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vendredi, 09 mars 2018

Moreau vache...

gustave-moreau-les-pretendants.jpg

Hier comme prévu, les 60% de « risques de précipitations » se sont justement précipités sur nous quand nous sommes descendus du bus qui nous mena à notre « döner » préféré.
Comme l’a dit Heure-Bleue « il n’y a pas photo à côté de celui de la maison ! »
Comme d’habitude, nous avons eu l’impression d’être à table avec des copains de passage.
Hier, nous avons conversé avec deux Marocains aussi français que vous et moi.
L’un dirigeait le service administratif d’une grosse entreprise, l’autre se débattait avec la délicate mission de faire aboutir des projets informatiques.
Ça m’a permis de constater la permanence des choses.
Les pères font, comme d’habitude, des efforts pour que leurs filles acquièrent par la voie des études une bonne capacité d’analyse et de critique et espèrent que ça leur permettra de vivre comme elles l’entendent et seront heureuses.
Les ingénieurs ont, comme d’habitude, le devoir de faire aboutir des projets arrachés avec la promesse de budgets et de délais irréalistes…
Nous avons donc passé un bon moment.
Puis nous sommes repartis pour le musée Gustave Moreau.
Il y a des années que nous n’y avions pas mis les pieds.
Le quartier est toujours aussi beau. Même si je dis ça parce que j’adore le IX ème arrondissement, surtout le quartier de la « Nouvelle Athènes ».
Nous y sommes arrivés trempés.
Les toiles de Gustave Moreau me font encore et toujours penser à l’ambiance de nombre de films en couleur tournés entre 1935 et 1962, de ces films qui n’étaient pas des « peplum » mais dont l’ambiance onirique, inquiétante et mystérieuse me fabriquait des souvenirs jusqu’au jeudi suivant.
Toutefois nous vîmes quelque chose de drôle tout au long de la visite.
Un couple de jeunes femmes dont l’une était intéressée par Gustave Moreau, l’autre par elle-même.
L’une regardait les toiles, l’autre se regardait.
Elle se trouvait si belle qu’elle sacrifiait à la mode du « selfie », le « selfie complet », le « selfie avec duck face ».
J’aurais pensé que passés quatorze ans, ce genre de tocade passait.
Mais non, ça dure apparemment jusqu’après trente ans…
Nous avons regardé Narcisse se portraiturer régulièrement.
C’est quand j’ai pensé « Narcisse » que celui du Louvre m’est revenu à l’esprit.
Je me suis demandé si ce charmant minois agrémenté d’un habillage d’éponges intéressant cachait dans ses sous-vêtements les mêmes attributs que la statue de Narcisse dite « Hermaphrodite Mazarin ».
Ce qui prouve que les pensées les plus incongrues me viennent à l’esprit…
Nous sommes ressortis du musée enchantés et presque secs.
Nous n’avons pas remonté la rue Blanche jusqu’au boulevard de Clichy qui nous aurait ramenés à la maison car nous « devions » passer à la FNAC pour y prendre deux bouquins attendus par la lumière de mes jours.
Nous avons été retrempés derechef…
Puis, toujours sous la pluie nous sommes revenus à la maison.
Comme nous connaissons notre haleine depuis longtemps, nous l’avons modifiée en profondeur en dînant d’une tarte à l’oignon amoureusement préparée par votre Goût adoré.
Ce fut une journée humide mais très chouette…

jeudi, 08 mars 2018

Faites des femmes…

C’était en mars, justement.
C’est donc pour ça justement que je rappelle ce petit bout de note :

Je cherchais des semi-conducteurs et des connecteurs.
Elle cherchait une excuse pour sourire.
Nous avons papoté quelques heures sur le compte de nos patrons respectifs.
J’ai un peu frimé.
Elle l’a jouée un peu réservée.
Je lui ai proposé d’aller voir « Soldat bleu ».
On ne l’a pas vu.

Un jour, elle a dit «passe me prendre à l’heure du dîner».
C’est très exactement ce que j’ai fait.
Il faut dire que j’étais très «premier degré» à l’époque...
Mais on a dîné quand même.
Depuis, vous la connaissez comme « Heure-Bleue ».

Bon, je ne dirais pas que c’est sa fête tous les jours.
Mais j’aime bien vivre avec quelqu’un avec qui je me dispute mais qui, quand elle me piétinerait volontiers, ne va pas jusqu’à me considérer comme le représentant d’une espèce à  abattre comme le premier canard grippé venu.
Ce n’est pas parce qu’il y a des hommes malades et malveillants qu’il faut suivre celles qui proposent d’abattre le troupeau.
Je me rappelle les idéaux de 1789.
J’aimerais bien qu’on évite, plus de deux siècles plus tard, qu’on retombe dans les excès de 1793.
Être abattus comme un troupeau de vaches folles par des Robespierre autoproclamées incorruptibles me fait peur.
J’aime bien finalement vivre avec quelqu’un de sensé.
Quelqu’un qui ne me regarde pas seulement comme l’autre moitié esclavagiste, brutale et agressive de l’espèce.
Mais aussi comme sa moitié.
Sa moitié indispensable.
Celle qui lui évite, non la solitude, faut pas pousser.
Non, la moitié d’elle qui lui évite d’avoir mal au bras.
La moitié qui porte le sac de provisions, qui va acheter et prépare la Ricoré.
Mieux encore, la preuve indispensable que l’Homme avec un grand « H » a été créé pour un rôle, le seul important.
Le rôle du seul élément capable de changer l’enveloppe de couette sans piquer une crise de nerfs.
Qui peut le faire sans finir par jeter l’enveloppe sur la couette en s’écriant « Et m… ! T’as qu’à le faire ! » ?
Eh bien oui, il faut vous rendre à l’évidence, il y a des femmes qui ont besoin des hommes.
J’en connais même qui se sont aperçues  que si leur petit camarade de jeux les embrassent dans le cou, ce n’est pas une agression même si on ne peut nier le côté sexuel de la chose…

mercredi, 07 mars 2018

Mon père n'était pas un adepte des piqûres...

CM-193X.jpg

Ça, c’est en 1930 à Ménerville, Algérie.
Franchement, lectrices chéries, si on n’avait pas des parents, les psys feraient faillite.
D’ailleurs je ne suis même pas sûr que la profession existerait…
Vous ai-je déjà parlé de mes parents, lectrices chéries ?
C’était un couple étrange, un de ces couples dont on ne peut pas dire un instant qu’il s’agissait d’une paire.
Il ne s’agissait évidemment pas d’une paire assortie, comme les chaussettes.
Il s’agissait encore moins d’une paire complémentaire, comme la vis et l’écrou.
Non, rien de tout ça.
C’était un équipage étrange dont ma mère était le cocher.
Elle s’évertuait à maintenir dans le droit chemin cet équipage qu’elle eût voulu reposant.
Hélas, avec mon père, autant essayer de mener un attelage de papillons.
Elle pouvait compter sur lui pour des tas de choses.
Pour le travail, pour faire des mots dévastateurs si on avait besoin des gens après, pour peindre des tableaux car il fut longtemps un très bon copiste.
Sinon, autant compter sur une promesse de candidat à la députation.
Remplacer un fusible de la boîte EDF au dessus de la porte était le meilleur moyen de le voir inanimé sur le carrelage du palier.
Clouer un piton pour y accrocher un tableau prouvait que taper sur le piton au travers d’un doigt était inefficace et douloureux.
Ma mère ne le laissa jamais poser du papier peint.
Jamais !
Elle avait bien trop peur d’être obligée de lui couper les cheveux pleins de colle et de racheter deux ou trois fois les rouleaux de papier.
Ma mère, selon son humeur le voyait dans deux rôles très différents.
Les « jours Lemmy », elle le voyait chanteur.
Il avait de fait une assez belle voix de baryton et charmait ma mère quand il lui chantait les chansons du moment.
À la condition évidemment qu’il n’en modifiât pas les paroles avec des trouvailles de son cru, généralement impubliables.
Les « jours Gaby », elle l’eût préféré gendarme.
Oui, gendarme.
Pour ma mère c’était le sommet de la tranquillité, une solde régulière, un emploi garanti, un uniforme qui aurait assuré le prestige dont elle rêvait.
Imaginez donc un mélange d’Aristide Bruant, de Louis Campion et de Toulouse-Lautrec en gendarme…
Bref, c’était un de ses couples étranges, deux personnes disparates pas plus capables de vivre ensemble que de vivre l’un sans l’autre…
Et pourtant ils ont beaucoup vécu à part.
Et vous voudriez que les quatre enfants qu’ils ont plus ou moins élevés ne soient pas un peu cinglés.
Vous ne trouvez pas qu’il était beau, mon père, à neuf ans ?
J’ai une photo de ma mère à quinze ans, il faut que je la retrouve.
Dans leur couple, c’était elle la « mate » et mon père le « clair ».

lundi, 05 mars 2018

Telegraph Road

lakevio.jpg

Je l’attendis, loin du comptoir où elle se tenait.
Depuis une semaine, je n’avais jamais su vraiment qui elle était, ce qu’elle faisait.
Elle se montrait assez libre avec moi pour que je pense qu’elle ne l’était pas vraiment…
Mais chaque fois que la conversation dérivait vers son statut social, elle esquivait adroitement le sujet et se cantonnait à me sourire.
Un sourire dont je n’avais jamais réussi à savoir s’il était affectueux, amoureux, destiné à séduire ou simplement un témoignage de gentillesse.
Aujourd’hui, elle m’avait entraîné jusqu’au bureau de poste.
Quand elle avait passé son bras sous le mien, j’avais été surpris par sa façon de serrer mon bras.
Les premières fois que nous nous étions promenés dans le parc, elle avait simplement passé son bras sous le mien de façon légère, quasiment distante.
À tout le moins prudente.
Mais là…
Qu’avait-elle donc à l’esprit pour que soudainement elle me tienne avec un air de propriétaire ?
J’allais dire « je la suivis jusqu’au… » quand je me suis rendu compte qu’en réalité elle me traînait jusqu’au bureau de poste.
Elle m’avait dit « Je reviens, ne vous inquiétez pas, j’en ai pour un instant. »
Je m’inquiétai tout de même car elle avait un caractère assez fantasque.
Pendant qu’elle remplissait ce qui ressemblait à un formulaire d’envoi télégraphique, j’attendis.
Elle écrivit quelques lignes et se dirigea vers l’opératrice, me souriant au passage.
Elle me fit signe de ne pas bouger tandis qu’elle s’approchait du guichet.
L’opératrice pris le formulaire et commença à haute voix.
« Madame Dugenou, c’est bien Dugenou ? Comme un genou avec « du » devant ? D-u-g-e-n-o-u ? »
« Oui » a-t-elle chuchoté.
«  12 Rue de la Pompe ? »
« Oui, moins fort s’il vous plaît » a-t-elle encore chuchoté »
« Bien Madame » a opiné l’opératrice d’une voie de stentor.
Tout en continuant sur le même ton.

......................................Maman, ça y est ! STOP
......................................Je le savais. STOP
......................................C’est lui je le sais. STOP 
......................................Je l’aime je l’aime je l’aime ! STOP
« je-l’ai-me-je l’ai-me-je l’ai-me. Trois fois -je l’ai-me ?  »
A insisté l’opératrice toujours hurlante.

« Oui, moins fort s’il vous plaît » a-t-elle insisté.
......................................Je vais le lui dire. STOP.
......................................Je rentrerai tard ce soit, après le restaurant. STOP

De mon côté, j’étais heureux d’écouter la dame de la Poste.
Celle de qui je venais d’apprendre que nous dînerions au restaurant revint vers moi, rouge de gêne.
« J’aurais préféré que ce ne soit pas l’opératrice de la Poste qui vous l’apprenne… »
J’ai tendu le coude, elle a glissé son bras sous le mien.
J’ai seulement demandé « Et où allons nous dîner ? »

samedi, 03 mars 2018

Oh les filles ! oh les filles !

P’tite Sœur est une fille.
Je ne dis pas ça parce que je l’ai vue sans habits et qu’elle ne fait confiance qu’à papy pour s’occuper d’elle dès qu’il est question de faire un « pipi d’urgence » dans la rue.
Non, ce n’est pas que pour ça.
C’est parce qu’elle a déjà tous les trucs et astuces langagiers des filles.
Dans le bus elle m’en a administré la preuve indubitable.
« Non ! »
« J’ai pas envie ! »
« Pas maintenant ! »
« Je suis fatiguée ! »
«  Je veux pas ! »
« Je suis pas ton esclave ! »
Oui, elle a dit ça à Heure-Bleue qui lui demandait d’apporter son anorak.
Bref, tous les poncifs qui font qu’elle dispose déjà de l’arsenal rhétorique nécessaire à la vie de couple.
Plus un détail, involontairement fourni par Heure-Bleue à propos de « Petits filous » en tube jamais terminés et que P’tite Sœur laisse traîner et qui salissent là où elle les a laissés.
La lumière de mes jours a ramassé nombre de ces petits tubes semant des gouttelettes  de yaourt tout le long du chemin entre le salon et la cuisine.
Forte de son talent inné du double sens, elle a jeté à haute voix « Ah la la… C’est encore le genre à pas sucer jusqu’au bout… »
P’tite Sœur a dit « Non ! »
Scandalisée, Merveille a dit « Oooohhh !!!! », forte d’une connaissance, que je n’espère que lexicale, acquise dans son coin de loubards…
Heure-Bleue a dit « J’ai rien dit ! J’ai pas voulu dire ça ! » et a éclaté de rire.
Je me suis contenté de lever les yeux au ciel…