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vendredi, 17 octobre 2014

L’ère de rien…

Je voulais faire une note sur les cadenas accrochés connement aux rambardes des ponts de Paris mais à l’instant même, François Morel vient de me piquer ma note et de la dire sur France Inter.
Dégoûté je suis.
Je dois néanmoins avouer, lectrices chéries que je me sens un peu flatté de la convergence de vues entre ce remarquable observateur de la stupidité humaine et votre serviteur.
J’ai été ravi de constater que nous avions été au moins deux à remarquer qu’il était quand même absolument stupide de vouloir montrer qu’on aime quelqu’un au point de vouloir le cadenasser.
Franchement, ne s’être pas aperçu qu’aimer, c’est laisser partir, c’est faire preuve d’une incommensurable bêtise. Non ?
« Mais qu’est-ce que j’t’aime ! La preuve, je t’enchaîne à une rambarde de pont et je garde la clef. Ne me dis pas que c'est pas de l'amour, mon amour ! »
Je remarque d’abord que justement, l’amour en est absent.
Il semble assez net que la femme, pour ces fanatiques de l’incarcération, fut-elle sentimentale, est d’abord et avant tout un  trublion qu’il convient de tenir en laisse. Si on est un véritable imbécile, on croit en plus en être propriétaire.
Il devient donc indispensable de la garder prisonnière.
Je tiens néanmoins à vous rassurer, lectrices chéries, les femmes ne sont pas en reste. Pour ce que j’en sais, ce n sont pas les dernières à saloper les ponts de Paris en y accrochant ces symboles de l’asservissement qu’elles pensent être les symboles de l’amour.
Quand on en est réduit à ne pas faire la différence entre « être lié » et « être ligoté », c’est grave.
Lectrices chéries, si vous croisez quelqu’un qui ne sait vraiment pas que « l’attachement » et « l’entrave » ce n’est pas du tout la même chose, fuyez !
Lecteurs, rares mais chéris aussi, si vous voyez approcher une femme avec de l’amour plein les yeux mais des clefs plein les mains, barrez vous !

jeudi, 16 octobre 2014

Les statuts de l’acquis et la statue de Linné.

Vous ai-je déjà parlé du Jardin des Plantes en automne, lectrices chéries ?
Il me semble mais je ne m’en lasse pas.
Vous savez, bien sûr que c’est un des endroits de Paris que je préfère. Il est évidemment riche en souvenirs des temps enfuis mais, comme si ce n’était suffisant, j’y fabrique sans cesse de nouveaux souvenirs.
Qui évidemment ne serviront à rien.
Il m’arrive de temps à autre de penser –si, si, je vous assure- que tous les souvenirs que l’on fabrique ne serviront jamais car on s’aperçoit que le dicton « les linceuls n’ont pas de poches » s’applique aussi bien aux souvenirs qu’aux billets de banque…
Cette entrée en matière pour vous faire deux ou trois remarques, lectrices chéries.
La première me saute aux yeux : Hier, mercredi, jour préféré des enfants, alors qu'il faisait un temps pourri, Merveille est retournée à l’école aujourd'hui sous un ciel pas entièrement bleu mais en tout cas serein.
Merveille a néanmoins passé une journée agréable avec Heure-Bleue et moi dans ce Jardin des Plantes. Elle ne s’est pas cette fois laissé prendre à cette histoire d’émeu qui finalement n’émeut pas plus que ça.
J’aime faire découvrir les richesses de Paris à Merveille mais cette fois-ci, j’ai été plus  déçu qu’elle.
Parmi celles que je voulais faire découvrir à Merveille, il y a la marche dans le tapis de feuilles mortes qui normalement se ramassent à la pelle dans l’allée Cuvier et dont le froissement sous les pas est un délice.
Évidemment, la température clémente a collé les feuilles aux arbres et les a maintenues vertes. Les cantonniers du jardin se jettent  sur celles qui sont tombées comme le Trésor Public se jette sur mes sous ce qui fait que nous marchons bêtement sur des chemins de gravier. Sur le quai ? Idem. La peur du dérapage de voiture, la peur de la fracture du col du fémur sur un trottoir, tout cela ôte un charme de plus à la ville.
Sans doute un impôt caché sur la beauté…
J’ai admiré Merveille avançant devant nous. Pour être honnête, nous avons admiré Merveille avançant devant nous. On était même un peu envieux. Elle ne semble pas avoir mal aux articulations.
Mais n’allez pas croire des choses, lectrices chéries, nous avons tenu le coup !
J’ai même eu le plaisir de la supériorité de l’endurance sur l’énergie de l’enfance. Elle est restée sur mes genoux dans le bus. Tout au long du voyage elle a posé sa tête contre moi. J’ai dû partager avec le doudou, ce truc puant dans lequel elle plonge le nez avec délices.
Du coup, quand elle me dit qu’elle m’aime, j’ai peur de sentir mauvais…
Nous sommes arrivés chez les enfants.
Elle sur ses pieds.
Nous sur les rotules.

mardi, 14 octobre 2014

Le clavier bien tempéré.

Il y a des jours où Heure-Bleue me jetterait volontiers son clavier à la figure.
Alors qu’elle ne recule devant rien pour me rappeler des choses désagréables alors qu’elle prétend avoir une mémoire défaillante, elle me jetterait par terre et me piétinerait quand je lui rappelle d’autres choses.
Ben oui, lectrices chéries, je ne vais pas lui rappeler des situations où c’est moi qui ai eu le mauvais rôle.
Si, si, il y en a… Ce qui valide le principe qui veut que la vraie perfection, c’est quand il reste quelque chose à améliorer.
France Inter recevait Zepp, le père de Titeuf.
Il y eut un moment où Zepp racontait une histoire où des parents avaient envie de jeter le gosse à la poubelle.
Tout aurait pu rester calme et enchanteur dans la maison si ça ne m’avait pas rappelé un épisode de la vie de l’Ours bébé.
C’est là qu’elle a voulu me jeter son clavier à la figure.
Vous savez, j’en suis sûr, lectrices chéries, qu’un bébé n’est pas une poupée souriante, douce, câline et perpétuellement propre.
Non, un bébé, ça fait caca. Souvent au moment le plus inopportun. Des fois ça déborde des couches. Un bébé ça a faim, généralement avant l’heure et quand on allait partir acheter le lait et on est bien embêté. Et là, un bébé ça piaille terriblement fort.
Je ne sais pas si vous vous rappelez, lectrices chéries, mais en plus, un bébé ça s’endort pile poil quand il faut le sortir du couffin pour le mettre dans son berceau.
Bref, un bébé, on a beau l’aimer, l’adorer, bouffer la prime de la CAF au restaurant, tout ça, il y des moments où on l’oublierait bien dans le bus ou le métro.
Revenons donc à ce souvenir.
Une amie d’enfance d’Heure-Bleue passa ce jour là à la maison.
Heure-Bleue était en train de s’occuper de l’Ours qui, comme toujours envisageait sereinement de pisser au moment où sa mère repliait sa couche propre.
Scène cinématesque de l’amie. Les bras levés. « Oh qu’il est beau ! », « Oh qu’il est gracieux ! »
L’amie en question courait le monde pour un magazine et passait évidemment « Je viens voir ton bébé... En coup de vent, tu comprends… Avec mon boulot… »
Vint évidemment le moment où, pas encore mère des quatre enfants qu’elle aurait un peu plus tard,  l’amie lâcha « Si tu savais comme je t’envie, Heure-Bleue, comme j’aimerais être à ta place… Mais là, tu vois, pfff… Je pars demain à Bali… Ah la la... »
Bon ce n’était pas exactement Bali et d’autres destinations exotiques faisaient partie de l’enfer que vivait cette amie.
Elle est partie comme elle était venue, en coup de vent.
Heure-Bleue a grommelé quelque chose en regardant la porte. Il me semble bien que c’était un gros mot…
Quant à moi, je crois que j’ai eu peur d’être obligé de retenir Heure-Bleue qui avait l’Ours dans les bras et dont le regard assez mauvais passait du bébé à la poubelle…

lundi, 13 octobre 2014

Ô Roms, unique objet de mon ressentiment !

Hier il m’est venu à l’idée de faire une brocante pour nous débarrasser de tous les trucs entassés au cours d’années de flânerie dans les brocantes…
On avait profité du mauvais temps pour aller à une brocante.
Dimanche matin, j’ai regardé le ciel. Il était aussi gai que les comptes de la nation.
Un ciel de Toussaint triste. Il ne pleuvait pas.
J’ai tenté, avec un succès très relatif, d’inciter Heure-Bleue à être prête avant l’heure du dîner.
Ça a marché moyen…
Oui, comme toujours, Heure-Bleue a le temps.
Quand ma dernière heure approchera, je l’enverrai chercher la Faucheuse. Ça devrait bien me valoir dix ans de sursis.
J’ai gagné mon petit pari perso. Comme prévu, elle a attendu qu’il pleuve pour sortir.
Nous avons descendu nos deux étages et sommes allés jusqu’à la passerelle. Nous sommes arrivés « en face » où les brocanteurs et videurs de grenier, dégoûtés par la pluie, remballaient leurs petites affaires.
Quel beau dimanche on a passé !
Malgré la capuche de mon blouson de marin, la pluie ruisselait, glacée, sur mon profil de médaille. Et me coulait dans le col de chemise.
Mes chaussures faisaient des bruits de succion à chaque pas et mes orteils se recroquevillaient, gelés.
Heure-Bleue, que le mauvais temps enthousiasme je ne sais pourquoi, plaignait les marchands et avait un mot aimable pour chacun de ceux dont elle regardait l’étalage.
Sur l’étalage de l’un d’eux, la lumière de mes jours a été emballée par un plat de faïence. « Peint à la main » selon la vendeuse. Avec une précision d’imprimante laser selon le Goût.
Je sais déjà que ce plat ira, à peine sec, dans le meuble où le service de porcelaine de ma mère dort d’un sommeil profond dans l’attente du prochain déménagement.
Je portai donc ce plat dans un sac, pendant qu’Heure-Bleue continuait de flâner, indifférente à la pluie et à la pneumonie qui, j’en suis sûr, me guettait.
Je suivais, pauvre gueux. J’ai été content de trouver deux limes de mécanicien dont j’ai l’usage.
Malheureusement, la tenancière du stand, genre « bohémienne » mais bien habillée, exposait un guéridon qui, quoique trempé, plut à Heure-Bleue.
- Regarde Minou ! Le guéridon ! Il est bien hein ?
- Euh…
- Si si, il est bien. Et puis douze €uros, hein…
Je sais depuis longtemps que quand la lumière de mes jours à jeté son dévolu sur quelque chose, c’est une perte de temps que tenter de la dissuader.
C’est pour ça qu’on a au moins quinze bols en faïence, sans compter ceux que j’ai cassés, trois douzaines de verres, quasiment tous dépareillés.
C’est sans doute aussi pour ça qu’elle m’a, moi.
J’ai donc porté jusqu’à la maison, deux limes, un plat et un guéridon. Tout ça sous une pluie battante, j’ai grimpé les volées de marches de la passerelle, équivalentes à trois étages. Arrivé trempé dans notre immeuble, il m’a encore fallu monter les deux étages.
La lumière de mes jours à mis le plat dans l’évier. L’y a laissé.
Comme prévu, il n’y a aucun endroit adéquat dans la maison pour y mettre le guéridon. Il est trop haut, trop bas, trop petit, trop grand. Bref, il était mieux sur le trottoir et sous la pluie.
Je m’attendais à buter dedans en me levant car maintenant il fait nuit le matin.
Bref, il y a des jours comme ça, où les interdits du code pénal deviennent pesants.
Vous ne trouvez pas, lectrices chéries, qu’on a été bien sévère avec ce monsieur Landru ?

dimanche, 12 octobre 2014

L’œil cligne en court.

En conversant avec Heure-Bleue de la solidarité entre locataires nous en vînmes à parler de la vie de l’immeuble où nous habitions quand nous étions petits.
Elle et moi avions des amis chez qui nous allions et des amis que nous ne voyions qu’a l’école ou sur le chemin de la maison.
Très rarement nos parents, jamais en réalité, ne voyaient les parents de ces amis.
Dans mon coin de vers la Porte de Clignancourt de quand j’étais môme, nous manquions de tout mais nous avions quand même des voisins.
Mes parents eux, « copinaient » vaguement avec quelques uns.
Je vous ai parlé de certains à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’assassinat de J.F.Kennedy.
Notre palier, au quatrième et dernier étage, comptait trois portes.
Enfin, quatre avec la porte derrière laquelle nous n’avons jamais su ce qu’il y avait.
Il y avait trois portes de logement, donc.
Immédiatement à gauche de la nôtre, il y a avait « le père B. », ancien comptable de son état mais surtout ivrogne qui profitait de sa solitude pour boire sa retraite précoce. Il y eut de sévères engueulades car il se saoulait uniquement au vin rouge et ma mère détestait les mauvaises surprises.
Du genre, au départ pour l’école « Beeeuuuaaarrkkk ! Maman ! Le père B. a dég…vomi devant chez lui ! »
Le problème était que nos portes étaient à angle droit et donc « devant chez lui », c’était exactement pareil que « devant chez nous ».
À part « le père B. » que mon père, voyant sa porte ouverte, découvrit un jour étendu raide mort dans son entrée, nous avions des voisins que mes parents aimaient bien, les S.
Comme rien n’est parfait, ils avaient un fils, Serge, qui ne nous aimait pas trop et à qui on le rendait bien. Madame S. était une femme très gentille et son mari arrivait souvent le soir chez nous en disant « Gaby, t’aurais pas une cigarette ? J’ai oublié les miennes au boulot. »
Ça durait généralement jusqu’à ce que mon père lui tende une cigarette en disant « Tu m’en passeras une demain ? Tu dois bien en avoir vingt cartouches au boulot maintenant… »
Monsieur S.
faisait un peu la gueule et ça lui passait quand madame S. donnait en douce un paquet de cigarettes à ma mère mais le message passait et monsieur S. offrait une cigarette à mon père quelques soirs de suite… 
C’était encore une époque où les voisines, majoritairement « sans profession », c'est-à-dire s’échinant à s’occuper des gosses, se rendaient volontiers service.
Que ce soit pour emprunter un œuf, de l’huile ou de la moutarde.
Tout le monde craignait la décision stupide du colinot, synonyme de mayonnaise, qui allait mettre à contribution la moitié de l’immeuble…
Une chose toutefois ne manquait jamais.
Tout l'immeuble connaissait un dicton dont personne n’avait vérifié le bien-fondé mais que tous respectaient au pied de la lettre : « Plus de sel, plus de sous ! »
Le manque de sous était fréquent et n'attendait pas la fin du mois pour se faire sentir. On est venu emprunter du poivre à ma mère, des câpres à madame M., des œufs à madame S.
Je n'ai pas souvenir de quelqu'un empruntant du sel.
Manque de sous peut-être, manque
de sel jamais...