevelées en matière de relations sociales et de rapprochement des peuples…
07:05 | Commentaires (4)
samedi, 29 novembre 2014
Le lendemain il était souriant…
Voyons Mab, moi aussi je connais la fin.
Mais tu sais bien que ce qui est intéressant dans la vie, ce n’est pas la fin, on la connaît, c’est le chemin…
Vous savez quoi, lectrices chéries ? Eh bien aller en métro de chez Françoise jusque chez moi n’était pas drôle du tout.
Autant la rue de Vaugirard m’avait semblé ne pas excéder une centaine de mètres au bras de cette fille, autant les centaines de mètres de couloirs de la correspondance à Montparnasse-Bienvenüe sans elle m’on paru mesurer des milliards de kilomètres...
Les filles ne savent pas ce qu’est l’espoir, elles se contentent de le susciter.
Cela dit, il ne faut pas exagérer non plus. Il faisait beau, j’avais rendez-vous pour explorer un coin inconnu de Paris avec une fille, tout allait bien.
J’aurais préféré explorer la fille mais il faut un début à tout, hein…
…
Le lendemain je me suis levé en pleine forme, ce qui est normal à dix-neuf ans, me suis préparé, ai –vaguement- rangé. Tout ça fait, j’ai écouté un disque puis suis descendu chercher du pain. J’ai pris un déjeuner rapide et copieux. Oui, à ces âges on a faim et la limite entre l’appétit et la goinfrerie est assez floue quand il n’y a personne pour veiller au respect des règles de savoir-vivre. Après ça, je suis parti le nez au vent vers le métro Châtelet en me racontant des histoires de brillantes conquêtes féminines.
Arrivé rue Rosa Bonheur, j’ai attendu. Pas très longtemps, une pendule croisée deux rues plus tôt m’avait montré que je n’avais que quelques minutes d’avance.
Elle m’a embrassé sur les joues. J’aurais bien, mais…
Elle m’a pris le bras et m’a entraîné vers une avenue où je voyais au loin le dôme des Invalides.
- Tu veux qu’on aille visiter les Invalides ?
- C’est bien ?
- Euh…
- Quel enthousiasme !
- Je le connais par cœur et je n’aime pas, mon père m’y a trop traînée.
- Continuons notre balade dans les rues.
- Je préfère…
Nous avons fait demi-tour et sommes partis de l’autre côté, remontant un boulevard Garibaldi aussi gai qu’un premier novembre. Nous avons commencé à errer d’un pas lent dans de petites rues dont je n’aurais jamais soupçonné l’existence. Je me rappelle une rue dont le nom m’avait semblé joli, « rue Miollis ». L’occasion n’ayant pas fait le larron, je n’y ai jamais remis les pieds.
Je me rappelle encore qu’elle m’a dit « dans ce coin, c’est plein de noms de militaires, Miollis, ça doit être encore un bidasse quelconque. »
Je me rappelle aussi lui avoir dit « Ce n’était sûrement pas un bidasse quelconque, un bidasse ça meurt, ça n’a pas de rue à son nom ».
Nous avons continué à déambuler, une autre rue célébrait encore un militaire, connu celui là pour lancé un gros mot à tue-tête. Par moment, elle serrait mon bras et je commençais à espérer des trucs.
A d’autres elle me lâchait et m’expliquait quelque chose en « parlant avec les mains ». Elle avait d’assez jolis gestes de la main et mouvements de poignet. En traversant une toute petite rue qui menait à un square, j’ai failli lui attraper la main mais elle a dû le sentir parce qu’elle m’a jeté un regard assez, comment dire, dissuasif…
Elle m’a repris le bras et m’a dit :
- Viens, on va s’asseoir un moment dans le square.
Nous sommes entrés là, c’était un petit square avec un bassin dans un coin. Une partie avait l’air « bien rangé », quasiment militaire. Tout le quartier était d’après moi un « quartier militaire ». L’autre bout du square était plus à mon goût et fort heureusement au sien. C’était un bouquet d’arbres peu fréquenté. Nous nous sommes assis et avons continué notre conversation qui portait, si je me souviens bien, sur ce que nous ferions à la rentrée.
Nous étions côte à côte sur le banc. Un moment, la conversation a langui et, alors qu’un nuage cachait le soleil, elle posa sa tête sur mon épaule.
Un « youpee ! » énorme surgit dans ma cervelle mais je ne bougeai pas. Pas encore. Moins d’une minute s’était écoulée quand je voulus passer mon bras sur son épaule.
Je me suis penché légèrement parce que mes lèvres sur sa joue c’était bien mais sur ses lèvres j’étais sûr que ce serait délicieux .
Elle a dit :
- Non !
Alors je me suis remis comme j’étais. Nous sommes restés comme cela un moment. Elle n’en voulait pas plus ce jour là.
J’espérais qu’elle ne dirait pas « Non ! » tout le temps.
Mais j’étais patient…
06:48 | Commentaires (13)
vendredi, 28 novembre 2014
Toujours l’impatience à l’amour est mêlée.
A lire vos commentaires, lectrices chéries, on voit combien Corneille est resté d’actualité…
Aaahhh… Lectrices chéries, comme je vous sens impatientes de savoir comment ça s’est passé, comment c’est arrivé, tout ça.
Vous êtes comme moi, condamnées à attendre « La suivante »…
Vous avez l’habitude de voir Noël arriver le 25 décembre et le jour de l’an le 1er janvier ?
Eh bien, c’est pareil.
La fin de l’histoire arrive à la fin de l’histoire.
Vous savez bien que les souvenirs sont ainsi faits qu’il faut en attraper le fil et le dévider.
Vous tirez trop vite ? Il se casse.
Il faut aussi en dénouer le fil, mêlé qu’il est à des tas d’autres souvenirs qui surgissent du même moment.
Bien sûr que j’ai fait les courses, acheté du lait, du pain et des œufs pendant ces semaines.
J’ai dû aussi renflouer mon porte-monnaie en montant quelques kits pour des handicapés du fer à souder.
Tout cela est advenu concomitamment comme disent les rapports de police.
Il me faut donc faire un tri, puis peigner ce fil de façon qu’il soit avenant.
Alors, lectrices chéries, soyez zen, patientes et rappelez vous qu’en la matière, le hors d’œuvre est souvent plus doux que le dessert…
06:50 | Commentaires (15)
jeudi, 27 novembre 2014
Un homme affame…
Elle a continué à parler puis nous nous sommes levés pour faire quelques pas.
L’après midi était avancé alors je lui ai proposé « Tu veux boire quelque chose ? »
- Un diabolo… Puis je vais rentrer chez moi.
- Tu veux que je te raccompagne ?
Elle m’a regardé.
- Ça ne t’embête pas ?
- Ce sont les vacances…
Elle m’a pris le bras. J’ai aimé. Nous avons pris la rue de Vaugirard. Je n’en savais en tout et pour tout que c’était une rue très longue. Je l’avais empruntée quelques fois dans ce sens jusqu’au croisement de la rue de Rennes, d’autres fois à « rebrousse-poil » en revenant d’un des nombreux salons qui avaient lieu à la Porte de Versailles mais pas plus.
Dès qu’on eut dépassé la rue de Rennes et quasiment jusqu’au boulevard Pasteur, la rue devint triste comme un jour sans pain. Quand nous sommes arrivés au boulevard, elle m’a montré les deux bâtiments.
- Ça, c’est Necker, en face c’est Buffon.
- L’hôpital je connais, mais Buffon…
- C’est le lycée de mon petit frère.
Nous avons pris le boulevard Pasteur. Je me suis demandé où elle m’emmenait. Je me disait que peut-être, hein…
- Tu es occupée, demain ?
- Je ne sais pas…
- Donc tu n’es pas occupée…
- Le mardi il n’y a rien à faire.
J’avais bien une idée de tout ce qu’on pouvait faire le mardi, le mercredi et tous les autres jours jusqu’au début novembre, ma rentrée à la fac…
J’ai quand même gardé mes idées pour moi.
Même si j’ai entendu récemment que, malgré tous les détails qu’on peut trouver sur le Web, les jeunes gens sont restés assez fleur bleue, je ne sais pas exactement comment ça se passe aujourd’hui mais dans les années soixante, il était bien vu de garder ce genre de pensées pour soi.
Elle silencieuse, moi cogitant, nous avons remonté le boulevard Pasteur jusqu’à Sèvres-Lecourbe.
- J’habite par ici.
Elle a traversé une avenue et nous sommes arrivés jusqu’à sa rue.
- Hé bé… Pas beaucoup de cafés dans ton coin.
Elle m’a regardé.
- Alors, tu as une idée ? Ou bof ?
- J’ai toujours plein d’idées…
- Pas celles là, des normales, des idées comme promenade, cinéma, visites…
- Ça se voit tant que ça ?
Elle a pouffé.
- Je n’ai pas onze ans… Non, ça ne se voit pas. Et j’aime mieux quand ça ne se voit pas. Alors ?
- Je ne connais pas ton coin. Et ta rue a un nom vraiment sympa. Qui c’était ?
- Rosa Bonheur ? Un peintre avec un joli nom. Alors ?
- Demain, vers treize heures, je t’attends là, tu me fais visiter ton coin ?
- Et samedi on sort avec Bernard et ma copine ?
- Ça s’est bien passé, eux ?
- On dirait, elle me parle de lui. Je la connais, si ça ne marchait pas elle aurait juste dit « pfff… Mouais… »
Alors j’ai ouvert les bras.
Elle a bien voulu m’embrasser sur les joues.
Elle a les lèvres douces comme j'aime.
J'ai vraiment voulu l'embrasser sur les joues.
Elle a vraiment la peau douce comme j’aime.
Puis je suis parti jusqu’au métro d’un pas léger.
J’ai battu Wells ! J’ai voyagé dans le temps jusqu’à demain.
A pied en plus…
06:50 | Commentaires (8)