dimanche, 16 décembre 2018
On a besoin d'écrits vains...
Ouais... Mais c’est dimanche...
Ça, c’était l’année dernière.
Pourvu que ça ne recommence pas cette année...
Hier on a fait connaissance d’un couple sympa.
Ça eut pu être vraiment bien.
Hélas…
Non que nos compagnons de café eussent été désagréables, au contraire, mais le temps…
Ce temps « de mince » comme dit Merveille, nous a pourri le reste de la journée.
Nous avions commencé l’après-midi, emportés par l’enthousiasme.
Enfin, emportés par nos pieds car les bus ne daignaient emmener personne de peur, d’amener des passagers prêts à lutter contre les inégalités et le mépris à coups de gilets jaunes.
Les lignes de bus intramuros ayant tendance à frôler des palais et des magasins de luxe, elles furent toutes remaniées « service partiel ».
Notre bus nous amena donc deux stations plus loin, place de Clichy.
Là, les pieds maintenus à la température du trottoir et la tête trempée par la pluie nous sommes arrivés au square d’Anvers sentant le chien mouillé, les cheveux pendants tristement, sauf ceux de la lumière de mes jours.
Chez elle, l’humidité donne à ses cheveux un côté Edwige Feuillère dans « La folle de Chaillot », mais j’aime bien aussi même si elle préfère dire que ça lui donne la coiffure de Colette…
Nous sommes donc arrivés, trempés, gelés, dégoulinants, mais contents.
Après moult cafés, décaféinés pour une, allongés pour une autre, normaux pour un troisième et serrés pour votre serviteur, on s’est senti bien.
Nous étions au chaud, en agréable compagnie, avec des gens diserts et semble-t-il heureux.
Tout allait pour le mieux.
Les meilleures choses ayant une fin il a fallu emmener vers le Sacré Cœur nos compagnons de tourisme.
Là, ça s’est gâté.
Il faisait un froid de gueux, sans doute pour punir les manifestants qui se plaignaient justement de cette condition qu’ils croyaient évanouie depuis la « Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ».
En plus il pleuvait, sûrement pour faire plaisir à un gouvernement très embêté par cette affaire de « gilets jaunes ».
Alors il a fallu mener nos nouveaux amis là où ils pourraient acheter un parapluie.
Nous savions où ils en trouveraient mais nous n’y étions jamais entrés.
Alors, pour la première fois Heure-Bleue et moi sommes entrés dans une de ces boutiques de « schmattès » de la rue de Steinkerque.
C’est un bordel terrible avec des entassements de vêtements monstrueux.
Nous le savions mais nous n’avions jamais eu l’idée d’y entrer.
Pas de vendeuses ou de vendeurs, juste la caisse au fond du… au fond de… on ne peut pas dire « magasin », c’est juste un immense « décrochez-moi-ça » ou une bonne part du stock traîne par terre sans que quiconque songe à ramasser ce qui vient de tomber.
Nous avons laissé nos amis au funiculaire et sommes retournés à la maison.
Après avoir attendu, sous la pluie et le vent, un bus coincé dans les embouteillages, nous sommes arrivés, gelés, dégoulinants, frigorifiés, sentant le chien mouillé.
Mais ce fut quand même bien…
11:05 | Commentaires (7)
vendredi, 14 décembre 2018
Ah dieu que la guerre est jolie...
Je vous ai déjà parlé de « Poussin » ?
Non, pas le peintre, un autre, un qui était dans « ma » pension.
Un jeune garçon que ma grande sœur trouvait à son goût quand elle avait aux environs de seize ans.
Elle l’avait rencontré en venant me voir chez les Frères, un dimanche où, comme souvent j’étais consigné à la pension.
J’ai passé tant de dimanches là-bas pour des raisons stupides, essentiellement des questions dont j’ignorais qu’il était défendu de les poser.
Poser simplement la question sur le bien-fondé de certaines affirmations par exemple était très mal vu.
Ma grande sœur était alors « désignée volontaire » pour « aller voir ton petit frère qui s’ennuie de toi ma petite chérie ».
« Petite chérie » croisa donc un printemps un pensionnaire que je ne croisais jamais car il était dans la « division des grands » et qui avait le même âge.
Je ne sais toujours pas, près de six décennies plus tard comment elle le croisa.
Je sais seulement qu’il quitta la pension la même année que moi et qu’il revit ma grande sœur.
J’en ai néanmoins retiré à l’époque que « les grands » avaient des techniques à eux pour échapper aux diktats des vieux…
Je repensai donc à « Poussin » que je n’ai connu que sous ce nom, nom que lui donnait sa mère en le couvant de son regard de mère.
Ce « Poussin » fut probablement le premier grand amour de ma grande sœur.
Honnêtement je me suis demandé longtemps comment ils avaient pu s’y prendre.
Surtout que je connaissais ma mère…
J’e l’ai su plus tard en réussissant la même chose…
De ce « Poussin » je n’entendis plus parler que quatre ans plus tard.
Il se rappela au souvenir de ma grande sœur de façon dramatique quand sa mère prévint ma sœur à l’été 1962.
« Poussin » venait d’être tué par une balle perdue exactement quarante minutes avant le cessez-le-feu en Algérie.
Ma grande sœur pleura car elle eut un grand chagrin en apprenant la mort de « Poussin », si jeune, pour rien et pour s’être trouvé au mauvais endroit au mauvais moment…
J’ai encore dans les yeux le regard de la mère de « Poussin » et le souvenir d’une écharpe jaune qu’il portait.
J’ai longtemps pensé que sa mère l’appelait « Poussin » à cause de cette écharpe jaune clair…
11:14 | Commentaires (9)
jeudi, 13 décembre 2018
J'ai toujours eu du goût pour les cornues, si si…
Ouais, je sais, c’est un truc de gamin…
Je me suis toujours dit que j’avais de la chance.
Toutes les femmes chez qui j’ai vécu, de ma grand’mère maternelle quand j’étais enfant jusqu’à mon âge moins jeune –j’allais écrire « adulte », inconscient que je suis- chez Heure-Bleue, ont toujours fait preuve d’une patience d’ange à l’égard de mes trouvailles.
Quand je repense à la façon dont il m’est arrivé de transformer la maison en véritable laboratoire d’épouvante, je me dis que toutes ces femmes ont été des saintes.
Même mon père, qui n’était pas terrible comme femme, a fait preuve de cette patience angélique.
Je me souviens ainsi d’un soir qui se révéla fumeux.
J’étais sorti depuis peu de l’hôpital ou j’avais passé tout le deuxième trimestre de ma première cinquième et le printemps sonnait les premières soirées d’avant dîner entre voisins.
Les voisins, les parents de S. que je n’aimais pas, étaient à la maison.
La maison était calme, mes sœurs étaient dans la chambre.
Ce soir là, Madame S. était dans le « boyau-cuisine-entrée » avec ma mère.
Monsieur S. discutait avec mon père et ils disaient du mal de De Gaulle.
Monsieur S. c’était celui qui passait souvent le soir à la maison.
- Gaby, t’aurais pas une cigarette, j’ai…
- Je sais, t’as oublié ton paquet dans ton placard…
Je sais que S. n’était pas là, cette petite chose fragile et faux-cul était « chez sa mémé » car il souffrait, disait Madame S. d’une « crise de croissance ».
Je jouais, accroupi aux pieds de mon père.
Tous étaient indifférents à ce que je faisais.
Ils n’auraient pas dû…
J’avais une boîte en bois, une sorte de coffret qui avait autrefois contenu des cubes, de ces cubes de bois qui permettaient de reconstituer six images différentes.
J’en ai encore au moins trois en tête bien que les cubes eussent été perdus depuis des milliers d’années.
Dans cette boîte, ce soir là il y avait des trucs que normalement mes parents auraient dû jeter depuis mon arrivée à l’hôpital.
Hélas, on ne peut penser à tout et beaucoup de ces choses étaient inoffensives.
Plus exactement auraient dû être inoffensives.
Il y avait évidemment de petits bouts de « fil électrique », une pile de 4.5V de la marque « Durandal » aujourd’hui disparue, un tube d’aspirine dont le contenu avait échappé à la méfiance de mes parents, quelques épingles et une mine de crayon bien pointue.
Je jouais donc tranquillement quand l’idée m’est venue.
Les tubes « d’Aspirine Usines du Rhône » étaient à l’époque en aluminium.
Celui là contenait un mélange de chlorate de soude, rescapé de la dernière fusée, de soufre et de limaille d’aluminium.
La limaille d’aluminium m’avait déjà valu une taloche car elle avait flingué une lime à ongle de ma mère.
Ma pile, deux morceaux de fil dont l’un entourait le tube, l’autre lié à la mine de crayon furent l’élément qui déclencha l’aventure.
Je vérifiai qu’en plongeant la mine dans le mélange, il ne se passait rien.
Il ne se passa rien.
Hélas, la pointe de la mine se colla à l’extérieur du tube, rougit, fit rougir l’aluminium du tube au point de contact et le mélange s’enflamma.
Re hélas, ce genre de mélange est inextinguible.
Mon père et Monsieur S. bondirent, se ruèrent vers la cuisine pour chercher de l’eau en criant « ah le petit con ! ».
Ma mère arriva, me colla une taloche en me promettant l’enfer.
La maison puait affreusement et on voyait à peine les murs.
Ma mère a ouvert les fenêtres.
Ce soir là on a dîné chez les S.
C’était bon…
09:44 | Commentaires (10)
mercredi, 12 décembre 2018
La mère toujours recommencée…
Ouais, je sais, pauvre Paul Valéry, ça me fait honte...
En passant devant une boutique de la rue Legendre l’enseigne « Mondial Télé » m’a ramené pour un instant passage Championnet, ce passage qui croise le mien.
C’est là que j’ai fait une bêtise qui m’a permis de « dépiauter » pour la première fois un « poste de radio ».
J’allais chez le boulanger.
Le boulanger interdit.
Je n’allais pas « chez Galy ».
« Et tu vas chez Galy, hein ! Un pain parisien ! Et bien blanc ! »
Non, j’allais « chez Marion ».
« Et pas chez Marion, hein ! Et pas une baguette, c’est cher et lourd à digérer ! »
J’avais donc transgressé l’interdit.
Exprès.
Et j’étais parti avec les pièces dans la main, la main au fond de la poche, avec l’idée bien arrêtée de désobéir et de ramener une baguette.
La pire, celle que détestait ma mère, « la baguette moulée ».
J’avais fait pire encore, au lieu de passer par la rue Championnet pour aller au coin de la rue Neuve de la Chardonnière, j’avais osé passer par le passage Championnet.
Nous habitions dans un passage, il nous fallait bien arriver jusqu’à la maison mais pour ma mère, l’idée que l’un d’entre nous passât par un passage lui causait des angoisses.
Elle était obsédée par l’idée que le quartier était rempli d’Arabes dont le seul but dans la vie était de nous enlever.
Moi pour m’égorger, mes sœurs pour les envoyer dans des bordels en « Afrique du Nord » comme on disait avant qu’on appelle le coin le Maghreb.
Je m’engageai donc passage Championnet, dix pas à peine parcourus, je tombai en arrêt devant une camionnette découverte.
Un énorme fatras en encombrait le plateau, des tas de choses faites exprès pour attirer le gamin curieux comme le joueur de flûte de Hamelin attirait les enfants du village.
Un « fil électrique » pendait du plateau, me tentant comme un bijou tente un cambrioleur.
J’ai lâché les pièces au fond de ma poche et j’ai pris le fil.
J’ai tiré dessus.
Après une résistance assez faible, il est venu.
Il est arrivé avec un vieux poste qui est tombé sur les pavés du passage dans un vacarme épouvantable et le coffret de bakélite a été dispersé en milliers de morceaux.
Un poste de radio plein de lampes et de bobines étranges.
Les lampes étaient magnifiques !
Rouges, avec un téton argenté sur le dessus.
Le type est sorti du rez-de-chaussée, m’a regardé d’un air mauvais puis a regardé par terre.
Il a haussé les épaules, m’a tendu le poste en disant « fait attention à pas t’couper, hein, l’môme… »
J’étais si content que je suis remonté tout de suite à la maison avec mon trésor.
Ma mère a crié « mais ce n’est pas les Puces, ici ! Et le pain ? Où est le pain ? »
Mais elle m’a permis de garder le poste et même de le démonter dans la grande pièce « quand ton père sera là ».
Le type, je l’ai revu plus tard, il avait ce stand qui ressemblait à une décharge au Marché aux Puces…
Le poste n’a jamais remarché...
10:24 | Commentaires (9)
lundi, 10 décembre 2018
Histoire sans faim…
Bon, c’est vrai que je n’avais pas envie de le faire….
Je suis seul dans ce foutu vaisseau.
J’espère que ce moteur gloubiboulguien va tenir…
Je m’en vais. Loin. Très loin…
C’est chouette finalement que ce savant né sur Gloubiboulga ait inventé le moteur interstellaire.
Et nous en ait fait profiter sans le faire exprès en s’échouant sur Terre…
On s’est battu comme des chiffonniers pour se l’approprier au lieu de le partager pour que nous puissions trouver une autre planète.
Probablement pour certains, trouver une autre planète à dévaster…
Finalement, le sort a été favorable.
Un type qui bossait pour Wikileaks a diffusé sur ce qui était un réseau mondial à l’époque, ce qui permettrait à tous de fabriquer ce moteur interstellaire.
Cette chose magique qui, trouvant d’autres chemins, permettait d’annuler les distances entre les étoiles..
En cette année 2353, soit un peu plus de trois cents ans après cette découverte fortuite, je fuis.
En fait j’en ai marre de toutes leurs âneries.
Je trouverai bien un endroit où on ne se détruira pas pour des richesses aussi illusoires que volatiles puisque la mort nous en détache à coup sûr.
Une planète ou je serai peinard, un endroit où j’aurai la paix.
Un endroit où on ne se chamaillera pas pour des bêtises.
Rien que penser à cette dernière raison, je repense à un type qui a dit, il y a près de cinq cents ans « L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête. »
Assez fûté, il s’est rendu compte que ça avait induit illico que « Si les tous les hommes savaient ce qu’ils disent les uns des autres, il n’y aurait pas quatre amis dans le monde ».
C’est d’ailleurs pour éviter tout ça que je préfère être tout seul dans ce vaisseau.
Je regarde, avant de lancer la navigation hyperspatiale, l’écran qui me montre ce qu’il y a derrière le blindage qui me protège des rayons cosmiques.
Il n’y a là que le ciel piqueté d’étoiles, de bien plus d’étoiles que je n’en voyais du sol.
Pas un bruit, pas même un souffle, ne sort du haut-parleur de la cabine de pilotage.
Je vais laisser le vaisseau trouver un havre et le choisir.
Il ne se trompera sûrement pas plus que moi.
Et là, en voyant la Terre s’éloigner dans l’espace et n’ayant aucune idée de là où je vais arriver, je dois me l’avouer : Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie.
07:35 | Commentaires (11)