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jeudi, 09 août 2012

Rien n'est simple...

Et parfois tout se complique, comme dit Sempé...
Je me demande si Heure-Bleue ne ressent pas une pointe de jalousie retrospective à la lecture de mes notes.
J'ai beau lui dire que toutes ces jeunes filles sont aujourd'hui à la retraite, m'ont probablement oublié -ce qui a un je ne sais quoi de blessant-.
Elles sont mariées, ont des enfants que je ne leur ai pas faits. Infidèles va...
Dans tous les cas, elles ne sont, comme moi, plus rien de ce qu'elles étaient.
Nous avons mal partout alors que nous n'avions mal qu'au coeur.

Bref, le temps est cruel...

Mais je continuerai tout de même mon récit, je n'ai jamais reculé devant l'adversité, je ne vais pas commencer aujourd'hui !
Quatre décennies avec Heure-Bleue, ça vous forge un caractère...

 

mercredi, 08 août 2012

Et puis que...

Borgne peut-être mais pas aveugle et même avec un regard assez acéré pour ce genre de chose, je remarquai de suite que c’était une jolie fille aux yeux clairs et aux cheveux châtains.
Ô merveille, elle évitait aussi cette coiffure que je détestais chez mes sœurs, coiffure dite « choucroute ».
A la maison, cette « choucroute » faisait des histoires depuis quelque temps.
Parce que la « choucroute », c’est assez aisé à faire, il suffit de crêper les cheveux et de les recouvrir avec des cheveux « normaux », c'est-à-dire épargnés par l’embrouillamini du dessous.
En revanche, le décrêpage donnait lieu à des grincements de dents, de mes sœurs piaillant « ça tire ! », de ma mère qui passait son temps à nettoyer les brosses et ramasser les cheveux par terre puis de mon père qui passait trop de temps à son goût à déboucher l’évier…
Et puis je trouvais ça assez laid. Voilà.

Cette jeune fille avait des cheveux souples, mi-longs, atteignant tout juste ses épaules et sacrifiait tout de même à la mode de la frange.
J’avais, quant à moi la chance d’avoir pu convaincre ma mère que pour le lycée, sa coupe préférée pour les garçons, coupe dite « court devant, ras derrière et bien dégagé autour des oreilles », ne convenait pas.
Je n’avais donc pas les cheveux longs, la mode « beatnik » n’était pas encore de mise, mais je n’avais pas non plus la coupe « bidasse » défaut rédhibitoire chez tout garçon à la recherche de l’âme sœur.
J’avais déjà beaucoup de sœurs, manquait encore l’âme…
En revanche,
les séquelles de mon expérience aérospatiale m’avaient laissé avec un je ne sais quoi de flou dans la direction du regard.
Il me fallait donc détourner rapidement l’attention vers d’autres aspects de mon intéressante personne.
J’en gardai l’habitude du badinage…
Cette jeune fille, qui me dit s’appeler Danièle, « avec un « e » accent grave ! » insista-t-elle, me regardait franchement et avait quant à elle ce regard pers auquel je n’ai jamais pu résister.
Ce regard chez les femmes, m’attire encore et toujours aujourd’hui…
Quant à sa peau, que voulez-vous que je vous dise, elle avait la peau d’une jeune fille de quinze ans qui ignorait l’existence du mot « acné », et même qu’il pût y avoir des boutons sur une peau…
D’une pâleur et d’une transparence qui me donnent encore chaud aujourd’hui.
A y réfléchir, dès que l’œil et la peau féminins s’éclaircissent, je ne peux résister…
Et, le sort faisant merveilleusement les choses, elle avait un visage aux traits aigus, au nez aquilin et à la bouche délicate, véritable cerise pâle que j’eus envie de croquer sur le champ.
En garçon bien élevé, je me gardai bien de me ruer comme un affamé et laisser le champ libre à mes envies.
De fait, je me disais surtout que, mat de peau, noir de cheveux, l’œil brun et le regard quelque peu divergent, je n’avais aucune chance d’intéresser cette jeune fille et encore moins d’être aimé d’elle.
Avec un discernement plutôt rare chez moi qui n’ai pas peur de grand’ chose, je me disais que mes chances de succès étaient plus que maigres voire inexistantes.
Devant nos cafés qui refroidissaient, je regardais une merveille.
Et celle qui m’attendait au Sacré-Cœur m’était totalement sortie de l’esprit...

mardi, 07 août 2012

C’est là que…

C’est au début du mois d'août 1964 que je croisai pour la première fois Danièle S.

J’étais sur le chemin du Sacré-Cœur, cette église dont je me demande encore aujourd’hui laquelle, de la basilique Sainte Thérèse à Lisieux ou du Sacré-Cœur à Paris, est l’archétype du mauvais goût.
Cet énorme gâteau de crème Chantilly posé au sommet de la colline de Montmartre était un lieu de rendez-vous pratique pour tous les adolescents des IXème, Xème et XVIIIème arrondissements.

Le vaste jardin du Sacré-Cœur était largement pourvu de bancs, chaises et points de repère pour qu’on s’y puisse donner rendez-vous aisément.
En réalité ce square s’appelait square Willette jusqu’à ce qu’on s’avise que l’engagement antisémite du sieur Willette faisait tache et qu’on renomme le square « Louise Michel ».
Probablement en attendant que quelqu’un trouve du plus mauvais effet d’honorer une anarchiste dans notre pays assez jacobin…

Je montai d’un pas alerte la rue Saint Vincent –oui, celle de la chanson-, j’avais un rendez-vous avec une fille, qui semblait sensible à mon charme ou peut-être s’ennuyait ferme, rencontrée il y a peu.
Distrait et rêvassant –comme d’habitude-  à la façon dont pouvait tourner cet après-midi.
Je fus sorti brutalement de mes supputations par un choc.
J’avais si brutalement heurté quelqu’un que je l’avais fichu par terre.
Ma première pensée fus « m… ! », la seconde fut tout de même d’aider ma victime.
Je revins donc rapidement sur terre et vis une jeune fille que j’aidai à se relever.
Je l’avais sérieusement aidée à s’écorcher une main et elle avait encore trop mal pour songer à m’agonir d’injures.
Mon rendez-vous était mal parti et l’après-midi s’annonçait sous les pires auspices qui soient.

Je sortis de ma poche un mouchoir miraculeusement propre et tentai de nettoyer la plaie.
Elle hurla…
Puis pleura…
En la voyant les larmes aux yeux, je me dis égoïstement que j’avais de la chance, je n’étais pas tombé sur une bête féroce prête à m’étriper pour ma distraction.
Je tenais toujours sa main. Pour la détendre, la consoler et m’excuser, j’osai timidement « vous voulez un café ? ».
D’autant plus timidement que les deux francs qui devaient constituer toute ma fortune seraient terriblement écornés dans l’affaire.
J’attendis un moment sa réponse.
Un timide « oui, merci » arriva, ruinant tous mes espoirs de conserver mes francs.
Je n’étais pas radin, juste pauvre.
Je tenais toujours sa main. Elle se secoua en hochant la tête et la dégagea.
Elle se tint la main tout au long du chemin qui menait à un café.
Nous descendîmes jusqu’à la rue Caulaincourt –vous ne me la ferez pas, c’était mon quartier et je le connais sur le bout du doigt…-.

Elle connaissait aussi bien le quartier que moi et entra dans un café de la rue Caulaincourt où le café coûtait, dans mon souvenir, autour de trente centimes ce qui attirait un tas d’adolescents.
Le mastroquet se rappelait sans doute sa jeunesse et avait astucieusement disposé ses banquettes de façon à former des boxes, d’où l’affluence.
Notre rencontre augurait mal de nos relations et nous ne soupçonnions pas plus l’un que l’autre que ce café serait le premier de nos nombreux cafés…
En attendant, je repris sa main –oui, cette fois-ci c’est moi qui prit la main- et après avoir humecté mon mouchoir, j’entrepris de réparer les dégâts causés à la plus jolie paume qui soit.
Après des minutes de « aïe ! », de « sshhh » et de soupirs divers, dont des « mmmmfff ! », sa main ressemblait à une main.
J’avais été fort occupé pendant la demi-heure écoulée et n’avais prêté attention qu’à la main de ma victime.
J’avais d’ailleurs du mal à la lâcher et je me rappelle avoir gardé cette main dans la mienne plus longtemps que réellement nécessaire mais du moment que sa propriétaire ne disait rien...
J’enveloppai cette main de mon mouchoir –ma mère me reprocherait longtemps ce mouchoir perdu.- et commandai deux cafés.
Je prêtai alors attention à tout ce qu’il y avait d’attaché à cette jolie main…

Eh ho ! C’est pas la mine !

Mais oui, je vais reviendre, je mets mes souvenirs en forme.
Parce que ce n’est pas tout de l’avoir vécu –et c’était bien-, encore faut-il faire l’effort de le raconter à peu près correctement.
Et surtout délicatement...

Non ?

dimanche, 05 août 2012

J’ai 15 ans et nous sommes en 1964…

Cet été là, je le passai à Paris.
Mes sœurs parties « à la campagne » avec mon père qui, à l'époque, filait un amour absolument imparfait avec ma mère.
 

Et j'étais toujours, comme dit Nancy Mitford, « à la poursuite de l’amour »…

Les amours de l’époque se devaient d’être motorisées.
La galère commençait donc dès le matin car deux éléments étaient aussi nécessaires que difficiles à trouver.
Une copine et une « mob’ »...
Pas question de se satisfaire du prêt –déjà difficile à négocier- d’une « Bleue » ou d’une « Orange », ces deux engins de Motobécane signaient l’appartenance au monde du travail.
Monde bien trop sérieux et qui garantissait, pour ceux de mon âge du moins, la gamelle pour cause d’avenir incertain.
Un avenir plein de maigres salaires, de mains rugueuses et que les filles considéraient –déjà- avec une certaine méfiance et, pour tout dire avec un enthousiasme très relatif.
Non, il fallait un véhicule autrement flamboyant.
C’était la belle époque des mobylettes « Flandria » ou mieux encore « Puch ».
Ces petits engins allaient bien trop vite pour leur stabilité et avaient la fâcheuse habitude de s’envoler avec leur cavalier au premier caillou rencontré sur la rue.
Les arrêter relevait de l’exploit.
Vous avez déjà essayé de freiner avec le frein avant d’une « Flandria » ?
Moi si. Ça m’a coûté un pantalon et un imperméable…
Il fallait donc d’abord trouver un copain assez âgé pour en avoir une et qui voudrait bien se dessaisir de la précieuse bécane pendant un après-midi.
Le problème était que ceux qui disposaient de l’engin étaient des garçons du quartier, dont certains particulièrement délurés, au point que ma mère parlait souvent à la maison de « ces voyous de la Porte de Clignancourt ».
Ils représentaient donc une concurrence dangereuse.
J’eus néanmoins le loisir de faire un essai un jour de beau temps.
La « Flandria » m’amena directement à l’hôpital Bichat pour quelques points de suture sur la jambe droite…
Je me rabattis donc sur la piscine, moins risquée.
Pas la piscine de Saint-Ouen, découverte mais obligeant à prendre le bus, mais celle des Amiraux.
Aussi riche en occasions de ramasser une veste que l’autre piscine…
C’est là que je la croisai.
Je faillis tomber à la renverse – je suis quelqu’un de sensible et à l’équilibre précaire- devant ses yeux si bleus.
Avec le manque de chance qui sied aux grandes âmes et les forme, je tombai immédiatement amoureux d’une fille qui était déjà dans les bras d’un garçon plus grand, plus vieux et plus blond que moi.
Il avait eu de la chance d’être plus fort que moi, sinon…
Comme l’écrit Flaubert dans « Un cœur simple », « ce fut un chagrin désordonné », et je renonçai à mon futur amour et surtout à un futur bridge car ce garçon avait la réputation d'avoir des réactions assez vives…
Trois semaines passèrent, émaillées de flirts brefs - elles partaient toutes demain-.

Je me demande si elles n'étaient pas plutôt opaques à mon charme...
Puis, je rencontrai celle qui me fit connaître tous les recoins intéressants de Montmartre.
Et pas que...