vendredi, 27 octobre 2017
Moyenne section.
Ma sœur cadette, celle qui a neuf enfants et vingt-et-un petits enfants, m’a téléphoné hier.
La benjamine l’avait appelée pour lui dire que nous avions « encore » déménagé.
Je vous ai sans doute déjà dit qu’en bas de chez moi il y avait un collège et que le manque d’entrain des enfants pour s’y rendre à huit heures avait tout d’une marche funèbre, en tout cas rien à voir avec l’énergie débordante qu’ils montraient pour en sortir à l’heure du déjeuner.
Ma petite sœur, la cadette donc, m’a appris incidemment que ma petite sœur, la benjamine donc, était allée dans cette école alors que j’allais au lycée.
Pourquoi je vous raconte ça, lectrices chéries ?
D’abord parce que ma petite sœur, la cadette donc, me l’a dit hier.
Aussi parce que quand je sors de mon « nouveau chez-moi », je remonte la rue Lamarck pour aller faire les courses ou prendre le bus ou me promener.
Je passe devant le mur du collège dont l’entrée est en bas de chez moi.
C’est un mur presque normal, avec des fenêtres protégées par une grille.
Une de ces fenêtres est étrange, elle fut une porte qui a été transformée en fenêtre.
Le haut est resté le fronton d’une porte d’école.
On y voit évidemment le bas-relief symbole de la ville de Paris.
Et deux lignes sont gravées dans la pierre qui surplombe la voussure de cette ancienne porte.
On y lit « École maternelle et Classes Enfantines ».
C’est par cette porte devenue fenêtre qu’entrait ma petite sœur, la benjamine donc…
Tout ceci, d’un intérêt discutable, m’amène à me rappeler autre chose.
Autre chose ramené à la surface de ma mémoire par la note de Célestine.
Une Célestine plus jeune qui m’a rappelé immédiatement quelqu’un qui est resté dans mon esprit depuis…
Bref, depuis longtemps.
Depuis la maternelle « moyenne section ».
Quelqu’un qui s’est aperçu incidemment que je savais lire et s’est donné la peine de m’apprendre « A l’enterrement d’une feuille morte ».
« Madame Comprade » n’a jamais quitté mon esprit depuis la classe de ce qui est devenu la « moyenne section ».
Je me rappelle « Madame Alain » qui nous faisait faire la sieste dans la classe devenue « petite section ».
Je me rappelle aussi, bien que je ne l’aimasse pas, « Madame Chenel » que trouvais méchante.
C’est elle qui demanda un jour à ma mère si j’étais tout à fait normal.
Mauvaise pioche !
Dire à ma mère que son fils « ma chair, mon sang ! » avait la cervelle de traviole était un coup à finir défigurée car ma mère avait des ongles beaux mais en acier trempé…
« Madame Comprade » m’aimait bien et était presqu’aussi grande que ma mère.
J’ai su depuis qu’elle était petite car ma mère mesurait un mètre cinquante.
Et puis, c’est dans la classe de « Madame Comprade » que j’ai appris, en dehors de Prévert que l’on pouvait avoir des yeux bleus.
Mais je crois que je vous ai déjà parlé de Malika.
Voilà où m’a amené ce matin la photo de la note de Célestine.
10:00 | Commentaires (12)
jeudi, 26 octobre 2017
Il y a des morceaux de vers partout.
Et ma cervelle est pleine de morceaux de vers.
Avant-hier, sur la petite place en haut de la rue, Heure-Bleue et moi avons déjeuné d’un « döner ».
Oui, maintenant, quand nous avons la flemme, plus exactement quand j’ai la flemme, de préparer le frichti du déjeuner, nous n’avons que peu de chemin à faire pour manger un « döner ».
Il est moins bon que celui de la rue des Petites Écuries mais il est à portée de pieds.
La petite place n’est pas loin et la pente qui y mène, maintenant que j’y suis habitué, n’est pas si raide que quand nous sommes venus visiter l’appartement.
Nous nous asseyons à une table de la salle que tient le Turc et ça me rappelle les temps durs où nous appartenions aux « classes laborieuses, classes dangereuses ».
Bon, n’exagérons pas, le temps où nous nous échinions pour cotiser lourdement pour une retraite que la CNAV et autre AGIRC répugnent à nous verser.
Étrangement, contrairement à ce qui se passe quand nous déjeunons d’un « döner » sur un banc du square des Batignolles, Heure-Bleue se débrouille mieux que moi.
En habitué de la clochardise que j’aurais sûrement connue si je n’avais croisé la lumière de mes jours, je peux manger debout ou sur un banc, un « döner » sans lâcher un petit de viande par terre ou une goutte de sauce sur ma chemise.
Heure-Bleue, elle, n’y parvient pas sur le banc.
Elle goûte avec précaution et évite avec talent sa chemise, sa jupe, son cache-poussière mais hélas, il y a toujours une tache rouge vif sur sa chemise que pour l’occasion elle a évidemment choisie de couleur blanche…
En revanche, chez ce Turc et celui de la rue des Petites Écuries, elle se débrouille nettement mieux que moi.
je tente de manger, mais par je ne sais quel hasard, il y a de temps en temps un morceau de viande qui tombe.
Un coup par terre, un coup sur mon jean « milleraies » qui est heureusement de couleur « prune » mais jamais sur le plateau.
Que voulez-vous, lectrices chéries, je suis comme ça.
Vous et moi sommes d’accord, qui disons volontiers que les hommes sont des cochons.
Nous ne pensons pas aux mêmes choses, c’est tout…
Les travers de porc peuvent être variés. (Ouais, bon…)
Nous nous sommes ensuite promenés puis revenus à la maison.
J’étais, pour mon compte, enchanté.
Je fus même un instant, prêt dans la lumière du soleil couchant genre fin de western des années soixante, à dire à la dame qui partage ma vie des trucs du genre :
J’adore sur ta peau, voir la douceur du soir
Tandis que peu à peu s’évanouit dans le noir
Ta silhouette pâle…
Ouaip ! Je suis tout à fait capable de lui sortir des trucs comme ça…
Au flan ! Sur l’inspiration du moment.
Mais j’évite. J’évite soigneusement.
Vous savez bien, lectrices chéries, qu’Heure Bleue n’a pas une âme à ça.
Et puis, depuis le temps elle me connaît alors forcément, ça marche moins bien.
Il y a chez elle une nette scission entre la littérature et la poésie.
Que dis-je, une scission ? Un schisme !
Pour elle, ces « petits machins » sont un dévoiement de la littérature.
Quand nous étions plus jeunes, je tentais le coup régulièrement.
En m’entendant, elle me jetait un regard suspicieux.
Mais des fois ça marchait…
09:32 | Commentaires (3)
mercredi, 25 octobre 2017
Guerre d’épris…
Après un bref passage chez « Bidouillorama » car il manque toujours un petit quelque-chose, nous sommes allés nous faire regarder de travers par une serveuse.
Le café était bon.
La serveuse était vulgaire.
Peut-être qu’Heure-Bleue, dont « les yeux parlent » n’aurait pas dû laisser transparaître son mépris.
D’ailleurs, je me demande encore pourquoi elle accepte de moi des choses qu’elle ne supporterait de personne.
L’habitude sans doute…
J’ai été un instant ému en passant le pont sur le cimetière de Montmartre.
Oui, il y a des lieux comme ça, qui me font de l’effet.
Mais si, vous savez bien lectrices chéries, ces moments et ces endroits où on est sujet à des « bouffées d’automne »…
Nous sommes ensuite revenus à pied en passant par la rue Damrémont qui exerce une attraction étrange sur la lumière de mes jours.
Ce n’est pas la première fois que nous nous disons en voyant l’immeuble de l’angle des rues Steinlen et Damrémont « Pfff… Je tuerais pour avoir tout le deuxième étage ! »
Nous avons continué notre chemin, intéressé chacun par des choses différentes.
Comme souvent, j’ai eu l’attention attirée par une chose que peu remarquent.
Quelqu’un avait écrit sur un mur, un court… Non, ce n’est pas un poème.
C’est seulement la réflexion d’un garçon qui semble avoir, comme tous les amoureux, des problèmes avec la notion d’exclusivité ou la jalousie ou la souffrance, bref, une histoire d’amour…
J’aurais préféré que l’auteur soit moins fâché avec l’orthographe mais on n’a pas toujours du caviar…
Bon, on va dire qu’il avait un coup dans le nez parce qu’il venait de se faire jeter.
10:21 | Commentaires (14)
mardi, 24 octobre 2017
Le bout d'un blanc dans la conversation...
Hier, comme tous les jours nous sommes sortis.
Le temps fut vicieux.
Il attendit nuageusement que nous atteignions notre première destination.
Le Casto qui nous sert de base ces temps-ci tant il y a de petites choses à bidouiller dans notre « nouveau chez-nous ».
Vicieusement donc, le temps attendit même que nous sortions du Casto pour que nous rentrions à pied pour qu’une pluie étrange se mît à tomber.
Assez fine pour être un crachin.
Trop drue pour n’être pas un crachin.
La lumière de mes jours, dont le coupe-vent n’était pas étanche, nous arrêta devant une boutique à touristes.
Ce qu’on appelle habituellement un « piège à con », un peu comme les élections.
Nous y achetâmes un parapluie.
Il est d’une qualité telle qu’il justifie pleinement l’appellation de « pépin ».
Il fallut le redéployer quatre fois au bas mot entre l’entrée du pont qui enjambe le cimetière de Montmartre et l’angle des rues Lamarck et Damrémont.
Comme quasiment chaque jour, nous eûmes l’occasion de rire.
Enfin… Juste avant l’addition…
Oui, nous étions chez « Bio C Bon » qui n’est pas réputé pour la modicité de ses prix.
Néanmoins, il y a une valeur ajoutée, ne serait-ce que sur la description des produits.
Ça pèche tout de même par une méconnaissance regrettable des règles de la ponctuation.
Sur un emballage de boudin, je lis l’étiquette à haute voix à l’attention d’Heure-Bleue, telle qu’elle est écrite :
« Boudin noir, doux à l’oignon. »
En traînant derrière Heure-Bleue, « J’errricane », évidemment.
Elle me regarde et semble n’avoir pas entendu.
Je lui répète ce que je viens de lire.
Et la lumière de mes jours de dire :
- Pfff… Ça ne m’étonne pas, tu ne changeras jamais…
- ?
- Je suis sûre que tu as pensé au « Dernier Tango à Paris »…
Je trouve néanmoins étrange que, toujours liés télépathiquement, nous nous comprenions souvent si mal.
Nous sommes unis par un océan d’incompréhension en somme.
C’est bien, finalement…
13:08 | Commentaires (5)
lundi, 23 octobre 2017
Un vers, ça va, trois vers, bonjour les dégâts…
Ne dis rien Mab, j’ai honte…
Lectrices chéries, comme ça au moins, vous comprendrez pourquoi j’évite de rimailler…
La poésie est un art difficile, c’est pour ça que je me satisfais de l’aimer et ne me mêle point de l’écrire…
Ayant déjà trouvé ma Laure, j’évite de me la jouer Pétrarque.
Ayant déjà ma Cassandre, je ne me prendrai pas pour Ronsard.
De cette petite en contemplant son teint, je dirais comme Agrippa d’Aubigné
« Une rose d’automne est plus qu’une autre exquise »
Pour vous en parler, lectrices chéries, j’adorerais avoir le talent de José-Maria de Hérédia.
Tous les talents, même les moins recommandables…
Mais je vais tout de même tenter le sonnet.
J’espère que tout y sera, la rime, la forme, le rythme.
N’y manquera hélas que la chose la plus importante.
La poésie.
Ne m’en veuillez pas, je ne sais pas faire.
Elle arracha la fleur, un bien bel hortensia
En tira un pétale, puis le manipula
Délicatement, comme un cruel pianiste.
En le mordant le fit si affreux et si triste.
Elle le feuilleta comme fait un lecteur
Qui voit le dictionnaire comme un outil pénible
Qui sert à éclairer et à passer au crible
Ce qu’à bien voulu dire ce satané auteur…
Puis elle reposa ce bien bel hortensia,
Secoua fièrement sa chevelure rousse
Se demandant si la bouée couleur fuchsia
Habillerait si bien une peau aussi douce
Elle s’en inquiétait, la pauvre Anastasia
Elle s’en inquiétait, en mordillant son pouce…
07:15 | Commentaires (16)