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samedi, 11 octobre 2014

Le Christ s’est arrêté à Ebola.

Il m’est arrivé de me croire intelligent.
Neuf fois sur dix, j’ai eu tort.
Depuis, je fais gaffe.
Je cherche où est le piège...
Mais ce vendredi je me suis senti flotter à la surface d’une mare de stupidité.
Je suis allé seul à Paris, alléché par un repas avec un ami et l’expo Hokusaï au Grand Palais.
C’est en prenant le train que j’ai ressenti cette bouffée de supériorité qui habituellement se termine mal.
Étonnamment, le train était plein à craquer à une heure où il est habituellement quasi vide. J’y suis monté en me disant qu’il allait être difficile de lire debout au milieu d’une foule dense. J’ai profité d’une population plus petite que moi pour regarder autour de moi. J’ai aperçu un peu plus loin dans le wagon, une sorte de bulle étrange.
Une bulle d’espace libre, vide.
Je me suis faufilé, j’ai dit au moins trente-sept fois « pardon » ou « excusez-moi ». Il m’est même arrivé de dire deux fois assez sèchement « s’il vous plaît ».
Je suis arrivé sur cette aire dégagée avant la station qui suit la mienne.
A gauche, quatre sièges sur six étaient vides.
A droite, cinq des six sièges étaient vides.
Un seul des sièges était occupé, contre la vitre, par un type qui n’avait pas l’air rassuré. Pas plus en tout cas que les passagers debout qui faisaient semblant de ne pas le voir.
Ce type n’avait pas l’air bien riche. Moins que la moyenne des gens du wagon mais ne semblait pas pour autant un clochard.
C’est en voyant le regard un peu apeuré d’une jeune femme que j’ai regardé avec un peu plus d’attention mon environnement.
N’y voyant rien d’anormal ni de particulièrement marquant, je me suis avancé pour m’asseoir. Le type sentait un peu la transpiration et le tabac alors j’ai laissé un siège libre entre lui et moi.
J’ai sorti mon bouquin et la station suivante est arrivée.
Pas un passager ne m’a rejoint.
J’ai relevé le nez de mon bouquin et regardé autour de moi.
Le type ne semblait pas à l’aise, il a toussé, comme n’importe quel clopeur.
Ce n’était peut-être qu’une impression mais il m’a semblé voir un mouvement de reflux des passagers.
Un éclair de compréhension a jailli soudain.
Ce type avait quelque chose de mal porté ces temps-ci.
Si on tousse, il ne faut surtout pas être noir…
A part ça, l’expo était très chouette. A contempler les visiteurs, il m’est venu une idée que j’ai partagée avec mon ami : Si vous voulez draguer et que vous n’êtes plus ado, laissez tomber les boîtes et les bistrots.
Les musées sont nettement plus propices. Si vous voyiez le nombre de personnes seules tout à fait prêtes à engager la conversation avec des inconnus, vous ne laisseriez jamais la lumière de vos jours aller seule à une expo en semaine…

jeudi, 09 octobre 2014

Lasciate ogni speranza, voi ch'entrate…

Je vais peut-être mettre une affiche comme ça sur la porte de notre immeuble.
Dante le connaissait, c’est sûr !
C'est même là qu'il a écrit le premier cantique de sa Divine Comédie.

Si si, lectrices chéries, j'en suis sûr.
La preuve :
Nous sommes descendus hier en fin d’après-midi refaire le plein de tickets de bus, de billets de train et autres passeports pour la ville.
Après une matinée et un début d’après-midi qui m’avaient donné l’impression qu’on était déjà arrivé à la Toussaint, une superbe lumière d’automne nous a décidés, Heure-Bleue et moi, à sortir.
Évidemment, en arrivant au bas des escaliers nous avons croisé la voisine du premier étage. Nous avons longuement dit du mal du syndic qui fait son boulot comme le bon dieu a fait les bossus. Ce fut un moment agréable car il est toujours plaisant d’être plusieurs à dire du mal de la même personne ou de la même entité.
J’avais prévu d’être Tiresias dans ma prochaine vie mais je me demande si finalement je ne vais pas plutôt être concierge…
C’est en revenant avec de quoi préparer la sauce soja-miel-citron qui accompagnerait le plat que j’avais en tête pour le dîner que nous avons régressé salement.
C’est là qu’Heure-Bleue et moi avons saisi tout le sel de l’expression « retomber en enfance ».
Arrivés dans le sas, j’ai commencé à pester à l’idée de payer si cher de loyer et encore plus de charges pour monter mes étages à pied.
J’ai saisi la poignée de la porte de l’escalier censément de secours.
J’ai tiré.
La poignée m’est restée dans la main.
J’ai tenté de la remettre en place.
Le « carré » a largement reculé au point que j’ai craint que l’autre poignée ne tombât de l’autre côté de la porte.
Porte évidemment fermée.
J’ai tant bien que mal remis la poignée.
Heure-Bleue et moi nous sommes regardés attentivement quelques secondes.
Non, lectrices chéries, nous n’allions pas succomber dans le couloir à un accès de passion soudaine.
Nous avions seulement eu la même idée au même moment.
Farceurs et peu sérieux nous avions été.
Farceurs et peu sérieux nous sommes restés.
Il nous est venu l’idée, une fois du bon côté de la porte, de tirer la poignée de façon que tombât l’autre dans le couloir et celle-ci avec son « carré » dans un coin obscur de l’escalier, invisible.
Un fois arrivés chez nous, nous n’aurions eu qu’à attendre les hurlements qui n’auraient pas manqué.
Ceux qui voulaient rentrer chez eux, entassés dans le couloir, auraient fait un scandale, coincés qu’ils auraient été au rez-de-chaussée.
Les rares encore dedans, déjà pas contents de sortir pour aller chercher le pain auraient été dans une colère noire de se retrouvés séquestrés dans un immeuble.
Il faut reconnaître que payer si cher pour être prisonnier, même l’administration pénitentiaire n’avait pas osé.
Seule l’idée de continuer à passer pour des adultes aux yeux des voisins nous a retenu de passer à l’acte.
Mais ça nous a bien fait rire quand même.
Quand je vous dit qu’on peut vieillir sans devenir vieux…

mercredi, 08 octobre 2014

La vie devant soi…

Hier après-midi, j’ai accompagné Heure-Bleue chez le dentiste.
Il l’a félicitée pour l’état de ses gencives.
Nous sommes sortis assez tôt pour que l’Ours profite de l’occasion de nous envoyer chercher Merveille à l’école.
Comme d’habitude, j’ai été content de la retrouver.
Jusqu’au moment où elle a dit « Papy, je sais pas qu’est-ce que c’est que… »
- Pardoooon ! Qu’as-tu dit Merveille ?
Honnêtement, avant de parler, j’ai pensé « Comment tu dis ça, Merveille ? » mais je l’ai gardé pour moi.
Elle a réfléchi un instant et a dit :
- Papy, je ne sais pas ce que… Mais quoi, déjà ?
- C’est à toi de me le dire.
- J’ai oublié… C’est ta faute…
C’est là que j’ai su avec certitude que son patrimoine génétique contenait une bonne dose de patrimoine Heure-Bleue…
Nous sommes arrivés chez l’Ours et JJF. P’tite Sœur était censée dormir. Son visage s’est éclairé quand elle a vu sa grande sœur.
Elle avait fait des progrès en matière de langage.
« Dis Manou » a dit Manou.
« Je veux pas » a répondu P’tite Sœur.
C’était le mot de la journée. P’tite Sœur a tout foutu par terre…
Elle a tendu les bras à Merveille qui l’a ignorée et a tenu à m’emmener dans sa chambre pour me dire un secret.
- Papy, viens avec moi…
- Je viens, Merveille, je viens…
Je l’ai suivie.
- Alors ?
- J’ai des copines secrètes !
- Et ?
- C’est secret.
- Bon…
- Tu comprends, c’est ma vie à moi maintenant…
Comme j’avais des copains avec qui j’échangeais des secrets que pour rien au monde je n’aurais partagé avec quiconque, j’ai pensé « Elle grandit, c’est bien… »
Mais quand même, je vis avec une femme depuis longtemps maintenant.
Alors j’ai pris de mauvaises habitudes : J’aimerais bien savoir…

lundi, 06 octobre 2014

Le Goût au pays des Merveille.

Hier, je suis allé seul à une brocante.
Oui, lectrices chéries ! Je suis allé quelque part un dimanche sans Heure-Bleue !
Elle voulait être un peu tranquille et moi aussi.
Si l’aller fut bref car je n’avais qu’une seule information : Le nom de la station de bus et une vague idée de l’endroit où ça se trouvait. Le retour fut plus long.
Arrivé à la brocante, je recherchai deux verres d’égale et faible contenance et si possible chouettes.
Je fus sorti brutalement de ma recherche par quelqu’un qui s’accrocha à ma main.
Une adorable petite fille s’était pendue à mon bras et refusait avec la dernière énergie de me lâcher.
Vous savez comme je suis avec les enfants, lectrices chéries. J’allais profiter que personne ne me regardait pour lui donner un coup de pied dans le ventre quand j’ai reconnu Merveille.
En réalité je ne l’avais pas reconnue tout de suite parce que comme ça fait près d’une semaine que je ne l’avais pas vue, elle en avait profité pour être encore plus belle que d’habitude.
Ses cheveux, qui sont trop longs et ça ne lui va pas trop, sont d’une teinte bizarre, entre châtain et roux et ont toujours ce côté « mèches »…
J’ai embrassé l’Ours et JJF et ai continué à chercher mes verres avec Merveille accrochée à la main.
J’ai eu la chance de trouver les verres et, toujours avec Merveille accrochée à la main, j’ai fini par rejoindre l’Ours et JJF.
Nous sommes rentrés chez les enfants à pied. Merveille refusait toujours de me lâcher la main mais ne me disait rien, sauf des banalités, en jetant des coups d’œil à ses parents. Elle me tirait bien pour prendre de l’avance mais ses parents accéléraient.
Je n’ai rien dit ni demandé. Je commence à connaître Merveille. Elle avait sûrement quelque chose à me dire mais vous savez bien comment sont les parents. Ils veulent tout savoir…
Arrivés chez les enfants, JJF m’a préparé un café. Merveille s’est juchée sur mes genoux et  m’a dit « tu viens Papy ? »
Évidemment, ses parents ont dit « mais laisse Papy tranquille ! Il ne peut même pas boire son café ! »
Alors elle m’a fait un bisou, et s’est calée sur mes genoux pour écouter la conversation.
Puis je suis allé voir P’tite Sœur avec JJF et l’Ours.
Le bébé semble m’avoir accepté. J’ai commencé à bêtifier avec P’tite Sœur.
Merveille s’est alors interposée. J’ai dit à JJF « apparemment, je n’ai pas le droit de regarder P’tite Sœur ».
« On » m’a pris par la main et « on » m’a dit « Allez, regarde ma sœur ! Tu as le droit, Papy… »
Mais « on » m’a empêché de la voir de trop près en se cramponnant à mes jambes.
Merveille n’est pas prête à partager ses  affaires, ses jouets, oui, mais son grand-père, non.
Alors je suis parti et suis rentré à pied à la maison. Cette longue marche m’a permis d’éliminer mon éclair radioactif.
La seule chose que j’ai retenue de cette journée, c’est que Merveille « va être un souci »…

dimanche, 05 octobre 2014

Si si, je vous assure, ces héros tiquent…

Disait François Joseph en parlant d’autre chose.
(Ça c'est juste pour Mab.)
Je vous l’avais bien lectrices chéries.
Ce type est venu dans mon poste.
Il a dit « Waouhhh ! Mais c’est l’été indien ! »
Aujourd’hui il fait un temps de m… !
Je me demande si je ne vais pas écrire à France-Inter pour demander si il ne ferait pas un bon envoyé spécial en Syrie ou au Kurdistan irakien ces temps-ci.
Histoire de gagner quelques jours de beau temps l’automne prochain.
A part ça, nous sommes allés à Paris, comme prévu.
Et non Liliplume, ce n’est pas la gourmandise qui nous pousse à aller dans ces quartiers pas lointains du tout. C’est seulement l’envie d’aller se promener bras dessus bras dessous – pas main dans la main, on n’a plus l’âge…- dans les rues de Paris.
Paris, Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré !
Bon, je me suis laissé emporter. Je voulais dire que le temps était agréable…
Et heureusement car la queue chez le Turc –mais, non… Vous êtes infernales, lectrices chéries- atteignait la banque, deux boutiques plus loin. Cette longue, très longue attente pour le döner m’a rappelé une histoire moscovite que je vous raconterai plus tard, si j’y pense. Allez, je m’y colle, mais vous auriez quand même pu attendre.
Un matin de printemps très tôt, dans un quartier du Moscou de Brejnev, une nouvelle se répand : « Le boucher a reçu du bœuf ! »
Aussitôt, une queue monstrueuse se forme. La boucherie ouvre et commence à servir.
Vers six heures du soir, le boucher sort et hurle à la foule « il n’y a plus de bœuf pour les juifs ! » et retourne à son étal.
Vers huit heures du soir, il ressort et hurle « pas la peine d’attendre, il n’y a plus de viande ! »
Et foule de râler « Évidemment, comme d’habitude, les juifs ont été au courant avant les autres… »
Revenons à nos pérégrinations. Le döner avalé sur notre banc, tels Carmen et la Hurlette, nous avons repris notre chemin, bu un café et sommes allés acheter nos éclairs au caramel. Évidemment, il n’y en avait qu’un. Ce qui n’était pas plus mal. Si du moins j’avais évité, oubliant que la curiosité peut être un vilain défaut, de prendre un éclair à la pistache.

Après ça nous avons, Heure-Bleue et moi cherché un melon mangeable. Ne haussez pas les épaules, lectrices chéries, ce n’est pas si simple. Alors nous nous sommes arrêtés rue de Lévis chez une marchande de légumes connue de la lumière de mes jours. Hé bé ! Sacrée marchande ! Aimable comme une porte de prison et dotée d’un charme propre à nouer l’aiguillette du plus entreprenant… Il m’est venu à l’esprit d’acheter ailleurs un autre melon choisi très mauvais et de le lui rapporter, revêtu de l’étiquette du sien. Oui, j’ai des bouffées de malhonnêteté parfois, avec des gens comme ça.
Pour l’éclair à la pistache, j’aurais dû être plus méfiant mais bon, je suis comme ça. La garniture était d’un vert et d’un goût tels que j’ai craint qu’elle ne fût radioactive.
Je suis sûr que dans le noir, elle brille du vert des aiguilles lumineuses des montres Mickey de mon enfance.
« Aimable bavardage » comme aurait une prof de lettres de mon fils…
Ma rédac’ d’aujourd’hui ne vaut pas plus.
Mais c’est dimanche.