dimanche, 27 mai 2018
« L’homme des vieux »
La lumière de mes jours m’a posé une question à laquelle j’étais bien incapable de répondre :
- C’était quand, le concours des capsules de lait qui donnaient l’entrée à un concert de yéyés ?
- Ben euh…
Elle a cherché, elle a trouvé.
C’était en 1962.
Elle est allée au concert en racontant des carabistouilles à sa mère.
En 1962, je suis allé « en colo ».
C’est en juillet que je m’étais fait un copain dont je vous ai déjà parlé.
Il s’appelait –et s’appelle probablement encore- Charbonnier et était orphelin et confié à sa grand’ mère.
Donc, comme Rose qui était belle et sentait bon la fleur nouvelle, il « vivait chez sa vieille aïeule où qu’y s’él’vait comme ça tout seul » comme dit la chanson.
Mais rue Ordener, pas rue Saint Vincent…
À la fin juillet il est revenu à Paris tandis que j’étais envoyé dans une autre colo.
À mon retour, j’ai revu Charbonnier à Paris, il est venu plusieurs fois à la maison avec des 33T de Johnny Halliday.
Il était fan de la série « Les rocks les plus terribles ».
Un jeudi d’octobre, alors qu’il me disait que ces temps-ci c’était la dèche chez lui, je lui ai demandé comment il avait pu aller en colo en juillet.
Et c’est cette histoire de capsules de lait qui m’a rappelé le financement de la colo du sieur Charbonnier.
Il m’a raconté que sa grand’ mère ne buvait pas de vin mais se rattrapait sur les vins cuits.
Parfois au point de l’être elle-même à la fin du dîner…
Le Saint Raphaël mais surtout le « Byrrh » avaient sa préférence.
Le « Byrrh » et le Saint-Raphaël parce qu’ils étaient « forcis au quinquina et que ça donnait des forces aux vieux ».
Ça dura jusqu’à ce que Radio Luxembourg, pas encore RTL diffuse une campagne de publicité pour « Bartissol ».
« L’Homme des vœux » se promenant dans les rues de Paris avec la promesse de faire pleuvoir des francs sur ceux qui le reconnaîtraient poussa la grand’ mère à changer d’orviétan.
Elle se mit à écorner sa pension avec entrain à coups de litres de Bartissol.
Elle en gardait précieusement, me dit Charbonnier, les capsules dans un sachet qu’elle enfouissait au fond de son sac à main.
On ne sait jamais, des fois que « L’Homme des vœux » passerait rue Ordener…
Le sort est facétieux.
Au printemps 1962, il passa rue Ordener et croisa la grand’ mère de Charbonnier.
Elle le reconnut et sortit derechef le sac de capsules.
D’après Charbonnier, la somme gagnée fut telle que si elle lui permit des vacances en colo elle le poussa à se poser des questions sur la quantité de Bartissol sifflée par la grand’ mère.
Avec le recul de l’âge, je me dis que le matos d’avant guerre avait un foie particulièrement solide…
Je pense à lui chaque fois que j’entends « Gabrielle » alors qu’il m’a usé des diamants à écouter chez moi « Dans un jardin d’amour » .
Bref, lui aussi pensait à « ça »…
09:42 | Commentaires (3)
samedi, 26 mai 2018
Mieux vaut le Pisse-dru que le pisse-vinaigre.
La lumière de mes jours regardait les informations alors que je finissais de mettre la table.
La télé s’étalait complaisamment sur les méfaits et le « perp’s walk » à Manhattan de Harvey Weinstein qui est quand même un grand dégueulasse.
Un grand cinéaste mais un grand dégueulasse.
D’un coup la lumière de jours m’assène :
- Minou ! Normalement tu serais en taule !
- Mais j’ai rien fait !
- Non mais tu es un « tactile », et là-bas, on ne se touche pas…
Il est vrai que j’ai tendance à « l’abrazo » très latin, ce truc que les uns traduisent par « câlin » et les autres, ceux qui savent vivre et qui connaissent le « latin behaviour » traduisent par « accolade ».
J’ai passé quelque temps aux Amériques mais c’était dans les années 80, celles où un type pouvait regarder une femme sans être accusé immédiatement de pensées salaces.
Une époque où dire « Hi ! » à une femme dans un ascenseur ne vous menait pas au tribunal avec une accusation de harcèlement.
Inutile de vous dire que le « hug » à quelqu’un que vous ne connaissez que via le Web vous mène illico à Rikers sauf à sortir cent mille dollars dans une « négociation amiable » qui en dit long sur l’art de faire casquer l’imprudent affectueux.
Dans ma minute anti-américanisme primaire, celle qui me prend le matin quand j’entends la dernière bévue de Trump à la radio, je me dis que les États-Unis d’Amérique sont devenus un pays étrange.
Un pays ou poser la main sur l’épaule de sa collègue ou voisine pour la saluer ou dire « pfiouu… Le printemps te va bien ! » est « inapproprié ».
Un pays où le chrétien peut contester le droit des femmes à disposer de leur corps au prétexte que ça heurte ses convictions.
L’idée que ses convictions à lui peuvent heurter les convictions des autres ne l’effleure même pas.
Pour lui, la vraie démocratie, c’est penser comme lui.
« Vivre et laisser vivre » ne fait pas partie de son arsenal intellectuel.
J’en arrive à la conclusion que si Woodstock avait lieu en 2018 plutôt qu’en 1969, il eut fallu envoyer en taule plus d’un demi-million de personnes, homme, femmes, garçons et filles, tous mélangés et ne rechignant pas à montrer de façon lascive combien le concert les emballait…
Les pauvres, qu’est-ce qu’ils vont s’emmerder.
Pire, qu’est-ce qu’ils vont nous emmerder.
N’empêche, elles sont quand même très gentilles.
Elles vont jusqu’à t’engueuler de temps en temps en te disant « tu préfèrerais que je simule ? »
10:10 | Commentaires (5)
jeudi, 24 mai 2018
Le garde des sots…
Hier midi j’ai entendu des informations qui m’ont donné à réfléchir –si, si- et surtout m’ont poussé à comparer la façon d’aborder les problèmes selon qu’on fait partie du gouvernement allemand ou du gouvernement français.
Il ressortait des informations que, d’une part deux grandes villes allemandes avaient interdit la circulation des véhicules « diesel » antérieurs à 2015, et d’autre part que les prix des carburants s’envolaient en France, notamment celui du gazole.
Sachant qu’une observation portant sur des décennies de conduite automobiles m’avaient déjà amené à la conclusion que :
- Toute baisse du prix du brut entraîne une faible hausse du prix des carburants. («Le raffinage nous coûte un œil», tout ça...)
- Toute hausse du prix du brut entraîne une forte hausse du prix des carburants. («Non seulement le raffinage coûte mais l’OPEP nous saigne à blanc», tout ça...)
Il m’apparut en outre que puisque le gazole est cancérigène :
- L’Allemagne en interdit l’usage aux véhicules de conception antérieure à l’année 2015.
- La France augmente les taxes sur le gazole.
Car la France espère, en un raisonnement étrange que la pollution due au diesel diminue, voire disparaisse noyée dans un océan de taxes, mais surtout que la consommation n’en diminue pas.
Tandis que l’Allemagne court le risque de la diminution de la consommation de gazole mais estime que la santé de l’Allemand prime sur le chiffre d’affaires des pétroliers.
La France applique un système de pensée qui est propre au Trésor Public.
Elle avait déjà tenté la démonstration de son bien-fondé avec le tabac.
Rappelez-vous : Le graal en étant déjà la cigarette sans tabac, sans fumée, sans cancer mais avec juste les taxes.
Hélas, quand manifestement, le doute s’installe, un tas d’excuses bidon tentent de nous faire avaler toutes ces carabistouilles dont le but est de nous faire sortir le plus de sous possible en échange du moins de choses possible, voire en échange de rien.
La plus usée mais toujours efficace de ces ficelles reste quand même d’opposer au râleur « La Loi du Marché».
Je me demande d’ailleurs pourquoi ça continue de fonctionner.
Parce que, quand on y réfléchit un peu, « La Loi du Marché », ce truc admis par quasiment tout le monde est tout de même une méthode commerciale qui :
- Pratiqué en temps de guerre s’appelle le «marché noir».
- Pratiqué en temps de paix par un particulier aux dépens d’un autre s’appelle le «racket».
- Pratiqué en temps de paix par une entreprise aux dépens d’une administration, d’une institution ou d’un grand groupe, s’appelle «surfacturation».
Le premier t’amène devant un peloton d’exécution.
Les deux autres t’amènent devant un juge.
Bref, il n’y a guère que quand c’est pratiqué par l’Etat ou de grands groupes aux dépens du particulier que c’est admis…
Au moins ça permet de comprendre l’astuce phonétique qui a présidé réellement au titre donné au ministre de la Justice.
07:15 | Commentaires (6)
mardi, 22 mai 2018
Le jumeau.
La lumière de mes jours m’annonce platement :
- Le prince Charles va donner une fête pour ses soixante-dix ans !
Au lieu de me taire comme le bon sens le commandait je remarque :
- Au mois de novembre, je crois…
- On voit que tu es le fils de ta mère…
Pourquoi ça ?
Eh bien, ma mère était une admiratrice forcenée de la famille d’Angleterre.
Qu’il s’agît des Windsor, des Mountbatten ou de « la si belle Alexandra de Kent », elle avait de la famille une connaissance encyclopédique.
Je me rappelle alors la carte que ma mère avait reçue de la reine Elisabeth II.
En personne croyait-elle.
Cette carte disait que « Her Royal Highness the Queen Elisabeth II » remerciait ma maman pour les félicitations de la naissance de son fils Charles.
J’ai souvent vu cette carte à la maison, Heure-Bleue aussi.
C’est là qu’Heure-Bleue me demande :
- Au fait, où est passée cette carte ?
Nous n’en savons rien.
Il n’empêche que lorsque j’eus atteint un âge où je fus en mesure de comprendre ma position dans l’échelle des valeurs de ma mère, elle me donna ce renseignement d’une grande importance « Tu es le jumeau du prince Charles ! »
D’abord, en réalité il est plus vieux que moi de deux mois.
Ensuite il a l’air vraiment plus vieux…
La différence ne s’arrête pas là.
Pour être allé visiter Windsor, je peux vous affirmer que le gourbi de Charlie –je peux l’appeler Charlie, c’est mon jumeau- était vachement plus grand que chez moi.
10:06 | Commentaires (14)
lundi, 21 mai 2018
Un seul tome et j’ai ri…
Il est six heures du soir, l'été.
Je sors juste de l’étude alors je passe et je repasse devant l’immeuble où elle habite.
Avant d’arriver au passage où j’habite, la voie la plus courte de Paris, je passe souvent par la colline de Montmartre.
Chaque fois que j’ai le temps, arrivé au bout de la rue du Chevalier de la Barre, je descends les escaliers du passage Cottin.
J’espère toujours la croiser.
Je sais qu’elle habite dans le passage. Je sais même où, à quel numéro.
Ce n’est pas le chemin le plus court pour revenir à la maison mais ces temps ci, c’est celui que je prends, celui qui me permettra peut-être de la croiser une fois encore.
On s’est croisé le mois dernier, dans la rue Ronsard, le fermoir de son cartable avait cédé, le rabat s’était ouvert.
En un ressac étrange une vague de livres et de cahiers s’était écoulée sur le trottoir.
Elle regardait ce désastre d’un air si malheureux que je n’ai même pas songé à rire.
Alors que d’habitude…
Mais comment rire du malheur d’une fille qui avait de tels cheveux et un tel regard ?
Alors j’ai posé mon cartable, me suis accroupi et ai commencé à ramasser les cahiers…
Elle a fini par s’accroupir à côté de moi et a commencé à ramasser les livres.
Quand j’ai pris le dernier crayon dans le caniveau, elle m’a dit « non, laisse-le il est tout trempé… »
J’ai dit « mais il suffit de l’essuyer ! » Je n’avais pas l’habitude de jeter un crayon neuf sous prétexte qu’il est mouillé.
Elle a eu encore ce regard désolé qui me chavirait « Mais c’est sale ! Si ça se trouve il est plein de pipi de chien ! »
J’ai haussé les épaules et remis à regret le crayon dans le caniveau.
Je le garderais bien mais j’ai peur d’avoir honte de ramasser quelque chose qu’elle jetait.
En vrai, c’est bête parce qu’il suffit de le rincer et de l’essuyer mais bon…
J’ai essayé de réparer le fermoir de son cartable mais ça n’a pas marché alors elle a pris le mien, j’ai tenu le sien dans mes bras et je l’ai suivie.
C’est comme ça que j’ai vu qu’elle habitait passage Cottin et que ce n’était pas si facile de descendre un escalier avec un cartable plein et ouvert dans les bras sans que les livres et les cahiers ne tombent.
Ce passage est moins sale que le mien et plus long mais les immeubles y sont aussi décrépits et noirs.
Dans le passage Cottin comme dans le mien mais comme dans le mien, dès que le soleil revient, le linge apparaît aux fenêtres.
Elle m’a rendu mon cartable, a pris le sien et m’a remercié du plus beau sourire que j’aie jamais vu.
Étourdi par ce sourire, je n’ai pas pensé un instant à lui demander « Comment tu t’appelles ? » Je suis un idiot.
Depuis, je passe aussi souvent que possible devant chez elle.
J’espère toujours la voir, chaque fois que j’ai vu en traversant le square, une fille avec des cheveux clairs et bouclés arrivant aux épaules, mon cœur fait un grand bond.
À force, mon cœur est ce qu’il y a de plus musclé chez moi.
Je ne l’ai jamais recroisée…
07:49 | Commentaires (13)