Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 25 juillet 2012

Salomé

Pour en revenir tout de même à ce qui est arrivé il y a quelques années…

 

J’en entends certains penser « Il nous raconte des shtuyot avec son Heure-Bleue !»
D’autres encore « A l’en croire, il a marié Katharine Hepburn !».
Si Heure-Bleue était née en 1918, vous croyez qu’Hollywood aurait choisi Rita Hayworth pour le rôle de Salomé, surtout pour la danse des sept voiles ?
 

Comme disait quelqu'un bien connu pour un passage sur les planches qui marque encore les esprits « Ils ont des yeux et ne voient point !».
Une blogueuse semblait ne pas croire qu’Heure-Bleue était une rousse aux yeux verts.
Voici un portait d’Heure-Bleue qui date d’à peine quelques…

 

Michele_3.JPG

 


Honnêtement, vous croyez vraiment que j’aurais pu résister ?

A tous ceux qui n’ont pas eu la chance de la croiser il ne reste guère que les yeux pour pleurer…
Vous remarquerez néanmoins ce je ne sais quoi dans l'expression qui incite à ne pas lui chercher des poux dans la tête...

Retour vers le présent...

Déçu une fois de plus par le « je m’en-foutisme » qui semble régner en maître dans certains bureaux des services publics,  je me suis vu d’abord contraint d’appeler l’organisme en question, puis à lui envoyer une lettre.

Si je deviens célèbre dans les mois qui viennent,  ce poulet rejoindra ceux envoyés par Pierre Desproges.
Si je reste confortablement installé dans un anonymat protecteur, cette lettre rejoindra au pire une accueillante corbeille.
Je connais l’administration, sa maladie de l’archivage la conduit inévitablement à garder ce qui est bon pour la corbeille et à mettre à la corbeille ce qui est nécessaire à la bonne marche du service.
Donc, si tout se passe comme prévu, l’inutile l’emportant haut la main, ma lettre rejoindra le classeur, que je suppose énorme, des lettres qui recensent les multiples preuves de l’incurie, de l’incompétence, du laisser-aller et parfois, j’en suis sûr, la flemme de certains qui donnent raison à un sketch de Coluche.

   

Le-Goût-Des-Autres

Ile de France

 

N°SS :            Et puis quoi encore ?

Né le :            Pfiouuu… Il y a quelque temps

 

 

Mesdames, Messieurs

 

Veuillez trouver ci-joint un RIB qui, cette fois-ci j’espère, permettra de créditer le bon compte courant du montant des virements que vous émettez.

 

C’est la quatrième fois que je vous envoie ce RIB, depuis le mois d’octobre en effet, la banque à laquelle j’avais souscrit un compte ne prend plus de clientèle particulière.
Et donc, depuis octobre, vous avez reçu au moins trois RIB de la banque qui nous a accueillis, mon épouse et moi.

Vous nous envoyez obligeamment une lettre nous disant que « notre banque », qui n’existe plus en tant que telle, a refusé le virement qui vous avez émis.
Nous vous avons alors envoyé un RIB de notre nouvelle banque, et, de temps à autre, vous envoyez un virement à l’ancienne banque…


Donc, au lieu de me proposer, à chaque fois que je vous appelle, d’inonder ma messagerie de conseils de prévention en matière de santé, je ne saurais trop vous conseiller de consacrer ces sommes à la qualité des logiciels que vous utilisez et à creuser un peu plus les implications des procédures que vous appliquez…
Il y a plus d’un an, notre changement d’adresse a conduit immédiatement à l’invalidation de ma carte Vitale.
Il m’a fallu attendre près de quatre mois pour en avoir une autre.
Quand, quatorze mois après mon déménagement, la Sécurité Sociale s’est enfin avisée que mon épouse avait elle aussi déménagé, suivant, selon les recommandations du maire qui nous unit, son  époux, donc moi, sa carte Vitale a été immédiatement invalidée, c’était le 25 mai 2012.
Aujourd’hui, 25 juillet 2012, le formulaire nécessaire à l’obtention de la nouvelle carte n’est toujours pas parvenu à trouver notre boîte aux lettres.
J’ai donc appelé le 3xxx, où les quatre à cinq minutes d’attente m’ont été facturées à raison de six centimes d’€uros la minute, alors que la loi stipule assez fermement de ne pas facturer les temps d’attente.
Quand j’ai enfin eu une interlocutrice, cette dernière m’a avisé que « suite à de nouvelles procédures, on ne donne de renseignement qu’à l’assuré en personne ».
Sans envisager la façon dont vous vous en sortiriez avec un assuré dont l’épouse est muette, je me demande simplement ce qui se passe quand l’assuré objet de l’appel est cloué au fond de son lit ou à l’hôpital…
Ou pire encore, s’appelle Heure-Bleue, que j’ai vue à l’œuvre.
Situations courantes que le cabinet de conseil, probablement privé auquel la CNAM a fait appel, n’a manifestement pas envisagées, malgré les sommes exorbitantes –je les connais- qu’il vous a facturées…

 

Je n’ai pas osé mettre la suite que voilà.

Je sais qu’il faut éviter de froisser l’administration si on veut avoir quelque chance d’être entendu et surtout écouté.
Je profite donc du profond sommeil dans lequel vous semblez plongés en cette période de congés pour vous donner mon opinion sur la qualité de votre absence de travail.

 

Espérant, Mesdames, Messieurs, que mes salutations empressées ne vous réveilleront pas en sursaut.

 

Le-Goût-Des-Autres.

 

Ça n'avancera pas la carte Vitale d'Heure-Bleue ni le bon atterrissage sur notre compte des virements mais ça m'a amusé...

lundi, 23 juillet 2012

Fermeture de la boutique à souvenirs...


 

Suite et fin…

Non, je ne vous donnerai pas de détails croustillants, ou pire encore, cliniques…

Nous étions aussi timides l’un que l’autre et il nous fallut encore une semaine avant d’échanger notre premier baiser.
Il arriva de façon impromptue, nous nous promenions les doigts entremêlés et un trou du chemin la fit trébucher, j’eus besoin de mes deux bras pour la retenir.
Comme aurait pu écrire Delly « et ainsi enlacés, la tentation fut trop forte et nous n’y résistâmes point »…
Nos promenades, de fréquentes qu’elles étaient eurent alors tendance à s’éterniser.
Un peu trop même. Un soir, nous revînmes alors que le dîner était entamé.
Je me fis disputer et m’accommodai assez bien de la leçon de savoir-vivre.
L’oncle Fernand, le mari de ma tante, qui n’intervenait que rarement dans nos histoires me regarda. Il se tourna alors vers ma tante « Dis donc, Olga, tu devrais peut-être dire à la Madeleine de faire attention à la p’tiote rouquine. Parce que l’parigot il est déjà musclé de la langue, là il est musclé des lèvres, d’ici qu’il soit musclé de… »

« Fernand !!! » Cria ma tante, l’arrêtant tout net…

On voit là qu'elle partageait sa vie depuis longtemps et savait ce qu'il allait dire avant même qu'il ne le pense...

Ma tante avait encore cet air sévère et vaguement souriant.
Avec le recul je me dis que cet air était sans doute dû autant à une longue expérience qu’à l’état de mes lèvres.
J’en viens à me demander même si le faux-pas de la belle n’était pas un stratagème…
Dûment avertie, « la Madeleine », en revanche, subitement inquiète pour la fille qu’on lui avait confiée, la consigna à la maison toute la journée du lendemain.
Journée du lendemain que je passai à traîner devant la grille de sa maison…

Contrairement à Cyrano, déclarant sa flamme sous la fenêtre de Roxane et surtout à mes habitudes, je restai muet.

Le jour suivant, un jour assez nuageux, sous la promesse de rentrer à l’heure, on lui permit de sortir.
Après cette séparation dramatique, nous partîmes et allâmes de l’autre côté du « pont du canal ».
Il y avait là aussi ces monticules de roseaux. Nous nous assîmes sur l’herbe, à l’ombre d’un immense tas de tiges séchées.
Je l’embrassai.
Puis elle m’embrassa.
Puis nous nous embrassâmes.
Puis nous recommençâmes…
Bien que latiniste longuement entraîné à coups de Morisset-Thévenot, ce ne fut qu’à ce moment là que je saisis le sens profond de l’expression « ad libitum ».
Nous discutions de choses et d’autres.
L’un et l’autre avions la voix qui commençait à s’enrouer et avions du mal à sortir quelques mots de plus.
Une sensation que j’avais déjà connue, la sensation dite « du gargoziau serré ».
J’ignorais qu’elle pût frapper aussi les filles.
Pour nous donner soit du courage, soit une contenance, probablement les deux elle m’embrassa de nouveau.
Et ça dura, jusqu’à ce que je tente timidement de glisser une main dans son short.
Vous avez remarqué comme ces vêtements sont contrariants ?
Vous ne vous y attendez pas et les boutons s’envolent au moment le plus inopportun, dévoilant ce que vous voulez cacher.
En revanche, ils sont indéboutonnables quand il faudrait que ça se fasse facilement et surtout discrètement.
Servi par de précédentes tentatives, j’attendis l’inévitable tape sur la main.

Mais non, à ma grande surprise,  j’eus même droit à un peu d’aide.
J’étais un peu, disons plutôt très, voire très, et même extrêmement maladroit et sûrement pas assez délicat.
Elle se cabra, dit « Aïe ! Tu m'as fait mal ! » mais saisit ma main et la guida.
Elle en choisit avec soin la position et la mût là où ça semblait l’intéresser.
Après quelques instants, elle retira sa main.
Je cessai de bouger, paralysé de trac.
Les yeux clos,  elle souffla « Non… Continue… ».
Je vivais une expérience plus qu’étrange, plus qu’intéressante, en tout cas nouvelle, passionnante et terriblement troublante.

Au bout de quelques minutes j’arrêtai et, inquiété par son souffle qui devenait court,  lui demandai avec difficulté « ça va ? ».
« Chhhuuut… Continue… » coassa-t-elle, la voix encore plus cassée que la mienne.
Des minutes et des minutes passèrent, puis elle se crispa soudain en agrippant mon bras.
Et, comme l’a si bien écrit Maupassant dans « La maison Tellier », elle poussa « un gémissement tellement profond qu’on l’eût pris pour l’adieu d’une âme. ».
Et c’était moi qui avais fait ça ? Idiot que j’étais –que je suis-, j’allais écrire « et c’était moi qui avais fait ça tout seul ! »…
Ce fut à ce moment la plus belle découverte de ma courte existence,  je suis sûr que Colomb fut moins heureux en découvrant l’Amérique.
Elle ouvrit des yeux plus que vagues, et pour tout dire bizarres, me sourit assez tendrement et nous décidâmes sur le champ de nous marier dès le retour de vacances plutôt que retourner bêtement au lycée.
L’idée de vivre d’eau fraîche nous branchait moyen, d’autant que nous avions un appétit aussi féroce que notre ligne était filiforme, mais celle de vivre d’amour nous enthousiasmait…
C’est cette découverte extraordinaire qui m’a mené à poursuivre un travail de recherche acharné dans le domaine.
Vous n’en saurez pas plus.
J’en ai déjà trop dit.
Ce fut le premier des deux-cent-quatre-vingt-seize-mille-huit-cent-cinq serments de mariage entre mes quatorze ans et mes vingt-deux ans.
En revenant à Paris, mon père, à qui il arrivait parfois d’être raisonnable, lorsque je lui annonçai que j’allais me marier incessamment, remarqua platement « Tiens donc, tu as trouvé une méthode pour qu’un grand amour résiste longtemps aux pommes de terre à l’eau ? », il ajouta « fais taire les oiseaux qui te chantent dans la tête et écoute plutôt tes professeurs au lycée. »
Il savait qu’il me condamnait à mourir de chagrin, à pleurer mon amour perdu mais fut intransigeant.
Je ne me mariai donc pas l’année de mes quatorze ans, victime de la dictature parentale.
La semaine d’après, j’allais plutôt bien.
L’emploi du temps ménageait des plages intéressantes qui permettaient d’aller avec des copains jusqu’au lycée Jules Ferry, vivier inépuisable de futures grandes amours.


Et puis.
Des années plus tard, en allant chercher les semi-conducteurs dont j’avais besoin afin de prouver combien mon stage d’ingénieur était efficace, je rencontrai une rousse ravissante, dotée d’yeux verts absolument merveilleux.
Bref, « une bombe » comme on dit aujourd’hui.
Elle était malheureusement dotée du caractère qu’on prête aux panthères, je m’en aperçus hélas trop tard, piégé que je fus sur l’instant.
Je lui proposai de l’emmener voir « Soldat Bleu », elle résista.
Je repassai la voir plusieurs fois. Nous déjeunions parfois dans petit café près de la Bourse. Je la raccompagnais souvent.
J’étais tenace, incapable de résister à un regard pareil et, pour tout dire de résister à une fille pareille.

A force de déjeuner ensemble, nous finîmes par dîner ensemble.
Sans y prendre garde nous prîmes un jour petit-déjeuner ensemble.

Ce fut la deux-cent-quatre-vingt-seize-mille-huit-cent-sixième idée de mariage.
Elle tient toujours.
La rousse en question s’appelle Heure-Bleue.
Et si vous voyiez ses yeux quand elle est en colère, à tomber…

Et voilà, la boutique de souvenirs est fermée pour l’instant.

dimanche, 22 juillet 2012

L’été 1963...

Cet été 1963 me vit de nouveau, et pour la dernière fois sans les parents, chez ma tante en Bourgogne.
Tous mes amis étaient maintenant « casés », pas avec les amours précédentes évidemment et il n’était pas question, sauf à risquer une bagarre, de ne pas respecter la recommandation biblique qui dit de « ne pas convoiter la femme de son voisin ».
Beaucoup se marieraient plus tard avec les mêmes.
Sauf à étendre le champ de nos promenades, une dure période de solitude se profilait et menaçait de gâcher mes vacances.
Je fus sauvé –et elle aussi- par l’arrivée chez « la Madeleine », une vieille amie de ma tante, de deux filles, à Madeleine confiées par la famille « parisienne ».
Pourquoi « parisienne » ? Parce qu’en fait ces deux filles n’étaient pas des Parisiennes mais habitaient du côté de Clichy. Fausses Parisiennes !
Ces deux filles étaient deux cousines plutôt jolies, mais je trouvai l’une vraiment très jolie.
Du moins correspondait-elle à mon goût en matière de filles.
Elle avait les yeux clairs et les cheveux châtains, de ceux qu’on dit « auburn ».
Manifestement, à défaut d’être fidèle à une fille, j’étais –et suis toujours- fidèle à un genre de fille.
Mon regard, suite à mon expérience malheureuse en chimie, avait quelque chose qui n’était pas sans rappeler celui de Jean-Paul Sartre et je me dis que l’affaire était pour le coup mal engagée. Il allait falloir ruser …

Tel le loup de la fable « Le cheval et le loup » je me dis « rusons donc » et espérai, priant un dieu auquel je ne croyais pas, ne pas finir, comme ce loup, avec « une ruade qui vous lui mit en marmelade les mandibules et les dents » .
Bref, en tournant quelques compliments pas trop flagorneurs et considérations bienvenues je commençais d’intéresser la belle.

Une chose fut absolument décisive pour le succès de mon entreprise.
J’avais eu cette année-là un professeur de lettres un peu cinglé qui, sous n’importe quel prétexte, vous collait « dix sonnets pour vendredi prochain !»
Vous vous mouchiez un peu bruyamment en classe ?
« Dix sonnets sur les trompettes de Jéricho, monsieur Le Goût ! Et pas dix fois le même ! ».
De plus, ce fou avait une culture encyclopédique ce qui fait que toute tentative de « pomper » sur un poète ayant vécu et écrit entre Aristophane et Blaise Cendrars se soldait pas une colle pour tricherie et dix sonnets de plus.

Cet entraînement efficace à la versification sur n’importe quel sujet me rendit le plus grand service.
J’avais pu observer que les filles -et, soyons honnêtes, les garçons aussi- adorent qu’on leur parle d’elles.
Si en plus c’est en vers, le succès est assuré…
Le but des gamins de nos âges, contrairement à ce que nous nous racontions entre nous, n’était pas « d’accrocher une conquête à notre tableau de chasse », non, nous étions simplement –comme si on pouvait dire «simplement» en la matière…- amoureux.
Et nous espérions tous, quoi que nous en disions, qu’elles étaient aussi amoureuses de nous que nous l’étions d’elles…

Certaines choses semblaient immuables dans la Bourgogne de ma tante, ce qui facilita les choses.
Jacques S., était toujours passionné par le Tour de France et la grande sœur d’Arlette.
Et, toujours comme tous les ans, les roseaux étaient en tas le long du canal.

Nous nous y promenions, je n’osais pas encore lui prendre la main, me contentant de l’écouter et lui disant des bêtises qui la faisaient parfois rire.
Un après-midi, c’est elle me prit la main –encore ? Eh oui, j'ai toujours été timide !- et nous passâmes le reste de la journée à marcher le long des chemins.
Mon dieu ! Que nous avons marché ! Si on nous avait payés au kilomètre, nous serions devenus millionnaires dans la semaine.

samedi, 21 juillet 2012

Un été 62

L’année 1962 n’appelle pas de commentaire sauf les colonies de vacances.
Le premier mois se passa dans un camp de vacances de la mairie du XVIIIème.
Pour faire tenir tranquilles des gamins de douze à quatorze ans, rien de tel qu’un sac à dos, des « barres à feu », un duvet, une tente canadienne pour quatre, portée par le plus fort, et des « pataugas ».
C’était super ! Au bout de trente à quarante kilomètres dans la journée, on s’arrêtait pour la nuit, on faisait des feux de camp, on chantait pendant que les moniteurs commençaient à dodeliner de la tête.
Les vieux, ça ne tient pas l’effort…
Au bout du premier mois, les moniteurs étaient épuisés.
Pas nous. Nos parents étaient venus nous attendre à la Gare de Lyon.
Ils nous trouvèrent tous dans une forme éblouissante.
Quelques détails clochaient néanmoins.
Nous étions bronzés mais en partie à cause d’une couche de saleté à gratter au couteau.
Habillés aussi, mais de façon curieuse, chacun portant le short de l’un, la chemise de l’autre.
Je ne suis pas même certain que les chaussures allaient bien par paire…
Une vraie bande de vagabonds descendit du train.

Le second mois, en revanche fit une partie de mon éducation.
J’appris enfin à quoi pouvait peut-être servir vraiment « comment c’est fait en face »…

Mes parents nous dispersèrent, histoire de souffler quelque temps.
J’appris plus tard que ma mère fut heureuse pendant les trois premiers jours et passa le reste du mois à pleurer en attendant notre retour…
Je fus quant à moi envoyé en Bretagne dans une « colonie de curés » et contraint, comme tous les arabes, juifs et le seul chinois bouddhiste à aller à la messe le dimanche.
Mais ça valait le coup.
Cette colonie, à un ou deux kilomètres de Roscoff, était couplée à une « colo de filles » proche de Santec, charmant village face à l’île de Sieck.

Si les directeurs et trices de ces deux colonies avaient su à quel point « couplée » était vrai  ils auraient entouré chacune de trois rangs de barbelés.
Les moniteurs étaient de jeunes gens dont quelques séminaristes.
La vocation résiste mal aux mouvements hormonaux de la jeunesse et il y eut un peu trop de promenades communes entre les « équipes » de chaque colonie pour que persistât longtemps l’idée de consacrer sa vie à un ministère censé être assez pauvre en joies séculières….
Je me rappelle avoir croisé « mon mono » avec une bouche telle qu’on aurait dit qu’il s’était endormi face contre terre sur un sol en béton.
En voyant la monitrice de « l’équipe » compagne de promenade, les lèvres dans un état lamentable, il n’y avait aucun doute, ils « s’étaient roulé des patins de luxe » -on ne disait pas encore « d’enfer ».
J’eus quant à moi l’occasion, sans effort aucun, de voir une blondinette aux yeux bleus, affectée curieusement d’un accent pied-noir à couper au couteau, tomber amoureuse de votre serviteur.

La mort de Marilyn Monroe me donna l’occasion de la consoler.
Hormis la tentative d’Arlette il y a plusieurs années et quelques bisous sur les lèvres je ne savais absolument rien du baiser.
Cette Isabelle, tandis que nous étions assis à l’abri d’un rocher, se tourna vers moi et me dis « Je t’aime Le Goût ».
C'était la première fois qu'on me disait quelque chose comme ça.
Même ma mère ne me le disait pas, c'est dire. En plus ça semblait avoir une autre signification que quand ma mère m'appelait « mon trésor»...

Je fus fort flatté et un peu interdit mais elle avait de si beaux yeux interrogateurs que je m’approchai pour lui faire « le bisou qui tue ».
Et là, c’est moi qui fus « tué ». Elle colla sa bouche, qu’elle avait fort douce, à la mienne et, une chose en entraînant une autre, je sentis sa langue.
Ça me fit un drôle d’effet.
Contre toute attente, et à rebours de ce que disaient les adultes qui nous prévenaient du danger de ce genre de chose avant le mariage, ce n’était ni « sale », ni « mal ».
Bien au contraire.
Nous continuâmes donc ce jeu passionnant un long  moment.
Elle à se coller contre moi et à se débarrasser de mains indiscrètes.
Moi à essayer d’en savoir plus.
Le tout en s’embrassant.
La souplesse articulaire de la jeunesse est absolument remarquable.
C’est à cette occasion aussi qu’on se rend compte que les maillots de bain, chez les filles ça ne dévoile pas grand-chose.
En revanche chez les garçons, avoir les sentiments à fleur de maillot de bain, c’est voyant et pour tout dire gênant.
Je dus attendre de longues minutes avant de pouvoir reparaître en public.
Il me fallut faire attention aussi à ne pas regarder ma dulcinée trop attentivement…
Cette année là marqua le début de longues, très longues études en « psychophysiologie  appliquée».
Si cette année vit aussi ma première expérience,  –que je ne vous raconterai pas, j'en ai encore vaguement honte, malgré l'indulgence que je porte à la jeunesse et à l'inexpérience, complètement ratée, trop rapide et finalement décevante qu’elle fut, surtout pour celle qui en fit les frais-,  ma plus belle découverte se fit l’année suivante.