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jeudi, 17 janvier 2019

L’écume des jours…

J’ai choisi ça comme titre car j’ai trouvé que ça faisait autrement sérieux que des trucs marrants comme « Le rire » de ce Bergson que tout le monde encense alors qu’il s’occupait de choses beaucoup moins importantes que celles qui intéressaient Boris Vian .
Pourquoi en suis-venu à digresser de la sorte, lectrices chéries ?
Eh bien voilà. Hier, nous sommes partis chez la petite sœur de la lumière de mes jours et ce matin, j’ai eu la révélation.
J’ai constaté de ma propre barbe la relativité des choses et leur importance variable.
Après de longues études, je le pressentais.
J’en ai enfin eu la preuve. Le monde du vivant n’est que différentiel !
« Pourquoi diable notre Goût adoré s’emballe-t-il comme ça ? » vous écriâtes-vous devant votre écran, lectrices chéries.
« Heure-Bleue lui aurait-elle enfin révélé quelque secret qu’il s’évertuait à chercher malhabilement depuis des années ? » pensâtes vous, mauvaises langues comme vous pouvez l’être parfois.
Eh bien non !
Non qu’Heure-Bleue n’ait encore quelque secret à moi celé par gentillesse.
Non, il s’agit de quelque chose de bien moins important.
Vous n’êtes pas sans ignorer que je suis flemmard et souvent de « cervelle linottesque ».
Ça m’avait conduit à repousser à des calendes inconnues, quasiment grecques, l’achat de lames « Gillette Fusion ».
La dernière lame de l’étui, vieille de plus d’un mois, me raclait la peau et m’arrachait la barbe.
À moins que ce ne fût l’inverse.
J’avais donc toujours l’air à peu près rasé et regardais avec mépris les quelques rasoirs jetables qui dormaient sur le petit meuble de la salle de bain.
Ce matin, donc, chez la petite sœur d’Heure-Bleue, je m’apprêtai à faire ma toilette.
Le rasoir à la défunte lame était absent du matos habituel.
« On » me tendit un rasoir jetable.
Un des rasoirs de mon regretté beau-frère.
Un tout neuf.
Le rasoir, pas le beau-frère.
Je le regardai avec mépris.
Le rasoir, pas le beau-frère.
Puis, rassemblant mon courage et me disant que de toute façon il ne s’en servirait pas, je le pris.
Le rasoir, pas le beau-frère.
J’étalai soigneusement sur mon visage mais avec quelque crainte quant à la suite, la mousse à raser.
Ma main ne trembla point !
J’ai passé le rasoir, ce « jetable », sur ma joue.
Surprise ! Ce fut un plaisir !
Voilà qui relativisait franchement ma vision de la valeur réelle des choses.
Je me suis regardé.
J’ai été surpris car ça faisait au moins trois semaines que je n’avais été aussi bien rasé. Je me suis trouvé presque beau.
Au point de me demander si je ne devais pas me crever un œil pour rester abordable.
C’est là que je me suis rappelé que j’avais déjà fait ça il y a longtemps et que ça n’avait rien amélioré.
Alors j’ai fini ma toilette et me suis habillé pour venir vous conter cette découverte impressionnante : Nous ne percevons que les changements.
D’où l’intérêt des chamailleries.

mercredi, 16 janvier 2019

Aujourd'hui peut-être...

Peut-être demain.
On va peut-être écrire.
Mais c’est peut-être.
Seulement peut-être.
On s’en va pour quelques jours qui ne sont pas de vacances.
Inutile de vous dire qu’on ne va pas tenter de s’acclimater là-bas.
Mais « elle » cuisine vachement bien…

lundi, 14 janvier 2019

la bombe algérienne.

lakevio.jpg

Ça faisait longtemps.
Très longtemps…
J’étais sûr qu’au sol il y avait des tomettes, de grandes tomettes rouges.
Quelqu’un avait dû faire des travaux car ces grandes tomettes avaient été remplacées par du plancher.
Un plancher usé, qui grinçait sous mes pas tandis que j’arpentais lentement ce qui fut la chambre dans laquelle nous dormions, mes petites sœurs et moi pendant les vacances de Noël ou de Pâques.
Une petite boule blanche était restée dans le coin gauche.
Je me suis approché, étonné je l’ai regardée et l’ai ramassée.
Une « bombe algérienne » ! C’était une « bombe algérienne » !
Je me demandais encore par quel miracle elle était restée là, après des décennies, coincée dans la plinthe.
Je la tournai doucement dans mes doigts, le papier pelure qui enveloppait ces graviers magiques avait tenu.
J’ai ouvert la fenêtre et jeté sur la route cette « bombe algérienne ».
Une explosion sèche retentit dans le silence de l’après-midi.
Je m’attendais presque à voir sortir « la mère Guillaumat », une louche ou une cuiller à pot à la main, regardant comme toujours la rue d’un air méfiant, le sourcil froncé et la bouche amère.
D’aussi loin que je me la rappelle, je ne lui ai jamais connu que cet air revêche.
Même quand ma grand’ mère allait boire le café chez elle, elle gardait cet air coléreux.
Plus tard, j’appris qu’elle avait une fille et je me suis demandé qui avait été assez téméraire pour lui faire un enfant…
Encore plus tard, je me suis dit que peut-être elle avait un jour su sourire et s’était laissé aimer.
Je ne sais pas ce qui s’était passé, je l’avais toujours connue seule, dans la maison tout juste de l’autre côté de la rue.
Tout le monde que je connaissais était mort.
Marie-Louise qui vendait les « illustrés » et les « bombes algériennes ».
« La mère Guillaumat » aussi « avait passé » comme on disait. Elle était sûrement allongée sous les cyprès du cimetière.
Ce qui me vient à l’esprit en regardant cette chambre d’un rose écœurant, c’est le numéro « 1 » de Kiwi, avec « Roddy, le petit trappeur » et Blek le Roc collant des raclées aux « Tuniques rouges » en soutien « aux patriotes de Portland ».
Je n’allais certainement pas venir vivre ici.
Vivre ici c’est déjà être mort.
Ça m’a convaincu de partir sans me retourner.
Alors je suis parti sans me retourner, finalement convaincu de ce que je pensais depuis longtemps.
Convaincu de la seule chose que j’ai apprise au cours de toutes ces années :
Tant que, jours et nuits, on peut toucher du regard et du bout des doigts une autre peau que la sienne, on fait partie des vivants.
Le reste n’est que littérature…

samedi, 12 janvier 2019

Aujourd'hui rien...

Hier soir, j’ai continué à lire « Leurs enfants après eux ».
Chaque fois que j’ouvre ce livre, je suis plus qu’heureux de vivre à Paris.
Heureux d’être né à Paris et d’y avoir grandi.
En fermant les yeux, je me suis dit que je suis vraiment bien à Paris.
Je crois bien que je sais ce qu’est Paris.

Comment ça se vit, comment on y erre comme dans un espace étrange, fait de temps, de sensations, ou le temps lui-même est quelque chose d’instable, fait d’allers « normaux » vers le futur, de regards derrière soi, vers un passé si présent qu’il vous serre la gorge.
Alors, après avoir reposé mon livre, je me suis endormi en flânant, à moins que je n’aie flâné avant de sombrer dans le sommeil.
Ou que je ne flâne en dormant, allez savoir lectrices chéries...
Je suis sûr que j’ai rêvé écrire ce matin une note superbe, passionnante, de surcroît bien écrite, une note qui vous aurait charmées j’en suis sûr.
Hélas, lectrices chéries, ce matin il n’en reste rien.
Elle s’est évanouie dans les limbes inaccessibles où tous ces rêves se perdent dès le réveil.
Ce matin, je n’ai donc rien à vous raconter.
C’est dommage, je suis sûr que ça vous aurait plu…

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vendredi, 11 janvier 2019

Il y a des jours où le fil est mignon…

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Comme souvent en janvier, ce matin le temps est triste…
La maigre lumière du dehors me donne l’impression de vivre dans un film en noir et blanc.
En y réfléchissant, plutôt dans un film en gris et gris.
Même les enfants du collège en face entrent sans bruit.
Pas un piaillement de fille, pas un ricanement bête de garçon, pas de cris ni de chamailleries comme je les entends vers huit heures le matin.
J’attends qu’Heure-Bleue se réveille.
Je passe une main sur son épaule, elle soupire doucement et se tourne alors je me lève.
Pendant que la radio me raconte des bêtises par la voix de Ségolène Royal, je prépare les petits déjeuners et je rêvasse.
Ça doit être la grisaille du temps et surtout sa tristesse crasse car d’un coup j’ai devant les yeux l’image de la vieille miss Havisham affolée, un tisonnier à la main, contemplant le tison qui vient de mettre le feu à sa robe de dentelle.
Pourquoi diable cette scène des « Grandes Espérances » m’est-elle venue à l’esprit à ce moment ?
Je n’en ai aucune idée.
J’ai vu ce film un jeudi après-midi chez mes fondus du bon dieu.
Je me rappelle qu’on a réussi à se tenir tranquille pendant deux heures.
Ce film en noir et blanc m’a marqué, tant et si bien que le plan où la robe de miss Havisham s’enflamme alors qu’elle tisonne la cheminée est toujours vif.
Et toujours en noir et blanc…
Je me rappelle aussi que, bien que tirée de ce mauvais pas par le héros, elle mourra plus tard de ses blessures.
Ce qui me revient le plus, à ma grande honte, ce n’est pas que miss Havisham trépassa, non.
C’est la beauté dévastée de cette robe de dentelle blanche, comme une robe de mariée.
Je la revois encore et j’ai quasiment dans le nez l’odeur de brûlé qu’elle a sans doute dégagée lors du tournage.
Maintenant que j’ai grandi, enfin… vieilli, je me rends compte que je n’ai connu de ces « Grandes espérances » que ce film en noir et blanc des années quarante, le film de David Lean et le livre de la « Bibliothèque verte » avec sa couverture unie.
En dehors de ça, je n’ai lu de Dickens que « La maison d’Âpre-Vent » et « La petite Dorrit ».
Mais ce matin, c’est miss Havisham et sa robe de dentelle qui m’ont semblé se marier le mieux avec ce temps à se jeter dans la Seine…