mercredi, 14 août 2019
Lettre et lavoir...
J’ai ouvert les yeux, assez heureux de voir la lumière magnifique de mon coin.
Je me suis levé et là, à peine arrivé dans la cuisine, la déconvenue m’a tué le moral.
Ça me donne l’occasion de faire mon pensum quasi quotidien.
Oh ! Tout était bien !
La vaisselle était propre et sèche et je n’ai eu qu’à la ranger après un vague coup de torchon.
La lumière de la cuisine était superbe et un regard par la fenêtre m’a montré que seuls quelques petits nuages blancs parsemaient le ciel de leurs petits bouts de coton.
Des « cumulus » comme dit le type de la météo qui ne se rappelle plus que le pluriel de « cumulus » est « cumuli ».
Hélas, par la fenêtre ouverte de la cuisine, est entré un coup de vent qui m’a poussé à me précipiter dans la salle de bain, ce qui est difficile le matin, pour enfiler un vague gilet.
Oui lectrices chéries, ce matin, c’est l’hiver…
Une température quasiment sibérienne s’est abattue sur le quartier, dressant les dix-sept poils qui s’accrochent encore à mes mollets.
Je pressens une arrivée dans une zone de turbulences qui me verra nuitamment récolter des coups de pieds pour cause de collage intempestif contre ma source de chaleur préférée.
Source de chaleur qui est d’un avis différent depuis… Depuis… Bref depuis longtemps.
Préparez vous lectrices chéries, s’il n’y a pas d’amélioration climatique, à une longue période de gémissements de votre Goût adoré.
L’idée d’écrire en train de geindre sur tous ces degrés manquants me pousse à vous imaginer à votre tour écrivant en commentaire « mon Goût chéri, pour être plaint, il eut alors fallu que geignissiez avec plus « lamento » dans le ton afin que nous pussions prendre la pleine mesure de la douleur qui vous frappa sans même que nous nous en aperçussions… »
Je savais bien que je réussirais à vous pondre une phrase telle que je pusse dire à Maurice Blanchot « même à vous il eut fallu des semaines pour que vous nous cousissiez une phrase aussi nulle mais bien tournée ».
Ce qui fit écrire à Emil Cioran qui ne l’aimait pas : « J’ai appris à taper en me servant du Dernier Homme de Maurice Blanchot. La raison en est simple. Le livre est admirablement écrit, chaque phrase est splendide en elle-même, mais ne signifie rien. Il n’y a pas de sens qui vous accroche, qui vous arrête. Il n’y a que des mots. Texte idéal pour tâtonner sur le clavier de la machine »
Pourtant le parcours de ce Maurice Blanchot fait très bien saisir ce lien trouble et permanent qui unit l’extrême gauche, l’extrême droite et l’antisémitisme depuis des lustres…
Le temps de finir cette note, la température est devenue plus clémente et je constate avec une certaine honte que je viens de faire un exercice et qu’il est complètement nul !
09:34 | Commentaires (10)
lundi, 12 août 2019
« Devoir de Lakevio du Goût » N° 4
À regarder cette photo de Doisneau m’est revenu un souvenir qui prouve que les visites médicales à l’école n’étaient pas d’une fiabilité à toute épreuve.
Je sais, lectrices chéries, ça ressemble à un recyclage mais après tout, c’est moi le maître, celui qui donne les devoirs et je me rappelle très bien que les seuls domaines où l’arbitraire règne sont les services du Trésor Public et les classes de l’Éducation Nationale.
Du moins à l’époque où j’allais à l’école car maintenant il semblerait que ce sont les parents qui mènent la danse et non plus les « maîtres d’école ».
C’est là qu’on commence à comprendre la nuance entre « maître » et « professeur ».
Vous vous rappelez sûrement « Roja Flore », cette « brillantine » célèbre dans les années cinquante.
Et qu’a donc cette bouteille pour se rappeler à mon souvenir ?
Eh bien elle m’a servi, en pension chez mes fous.
Un jour, le Frère tortionnaire habituel est passé dans les classes des « petits » pour nous annoncer que « lundi il y aurait visite médicale » et que nous devions absolument amener avec nous une petite bouteille dans laquelle il y aurait un peu de notre pipi.
Comme d’habitude, j’étais convié à rester pour tenir compagnie à quelques compagnons d’infortune, cloués là que nous étions pour « conduite déplorable » ou « mauvais esprit ».
Le lundi, après un réveil somme toute agréable dans un dortoir quasiment désert, j’ai fouillé dans ma valise planquée sous mon lit quand le Frère nous a rappelé qu’il y avait visite médicale.
J’en ai sorti la petite bouteille de « Roja Flore » que j’avais amenée dans un but incertain, sans doute une ânerie, et l’ai mise dans la poche de ma blouse.
Bleue la blouse, et à col « mao » rouge. La honte… mais je vous en ai déjà parlé.
Quand les autres sont arrivés de chez eux, nous avons tous été réunis dans la cour.
Je sais maintenant pourquoi la visite avait lieu au printemps bien engagé.
C’est parce que la cour était plantée de tilleuls censés calmer les enfants, ça ne marchait pas vraiment mais ça sentait bon. Si bon…
On nous a mis en rang. Les grands sont sortis les premiers. Ils ont commencé à ficher la trouille aux plus petits en leur racontant à voix basse des trucs du genre « faites gaffe, ils y vont avec des grands couteaux et ya du sang partout ! »
C’est là que j’ai regardé la petite bouteille d’eau de Cologne de mon copain A.
Je vous en parlerai une autre fois, il m’a laissé une impression pénible et décevante un jour.
Mais bon, c’était mon copain parce qu’il était petit et que je l’avais défendu quand on l’avait embêté.
J’ai donc regardé sa petite bouteille et je me suis rappelé d’un seul coup que la mienne était dans ma poche. Vide. Désespérément vide.
La sienne était pleine.
Je lui ai dit « passe moi de ton pipi, j’ai oublié de faire pipi dans ma bouteille ! »
On a regardé si le Frère ne nous voyait pas.
On a aussi vérifié que pas un fayot ne nous surveillait.
Il a fait couler de son pipi dans ma petite bouteille de « Roja Flore ».
Des gouttelettes scintillantes sont tombées par terre. Certaines avec un vif éclat dans la lumière du soleil.
L’étiquette avec mon nom, ces petites étiquettes bordées de bleu qu’on met sur les livres, tenait mal mais bon…
On a su plus tard qu’on « avait tous eu bon à l’analyse ».
07:37 | Commentaires (21)
dimanche, 11 août 2019
L’homme bleu.
Hier nous sommes allés au cimetière Saint-Vincent avec un ami.
Une conversation avec le gardien du cimetière nous a appris des tas de choses.
Une maison sise à l’entrée du cimetière, dévolue au gardien a été allouée à une jeune femme prochaine gardienne du cimetière, probablement séduite par un métier reposant et un voisinage calme et peu remuant.
Ça nous aurait bien plu mais cette maison devant être cédée au prochain gardien s’il décide d’user de son logement de fonction, elle perdait de son intérêt.
À dire vrai, le seul intérêt qui subsistait consistait en la brièveté du transport de l’avant-dernière à la dernière demeure…
En dehors de cet aspect résidentiel important : Beauté du site, calme du voisinage, lieu enviable pour l’absence de circulation dans un Paris envahi par les voitures, prix modique à un moment où se loger en ville n’est plus qu’à la portée de nababs, etc. nous avons, disais-je appris des choses.
D’abord du gardien lui-même qui semble réunir des données sur les célébrités qu’il a aidées à mettre dans le trou.
Cet homme petit, malingre et boitant bas m’a surpris.
Il m’a annoncé fièrement :
- Je commence au cimetière Saint-Vincent !
- C’est étrange ! Vous êtes le seul que je connais qui commence au cimetière !
- Ah ? Pourquoi ?
- Au cimetière, on y finit, on y commence rarement…
Il a eu un instant l’air désarçonné mais s’est rapidement repris et nous a raconté quelques anecdotes sur les voyages d’une tombe à l’autre de certaines célébrités au hasard des « unes » de revues « people » et des bisbilles familiales.
Il nous a dit avoir bu du champagne il y a quelques jours avec Michou, « l’homme bleu » non pas du désert mais de la rue des Martyrs.
Le temps était magnifique et doux, nous avons donc remonté l’allée pour admirer ce qui est bien parti pour être un mausolée aussi démesuré que Michou est petit.
Ce semble être un homme méticuleux qui vient en reconnaissance de temps en temps pour constater l’état d’avancement de sa prochaine et ultime demeure.
Il y vient apparemment équipé de l’attirail de l’homme de chantier.
Il y vient en bleu et avec une bouteille…
Élévation sociale oblige, il a laissé tomber « l’encrier de déménageur » ou « la betterave d’ouvrier » pour la bouteille de champagne mais l’esprit est là.
Aucun doute, il sera bien logé, il aura un plafond bleu d’un granit soigneusement poli et d’une qualité qui devrait limiter les frais de réfection de la toiture…
09:58 | Commentaires (2)
samedi, 10 août 2019
Un passé pas si simple.
Heure-Bleue me disait hier « Un devoir ? La semaine du quinze août ? Mais tu rêves Minou ! Personne ne le fera ! »
J’en avais pris mon parti quand ce matin, Gwen me dit qu’elle est passée voir ce que je proposais comme devoir.
Alors pour lundi je vous propose une photo en espérant qu’elle vous inspirera...
Mais ce dont je voulais vous entretenir ce matin était tout autre chose.
D’accord, c’est mon devoir quotidien.
Le goût étrange qui peut se développer chez les enfants, même très jeunes :
J’étais tout gosse quand j’ai craqué pour deux temps de la conjugaison française.
J’avais entre six et set ans quand c’est arrivé.
Au cours d’une des rares récréations qui n’étaient pas émaillées de horions, un copain qui avait un grand frère dans une « grande classe » me dit :
- Eh ! Tu sais ce qu’ils apprennent dans la classe de mon frère ?
- Ben non…
- Ils apprennent des trucs comme « nous chantâmes » et même « que nous chantassions » !
- Oh la vache ! C’est quoi comme temps ?
- Je sais pas, des temps qu’on connaît pas parce qu’on les apprendra même pas l’année prochaine…
Ça m’a drôlement plu cette histoire.
Juste avant de sortir de classe, j’ai demandé au Frère « Pardon Mon Père, c’est quoi nous chantâmes ».
Comme c’était une « bonne question » je n’ai pas pris « cent lignes » mais seulement « On de dit pas c’est quoi nous chantâmes » mais « Qu-est-ce que ‟nous chantâmesˮ ? »
Il me le dit et je fus charmé.
De ce temps j’ai donc craqué pour le passé simple de l’indicatif et l’imparfait du subjonctif.
De sorte qu’il advint fréquemment que sans que vous vous en aperçussiez vous croisâtes ce passé simple qui donne de la beauté au français écrit sans que pour autant une lettre semblât incomplète en l’absence de cet imparfait du subjonctif.
Mais si, rappelez vous, lectrices chéries !
Cet imparfait du subjonctif qui reparut lors d’une querelle à propos d’accent circonflexe.
Non, ne fut pas abordé seulement le problème de la « cougar » qui après moult libations s’exclama « Ah ! Je me ferais bien un petit jeune, histoire de me remettre en forme ! » bien que cette première expression montrât avec talent l’utilité dudit accent sur « jeûne ».
Imaginez aussi votre tête, lectrices chéries si de celui dont avez longtemps espéré qu’enfin il déclarât sa flamme vous receviez un poulet commençant par « Je rêvai d’une femme qui fut belle et vous êtes arrivée… »
Ce petit accent qui manque à « fût » fait toute la différence entre un compliment et une goujaterie.
Alors que ça eut si bien marché si ce crétin avait écrit « Je rêvai d’une femme qui fût belle et vous êtes arrivée… »
À quoi tient la passion tout de même.
Qu’elle soit pour la grammaire ou « le camp d’en face »…
08:11 | Commentaires (16)
vendredi, 09 août 2019
Je crains plus les trouvères que les trous noirs…
Il était tôt et je devais d’abord aller à République chercher un composant pour la bidouille que je réalise pour un ami.
Celui avec qui je ne suis jamais d’accord dont je vous ai déjà entretenu.
Je devais ensuite aller déjeuner avec un autre ami avec qui je suis d’accord mais que je ne vois que rarement car il est très occupé.
Cet ami passe l’essentiel de son temps « le cul entre deux chaises ».
Voire trois chaises…
C’est un homme qu’on peut appeler « tiers de temps »
Il passe environ un tiers de ce temps à essayer de combler sa solitude.
Un autre tiers à échafauder des théories dans un grand établissement scientifique national.
Évidemment le dernier tiers à chercher « l’âme sœur ».
Hélas, à peine pressent-il cette fameuse « âme sœur » qu’il lorgne autour des fois qu’une heureuse conjonction des astres lui ferait croiser des « âmes sœurs jumelles ».
Ce qui ne va pas sans problème et lui laisse le cœur en lambeaux, pire le cœur solitaire.
J’ai eu du mal à arriver à l’heure car le 56 qui devait m’amener directement de République à Barbès-Rochechouart était pour le moins foutraque…
À l’arrêt « République-Voltaire », juste en face de la boutique dont je sortais, l’affichage me disait qu’il me faudrait patienter vingt-neuf minutes.
J’ai donc décidé de marcher jusqu’au prochain arrêt. J’ai traînassé en chemin et mis dix minutes pour arriver à « Jacques Bonsergent » ou l’affichage, tel le bouquin de H.G. Wells allait à « rebrousse temps » au point que le 56 était prévu dans quarante-trois minutes.
Je me suis d’abord dit « mince ! J’ai raté le 56 du mois d’août ! » puis le 91 est arrivé qui m’a permis sans effort ni attente d’atteindre en moins d’un quart d’heure le square d’Anvers où j’avais rendez-vous.
Je lui ai parlé un peu du quartier que je connaissais assez bien.
Après avoir trouvé plutôt judicieuse l’idée d’être allé dans un lycée situé juste entre deux lycées de filles, nous avons passé le repas à parler d’autre chose.
Je ne sais pourquoi nos conversations finissent toujours par dériver sur la politique et la philosophie.
Pourtant nous ne sommes pas alcooliques, défaut qui, c’est bien connu, rend philosophe et hargneux en matière de politique…
Le repas fut délicieux.
10:59 | Commentaires (3)