mercredi, 01 février 2017
On est heureux Nationale 7.
Aujourd’hui, Mab peste.
Oui, Mab réputée pour son équanimité, peste.
Pour deux raisons.
La première ?
Elle prétend qu’en matière de publication je ne vaux pas plus cher qu’elle, ce qui est évidemment faux.
Non qu’elle mente, bien sûr, c’est juste cette vieille affaire de paille et de poutre…
La seconde ?
Elle en veut apparemment à cette administration fourbe qui prétend qu’il faut créer moins de déchets et qui anticipe le résultat en divisant par deux la fréquence de ramassage des déchets.
Quelle arnaque ! En fait c’est simplement pour économiser une collecte sur deux !
Mab habite une riante contrée, près de la forêt de Fontainebleau, riche en betteraves à l’automne, en embouteillages à l’été et assez souvent humide car le Loing se révèle certains hivers épouvantablement proche…
Mab donc, râle.
Elle n’a peut-être pas de souvenirs de la Nationale 7 entre Paris et Montargis.
Cette chouette route qui reliait Paris à Menton, chantée par Charles Trenet.
Cette chouette route qu’empruntait mon père pour nous amener chez ma grand’mère maternelle.
Oui, mon père eut d’abord une « Traction », une « Onze » cédée à lui par « le cousin François ».
Nous risquions plein de choses, assis sur la banquette arrière de cette voiture, sauf l’excès de vitesse.
Ma mère n’arrêtait pas de dire « Hoouuuu !!! Lemmyyyy !!! Attention ! Tu l’as vu celui-là ? Tu l’as vu ? »
Comme « Lemmy » connaissait « Ma poule » depuis un moment, assez bien même pour lui avoir fait trois enfants entre 1949 et 1952, il gardait son calme.
Grâce à la nécessité d’économiser l’essence, qui coûtait un bras dans les années cinquante, et à la vigilance de ma mère, il nous fallait bien près de trois heures pour aller de la « Porte de Clignancourt pleine d’Arabes, de voyous et de filles à soldats » à Cepoy et la maison de ma grand’mère.
On s’arrêtait toujours un peu avant de « carrefour de la Croix du Grand Veneur » dans la forêt de Fontainebleau.
On s’arrêtait pour nous dégourdir les jambes et faire pipi à l’abri des regards.
Et c’est là que j’en reviens à Mab, qui craint l’apparition de décharges sauvages pour cause de collectes trop rares.
Pour nous arrêter, nous prenions souvent un de ces chemins de sous-bois qui donnaient sur la Nationale 7 et mon père roulait jusqu’à un endroit calme.
Histoire de faire chauffer « Ma poule », il commençait une histoire du genre :
- Ça me fait penser à l’histoire du Petit Poucet , où on emmène les enfants dans une…
- Gaby !!! Tu vas faire peur aux enfants !
Hurlait ma mère.
Souricette, qui paniquait pour un rien se mettait à pleurer.
Ma mère la consolait.
Mon père allait pisser.
Ma petite sœur et moi itou.
Il nous fallait souvent éviter une flaque d’huile pour cause de vidange sauvage ou poursuivre notre route dans le bois pour cause de décharge clandestine.
Mais c’était quand même vachement bien.
Quand on revenait, ma mère était calmée, Souricette aussi et on repartait chez ma grand’mère.
09:45 | Commentaires (12)
lundi, 30 janvier 2017
Le diable est dans les détails...
Quand je suis entré dans le café, je l’ai remarquée.
Au début je n’ai vu que ses cheveux, magnifiques ces cheveux.
Puis les deux types au comptoir.
Quand j’ai dit « Bonjour ! » à la cantonade elle s’est retournée.
Là j’ai vu ses yeux.
Et quels yeux !
J’ai repensé à la chanson de Vian « Fais-moi mal Johnny ».
J’ai fredonné en mon for intérieur, paraphrasant Magali Noël « Cette mignonne là ! C’est pour mon lit ! »
Elle buvait un café, son livre ouvert devant elle.
Je me suis assis à une table toute proche, entre le comptoir et elle.
Pastis aidant, les deux piliers discutaient d’une voix plus très claire.
Le plus vieux a dit :
- T’as vu les cheveux de la nana ?
- Ouais, c'est comme Machin, tu l’as vu ? Il a des cheveux « ôbûrnn »…
- Chais pas, j’l’ai jamais vu tout nu…
C’est quand j’ai pouffé que j’ai attiré l’attention de la fille.
Elle m’a jeté un regard interrogatif.
Je lui ai dit ce que je venais d’entendre.
Elle a eu la gentillesse de sourire.
Et nous avons commencé à parler de tout et de rien.
J’ai évité le « C’est bien c’que vous lisez ? Ça parle de quoi ? »
Je l’ai surtout écoutée.
Comme tout le monde elle avait ses misères auxquelles j’ai compati sincèrement.
J’ai dû être convaincant puisqu’elle s’est contentée d’un regard vaguement moqueur quand, pour lui dire de « tenir bon », j’ai posé ma main sur la sienne.
C’est à la toucher que j’ai su que ça ne pouvait pas marcher.
Sa peau.
Elle était comme la mienne.
Elle n’était pas bronzée mais c’était une « peau de Latine », j’avais l’impression de m’être posé la main sur le bras.
Elle n’a pas retiré sa main mais ne l’a pas bougée pour serrer mes doigts.
Chez elle non plus il n’y avait pas eu « ça », cette sensation fugitive, celle qui dit que « ça va marcher ».
Tant pis.
Je ne saurai jamais si elle était de celles qui ont les yeux qui tournent, de celles qui se mordent la lèvre, de celles qui ouvrent la bouche en un grand « O » de surprise, ou de celles qui…
Bref, de celles qui…
Mais je lui ai quand même demandé :
- Vous voulez bien…
- Hmmm ?
- Un autre café ?
- Oui, merci.
Elle serait, j’en étais sûr, une excellente copine.
06:50 | Commentaires (16)
dimanche, 29 janvier 2017
Maintenant, la palme dort…
Vous savez quoi, lectrices chéries ?
J’ai de la peine d’apprendre qu’Emmanuelle Riva est morte.
Elle était belle dans « Hiroshima mon amour », la première fois que je l’ai vue.
Elle était impressionnante dans « Kapo », quand je l’ai vue au Champollion, pas loin de la fac.
Elle a été une magnifique Thérèse Desqueyroux quand j’étais ado.
A l’époque j’ai été surpris que Mauriac ait été lui aussi étouffé par les conventions…
Elle était vieille et malade dans « Amour » que j’ai regardé à la télé il y a peu.
Mais toujours belle.
Au cours de toutes ces années, une chose m’a frappé : Sa voix.
Elle avait la même voix aux Oscars que dans « Hiroshima mon amour ».
Sa voix n’a jamais vieilli.
Bon, d’accord, elle avait l’âge, elle luttait contre et il a gagné, comme toujours.
Elle va rater le prochain printemps.
Quant à moi, j’attends ce printemps avec impatience.
J’ai hâte, vraiment hâte, qu’il fasse assez beau temps pour pouvoir m’installer dans le jardin du « Musée de la Vie Romantique ».
Ce havre de paix ou le café est aussi mauvais qu’au Starbucks de la rue des Archives mais tellement plus beau.
Où les pépiements des oiseaux remplacent avantageusement les bavardages des « fashion victims » qui viennent du rayon « mode » du BHV…
Où les fleurs ont une plus grande place que les clients, ce que je trouve très bien.
Regardez ça, lectrices chéries, vous n’avez pas envie de boire un café ici ?
06:50 | Commentaires (11)
samedi, 28 janvier 2017
Les filles sont jolies dès que le printemps est là…
- C’est tout à fait ton genre…
- Quoi donc ?
Ai-je dit, l’air innocent.
- Cette fille, je te connais va…
Pourtant je ne la regardais pas, je n’avais pas bougé la tête et Heure-Bleue était à mon côté.
Mais elle savait…
De fait, je ne l’avais pas vue.
Mais je l’avais remarquée et regardée.
L’air de rien, pensais-je.
J’avais remarqué sa peau pâle, ses yeux bleu-vert, sa chevelure rousse, frisée et indisciplinée comme celle de la lumière de mes jours il y a quelques... semaines…
J’ai bien tenté de dire des trucs genre « Quoi ? Mais j’ai rien fait ! » comme un gamin qui s’est fait pincer à regarder quelque chose qu’il n’aurait pas dû.
Ça n’a pas marché, alors on est passé à autre chose.
La lumière de mes jours m’a traîné deux rangées plus loin alors qu’il y avait deux places « dans le bon sens » sur la rangée de sièges où la fille s’était assise.
Elle est comme ça Heure-Bleue, elle prend soin de m’éviter la systole fatale...
Nous avons papoté, comme toujours et pris le 26 jusqu’au square Montholon dont je vous ai déjà longuement parlé.
Comme chaque fois, Heure-Bleue a dit, comme on descendait la rue du Faubourg Poissonnière, « je ne veux pas habiter ici, il y a trop de bruit ».
Puis, un peu plus bas « j’aimerais bien trouver un appartement ici, c’est vraiment un coin chouette ».
Oui, elle est comme ça…
Arrivé chez « notre Turc » qui se révèle un Araméen, nous avons eu droit au privilège d’être servis bien avant ce que notre numéro indiquait.
Assis depuis peu, un homme qu’on avait déjà vu ici s’est assis à côté de moi tandis que son invitée prenait place face à lui, à côté d’Heure-Bleue.
Comme elle et moi sommes des vieux briscards de la drague, nous avons discuté avec eux en contemplant les travaux d’approche de cet homme mûr, mat, barbu et plus brun encore de cheveux que d’yeux face à une jeune femme.
Jeune femme dont nous avons appris qu’elle a vingt-six ans.
Jeune femme dont j’ai vu qu’elle a de beaux yeux bleus.
Jeune femme au visage encadré de cheveux châtains très clairs.
Jeune femme dont la peau était une véritable merveille de diaphanéité.
Alors que je me contentais d’admirer la peau de cette jeunesse, il la dévorait du regard.
Le faune !
Bien élevé toutefois, il s’y prenait de manière plutôt délicate.
Hélas, pas assez puisque nous étions trois à le voir venir à pas de loup de Tex Avery.
« Il ne l’aura pas. » à décidé Heure-Bleue.
« Je pense qu’il est tenace, si elle n’a personne en ce moment, ça peut marcher… » ai-dit.
Il nous a fait communiquer par le tenancier l’adresse d’un restaurant où la cuisine n’est pas extraordinaire mais dont la cave est une véritable merveille.
Il n’a pas voulu nous la donner lui-même, il tenait à y emmener par surprise la jeune femme.
Je suis sûr qu’il pensait déjà au dessert…
Puis, en nous promenant, nous nous sommes fait gruger en allant faire pipi et boire un café dont je me demande s’il ne sortait pas lui aussi des toilettes.
J’ai pris deux gâteaux bizarres, des trucs chocolat-noix de coco dont le cœur m’a ramené soixante ans en arrière, avec une guimauve synthétique comme celle de certains bonbons des années cinquante.
En écoutant la lumière de mes jours, j’ai englouti le mien et les deux tiers du sien.
Puis nous sommes allés tranquillement à la Madeleine prendre le 84.
C’était vraiment bien…
10:18 | Commentaires (9)
vendredi, 27 janvier 2017
Un peu de sommeil dans l’eau froide…
De rien Mab…
Cette nuit, on m’a jeté un grand seau d’eau froide.
Ça m’a réveillé brutalement, et suffisamment pour constater que ce n’était que la lumière de mes jours se levant pour faire pipi et entraînant la couette.
Il devait faire entre Laponie et Sibérie dans chambre à la fenêtre grande ouverte.
Je dormais donc paisiblement, dans un lit douillet, rêvant à je ne sais quoi mais quelque chose d’agréable, quand Heure-Bleue m’a tiré du sommeil.
Elle devait avoir quelque chose à me dire pour me réveiller de la sorte.
Elle avait quelque chose à me dire.
- Minou, tu dors ?
Commença-t-elle.
- Je ne sais plus trop…
Ai-je doucement répondu.
- Minou, j’ai fait un rêve horrible…
- Raconte…
- C’était un militant lepéniste, c’était horrible !
Qu’un militant lepéniste l’effraie n’était pas surprenant, elle avait déjà eu des différends avec quelques uns d’entre eux et dû son salut à la présence des vigiles monstrueux de la boutique « Colette »
- Qu’est-ce qu’il faisait ?
- Il écrasait des serpents venimeux avec les mains !
- Et alors ?
- C’était un môme, quoi, il avait à peu près dix-huit ans…
Là je me suis dit que c’était grave.
Pas tant que des militants de Marine Le Pen aient maille à partir avec des serpents.
Non, ça, ça m’a semblé normal.
J’ai été un peu surpris qu’elle ne l’ait pas rêvé mangeant des bébés, ça correspondait assez à l’idée qu’elle avait du FN.
Je vais vous dire, lectrices chéries, ce qui m’a tracassé un instant avant de replonger dans le sommeil.
C’est qu’après un radoucissement des températures annonçant le printemps, la lumière de mes jours se mette à rêver d’un gamin de dix-huit ans…
Mais bon, tant qu’elle me réveille en me demandant « Minou, tu dors ? » je me dis qu’il n’y a pas péril en la demeure.
09:13 | Commentaires (9)