samedi, 21 mai 2016
Mieux vaut une bougie intelligente que deux concierges…
Je vous ai déjà parlé de mon père ?
Ce héros au sourire si doux.
Et à la dent si dure…
Cousine adorée m’a envoyé une photo de mon père.
J’ai cru au premier regard sur mon téléphone qu’il portait cet imperméable gris que je connais bien.
Cet imperméable qu’il portait quand il est rentré un soir.
Ce treize juillet 1956 où il est arrivé tanguant puis vomissant sur le lino de la chambre.
C’était la veille du dernier défilé où j’ai vu des spahis sur des chameaux.
Le lendemain il nous avait emmené, ma sœur cadette et moi au défilé, silencieux et un peu « péteux ».
Le coup du « Ma poule, c’est ce foutu Claquesin qui m’a rendu malade » avait marché moyen.
De fait ça n’avait pas marché du tout…
J’ai encore dans les yeux cet imperméable gris assez épais et plutôt rêche.
Alors j’ai eu un doute, j’ai agrandi la photo noir et blanc et j’ai vu que ce n’était pas cet imperméable qu’il portait mais un manteau.
Un manteau jaune assez épais.
Pas jaune poussin mais pas non plus ocre.
Entre les deux.
C’était un manteau en poil de chameau qu’il portait l’hiver en pestant qu’il pesait une tonne.
Mais il était doux, ce manteau.
Et puis il allait bien à mon père.
Mon père avait plein de qualités et quelques défauts.
Ces quelques défauts, dont celui de préférer perdre un ami plutôt que rater un bon mot, lui valait régulièrement des engueulades de ma mère.
Il avait aussi de grandes mains et avait un talent qui m’éblouissait : Il pouvait plier la dernière phalange de chaque doigt et garder la main à plat devant lui.
Je n’ai jamais réussi.
Ce manteau le faisait plus large qu’il n’était et personne ne l’embêtait.
Même pas le fils de la concierge.
Un soir, ma mère a eu l’attention attirée par des vociférations venant du bougnat du rez-de-chaussée et a dit à mon père qui venait d’entrer « Lemmy, va donc voir ce qui se passe, je crois bien avoir entendu le père M. crier comme si on allait le battre. »
Mon père est redescendu, je l’ai suivi avant que ma mère n’ait le temps de crier « Non non non ! Tu restes là, toi ! »
Arrivés au rez-de-chaussée, le fils de la concierge s’était mis en tête d’empêcher monsieur M., le voisin du dessous, de sortir son vélo de la courette et menaçait de confisquer le vélo.
Monsieur M. était un homme petit maigrelet avec une mini-moustache qui n’osait pas dire grand’ chose.
Il a soupiré de soulagement en voyant arriver mon père.
Mon père a demandé ce qui se passait et a dit
- Le vélo, il me l’a donné, il est à moi maintenant.
Le fils de la concierge à dit :
- Vous n’avez pas le droit de le mettre dans ma cour.
J’attendais Zorro, ce fut John Wayne.
- Ben je l’ai mis et je vais le reprendre et je le remettrai tout à l’heure… La cour ne vous appartient pas.
- Ah mais si !
- Bon je vais chercher le vélo.
- Vous ne sortirez pas ce vélo de MA cour !
A crié le fils de la concierge.
Mon père, qui était encore un peu vif de caractère à l’époque a dit doucement entre ses dents :
- Vous pariez combien que vous sortez avant le vélo ?
J’ai eu un peu peur parce que les grands quand ils se battent ils se font mal mais le fils du concierge a dit :
- Bon mais normalement on n’a pas le droit…
Mon père a rendu le vélo à monsieur M. et a dit au fils du concierge :
- Bon, on va boire un jus chez le père C. ?
Ça sert vachement un manteau qui vous élargit…
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