lundi, 11 décembre 2017
Enfant de cœur...
Ils m’énervent !
Mais qu’est-ce qu’ils m’énervent.
Surtout elle.
Accrochée à lui comme si c’était la bouée qui va la sauver de tout…
Non mais quelle conne !
Qu’est-ce qu’elle croit ?
Rien qu’à regarder son air con à lui, l’air béat du mec qui vient de pécho, je sais que dès qu’il l’aura sautée il cherchera un autre plumard où danser…
Je le sais, il me regarde déjà, s’il savait...
Bon, je finis ma bouteille de pousse-au-crime, et je me barre avant de les gifler tous les deux.
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Me manquait plus que ça ! Accrocher Ophélie !
Tu parles d’une affaire.
Je sens d’ici l’histoire indémerdable !
Elle est capable de se jeter dans le bassin des Tuileries si je regarde une autre nana dans le métro…
Au moins, sa copine elle est cool.
D’accord, elle me branche moins avec son pif bleu-marine de picoleuse…
Bon sang ! Elle a une descente que j’aimerais pas remonter à vélo…
Mais elle semble quand même plus calme.
Si j’avais su…
Au lieu de la jouer Roméo subjugué par Juliette, je l’aurais jouée léger, genre « faut bien que le corps exulte, poulette, mais faut pas sombrer dans le pathos non plus, hein… »
Je suis sûr que ça aurait marché avec Picolette.
Alors qu’avec Juliette, je sens poindre les emmerdements…
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Je l’aime…
Qu’est-ce que je suis bien, là, contre lui.
Bon, je sais que ça l’agace ces démonstrations en public.
Mais il faut que je le sente contre moi, que je sente sa chaleur, son odeur.
Oh ! Je sais bien comment il est.
J’ai beau être contre son épaule et les yeux clos, je sais bien qu’il est en train de se demander comment ma copine se défend au lit.
S’il savait…
Moi je sais, c’est avec moi qu’elle passe la plupart de ses nuits.
Et c’est pour ça qu’elle picole.
Elle sait que ses parents ne diraient rien parce qu’elle boit trop mais qu’ils la tueraient s’ils savaient qu’elle préfère les filles.
Moi, je ne suis pas emmerdée par ces histoires là.
J’aime les deux.
Ces deux là ont chacun leur petit plus.
Je la sens bien, la suite.
Si je me débrouille bien, on finira bien par vivre tous les trois ensemble.
Je suis sûre que nous serons tous gagnants.
Surtout moi…
07:10 | Commentaires (21)
dimanche, 10 décembre 2017
Yé né souis pas Breton. Ah ! L’Ankou l’est…
De rien, Mab, de rien…
Je regardais hier, comme un tas de Français, l’enterrement de Johnny à la télévision.
Passé le terrifiant étalage d’ego des journalistes du début, ce fut somme toute assez émouvant et digne.
Il y eut des moments où on eut l’impression d’un enterrement mexicain.
Puis il y eut la cérémonie religieuse.
Ça faisait longtemps que je n’étais pas entré dans l’église de la Madeleine.
C’est resté très sulpicien et, pour parler comme l’Ours « d’un style assez chelou »…
Nous avons donc regardé la cérémonie avec attention.
C’est là que je me suis fait la réflexion qu’être heureux était finalement assez simple.
Alors qu’être malheureux posait quand même quelques problèmes.
Non, n’éteignez pas encore votre PC, lectrices chéries.
Je ne disais pas ça pour le plaisir d’énoncer un truisme.
Je sais bien qu’il est plus pénible d’être malheureux que d’être heureux.
Ma réflexion portait surtout sur ce qui manquait le plus quand on est vraiment malheureux.
Et je ne parle pas du manque d’argent ou de la faim.
Je parle du malheur, l’autre, celui qui frappe le cœur quand soudain quelqu’un vous manque et vous manquera pour toujours.
La peine de cœur inextinguible.
Et c’est là que vous vous rendez compte que ce qui vous manque vraiment, c’est l’épaule sur laquelle vous pourrez sangloter.
Pleurer sans entendre « Mais t’en fais pas, ça va passer ».
Surtout que, même si vous savez bien qu’au bout du temps, ça passera, c’est la chose que vous ne voulez pas entendre.
C’est ça, exactement ça qui va vous manquer.
L’épaule muette que vous tremperez de vos larmes et la bouche qui est un peu plus haut ne dira rien.
La main au bout du bras accroché à cette épaule qui vous caressera doucement le dos et vous dira sans un mot « je sais… »
Voilà à quoi j’ai pensé hier en regardant Mme Halliday enserrer ses deux enfants et les enfants de Johnny pleurer.
Pour éviter à Mab de me le dire, Heure-Bleue vient de me jeter « Minou, tu es une effroyable midinette… »
10:27 | Commentaires (20)
jeudi, 07 décembre 2017
Souvenirs de la maison des morts…
Que je te dise, Juliette…
Vingt-six mètres carrés dans les années cinquante à Paris, c’était courant dans bien des quartiers.
C’est ce qui fait que dans notre immeuble de quatre étages, il y a avait douze logements, tous petits.
Les deux les plus vernis étaient notre voisin de gauche au quatrième, celui qui avait été comptable et buvait sa retraite et madame B. à l’étage en dessous, celle qui avait LA télé de l’immeuble.
Ils étaient vernis car ils étaient seuls.
Mais comme ils n’aimaient pas être seuls, le premier picolait et madame B. avait toujours des voisins chez elle…
Mais nos vingt-six mètres carrés étaient vastes !
Nul appartement dans l’immeuble n’était encombré par des choses aussi superflues qu’une salle de bains, des toilettes ou de grandes « cuisines dînatoires » comme disent les agents immobiliers…
Eh oui, Juju !
Comme on disait en ces temps reculés nous avions les « commodités à mi-étage ».
Cet immeuble était une grande famille pleine de dissensions, de disputes et parfois de « liaisons » comme on disait aussi à cette époque ancienne.
Cette époque où on n’avait pas « une relation » mais où on était amoureux.
On n’avait pas non plus « une affaire », selon le point de vue on avait « une liaison » ou « on était cocu »…
Après la guerre on ne trouvait pas plus facilement d’appartement à Paris qu’aujourd’hui.
Mais c’était quand même moins cher…
Pense qu’aujourd’hui, un vingt-six mètres carrés à Paris c’est ça et ça coûte 830 € mensuels !
J’ai une quittance de loyer de notre logement, j’ai retrouvé ça dans les papiers de ma mère.
Mes parents payaient « 20,00 NF » par trimestre en 1964.
Soit, selon INSEE, la somme de vingt-sept €uros de 2016 par trimestre…
Il coûtait beaucoup plus cher de se nourrir et se transporter, la carte RATP hebdomadaire coûtait quelque chose comme « 3,00 NF » et le carnet de 2ème Classe « 3,70 NF ».
Mais on partageait des choses essentielles comme les œufs, l’huile ou les pâtes, qui manquaient régulièrement à partir du vingt du mois dans la moitié des logements.
Ainsi évidemment que tous les ragots de la rue…
10:59 | Commentaires (20)
mercredi, 06 décembre 2017
Johnny, reviens !
Je vous ai déjà parlé de mon père ?
Je crois…
La mort de Johnny me rappelle beaucoup de choses.
D’abord que ça arrache un des derniers pans de ma jeunesse.
Puis que si Johnny ne faisait pas partie de mes idoles, j’ai écouté avec plaisir des 33T prêtés par un copain que je m’étais fait « en colo » en 1962.
Assez bizarrement, je les lui avais rendus.
Ce copain s’appelait et s’appelle probablement encore Charbonnier.
Il m’avait prêté et j’avais eu d mal à lui rendre, trois disques « Les rocks les plus terribles ».
Comme beaucoup de mes copains de l’époque, les disques étaient souvent classés en trois catégories :
- Disques empruntés.
- Disques à rendre.
- Disques non rendus...
On ne s’était jamais vraiment demandé d’où venaient tous ces disques.
La source du financement pour ceux qui étaient achetés est restée inexplicablement fumeuse...
Mon père, donc était un homme patient et plutôt indulgent.
Il fallait bien…
J’ai appris avec effarement de ma grande sœur que notre logement que jusqu’aujourd’hui je disais « exigu » était en réalité minuscule.
Il fallait donc à mes parents une patience d’ange pour résister aux envies de meurtre que ne manquaient pas d’exister quand vous hébergez une tante, un oncle ou une grand’mère dans un deux pièces de 26 m² déjà occupé par deux parents et quatre enfants.
Pour en revenir à Johnny et à mon père, une autre des nombreuses fois où nous sommes descendus chez madame B.
Madame B. était la voisine du dessous, celle qui avait LA télé de l’immeuble.
Pour ce que je me rappelle, ce soir là, nous étions descendus voir cette émeute causée par un de ces « concerts yéyé » qui désespéraient les parents et enchantaient les ados.
Mon père est donc descendu avec ma sœur cadette et moi chez madame B.
Il a regardé l’écran quelque minutes, y a vu quelque chose de très différent de ce qu’il écoutait habituellement –il aimait bien Gilbert Bécaud et Leo Ferré-.
Au bout de quelques minutes il a secoué la tête.
Puis a commencé « Darwin avait parlé de… »
Il resecoué la tête et dit « Y a comme une évolution que se produit… »
Il a soupiré et achevé « mais laquelle ? »
Et il est remonté à la maison…
C’est là qu’on a compris que mon père était passé du côté des « croulants » comme on disait dans les sixties pour ne pas dire « vieux »…
N’empêche, « Les rocks les plus terribles », c’était super.
Mais ma mère n’a jamais voulu m’acheter le blouson en jean de Johnny.
Elle disait aussi des jeans « Ça serre trop, c’est mauvais pour la circulation et ça va rendre les garçons stériles ».
Après j’ai été bien content de mon blazer bleu marine et des mes « Newman ».
Oui, les filles qui me branchaient préféraient le « Newman », les mocassins et les blazers.
Mais, même si j’ai préféré Françoise Hardy, Johnny s’est quand même tiré avec une bonne part de nos jeunes années à tous…
10:55 | Commentaires (10)
lundi, 04 décembre 2017
Travaux d’aiguillette…
Étonnamment, le marquis arriva vers quatre heures alors qu’il avait depuis longtemps l’habitude de rentrer tard le vendredi.
Non qu’il sacrifiât de quelconque façon au rite de la confession hebdomadaire.
Il avait renoncé depuis longtemps à faire part au Très-Haut de ses écarts de conduite.
Il pensait que puisqu’il était omniscient et omnipotent, ce dernier était sans doute au fait de ses exactions et s’il avait dû être puni, il serait parti en fumée depuis longtemps…
La domesticité était absente, sans doute priée par la marquise de la laisser en paix comme il advenait souvent le vendredi.
Le marquis de C. monta donc précipitamment vers ses appartements pour avouer à la marquise qu’il venait de perdre aux cartes une des fermes de sa dot.
Il s’était préparé à se faire vertement rappeler que les dots n’étaient pas faites pour être jouées aux cartes aussi il tourna délicatement la poignée de la chambre de Madame la Marquise…
Las, il surprit le comte de L. en train de cultiver avec ardeur le jardin secret de la marquise.
Il toussota discrètement, arrachant un juron au comte de L. et un soupir de déception à la marquise de C.
« Vous avez de la chance, Madame ! C’eût pu être un domestique… »
Le comte se rajusta prestement, eut une brève inclinaison de tête :
- Bonne soirée Monsieur.
Se tournant vers la marquise, il ajouta :
- Serviteur, Madame…
Le comte sorti, le marquis haussa les épaules et leva les yeux au ciel.
La marquise rabaissa sa robe et ne dit rien…
- Tout de même, Madame, pensez à…
- Je ne pense pas Monsieur, vous êtes là pour ça !
- Tout de même mon amie, trouver le compte de L. en train de besogner un jardinet que je pensais secret ou qui du moins m’était réservé…
- Eh bien, voyez vous, l’arrosage régulier, c’est bien mais…
- Mais ?
La marquise ouvrit bien grand les yeux qui lui donnaient cet air angélique qui lui seyait si bien.
- Que voulez-vous mon ami, il faut bien de temps à autre y user d’un plantoir…
Le marquis soupira alors en se disant qu’une différence d’âge de trente ans détruisait plus sûrement l’amour-propre que les articulations.
Il claqua la porte et sortit d’un pas vif du château.
Oui, il était bien cinq heures quand la marquise eut fini d’effacer les traces du jardinage et de remettre de l’ordre dans sa tenue.
La marquise sortit à cinq heures.
Elle se hâta vers le château du comte.
Elle détestait les travaux inachevés…
07:08 | Commentaires (22)