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vendredi, 20 août 2021

95ème Devoir de Lakevio du Goût

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Il s’en va.
Mais où ?
Pourquoi ?
Si vous avez une idée, faites en part lundi…

jeudi, 19 août 2021

Je l'ai emmenée là...

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Parmi les choses qui ont tendance à inquiéter la lumière de mes jours, qui n’a pourtant peur de rien, il y a certains endroits.
Ça m’est revenu hier quand nous avons parlé de l’endroit qui l’a vue grandir.
Elle m’a dit alors que l’endroit qui m’avait vu grandir l’avait un peu inquiétée.
Pourtant je l’avais emmenée aux États-Unis avec l’Ours.
Outre qu’elle s’était alors aperçue que finalement, mon job n’était pas un boulot de tout repos et que non, je ne faisais pas touriste mais n’a pas soulevé un cil d’inquiétude.
Elle en a même gardé quelques souvenirs…
Elle me reproche encore aujourd’hui de n’avoir pas cédé pour une promenade en calèche dans Central Park.
Elle eut aussi cette moue de dégoût devant ce petit vieux qui s’empiffrait à grand bruit dans une « coffee shop » de Colombus Circle en marmonnant des invectives en yiddish.
En revanche, que des types patibulaires nous regardassent descendre les escaliers du métro en supputant le prix de nos habits ne la troubla pas plus que ça.
Plus tard elle vint me retrouver pour quatre ans en Israël, terre finalement peu sainte mais fort animée.
Tout y volait.
Les pierres, les oiseaux évidemment, mais surtout les commerçants.
Heure-Bleue a toujours fait preuve d’un grand courage devant l’adversité.
Je lui reprocherais toutefois d’avoir tendance à chercher l’adversité pour montrer son courage…
Cela dit, pour revenir à mon mouton d’hier, il y a néanmoins des choses qui l’effraient.
À me suivre en certaines pérégrinations, je m’attends presque à la voir me tendre la main au détour d’une rue et me dire « Mr Livingstone, I presume ? » tant certaines contrées de Paris lui semblent exotiques.
Je me rappelle l’avoir vue dans le PC – le bus dit « Petite Ceinture » - sur le tronçon qui va de la Porte Montmartre à la Porte de Clignancourt le jour où je lui montrai « mon coin ».
La lumière de mes jours a alors donné des signes d’inquiétude.
Le bus s’est petit à petit rempli de gens qu’elle ne croise jamais.
Oh, elle en avait bien vu, de loin, au moins entendu parler, mais rarement de si près, à la toucher quasiment.
Ce n’est pas leur ethnie, leur couleur ou leur langage qui la tracassent ni même leur accoutrement.
Non, c'est l'idée de se retrouver au milieu de la foule compacte, plus que n'importe quel risque d’attraper je ne sais quoi, une maladie super grave qu’on n’attrape qu’aux portes de Paris.
Une maladie qu’on n’attrape évidemment pas Porte d’Auteuil ou Porte de Passy mais plutôt Porte de Saint-Ouen ou Porte de la Chapelle, vous voyez ?
Ça m’avait quand même surpris car je sais bien quant à moi qu’on risque plus de perdre son portefeuille ou son smartphone que la santé.
Heure-Bleue pense quant à elle que comme ils lui semblent sales, on risque plus de se retrouver avec la fièvre Ebola ou la peste bubonique, au mieux avec des puces.
C’est ça, la lumière de mes jours a une peur panique de côtoyer des gens qui ne soient pas récurés au Cif.
Je me demande parfois si elle m’a bien regardé avant de m’accorder quelques privautés…
« Justement, j’ai hésité… » me dit-elle à l’instant.
Pfff... La garce !
Quand on est passé devant l’entrée du passage qui m’a vu grandir, la lumière de mes jours a regardé autour d’elle, eut un mouvement de recul, a dit « vraiment je ne sais pas comment tu as pu grandir ici… Je hais ce coin… »
Arrivés à Jule Joffrin, elle s’est rassérénée, remarquant :
- Eh bien, ça s’est quand même drôlement bobotisé ici mais j’ai l’impression que c’est comme aux Batignolles, pas profondément.
Je trouve quant à moi fort heureux que l’on n’arrive jamais à changer profondément la population des villes.
J’aime Paris habillé autrement qu’en musée inerte et déguisé pour touristes trop propres…

mercredi, 18 août 2021

Exit, hélas je le crains...

Hélas.
Les deux numéros que j’avais ne donneront plus jamais accès à Bernard.
Le numéro du portable a été attribué à une Rose-Marie à la voix trop jeune.
Le numéro de la ligne fixe de la rue Championnet n’est plus attribué…
Mon rêve était-il prémonitoire ?
Tornade à qui j’ai demandé s’il y avait des traces de Bernard R. a trouvé les mêmes numéros que moi.
Je lui ai demandé si en Angleterre elle en avait trouvé trace.
En Angleterre où Bernard avait été entraîné par la femme de sa vie, Tornade a trouvé un nom composé comprenant celui de Bernard.
L’autre nom n’est pas celui de la femme qu’il avait épousée mais il se peut qu’il s’agisse de la fille de Bernard et de sa femme.
Toutefois celle qui porte ce nom ne semble avoir rien de commun avec la famille de Bernard.
Je le sais, il me l’avait confié quand je l’avais rencontré lors d’un de ses brefs passages en France…
Ce n’était pas un bon souvenir, il était venu enterrer son père, achevé par la dernière crise du paludisme qu’il avait attrapé au service de la France en Indochine.
Je crains fort qu’il ne soit parti le rejoindre dans la « Grande Prairie des chasses éternelles » comme disait Fenimore Cooper…
Parmi les problème, nombreux les problèmes, apportés par les années, il n’y a pas que cette désagréable impression qu’un vieux n’est jamais qu’un jeune avec les articulations qui se déglinguent.
Il y a aussi cette impression de débandade de tous ces autres jeunes avec mal au dos qui profitent d’un instant d’inattention pour vous abandonner lâchement.
J’avais déjà constaté avec peine que quand tes parents meurent, ils ne disparaissent pas seulement de leur appartement, ils dégagent la vue.
C’est là qu’on commence à voir le trou qu’ils nous masquaient tant qu’ils étaient avec nous.
Et quand les copains commencent à leur tour à voir comment c’est les fleurs vues par en dessous, là ça devient embêtant.
Alors aujourd’hui, je me demande si je ne vais pas chanter comme Maxime Leforestier « Où êtes vous » sauf que je n’appellerai pas « Lizzard et Luc, Psylvia » mais « Jo, Bernard, Michel » et qu’ils ne m’ont pas attendu…

mardi, 17 août 2021

La rareté...

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Vous savez quoi, lectrices chéries ?
Je vais d’abord vous demander de pardonner cette note un peu longue.
Que je vous dise, j’avais un copain qui avait, dans les années soixante-dix, épousé une Anglaise et l’avait suivie dans ce pluvieux pays.
J’ai donc cette nuit fait un rêve.
J’ai rêvé de ce copain perdu de vue.
J’avais bien sûr pensé à lui de temps à autre et cherché si, par hasard, il était repassé en France.
Au hasard de mes recherches sur l’annuaire, j’étais tombé par hasard sur son nom.
Il était de nouveau rue Championnet mais quatre immeubles plus loin sur le même trottoir.
J’avais tenté d’appeler ce numéro plusieurs fois il y a quelques années et chaque fois la sonnerie avait retenti longuement sans réponse.
Ce matin, donc, je me suis réveillé avec la certitude que mon copain était mort.
Je dispose de deux numéros censés me permettre de l’appeler.
Pendant que je vous raconte ça, me reviennent les circonstances dans lesquelles je l’ai connu.
Sachez que quand j’étais gamin, mon prénom ne me plaisait pas.
Mais alors pas du tout.
Vous vous en foutez, je le sais…
Maintenant je me suis habitué mais mettez-vous à ma place, deux secondes.
À part un copain de pension qui s’appelait « Loïc » et qui me tannait avec sa Bretagne natale, j’étais entouré dans mon quartier d’une foule de Michel, André, Gérard et Bernard.
Il y avait bien de rares Philippe dus sans doute à la distraction de parents qui n’avaient pas eu vent de l’opprobre qui s’attachait à ce prénom.
Je n’avais évidemment pas le droit de parler à la foule des Mohammed, Mouloud et autres Rachid, des fois qu’être arabe, ça soit contagieux…
D’ailleurs ils ne cherchaient pas non plus à me parler.
Depuis ma rencontre de la maternelle avec Malika, celle aux yeux si bleus qui me donnait la main, la méfiance s’était installée…
Ma mère m’avoua bien plus tard avoir choisi mon prénom parce qu’elle était tombée amoureuse, avec un manque de clairvoyance désastreux, de Jean Marais dans « L’éternel retour »…
Je n’étais encore pas le snob que je suis devenu après des années de ce lycée plein de « bourges ».
Alors, lectrices chéries, honteux de mon prénom peu courant, si vous saviez comme j’eus aimé que des « potes » et pas des « copains », m’appelassent « Dédé », « Gégé » ou « Nanard » et me donnassent des claques sur l’épaule.
Oui, il vous faut savoir que « Nénesse » et « Bébert » étaient déjà passés de mode…
En foi de quoi, j’ai détesté mon prénom jusqu’à ce que je devinsse copain avec un garçon de la rue Championnet.
Je vous ai déjà parlé de Bernard R. à propos du square Saint-Lambert quand nous étions plus vieux.
J’avais fait sa connaissance quelques années auparavant, alors que je faisais les courses dans le coin avec ma mère et que je regardais les photos du cinéma « Ornano Palace », là où j’avais vu « Les dix commandements ».
Bernard R. était un garçon brun et mat, comme votre serviteur mais en encore plus timide.
Nous avions engagé la conversation timidement sur Stewart Granger car évidemment, « l’Ornano Palace » proposait un vieux western.
Quand sa mère vint le prendre, on se donna rendez-vous pour le jeudi.
Ma mère ne dit rien mais n’agréa pas franchement jusqu’à ce que Bernard lui dise poliment « Au revoir madame ».
Ma mère, bien qu’elle n’appréciât pas vraiment que je devienne copain avec des garçons du quartier, dans sa hantise de « l’accent voyous de la Porte de Clignancourt », fut satisfaite de mon nouveau copain.
Quelques années plus tard, s’il quitta l’école pour un travail d’apprenti mécanicien à la RATP toute proche, nous restâmes copains.
Et c’est lui qui, un après-midi d’été de sa dernière année d’école me confia quelque chose qui me fit considérer autrement mon prénom.
Bernard me confia tristement un jour qu’on était assis sur un banc du square Clignancourt, ce havre de paix quasiment bourgeois :
- Pfff… T’as du pot, toi.
C’était bien la première fois qu’on me disait que j’avais du pot.
J’allais au lycée, j’avais des devoirs, j’avais perdu un œil avec une fusée et ma mère m’achetait des habits choisis rien que pour me faire honte.
- Pourquoi j’ai du pot ?
- Ben tu t’appelles pas Bernard…
- C’est chouette Bernard ! Yen a plein !
- Ben justement… Toi au moins…
- Quoi moi ?
- Toi, ton nom « y fait classe », d’abord y en a pas beaucoup…
- Ah ?
- Ben t’es le seul Patrice que je connais…
Depuis, j’aime bien mon prénom qui n’était devenu courant que vers les années soixante puis recommença à se raréfier à partir des années soixante-dix.
J’aurais donc passé ma vie dans la rareté…
Je vais donc tenter aujourd'hui d'appeler les deux numéros qui me restent de lui...

lundi, 16 août 2021

Devoir de Lakevio du Goût N° 94

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Elle fait une drôle de tête, cette dame peinte par Mary Cassatt.
Quelle idée semble la préoccuper.
La scène ?
Les spectateurs ?
À vous de le dire.

Elle aurait dû se méfier quand, avec sa voix mielleuse de représentant dragueur il avait dit « Ma chérie, ce soir je rentrerai plus tard, j’ai encore du boulot avec le régisseur pour le spectacle de la semaine prochaine… »
Elle avait soupiré, une fois de plus en pensant qu’elle passerait une soirée seule devant son assiette, qu’elle serait profondément endormie quand elle le sentirait se glisser à son côté au milieu de la nuit…
Elle se disait souvent que son amant fougueux des débuts avait cédé la place à un mari somnolent bien trop rapidement.
Alors, ce soir elle avait décidé qu’elle ne s’ennuierait pas.
Elle s’était apprêtée et, usant de son entregent, avait réussi par miracle à obtenir une loge pour assister à « Tosca ».
Une véritable performance car toutes les places, quasiment jusqu’aux marches de l’escalier, étaient occupées.
Elle s’était installée et avait été subjuguée par une interprétation remarquable.
Même, elle avait sursauté d’indignation quand Scarpia avait osé proposer une galipette à Floria Tosca.
Elle était allée jusqu’à se réjouir du coup de coupe-papier qui avait trucidé ce rat de chef des flics.
Oui, elle était comme ça aussi, plutôt… disons « entière ».
Tosca répondit à Spoletta « Colla mia… Avanti a dio », et se jeta dans le vide.
Après un dernier fortissimo, le silence s’établit dans la salle.
Une sorte de recueillement commença de se faire sentir parmi l’auditoire encore subjugué.
C’est là que retentit alors, venant des loges le cri « Ah la salope ! »
Elle-même sursauta à son cri de rage.
La magie se brisa instantanément et tous les regards se tournèrent vers la sacrilège qui avait osé briser la magie de l’instant.
Accoudée au balcon de sa loge elle regardait la salle à travers ses jumelles.
Avec une voix qui n’avait rien à envier au hurlement de Tosca quand elle découvre que « Mario ! Mario ! Morto ! », elle conclut « Non mais quelle ordure, ce mec ! ».
Évidemment, elle dut longuement, pendant son séjour au commissariat, expliquer aux policiers pourquoi elle s’était conduite de la sorte.
Le commissaire conclut « Si tous les cocus faisaient ça, les scènes seraient vides ! Le spectacle serait dans la salle… »