lundi, 26 août 2019
Madame lui fit faire une paire de lunettes roses et des souliers lilas
Ah ça ! J’ai eu une riche idée de croiser, au hasard de mes pérégrinations dans l’œuvre de Manet, cette branche de lilas blanc.
Elle m’en a fait revenir le parfum dans le nez du fond de mon enfance.
J’avais pourtant bien enfoui ce fichu lilas mauve.
Celui qui me valut des homélies maternelles quasiment chaque vacances de Pâques.
Non ! Je ne veux rien dire de ces arbrisseaux qui meublaient l’allée qui longeait la maison de mes grands-parents entre la porte d’entrée et le jardin !
Je ne vous dirai rien de cette longue plate bande plantée de narcisses, de pensées et de giroflées où quelques violettes poussaient discrètement.
Au coin du mur qui nous séparait des B. un pied de lilas au coin semait ses surgeons de façon anarchique.
Je revois le haut des arbustes toujours entortillé d’une treille qui courait sur le faîte du mur.
J’avais pourtant bien dit que je ne parlerai pas de ce fichu lilas.
C’est râpé !
Évidemment que j’en parle. Bien obligé, d’abord c’est le devoir de ce lundi.
Mais je n’aime pas.
Chaque fois c’était la même chose.
Je sortais de chez mes fous pour aller chez ma grand’ mère.
Je dis ma grand’ mère alors qu’il y avait aussi le grand-père mais il causait peu.
Il faisait attention à ce que je ne lui « pique » pas des outils pendant qu’il tissait ses « araignées », celles qu’il vendait aux pêcheurs braconniers du coin.
Un fois là-bas, j’attendais le dimanche de Pâques.
C’est le seul dimanche de l’année où la messe est obligatoire.
C’était le seul dimanche de l’année où on ne m’obligeait pas à aller à la messe.
Mais ce lilas…
Ce fut toujours la même histoire pendant quelques années.
Je cherchais dans les fleurs de cette plate-bande les petits sachets d’œufs de sucre multicolores amenés là par les cloches me disait ma mère.
Je ne la croyais pas mais je me dépêchait parce que mon grand-père se livrait à une concurrence déloyale et effrénée dès que ma mère et ma grand’ mère avaient le dos tourné.
Quand j’en avais trouvé suffisamment, je sortais le nez des giroflées rouges et de leur parfum à la fois capiteux et acidulé pour sentir le lilas qui explosait en une efflorescence mauve et d’odeur délicate.
C’est là que ça se gâtait, je tentais d’en arracher quelques branches et ça finissait toujours par une engueulade.
J’arrivais avec une poignée de brindilles décorées de ces petites fleurs mauves en forme de croix, les jambes pleines de griffures, peu protégées qu’elles étaient par une culotte courte.
Je tendais ce misérable bouquet à ma grand’ mère.
Je crois bien que c’est la seule fois de l’année où elle m’embrassait.
Enfin… M’embrassait… Plus exactement me tendait une joue rêche pour que j’y posasse mes lèvres.
Ma mère me collait une claque sur les cuisses parce que « je-t’ai-déjà-dit-mille-fois-de-ne-pas-cueillir-de-fleurs-dans-le-jardin-tu-vas-te-défigurer-les-jambes-en-tombant-de-l’arbre ! »
Puis elle m’embrassait à son tour parce que « tu-es-quand-même-un-gentil-petit-garçon-mon-chéri ».
Voilà pourquoi je ne voulais pas parler de ce fichu lilas.
Je me suis encore piégé tout seul à regarder ce tableau d’Edouard Manet…
06:45 | Commentaires (23)
samedi, 24 août 2019
C’est vendredi, c’est pas ravioli, c'est Tornade.
Vous savez quoi, lectrices chéries ?
Je me pose quelques questions depuis hier soir.
Enfin… Je dis « hier soir » alors qu’en réalité je devrais dire « cette nuit ».
Dites moi, dans mon esprit, des choses comme « soirée pyjama » c’est un truc de fille, et même de jeunes filles, non ?
La question est alors « à quel âge cesse-t-on d’être une jeune fille ? »
Je ne parle pas de l’aspect clinique de la chose, je suppose que vous êtes au courant…
Je parle de l’autre aspect des choses.
Celui qui fait que quand vous êtes au lit, en train d’essayer de lire votre bouquin –une réédition d’un polar de Ross Macdonald qui, entre parenthèses écrivait extrêmement bien- quand vous êtes distrait par les ricanements et les papotages de deux nanas retombées en adolescence.
Sur l’instant je me suis cru dans l’appartement des parents, avec des sœurs intarissables mais non.
J’étais hélas bel et bien dans l’âge mûr avec deux femmes dans l’âge… Enfin dans l’âge que, l’âge qui, bref, l’âge où les sacs à main sont plus lourds et plus chers qu’avant.
Et jusqu’à deux heures du matin j’ai tenté de m’endormir.
Et, comment dire… Pas moyen.
Ces deux pies, après un après-midi de promenade, de courses, d’achat de livres et de café à la Madeleine, tenaient une forme éblouissante.
Ça a nui gravement à la mienne.
Mais bon, je ne vais pas changer maintenant d’épouse ni d’amie.
Je suis condamné à rester, baillant, les yeux piquants chaque fois qu’après un dîner, soigneusement préparé par l’époux et l’ami préféré, Tornade et la lumière de mes jours se mettront à se raconter ces souvenirs et ces choses secrètes que les filles se racontent quand les garçons sont partis se coucher pour essayer de lire.
Le résultat est évidemment qu’en reprenant mon bouquin ce matin j’ai dû relire ce que je pensais avoir lu et compris la veille et en plus n’avoir rien compris aux bribes de conversations qui m’étaient parvenues.
J’ai ainsi perdu en vain près de trois heures de vie pas même réparées par un sommeil absent…
Bon, on me fait mener une vie de chien alors que j’eus tant aimé vivre une vie de chat, couché sur les genoux d’une maîtresse caressante et douce.
Mais c’était bien quand même, hein…
11:16 | Commentaires (11)
vendredi, 23 août 2019
Devoir de Lakevio du Goût N°5
J’aime le lilas.
Et vous ?
Qu’avez-vous à raconter sur le lilas ?
Je vous demande ça parce que justement un souvenir m’est revenu à propos de lilas.
Lilas qui n’est pas que le blog de mon amie Liv Fourmi qui justement devrait faire le devoir parce que quand même, Liv, ça fait longtemps que tu n’as rien dit sur ton blog…
07:19 | Commentaires (9)
mercredi, 21 août 2019
Badinage artistique…
Ouais, je sais... J’ai honte mais que voulez-vous, je suis comme ça...
Je me suis fait rire ce matin en lisant un articulet sur le Web.
Ne dites rien, lectrices chéries, je sais qu’il en faut peu pour me faire rire.
Une faute d’accord m’a arraché l’œil qui me reste puis, en y réfléchissant, ça m’a fait rire.
Si ce n’est pas une faute, c’est pire encore.
Un reproche…
Ainsi, contrairement à une idée répandue par nombre d’analphabètes, les règles de l’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir ne sont pas si stupides.
Ce que j’ai lu m’en a convaincu.
Pour ce que j’ai lu, il était au départ question d’absence.
En lisant, je n’en ai plus été si sûr.
Ou bien il n’était pas question de la même absence…
Je ne suis pas sûr que celle qui a écrit a bien saisi la nuance.
Je sais bien quant à moi, que quand une femme dit « Tu m’as manqué, mon chéri ! », ça n’a pas du tout la même signification que quand elle dit « Tu m’as manquée, mon chéri ! »
Une des deux remarques est nettement moins flatteuse que l’autre.
Rien que le ton l’indique…
Ça m’a rappelé une petite annonce lue il y a quelque temps où un homme proposait de vendre son épouse car il préférait, semble-t-il, jouer au lit avec une console plutôt qu’avec ce qui eût dû être son bonheur du jour…
L’annonce se terminait par « Prix à débattre, très peu servie » et, en voyant le « e » à la fin de « servie », je m’étais dit « c’est probablement sa femme qui l’a poussé à tenter la transaction… »
D’où l’utilité, quoiqu’en pensent « Hoedt et Piron », de respecter les règles de l’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir.
Je n’en dirai pas plus ce matin.
Il n’y a pas de raison que je me fatigue plus que vous, lectrices chéries…
09:57 | Commentaires (14)
lundi, 19 août 2019
Le pas sage du printemps laisse des traces…
Comme vous le pensez probablement, votre Goût préféré n’était pas toujours sage, lectrices chéries…
Je fouinais donc hier soir dans mes souvenirs pour trouver une punition et pourquoi elle m’était tombée dessus.
C’est là que le souvenir de la première « colle pour conduite inconvenante » m’a sauté à la mémoire comme un pavé sur le casque d’un CRS.
Il n’était évidemment pas question d’un délit qui relevât de la « Brigade des Mœurs » qui existait encore en ce temps là.
En classe de quatrième, au cours du troisième trimestre –rappelez-vous comme il faisait beau au printemps quand on entrait dans l’adolescence- un soleil de milieu de matinée particulièrement printanier nous donna des envies d’air du dehors…
Les plus audacieux d’entre nous prétendirent même que « Madame, ça sent ça sent mauvais ici, il faudrait ouvrir ! »
« Madame » acquiesça et désigna un des plus grands pour qu’il ouvrît les fenêtres, ce qu’il fit en montant sur une chaise.
Quand arriva la récré de midi nous entrâmes, malgré l’interdiction, à une grosse dizaine, soit le quart de la classe, dans la salle de cours.
Nous sommes montés sur des chaises pour admirer la rue qui sentait un peu l’essence mais beaucoup la liberté.
Toute cette affaire aurait pu se solder par une « colle à la maison », bénigne, si le sort ne nous avait offert une occasion de nous rendre célèbres...
Agrippés aux barreaux nous vîmes un cortège funèbre sortir de la rue Say, juste en face de nos fenêtres.
J’eus l’idée du siècle, celle qui prouve qu’en y mettant le ton on est suivi par une foule irréfléchie.
Mû par un sens aigu de la bêtise, j’ai hurlé « Vive la mariée ! »
Suivi illico par la grosse dizaine de copains pas plus malins que moi.
Devant l’air scandalisé des endeuillés nous descendîmes de nos chaises, pas très fiers de nous et sortîmes dans la cour.
Un « cafteur » avait « bavé » j’en étais sûr car quelques jours plus tard le censeur est passé dans la classe.
« Messieurs ! Des habitants du quartier sont venus se plaindre à moi du manque de respect de certains d’entre vous à l’égard de la dépouille mortelle que ces gens accompagnaient à sa dernière demeure ! »
Le censeur poursuivit : « J’ignore qui a lancé le premier ce « Vive la mariée ! », particulièrement imbécile et irrespectueux en ces pénibles circonstances mais j’ai ici les noms de la poignée de voyous qui étaient dans cette salle ce jour là ! »
Un silence de mort s’abattit sur la classe.
Il lut une liste d’une douzaine de noms dont le mien.
Il remit le carnet dans la poche de sa veste et jeta vers nous un regard sévère.
« Eh bien messieurs, vous voilà conviés à passer jeudi prochain et jeudi de la semaine suivante, de huit heures à midi dans nos murs ! »
Après un bref silence, il ajouta « Je ne doute pas que ce sera l’occasion de grands progrès sur la compréhension de Caton d’Utique… »
C’est sûrement la plus longue version que j’ai dû me taper de toute ma scolarité.
Oh ça, j’ai bien compris ce qu’était le stoïcisme…
Et en plus j’ai pris une volée de ma mère…
06:52 | Commentaires (19)