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vendredi, 12 septembre 2014

Les vieux s’attrapent…

Depuis que je suis allé voir mini-néphro, ça va nettement mieux.
Maintenant, avec Heure-Bleue, on joue au docteur tous les jours.
Des fois c’est tout simplement pas possible parce qu’on est dehors.
C’est mini-néphro qui l’a demandé.
Elle a dit qu’il faut que je le fasse quatre fois par jour jusqu’à ce que je retourne la voir et je ne peux pas toujours.
Mais Heure-Bleue et moi on s’est arrangé.
Ça nous a coûté moins de trente €uros mais ça marche super bien.

Oui, on prend notre tension tous les jours alors je prends celle d’Heure-Bleue aussi.
Ça nous a permis de constater l’inanité des antihypertenseurs quand on fait attention à éviter certaines choses…

jeudi, 11 septembre 2014

De viris illustribus urbis Lutetiae... Dont R.

Hier, nous sommes allés chez une blogueuse qu’on aime.
Oui, d’accord Milky, « chez une des blogueuses qu’on aime », je sais que as toujours apprécié les démonstrations d’affection. Mais bon, il y a tout de même Tigre-Chou et Hiboute, en plus de tous les autres qui t’entourent, alors, hein…
Hier, donc, nous sommes allés chez cette blogueuse qu’on aime. Nous avions quelques raisons d’y aller. Pas seulement le plaisir de les voir, elle et son mari. J’avais un peu de boulot. Un travail que je n’ai pu mener à bonne fin. Hélas.
Je suis donc revenu de la cuisine, dépité. Comme elle est très gentille, la blogueuse m’a assuré que ce n’était pas important et qu’elle allait tenter de terminer la réparation de cette p… de théière de m… dont l’anse avait souffert.
Nous avons donc continué notre conversation qui a porté sur les talents divers et parfois surprenants que peuvient montrer les enfants en sortant de maternelle voire avant.
Les gosses, c’est vraiment la galère. Je le sais j’en ai été un. Merveille prétend même que je le suis resté dans la tête.
Et c’est en rédigeant cette note d’un intérêt discutable que me revient un de ces épisodes scolaires qui me ravissent et qui prouvent que j’ai un mauvais fond. Si si, lectrices chéries ! D’ailleurs Heure-Bleue me le jette à la face de temps à autre.
Je crois vous avoir parlé de mon premier prof de lettres, celui qui fut le « professeur principal » de ma sixième. Oui, en « A » le « prof’ principal » était le professeur de lettres, français, latin. En « M », c’était le professeur de maths.
Les professeurs de lettres considéraient avec méfiance les élèves de « A » mais à coup sûr avec mépris les élèves de « M ». Si certains sont encore de ce monde, ils doivent être effondrés à voir la façon dont il a tourné…
Dans cette sixième, il y avait un type, R. dont on m’avait déjà dit « c’est un sale c…, toujours premier en latin ». Bref, un lèche-cul.
Il était grand, blafard, blond et promenait sur le monde, c'est-à-dire sur nous autres, un regard plein de morgue. Il avait quelque chose du dindon dans la démarche et le port de tête.
Que ça lui valût de mordre le ciment de la cour quelques fois quand les pions ne regardaient pas, ne l’empêchait pas de nous toiser du haut de son mépris. Arrivé dans cette classe au second trimestre précédé de la renommée douteuse de gamin indiscipliné et jeté du lycée Michelet, j’avais été mis au premier rang.
Hélas à côté de ce R. prêt à tout pour éviter d’être mon copain.
Hélas pour lui, je me débrouillais bien en latin et avais une place honorable dans les interrogations écrites, que ce fût en version ou en thème. MM Morisset et Thévenot ne me rebutaient pas plus que MM Gaffiot et Hatier. Je dois même avouer à ma grande honte que j’aimais ça. Les dévoiements de l’esprit sont parfois étranges…
Vers la fin de ce second trimestre, les compositions se succédaient, histoire de vérifier que des hordes de profs n’avaient pas discouru dans le vide pendant ce trimestre.
Même si c'était essentiellement dans le but d'em...bêter R. que j'avais fait un effort, j’eus la chance d’être meilleur que lui en latin.
Ouaip ! Je fus, ce trimestre là, le premier de la classe en version et en thème latins. J’étais ravi. D’être premier, bien sûr, ce qui ne se reproduirait pas de sitôt, mais surtout, surtout de voir sur le visage de R. cette expression scandalisée. Ce fut un de mes meilleurs moments de l’année. J’avais commis là un crime horrible, celui d’avoir expulsé R. d’une place dont il se considérait propriétaire. Un véritable coup d’état à ses yeux. Je ressens encore cette « schadenfreunde », cette joie mauvaise, rien qu’à me rappeler la tête de ce type ce jour là.
Non seulement j'étais et suis resté un gamin, mais un gamin avec un mauvais fond…

mercredi, 10 septembre 2014

Les confitures de tomate verte.

Il y a quelque temps, j’ai vu un pot de confiture dans la vitrine d'une de ces boutiques de la rue de Rivoli faites pour tenter le « bobo », citadin nostalgique d’une campagne où il ne vivrait pour rien au monde.
Et pas n’importe quelle confiture, lectrices chéries, non, pas n’importe quelle confiture !
De la confiture de tomate verte ! De la confiture comme je n’en avais pas vu depuis mes dernières vacances chez ma tante Olga. Autant dire des vacances qui ne dataient pas d’hier…
A regarder cette vitrine, j’ai commencé à sentir sur la langue le goût de cette confiture longuement cuite par ma tante.
Son bistrot, qui n’était pris d’assaut que quand la sirène de la tuilerie sonnait la fin de la journée de travail, lui laissait du temps pour des choses comme fleurir sa terrasse, « soufrer » les tonneaux à la cave, faire de la liqueur de cassis et des confitures. Une autre sirène retentissait au même instant mais amenait moins de monde, celle de la filature de l’autre côté du pont du canal.
Il est vrai que la tuilerie ne comptait pratiquement que des hommes tandis que la filature ne comptait guère que des femmes.
Femmes qui ne venaient au café de ma tante que pour le quatorze juillet et quand elles venaient y chercher leur mari. Elles évitaient la visite du retour de « la retraite aux flambeaux » car la balade assoiffait les hommes, tout comme le travail à la tuilerie, dans la poussière d’argile et la chaleur des fours entre deux cuissons de ces briques qui entraient grises et sortaient rouges.
A l’inverse des ouvriers qui entraient rouges dans le café et en sortaient gris…
Ma tante, donc, faisait des confitures de tomate verte. Elle faisait pousser ces tomates dans son jardin, avec des tas d’autres choses, dont des fleurs et des haricots verts. J’aimais bien les haricots verts parce qu’ils poussaient sur des grandes tiges dont j’avais le droit de me servir comme lance pour jouer au chevalier. Même quand j’ai commencé à jouer à autre chose le long du canal, j’aimais le « quatre-heures » avec cette tartine ronde de confiture de tomate verte. Les tartines étaient toujours rondes parce que ma tante n’achetait jamais autre chose qu’une couronne. Ça évitait les chamailleries à propos du croûton car il y avait à chaque repas, si je compte bien, huit personnes à table.
Pour éviter de claquer une fortune car il eût fallu quatre baguettes au bas mot à chaque repas, la solution était la couronne débitée en tartines.
Mon dieu ces « quatre-heures » ! Ces tartines de confiture fuyaient par tous les trous de la mie, elles collaient aux doigts, la confiture me coulait le long du menton, parfois le long de l’avant-bras, mais bon sang quel délice…
Vous pensez bien, lectrices chéries que je n’allait pas laisser passer une occasion comme ça de reculer de quelques années, disons quelques décennies, six en réalité, en passant devant cette vitrine.
Je suis donc entré. Seul car Heure-Bleue n’aime pas la confiture. J’ai acheté un pot de confiture de tomate verte pour une somme qui aurait sorti la Grèce du marasme. Arrivé à la maison, j’ai voulu goûter à la vie des années cinquante.
P… ! Quelle déception ! Au lieu de la confiture plutôt sirupeuse et absolument délicieuse de ma tante, je me suis trouvé avec un bidule solide, noyé de tant de pectine que ça lui donnait la consistance d’un flan.
Le retour dans les années 2010 fut brutal…

mardi, 09 septembre 2014

Ça y est ! Je sais !

Je sais ce qu’il a dit en entendant parler du bouquin.
Il a dit ça.

lundi, 08 septembre 2014

Le chiffonnier est mahousse…

Reprenons.
Si, au sortir de notre galetas, nous tournions à droite au lieu de tourner à gauche, nous arrivions, en une vingtaine de pas, rue du Roi d’Alger. Il suffisait de s’engager dans la rue sur la gauche pour arriver au croisement, décemment on ne peut appeler un carrefour, ce petit espace où se rejoignaient la rue du Roi d’Alger, la rue Neuve de la Chardonnière et le passage Kracher.
Vous ne pouvez pas savoir ce que ce coin, vu avec nos yeux de petits bourgeois d’aujourd’hui, aurait eu d’inquiétant si vous l’aviez connu à cette époque, lectrices chéries.
Comme je vous l’ai déjà dit, la guerre avait beau avoir cessé depuis plus d’une dizaine d’années, on aurait dit qu’elle avait pris fin il y a une semaine au plus et cette impression persista jusqu’à la fin des années soixante. Les immeubles y étaient tous noirs de crasse et lépreux.
Les rues étaient évidemment pavées mais le passage Kracher donnait l’impression de l’avoir été avec des ballons de handball. Je serrai un peu les fesses en m’engageant sur les pavés inégaux et luisants mais, bien que Souricette fût aussi timorée qu’un banquier, sa présence me rassura et nous avons avancé vers la rue de Clignancourt d’un pas plus vif que nécessaire…
Ce passage était le pire de notre environnement proche. Celui où nous habitions était très court et animé par un restaurant à un bout, un hôtel à l’autre et le bougnat de notre rez-de-chaussée. Le passage Championnet était éclairé par la rue Championnet et presque vivable, hormis l’ivrogne au tuba et sa bignole voisine qui avait « le bec salé » elle aussi.
Le passage Kracher, lui, était un boyau terriblement étroit, tapissé de ces pavés inégaux, ronds et perpétuellement mouillés. Le manque de confort, plus exactement de latrines, de l’époque lui donnait en plus un parfum rebutant et si je n’avais pas été doté d’une curiosité irrépressible je n’aurais jamais osé passer par là. Surtout seul.
J’ai été plutôt content. Ma mère avait eu tort, si le passage puait et était sombre comme le dessein d’un malfaisant, il était certes peuplé d’Arabes mais pas un ne semblait prêt à nous enlever et ça nous faisait gagner pas mal de temps. Ceux qui connaissent le talent de ma mère pour les paquets savent que tout mètre de marche épargné diminuait d’un centimètre l’allongement du bras porteur…
Arrivés au bout du passage, ma sœur cadette et moi sommes entrés, enfin sommes avancé sur le seuil d’une grande pièce contenant un bordel encore plus monstrueux que celui causé par feu Maillot lors de ses petits déjeuners au 11° à la tireuse.
Il y avait dans cet antre éclairé par un ampoule pendant du plafond, des embrouillamini de fils électriques, de vieux poêles de fonte, d’appareils bizarres et de papier. Des milliards de tonnes de papier !
Le chiffonnier nous vit arriver, s’essuya les mains sur son pantalon et demanda « qu’est-ce que vous v’lez, les gosses ? »
Les gosses sont restés muets. On avait beau le connaître, il faisait quand même un peu peur. Il était immense, une sorte de gitan, la peau teinte à « l’encrier de déménageur » autrement dit « le gros qui tache », perpétuellement vêtu d’une combinaison qui avait dû être bleue cinquante ans auparavant et avec des mains monstrueuses.
Avec le recul de l’âge je suis sûr que les fesses de ma première copine auraient tenu dans une seule de ses mains. Je n’ai revu des mains de cette taille que plus tard, au bout des bras d’un technicien envoyé à la boîte pour une formation.
Le chiffonnier fit rouler son mégot au coin de ses lèvres. Je le revois encore. Il sourit  et prit son porte-monnaie, en sortit une pièce de deux francs, des francs d’avant Pinay, et pris mon paquet de journaux.
Mon bras reprit sa taille initiale tandis que le chiftir poussait un « ouf » de surprise. Il jeta le paquet sur l’énorme balance derrière lui et reprit son porte-monnaie.
Il remit sa pièce de deux francs dans son porte monnaie et en sortit une de cinq francs.
Oui, lectrices chéries, ma mère avait trouvé le moyen de nous faire débarrasser le palier aux frais de quelqu’un d’autre… Ma sœur et moi avons pris l’autre chemin pour rentrer.
On a claqué nos cinq francs en caramels à un franc dans « la boutique rose » de la marchande de bonbons.
La boutique rose existe toujours mais ne vend plus de bonbons.
Elle ne vend pas non plus d’années à l’envers…
Si ça vous intéresse, lectrices chéries, j’ai encore quelque chose à vous raconter à propos de cette marchande de bonbons.