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mardi, 12 juillet 2016

Les vieux du stade…

Non Mab, je ne vais pas parler de l’Euro.
Dans dix jours mon père va mourir.
Plus exactement, dans dix jours, j’aurai l’âge de mon père à sa mort.
Après, j’aurai l’impression de faire du rab…
J’aurai passé les dix prochains jours à le regarder se taire.
C’était rare chez lui.
Il avait un mauvais penchant qui le poussait à perdre un ami plutôt que se taire, histoire de ne pas rater un bon mot.
Mais là, ce juillet 1988, il s’est tu.
Pendant trois semaines.
Puis définitivement.
Emporté par l’amiante.
Bon, un peu aussi par cinquante ans de clopes et des années de boulot dans la chimie.
Après ça on dira « le travail, c’est la santé »…
Quand Heure-Bleue et une de mes sœurs ont émis l’hypothèse d’ester en justice pour que les responsables soient mis face aux résultats de leurs décisions, le professeur M. de l’hôpital Saint Joseph nous a dit « dans ce cas, l’avis rendu par les experts est toujours « les responsables sont les poussières ménagères » autant dire que vos chances sont inexistantes… »
Que répondre à ça ?
Je me rappelle avoir seulement dit « si c’était le cas, on ne trouverait plus une seule femme de ménage, non ? »
Il a haussé les épaules d’un air navré.
Bref, j’ai passé quelques nuits avec mon père à l’hôpital.
Il ne dormait pas.
Il ne pouvait pas, une machine respirait à sa place, et mal.
Ça faisait un bruit de piston, une grosse pompe à vélo, avec les mêmes bruits.
Un « pssshhh », un bourdonnement, un « pffff », en un cycle de quatre secondes, et ce vingt-quatre heures par jour.
J’ai assisté comme ça à une noyade de quelques semaines à l’été 1988.
Alors vous pensez bien, lectrices chéries, que ces temps ci, ça me vient souvent à l’esprit…
C’est étrange, ça ne me fait jamais ça avec ma mère.
Je ne suis pas sûr que c’est parce que je trouve plus « normal » de mourir à quatre-vingt-quatre ans qu’à soixante-sept ans.
Maintenant que j’ai soixante-sept ans, j’avoue que ça me dérangerait de remplacer ces jours ci un dîner par des racines de pissenlit mais ce qui m’embête n’est pas là.
Bizarrement, je ne rêve que très rarement à ma mère, et c’est presque toujours pour me disputer avec.
Je m’aperçois que je rêve plus souvent a mon père et c’est presque toujours parce qu’il me manque.
Mais bon, je ne fais pas que des rêves morbides non plus.
Je rêve aussi à plein d’autres choses mais comme j’ai toujours eu « l’esprit mal tourné », même quand je dors, je garde ces rêves pour moi.
Dailleurs Victor Hugo lui-même, qui avait aussi « l’esprit mal tourné »aborda le sujet dans « Booz endormi » quand il écrivit « quand on est jeune on a des matins triomphants ».
C’est quand même le gros avantage d’être en vie, on rajeunit le matin…
Du coup me vient une question : Que peut bien être l’équivalent chez les filles.
Je vais me renseigner…