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lundi, 26 décembre 2016

Le jour de l’an douille…

Hier soir j’ai posé le dernier tome des  « Brèves de comptoir ».
Oui lectrices chéries, il m’arrive de faire l’effort de lire des choses beaucoup plus sérieuses que « La dissociété » ou « Le Capital au XXIème siècle » que je n’ai pas encore ouvert alors qu’il est devant moi depuis des mois...
J’ai fureté dans le bordel qui encombre la petite console bancale qui me sert de table de nuit à la recherche de quelque chose à lire.
J’ai lu quelques pages de « La fille du train » et ça ne me branche pas.
J’ai repoussé, avant qu’il ne tombât, « Cent et un contes », que j’ai acheté d’occasion pour le lire à Merveille et qui depuis dort dans le tas de bouquins.
C’est un livre que ma grande sœur m’avait offert dès sa sortie il y a… Bref, c’était en 1956.
Je le sais, j’ai regardé sur la page de garde.
J’ai failli faire tomber la petite valise de carton bouilli, rouge, qui contient tous les bijoux d’Heure-Bleue.
Cette petite valise qui comble Merveille qui adore fouiner dedans et essayer les bracelets.
Un bouquin a glissé, je l’ai rattrapé au vol et j’ai été content parce qu’un livre qui atterrit à plat sur le plancher claque comme un coup de fusil.
Il est entouré de la bande rouge « Modiano Prix Nobel ».
J’avais aimé, il y a longtemps, très longtemps même, « La place de l’Etoile ».
Mais si lectrices chéries, rappelez vous cet officier allemand qui s’approche d’un jeune homme et demande :
- Pardon monsieur, où est la Place de l’Etoile ?
Et le jeune homme de lui montrer le côté gauche de sa poitrine.
 Là, j’ai rattrapé au vol « Villa triste » juste avant que « Dora Bruder » ne tombe à son tour.
J’ai rêvassé un moment de cet explorateur expert de la mémoire.
Vous ne trouvez pas que la mémoire est quelque chose de fascinant ?
Quelles ficelles sont tirées pour qu’une odeur fasse surgir une image ?
Quel miracle fait qu’une image fasse revivre un pan entier d’existence ?
Je n’ai rien pris dans le tas de bouquins, je les ai remis tant bien que mal à leur place.
Je n’ai rien dit à Heure-Bleue, je lui ai juste fait un bisou et je me suis tourné.
En fermant les yeux, je me suis dit que j’aimerais vraiment retourner à Paris.
Je crois bien que je sais ce qu’est Paris.
Comment ça se vit, comment on y erre comme dans un espace étrange, fait de temps, de sensations, ou le temps lui-même est quelque chose d’instable, fait d’allers « normaux », vers le futur, de regards derrière soi, vers un passé si présent qu’il vous serre la gorge.
Alors je me suis endormi en flânant, à moins que je n’aie flâné avant de sombrer dans le sommeil.

dimanche, 25 décembre 2016

Même les bals hivernent…

C’est le jour de Noël mais je sais que le boulanger est ouvert alors je suis descendu chercher du pain.
Ô surprise !
Pas un gosse dehors.
Pourtant il ne fait pas vraiment froid, ce n’est pas un jour de Noël avec de la neige partout mais la rue est vide.
J’ai repensé aux lendemains de réveillon de mon enfance.
A la même heure, vers onze heures, il y avait plein de gosses dehors.
Emmitouflés de gros manteaux à capuche, pas des « duffle coats » non, simplement de gros manteaux à capuche avec l’écharpe qui entourait le cou autour de la capuche.
Les filles derrière de petites poussettes bleu marine aux roues de tôle peinte.
Les garçons tirant des camions rouges qui faisaient un potin épouvantable parce que de la tôle, même peinte en rouge, sur des roues pas très rondes brinquebalant sur des pavés disjoints, ça fait du bruit…
Il y en avait même avec un vélo rouge, ceux avec les petites roues à l'arrière.
Ils ne le prêtaient pas facilement mais des fois, oui, quand même...
Ça ferait la même chose plus tard avec les mobylettes, mais pas pour jouer aux mêmes jeux.
Voilà à quoi je pensais en allant chercher le pain.
Sans doute parce que Heure-Bleue m’a lu ce matin de Noël un article où le docteur Cyrulnik parlait de la socialisation des enfants qui se faisait dans la rue.
Lui aussi habitait vers la Porte de Clignancourt et a joué dans la rue.
Je suis sûr qu’il avait un camion rouge lui aussi…

jeudi, 22 décembre 2016

Faire tourner l’étable...

Je suis passé devant la ferme.
Tout était éteint.
C’est un peu plus loin, devant une des dépendances, peut-être bien une étable, que j’ai entrevu une lumière vacillante.
Je me suis approché, craignant qu’un incendie ne se soit déclaré.
J’ai jeté un regard à l’intérieur, entre les planches disjointes de la porte.
Et non, ce n’était pas un incendie mais compte tenu de la société, probablement une longue vie d’emmerdements débutait là.
Un môme, vaguement enroulé dans un chiffon, était posé sur la paille.
Un bœuf, se penchait sur lui, soufflant.
Ça commençait bien, j’étais sûr que le môme allait débuter directement par la fièvre aphteuse.
Ou il allait finir piétiné par le bœuf.
A moins que ce ne soit par l’âne qui attendait que le bœuf ait fini de lui souffler ses miasmes pour en faire autant…
Pour ne rien arranger, sa mère était voilée et le mec à côté, probablement son père, portait une djellaba et avait l’air très emmerdé.
C’était mal barré pour ce gosse, à tous les coups, encore un petit rebeu…
Ça sentait le couple « d’étrangers en situation irrégulière ».
Des migrants moyen-orientaux.
En plus, ça avait beau être silencieux, ça faisait quand même un peu nouba, dans l’étable.
Et puis il y a ces trois autres types bizarres.
Déjà il y a un black, ça détonne parce que dans ce bled, si t’es pas blanc, tu te fais salement regarder de travers.
Déjà rien que si t’es basané t’es mal vu.
A tous les coups, demain on va lancer un avis de ratonnade…
En plus, il y a un « noich », le troisième, c’est un Gaulois, comme vous et moi.
Ils sont fringués zarbi mais bon, aujourd’hui tout le monde s’en fout.
Quand même, je ne peux pas laisser ce môme comme ça.
Maté par des types bizarres et mal surveillé par des parents complètement paumés.
Je sors mon portable et j’appelle Emmaüs avant qu’il y ait un drame.
Sinon ce gamin va mal finir, c’est sûr et on va encore en parler pfff… des siècles...

mercredi, 21 décembre 2016

T’as d’beaux vieux tu sais…

De rien Mab, de rien...
Quand j’ai entendu hier que Michèle Morgan était morte, je dois avouer à ma grande honte que j’ai pensé fugitivement « Ah quand même ! Aznavour va pas traîner…»
Reste Danielle Darrieux qui est quand même née pendant la guerre de 14-18…
Y penser m’a réveillé car je dormais depuis des jours.
Endormi près du radiateur comme tout cancre qui se respecte.
Interpellé par une Heure-Bleue bonne élève, je fus sorti de mes rêves le temps de faire le devoir de Lakevio.
Je m’y suis mis de mauvaise grâce.
Je dois même avouer avoir bâclé le travail.
Aujourd’hui c’est autre chose.
Tout va mieux, du moins va aller mieux.
Non que la paix se soit soudainement étendue sur le monde, non.
Mais quelque chose d’important tout de même.
Aujourd’hui, ou hier je ne sais exactement, c’est le solstice d’hiver.
Et ça, c’est vachement bien lectrices chéries.
Parce que ça veut dire qu’à partir de maintenant si ce n’est de tout de suite, les jours allongent.

Oui ! Les jours allongent dès aujourd’hui !

Encore trois ou quatre mois de patience et les jours auront tant allongé que les habits vont raccourcir.
Même si depuis plusieurs années mes espoirs ont été bizarrement déçus.
J’attendais le passage des ourlets au dessus des genoux des filles.
Hélas, trois fois hélas, c’est la ceinture des jeans qui descendait jusqu’à montrer le sillon fessier des garçons.
Mais je fais contre mauvaise fortune bon cœur.
Les jours allongent...

lundi, 19 décembre 2016

Postraphaélite…

lakevio.jpg

Quand j’ai vu ce tableau la première fois, je me suis dit « tiens, le « peintre des femmes » vieillit ! »
Je me rappelle ses toiles plus anciennes.
Il y peignait des femmes plus minces et plus souriantes.
Aussi belles que celles des Préraphaélites.
On pouvait les prendre pour celles si tentantes et si bien peintes sur les toiles de lord Alma-Tadema.
Mais ce détail d’Eurypyle a quelque chose « d’Eurypylant ».
Oui, le cou de cette femme.
Et le tissu qui couvre les salières de la reine des Amazones.
Il n’est pas à la portée de n’importe qui de rendre aussi bien la texture et l’aspect du « linon ».
Ce tissu qui est si doux qu’il était réservé aux petites chemises des nouveau-nés et au « linge de corps » des dames.
Cette chemise…
Et ce col qui incite à l’indiscrétion.
Avec ces plis parfaits et un peu lâches qui laissent juste de quoi y passer un doigt et tirer légèrement pour admirer ce qu’il cache.
Et ce cou ! Mon dieu, ce cou !
Penché juste ce qu’il faut pour montrer qu’il n’attend que les lèvres qui ne manqueront pas de se poser délicatement dessus.
Je suis sûr qu’il l’a peinte comme ça, exprès.
Exprès pour qu’on ait envie d’y passer un doigt et tirer sur ce col.
Histoire de vérifier qu’on a autant envie d’embrasser la peau qu’il y a dessous que celle du cou, largement exposée.
Bien sûr, il faudra retirer ce collier...