mardi, 21 novembre 2017
La dernière séance…
Lectrices chéries !
Une terrible nouvelle vient de tomber.
Vous savez que, surveillé comme le lait sur le feu par une mère terriblement intrusive et un père tout de même très à cheval sur certains principes, j’ai malgré tout fait quelques bêtises.
Les études, les expériences scientifiques risquées et les filles mais surtout glander m’ont quand même terriblement occupé jusqu’en 1971.
Après, Heure-Bleue m’a occupé plus encore, au point qu’il a fallu ensuite s’occuper de l’Ours.
Mon expérience de la vie s’est du coup trouvée fort limitée.
Arrivé à ce point de ma note, lectrices chéries, je dois vous avouer le sujet de ma note : Je n’ai jamais mis les pieds dans un « ciné X » !
Quand j’étais enfant, on m’aurait refoulé à l’entrée.
Quand j’ai grandi, j’avais trouvé d’autres moyens de m’instruire.
Or, qu’apprends-je aujourd’hui à la lecture de l’Obs ?
Le dernier « ciné X » de Paris est tout près de fermer.
Le taulier ayant atteint soixante-quatorze ans, a décidé de clore son cinéma avant que la prostate de ses clients, mise à rude épreuve par la projection de perles du cinéma ayant des noms aussi charmants que « Anal plus », « Maîtresses d’écoles en folie » ou « Soubrettes à partager » ne le mette au chômage technique.
Quand je pense que pendant des années, je suis passé place de Clichy où le Méry soulageait à prix raisonnable la misère sexuelle de l’immigré.
Il est devenu un ‘centre de fitness ».
Pendant d’autres années, le cinéma Caumartin de la rue Saint Lazare occupait le temps d’attente des voyageurs qui se distrayaient en regardant des films aux noms évocateurs comme « Infirmières en chaleur » et « Blanches fesses et les sept mains ».
C’est devenu un « multiplex » où on projette des films d’art et d’essai.
Ils ont juste changé d’essai…
D’autres années encore, traînant entre la rue d’Hauteville et la rue du Faubourg Poissonnière, je passais parfois par la rue de la Ville Neuve, je passais devant le Beverley.
Il m’arrivait alors de sourire en me demandant où les réalisateurs qui faisaient la fortune de Marc Dorcel allaient chercher les titres de leurs navets…
Dans ma vie de « grand », j’allais écrire « d’adulte » plein d’illusions que je suis encore, il m’est arrivé d’avoir mon PC contaminé par des sites normalement innocents.
Hélas, les protections contre les virus ne sont pas aussi efficaces qu’elles le devraient.
C’est comme ça qu’un farceur a pensé m’instruire en installant subrepticement sur mon PC l’intimité d’une dame.
Je dois avouer que, quoiqu’au fait de certaines réalités, voir la chose en détail en fond d’écran sur vingt-trois pouces surprend.
Et si vous saviez le temps que ça prend de nettoyer, non l’écran mais le disque de son PC…
Tout ça pour vous dire que d’ici décembre, ne resteront que les « travailleuses du sexe » pour soulager la misère sexuelle de certains.
Sans compter le risque de se faire serrer par les pandores et voir l’Etat prendre un pourcentage léonin sur le prix de la prestation…
Bref, le sort des femmes ne sera pas amélioré d’un poil ( !) pour autant.
Tout fout le camp…
11:35 | Commentaires (6)
lundi, 20 novembre 2017
Les mères veillent...
« Chère maman,
Le Lusitania est arrivé cet après-midi à New-York.
Je l’ai vue sur le pont, dès Southampton.
Elle a levé les yeux quand je suis passé devant son transat pour m’asseoir sur le mien, voisin.
Quand j’ai incliné légèrement la tête pour la saluer, elle a souri.
Maman, si tu avais vu ce sourire !
C’est elle, maman, j’en suis sûr, ce sera celle là, la vraie, la seule, la dernière.
Nous étions encore à quatre jours de New-York quand elle accepta de converser un moment avec moi.
Un passager a accepté de nous prendre en photo.
Regarde maman, comme elle est belle ! »
10:23 | Commentaires (24)
dimanche, 19 novembre 2017
« Des chiffres et des lettres »…
Hier soir, nous sommes revenus à la maison après avoir nous être ravitaillés dans les rues du quartier.
Ces rues là, où on aperçoit
« la lune en croissant
qui brillait, blanche et fatidique
sur la p’tite croix d’la basilique »
comme dit la chanson.
De rien, Mab, tu vas l’avoir dans la tête toute la journée…
Chargé comme le baudet de La Fontaine, et près de succomber sous le bât, arrivé devant la porte, je presse les boutons du clavier dans la séquence que j’espère la bonne.
4-8-7-6
La porte reste close.
« Ah bon ? » me dis-je.
Bien que quasiment certain de mon « 4876 », j’essaie une autre combinaison dont je doute mais sait-on jamais.
7-8-4-6
Ce « 7846 » n’ouvre pas.
Rien…
Heure-Bleue s’étonne :
- Minou, toi qui as une mémoire exceptionnelle, surtout pour les chiffres, tu m’étonnes.
Elle a en moi une telle confiance, qui se limite hélas à ma mémoire des nombres, qu’elle alla jusqu’à penser que le portier électronique était en panne.
Elle sortit son trousseau de clefs, regarda la petite étiquette et demanda :
- Tu as fait quoi ?
- « 7846 »
- Eh bien c’est « 4678 » Minou ! Tu me fais peur, là…
Malgré la crainte d’avoir chopé Alzheimer entre la rue Caulaincourt et la rue Lamarck, j’ai réussi du premier coup à ouvrir l’autre porte du sas en tapant « 5942 ».
Mais, tout de même, je commence à être inquiet…
09:41 | Commentaires (9)
jeudi, 16 novembre 2017
Egaux en droit, ego envers…
Voyons Célestine !
Je suis allé te lire !
J’ai même laissé chez toi un commentaire.
Plus ! Tu as daigné y répondre.
J’ai lu.
J’ai constaté que comme partout, les mères veulent que l’on change.
Elles nous parlent d’avenir et voudraient qu’on devienne comme elles.
C’est-à-dire qu’on se confise dans le passé…
Cela dit, je n’ai jamais écrit de journal.
Ayant une longue expérience de la censure et de l’indiscrétion des Frères comme de ma mère, il ne me serait jamais venu à l’idée de confier à autre chose que ma mémoire, ce qui m’était arrivé, ce que je pensais ou ce à quoi je rêvais...
La chose la plus imprudente que j’ai écrite fut une lettre à la sœur d’un ami.
Mal m’en prit…
Ce Loïc, Breton de son état et pensionnaire avec moi chez les fous du bon dieu, avait une sœur.
Elle s’appelait et s’appelle toujours probablement Éliane.
C’était une petite fille aux cheveux châtains, à la peau blanche et aux yeux bleus.
C’est sans doute pour ça qu’elle me mit le cœur en cafouillon.
Elle m’aimait de confiance car son frère m’aimait comme on aime un ami.
Je l’aimais de confiance car non seulement j’aimais son frère comme on aime un ami mais elle était très différente de mes sœurs, filles aux yeux bruns et à la peau mate.
Et puis… Et puis, elle devait partir à la campagne pour un long séjour car elle souffrait de « primo-infection ».
Sa mère disait d’un ton triste à la mienne « Oui, Éliane est malade ».
Et elle ajouta après un silence « Éliane a un voile au poumon… »
J’avais trouvé merveilleux qu’une fille ait pu s’habiller les poumons d’un voile.
Ça lui donnait un charme supplémentaire.
Déjà que son teint pâle lui donnait une aura d’un romantisme fou alors que je n’avais aucune idée de ce que pouvait être le romantisme mais j’avais entendu le mot et le trouvais beau.
Peut-être même un peu cochon car il était quasiment interdit dans ma prison.
Nous n’étions pas amoureux, non et n’avions aucune idée précise que ce que la chose pouvait bien recouvrir mais les mots eux-mêmes avaient quelque chose d’excitant.
L’idée même de dire « ma chérie », « je t’aime » ou « mon amour » nous transportait et nous faisait ricaner sottement.
Mais tout de même.
Un dimanche, j’écrivis à Éliane.
Des petites bêtises sans portée ni importance que j’envoyai directement de la boîte de La Poste au coin du café « Le Fontenoy », là où j’achetais parfois les « Balto » de mon père.
Elle m’envoya la réponse directement à la pension depuis la campagne où elle était emprisonnée le temps de lui « dévoiler les poumons ».
Le jeudi était le jour où on nous donnait le courrier, très rare.
J’étais déçu ne n’avoir pas reçu de lettre.
Le Frère Préfet de Police m’appela et je le suivis dans son bureau, celui qui donnait sur la cour.
Il me tendit une lettre.
Je lui dis « merci » et j’allais la saisir quand il la retira rapidement vers lui et demanda :
« Monsieur, que signifie ce sigle « MBSTBA » après la signature de votre… Votre… Ce n’est pas une de vos sœurs, j’en connais les prénoms ! »
J’ai menti effrontément en jurant que je n’en savais rien.
Je ne lui ai jamais dit que ça voulait dire « Mille Baisers Sur Ta Bouche Adorée ».
On avait trouvé ça plus « amoureux » et moins niais que « Vite facteur car l’amitié n’attend pas » que certains mettaient au dos de leurs enveloppes…
Aujourd’hui je suis sûr qu’il savait ce que signifiait « MBSTBA » mais espérait que moi, je ne le savais pas.
09:54 | Commentaires (14)
mercredi, 15 novembre 2017
Guère épais…
Il arrive parfois des vagues de réminiscences impromptues.
Comme hier soir au moment de m’endormir.
Je venais de refermer « Souvenirs dormants » que la lumière de mes jours m’a offert il y a quelques jours.
A force de me promener dans les souvenirs parisiens de Modiano, je me suis retrouvé dans les miens.
Dans la vague inconscience qui précède le sommeil, je me suis rappelé quelque chose sans intérêt.
Cette étrange faculté de l’esprit qui fait qu’à force de croiser les mêmes personnes, vous en tirez l’impression de les connaître.
Je me souviens comme ça, qu’en descendant quelques rues, j’ai croisé des gens si régulièrement qu’après quelque temps je me prenais parfois à les saluer d’une brève inclinaison de tête.
Assez bizarrement c’est toujours en revenant chez moi, jamais le matin.
Ils devaient être déjà au travail quand je passais, à moins que je ne passasse pas par le même chemin.
Le soir ou en fin d’après-midi, en revanche, je croisais assez régulièrement les mêmes.
Deux bus me ramenaient chez moi, le 85 et le 56.
Je suis longtemps allé prendre le 85 en descendant la rue Turgot et le 56 en descendant la rue de Dunkerque.
Il m’est même arrivé, en descendant la rue Turgot de croiser quelqu’un en haut de la rue, de le saluer d’un hochement de tête puis, pris d’un doute, quelques dizaines de mètres plus bas, de me retourner.
J’ai souvent vu alors quelqu’un me regarder, se demandant probablement qui je pouvais être.
Le connaissais-je ? Me connaissait-il ?
Pas vraiment, c’est seulement que je le croisais depuis des années.
Certains sont morts, je le sais.
Je les ai connus plus jeune.
Un, notamment qui, je crois habitait vers la rue Taitbout, qui s’est suicidé à trente ans.
Il avait un an de plus que moi et était lui, un véritable surdoué, pas un qui s’était contenté de savoir lire vers quatre ans.
Il était bon en tout et voyait plus loin que nous tous.
Hélas, il s’était fourvoyé et a mal fini.
Nous finissons tous mal, mais lui a fini avant nous.
J’en ai connu d’autres aussi, qui sont morts et me manquent par moment.
C’est là je crois que je me suis endormi en terminant cette note.
J’ai bien cru un instant l’avoir oubliée ce matin…
11:01 | Commentaires (9)