Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 17 mai 2016

Période décès…

La note de ma camarade Heure-Bleue, son « devoir de Lakevio », a ravivé chez moi un souvenir plutôt épouvantable.
Là où vivaient mes grands-parents maternels, mes parents connaissaient une famille.
Les H., ils n’étaient pas bien riches, pas plus que nous.
Je crois que le père, qui m’avait frappé autant par sa maigreur que par son teint violacé, travaillait à l’usine Hutchinson.
J’ai encore dans les yeux l’image de la mère, les mains rouges de trop de lessives, les doigts piqués de trop de reprises, les yeux rouges de trop de chagrins et les cheveux ébouriffés de pas assez de coiffeur.
Quasiment « Les misérables » à deux pas de Montargis.
Oui, on prenait le train pour Montargis pour aller voir ma grand’mère et mon grand-père.
Sur la petite cartonnette de la SNCF c’était écrit , « Montargis 119 km – 2ème Classe -50% Famille nombreuse. »
Madame H. me paraissait vieille mais en ces temps, tout le monde me paraissait vieux, sauf mes petites sœurs et mes copains de pension.
J’ai appris plus tard qu’elle n’était pas si vieille, qu’elle n’avait pas quarante ans quand c’est arrivé.
Elle était gentille et avait probablement été jolie mais  était déjà abîmée par l’arrivée trop précoce de quatre enfants trop rapprochés.
Le plus vieux avait dix-huit ans et était déjà parti.
La jeune fille avait quelque chose comme dix-sept ans.
Le cadet avait autour de quinze ans.
Il était inscrit à la fanfare et s’entraînait à jouer de la trompette dans l’appartement exigu…
Il avait un regard un peu méchant et la bouche perpétuellement mouillée.
La trompette sans doute…
La benjamine avait une dizaine d’années, la bouche toujours mouillée elle aussi et semblait dotée d’un entendement limité.
Heureusement, madame H. ne m’a jamais demandé de les embrasser.
Il l’auraient fait aussi et j’aurais pensé que c’était  dégueulasse.
La dernière fois que je suis allé chez madame H., c’est quand ma mère est allée l’aider à préparer la cérémonie.
La jeune fille s’était retrouvée enceinte d’un gamin qui avait préféré s’enfuir.
Le désespoir de sa mère et la colère du père furent tels qu’elle se jeta dans le Loing.
Dans le bras de la rivière qui passait près du « pont du canal », le seul bras utilisable et qui faisait tourner le moulin du petit minotier.
Pas très loin du lavoir où je n’avais pas le droit d’aller seul.
Il a été dit qu’elle avait été happée par la roue à aubes du moulin.