mercredi, 15 août 2012
«Tu »…
Deux semaines passèrent légèrement et beaucoup trop rapidement à notre gré.
Nous marchions dans les rues d’un Paris quasi désert mais largement pourvu en porches ombreux fort pratiques dès qu’elle voulait vérifier que j’aimais toujours ce goût de « cerise pâle » ou simplement quand j’avais envie de le vérifier moi-même.
D’aucuns pensent que les porches sont faits pour protéger les entrées d’immeuble.
Les idiots ! Quel manque de pragmatisme ! Quelle absence de réalisme ! Les porches, surtout les porches ombreux, n'ont été inventés que pour dévorer les lèvres de ses petites camarades !
Cela dit je n'étais pas fou et évitais, les jours de beau temps, de proposer des sorties comme la piscine.
J’avais souvenir d’effets secondaires assez discutables du point de vue de l’esthétique et qui m’avaient déjà placé dans des situations gênantes.
Exit donc la piscine, où la vivacité des sentiments devenait rapidement voyante...
Il y avait encore, sur le boulevard Ornano un cinéma « fréquentable », qui fut remplacé par un Prisunic qui, pour ce j’ai vu la semaine dernière en allant aider un copain du forum à restaurer un tourne-disque vinyle B&O, a laissé la place à un Intermarché.
Tout fout le camp...
Cet été là, dans ce cinéma qui ne rechignait pas à passer des films passés et repassés, quel que soit leur âge, ils donnaient « Psychose ».
J’aurais préféré voir « Scaramouche » dans un autre cinéma, ne serait-ce que pour le duel entre Stewart Granger et Mel Ferrer mais quand on aime, non seulement on ne compte pas mais surtout on ne contrarie pas.
Nous allâmes donc voir « Psychose » qui finalement lui fit peur mais me permit de passer mon bras autour de ses épaules.
J’avais et ai toujours avec la notion d’effort des rapports tendus. Je n’étais pas un partisan acharné du travail mais je me mis à apprendre, avec un plaisir que je n’aurais jamais soupçonné, des poèmes dont elle me demandait de lui parler.
Il m’est resté ce goût de la poésie, assez étrange pour un type comme moi, et que je suis seul à avoir dans la famille.
Ce furent mes premiers contacts, si l’on peut dire, avec « Les Chants de Maldoror » que j’appréciais particulièrement –on est quand même cinglé à ces âges là…-. Elle-même me parlait d’autres, Verlaine emportait ses suffrages avec Melancholia – je pense qu’elle avait une idée derrière la tête avec « Mon rêve familier » qu’elle me disait avec des regards en coin…- tandis que j’aimais lui dire « Ophélie » de Rimbaud –que je suis bien incapable de réciter aujourd’hui-, histoire de vérifier si elle irait jusqu’à se jeter dans une mare quelconque si je l’abandonnais.
Quand je repense à cet été là, je me dis que j’étais beaucoup plus courageux qu’aujourd’hui, du moins en matière intellectuelle…
L’expérience me montra plus tard qu’on ne meurt vraiment d’amour que dans les poèmes et les romans, mais il faut bien se jurer quelque chose d’éternel quand on a la vie devant soi.
Mais, car il y a un mais, nous nous disions toujours « vous » et je vous assure que c’est très curieux d’échanger des baisers avec quelqu’un à qui l’on dit « vous »…
Les choses changèrent cette dernière semaine d’août. Pour une raison qui ne fut clairement élucidée que plus tard, il fut vaguement question de famille dans la région de Lyon, ses parents fermèrent leur boutique plus tôt et lui confièrent l’appartement pour les trois ou quatre jours à venir.
Elle m’annonça la nouvelle à peine arrivée à « the café ». Le café était plein de gens encore en train de déjeuner car il était très tôt dans l’après-midi.
Il faut dire que nous disparaissions de la maison après avoir déjeuné à une telle vitesse que les parents devaient se dire que nous revenions d’URSS où, c’est bien connu sauf du PCF, tous les enfants mouraient de faim…
J’accueillis la nouvelle avec un intérêt prudent, ne sachant trop comment la prendre.
Je sortais avec une jeune fille qui m’embrassait, me disait des poèmes, certes, mais me disait « vous » quand elle me parlait, et moi itou, je ne montrai donc pas un enthousiasme que de toute façon elle aurait trouvé suspect, voire l’aurait inquiétée si ce n’est effrayée.
Devant nos cafés –bientôt froids, encore…- et toujours face à face, elle me regardait avec plus d’attention qu’un biologiste son microscope.
Et toujours cet air inquiet sur le visage.
Elle se leva soudain, fit le tour de la table, me poussa de la hanche et s’assit à côté de moi.
Puis tout contre moi.
Là, ce fut moi qui fus inquiet…
Elle m’attrapa par le cou et, me tutoyant pour la première fois, me chuchota, la bouche –cette fameuse cerise pâle- tout contre mon oreille « Si tu veux, je veux aussi. » et sa voix se cassa sur ce dernier mot.
Quant à moi, n’en parlons pas, je n’avais pas de voix du tout…
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lundi, 13 août 2012
Qui sont encore 50 jours de vacances.
Je descendis néanmoins une fois de plus ce jour là –je ne vous ai pas déjà parlé de ma ténacité ?- la rue Caulaincourt, d’un pas de plus en plus triste, je me disais que tout était fichu, que j’allais sûrement devoir laisser une lettre sur la table de la maison, pour « expliquer mon geste » comme on dit dans les journaux, geste qui plongerait sûrement mes parents et mes sœurs dans le désespoir.
Puis, en regardant au loin, je vis le mouvement de cheveux que je connaissais bien et le balancement de hanches que je ne connaîtrais jamais assez bien.
J’approchai rapidement, elle marchait lentement, tristement et je la vis faire une chose qu’elle n’avait jamais faite. Elle ! Elle faisait ça ! Elle si « collet monté », elle si « bien élevée » ! Elle traînait les pieds !
Dès que je fus assez proche, je soufflai « Danièle ! ». Elle s’arrêta net, se retourna, elle faisait la même tête que moi hier et avant-hier, c'est dire sa joie de vivre…
Nous étions arrêtés au milieu du trottoir, bien embêtés, ne sachant quelle contenance adopter.
Si nous n’avions été au mois d’août, indifférents au monde que nous étions, la foule nous eût traînés jusqu’à Saint-Ouen sans que nous nous en aperçussions (ouf ! Mais c'est pour le plaisir)!
Ça aurait pu tourner comme dans je ne me rappelle plus quelle édition des « Chevaliers de la Table Ronde » où il est écrit, quand Lancelot croise au hasard la reine Guenièvre un truc genre « Elle lui tendit ses lèvres, il y but longuement », mais non…
Toute tentative de rapprochement entre nous semblait vouée à l’échec.
J’étais sensiblement plus grand qu’elle et en nous précipitant l’un vers l’autre, elle leva vivement le bras pour me prendre par le cou. M’attira brutalement à elle et voulant mettre son visage dans mon cou, m’écrasa les lèvres, pas des siennes, non, de sa tête.
Un goût de sang m’envahit la bouche.
Cette histoire d’amour avait commencé avec une bousculade, elle risquait bien de prendre fin avec un « coup de boule », les deux fussent ils accidentels.
Ça, c’est le type de souvenir qui reste et vous marque à vie.
C’était bien parti pour être mal parti…
Avec le culot bien connu des filles, ce fut elle qui dit « aïe ! » mais elle releva la tête, sembla raisonnablement désolée de voir un peu de sang sourdre entre mes lèvres et me fit –enfin- apprécier le goût de cette « cerise pâle » dont je vous ai déjà parlé.
Ça n’alla pas sans mal, encore effrayés à l’idée que nous eussions pu nous perdre si vite, notre premier baiser fut quelque peu violent, nous écorcha –encore- les lèvres et choqua nos dents…
Elle s’accrocha –très fermement cette fois- à mon bras et nous repartîmes vers le haut de la colline de Montmartre.
Nous étions assez pudiques et avions peu de goût –sauf éruption émotive impromptue- pour les effusions en public. Ça n’allait pas sans inconvénients dont le plus grave était l’impossibilité pour moi de vérifier aussi souvent que je le souhaitais le goût de cette fameuse cerise pâle…
Cela dit nos relations manquaient nettement de décontraction, elle avait toujours cet air inquiet en me regardant, l’air de se demander si j’étais digne de confiance ou non...
Tandis que moi, avec mon insouciance et mon imprudence habituelle, je vivais l’instant, intensément et, comme elle avec sérieux, mais sans appréhension particulière.
Les garçons sont des têtes de linotte, vous dis-je…
23:05 | Commentaires (6)
Les 50 jours de vacances
« Soudain, le drame ! » comme affiche régulièrement la une de Voici.
Et pourquoi ce drame ? Une idée saugrenue vint à ma mère et donna un coup qui faillit être fatal à ce qui promettait d’être une passion à renvoyer celle de Titus et Bérénice au rang de bluette de comptoir.
Ma mère préférée, et fort heureusement unique, décida que ce dimanche je l’accompagnerai le matin et passerai l’après-midi à la maison à ramasser le souk de bricolages, de piles, de bouts de fil électrique, etc. que je semais régulièrement dans la maison.
Comme si ça ne suffisait pas à mon malheur, je fus désigné volontaire d’office pour l’accompagner le lundi et porter les colis de son réassortiment hebdomadaire.
Mes tentatives d’argumenter se soldèrent par un échec retentissant. Hélas, trois fois hélas, ma mère me connaissait trop bien et depuis trop longtemps pour se rendre à mes arguties.
Mes arguments, pourtant théoriquement imparables, restèrent donc sans effet sur ses décisions et l’époque n’était pas, du moins à la maison, à désobéir ouvertement aux parents.
Deux jours sans la voir et surtout sans la regarder, deux jours sans sentir sa main accrochée à mon bras, sans sa voix.
Sur la porte de l’appartement ma mère aurait dû écrire à la peinture noire « Vous qui entrez ici, laissez toute espérance », Dante avait prévu mon désespoir, j’en suis sûr.
J’eus beau, le dimanche après-midi me livrer à une folie de rangement, il restait toujours quelque chose à ramasser, à ranger, à essuyer, à plier.
L’après-midi touchait à sa fin lorsque ma mère parut satisfaite, elle m’envoya faire quelques courses et l’heure du dîner arriva.
Je me morfondis tout le repas, débarrassai la table et partis me coucher.
Plus exactement je partis me noyer dans le sommeil –un peu comme pendant les cours d’Histoire, vous voyez ?-.
Je commençai la journée du lendemain en faisant une figure de six pieds de long. Je savais que ma dulcinée consacrait sa matinée à la maison et je savais hélas que je devrais consacrer l’après-midi à aller vers Voltaire porter des colis.
Autant dire que la Terre déserte, telle celle décrite dans certains livres de science-fiction existait, c’était la mienne.
Un Lamartine avait eu beau écrire « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé », ça faisait petit joueur à côté de ma peine.
Je notai tout de même à cette occasion que le ban et l’arrière ban des cadors de la littérature française semblait avoir eu vent de la tragédie qui me frapperait à peine leur tombe refermée.
Cette reconnaissance anticipée par la gent des lettres ne me consolait pas –je souffrais mille morts et oubliai de le noter pour plus tard, quand je serai célèbre-.
Pire, nous étions si certains de nous voir dès le dimanche, que nous n’avions pas songé un instant qu’un trente-deuxième de poil était suffisant pour ficher par terre un mécanisme réglé au quart de poil.
« La Princesse de Clèves » n’était pas imaginaire, le duc de Nemours, c’était moi ! Le principe du roman tel que pensé par Madame de Lafayette était là, son esprit soufflait, l’amour perpétuellement contrarié, les amants qui, malgré une inclination irrépressible, ne parviennent jamais à s’unir et ne font que se manquer.
Se manquer dans tous les sens du terme.
De fait je passai quarante-huit, que dis-je cinquante six heures, à attendre le mardi après-midi.
Moi qui n’avais jamais pensé qu’un jour je n’aurais pas faim –ben oui, on dirait que vous n’avez jamais eu quinze ans et demi !- je mâchonnai sans entrain mais rapidement –essayez, vous verrez, c’est faisable- le repas de midi et partis la dernière bouchée avalée, non sans avoir débarrassé la table, histoire d’éviter les foudres maternelles à mon retour.
Je marchai d’un bon pas jusqu’à « the café », où je ne vis personne, regardai la rue Saint Vincent, vide. Je descendis vers Jules Joffrin, des fois que… Mais non…
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dimanche, 12 août 2012
Les 55 jours de Pékin.
Ce samedi fut notre première « vraie » sortie ensemble.
Nous nous étions donné rendez-vous devant la mairie du XVIIIème et elle accepta mon bras jusqu’au croisement de la rue Ordener et de la rue des Cloÿs.
Au-delà, elle lâcha mon bras car elle craignait, me dit-elle, les ragots qui ne manqueraient pas d’être rapportés à ses parents qui tenaient, je l’appris alors, une boutique de je ne sais plus quoi –en fait si mais je ne vous le dirai pas-.
A part quelques moment intenses du film où elle me saisit le bras, le lâchant aussitôt comme si elle avait attrapé un tisonnier rougi, nous restâmes sur notre quant à soi.
J’espérai pour mon compte un rapprochement quand il s’avéra que Charlton Heston et Ava Gardner étaient victimes d’un coup de foudre féroce mais elle se contenta d’un soupir, vite réfréné.
Caramba ! Encore raté !
Cette jeune fille était vraiment trop farouche et je n’essayai même pas de lui prendre la main.
Mon moral remonta quand, à la sortie, elle me prit le bras. La crainte de la rumeur l’avait quittée.
Quelqu’un qui ne se précipite pas pour vous « rouler un patin » dans les moments d’émotion d’un film lui semblait digne de confiance.
Si elle avait su…
Quoique fille unique et de milieu un peu plus aisé que le mien, elle n’était pas vraiment plus argentée que moi et si nous pouvions aller boire un café sans trop de peine, nous ne pouvions rééditer l’expérience du cinéma trop souvent et sûrement pas toutes les semaines.
Elle semblait contente et dit avoir passé un bon moment mais avec un air gêné elle avoua qu’elle ne pourrait pas aller souvent au cinéma, son argent de poche n’y suffirait pas.
Je la rassurai d’un ferme « Ce n’est pas grave, on attaquera une banque… ».
Elle sourit, c’est dire si elle était indulgente…
Et c’est comme ça que nous commençâmes à arpenter les rues de Montmartre, avec une préférence pour le square Nadar, bien plus « intime » que les jardins du Sacré-Cœur et surtout beaucoup moins fréquenté.
Et c’est à ce moment que je commençai à apprendre presque tout ce qu’il y a à savoir des coins et recoins de Montmartre et une faible, très faible, trop faible, hélas bien trop faible partie des coins et recoins de l’âme féminine.
Nous traînions dans les rues, nous nous voussoyions toujours et elle était accrochée à mon bras.
Toujours pas de « tenage de main », je n’osai pas.
Oh, certes nous parlions, parfois difficilement, souvent facilement mais nous n’osions pas nous rapprocher plus.
Puis, un jour de beau temps, alors que nous étions un peu essoufflés par la montée des escaliers de la butte qui, contrairement à ce que dit la chanson, ne sont pas durs qu’aux miséreux, je dis une bêtise qui la fit rire de si bon cœur – c’est quelque chose que je réussissais assez bien alors- qu’elle me déposa un baiser sur la joue.
C’était juste un réflexe affectueux mais il nous laissa interdits et immobiles face à face.
Nous fîmes semblant de rien et marchâmes encore un moment, elle me reprit le bras mais cette fois je lui pris la main.
Et je ne me fis ni jeter ni gifler.
Pour nous remettre de ce trop plein d’émotions nous redescendîmes rue Caulaincourt dilapider nos maigres sous devant un café.
Dans le box encore disponible, nous osions à peine nous regarder. Tout était brutalement devenu différent, nous continuions à nous voussoyer mais en fait nous étions paralysés de trac.
Nous étions encore assis face à face mais elle retira sa main lorsque je tentai de la lui reprendre.
Je me demandai quel impair j’avais encore commis car je suis un grand spécialiste de l’impair…
Elle but une gorgée de café, me regarda sérieusement, me jaugea –j’eus peur- et repris ma main.
Elle avait juste un peu d’inquiétude dans le regard, pas un sourire, rien, juste cette inquiétude.
Je suis sûr que tous les clients du café ont été dérangés à ce moment là par le vacarme des battements de mon cœur…
07:14 | Commentaires (8)
samedi, 11 août 2012
En haut de la rue Saint Vincent, un poète et une inconnue, etc.
Pour la suite, voyez Patachou ou Cora Vaucaire...
Je passai donc et repassai rue Saint Vincent.
Je suis sûr que cette année-là les pavés de la rue ont perdu au moins deux millimètres en épaisseur, rien qu’à cause de mes pérégrinations.
Je rêvai éveillé du moment où je lui proposerai d’aller au cinéma, le vrai rêve étant qu’elle accepte…
Dans ce but, j’avais été un fils particulièrement attentionné et pour tout dire franchement servile avec ma mère.
J’étais prêt à tout pour gagner un peu de sous, suffisamment du moins pour pouvoir sortir, grand seigneur, le prix de deux places de cinéma.
Et, ne soyons pas mesquin, celui de deux cafés.
Prêt à tout sauf à rester à la maison l’après-midi histoire de ne pas la manquer si…
des fois...
Ça ne paraît pas mais récupérer huit à dix francs n’était pas si facile.
Surtout les obtenir de ma mère, dont le porte-monnaie était principalement peuplé d’une ménagerie de scorpions et de hérissons.
Je pourrai vérifier plus tard que la vente de matériel Hi-Fi dans une boutique du XVIIème pendant les vacances était nettement plus rentable…
Quasiment une semaine de travail acharné et de traînage de pieds d’un air désenchanté dans le quartier !
Enfin, le quartier… Il se limitait en fait à la rue Saint Vincent. Et plus exactement les cent mètres de la rue Saint Vincent et les cent mètres de la rue Caulaincourt que j’arpentai avec constance.
Je pouvais citer toutes les boutiques et maints détails de ces deux cents mètres de rue.
Dieu que cette semaine fut longue… Et triste…
Je commençai à désespérer de la revoir, et ma mère de revoir le mouchoir –elle en demandait des nouvelles de temps en temps-.
Je ne me rappelle plus la date, seulement le jour, un mercredi, où nous passâmes au même moment dans les mêmes deux cents mètres.
Mon pauvre cœur, déjà malmené, éclata en au moins six morceaux dans une poitrine sur le point d’exploser.
A ma grande surprise, elle parut d’abord interdite puis me sourit, un sourire éclatant qui assombrit le soleil pendant trente secondes au bas mot.
Cette fois-ci, je me lance, juré craché ! Je lui demanderai de m’accompagner au cinéma.
Elle allongea le pas et, toujours souriante, me serra la main en me disant « Je suis désolée, j’ai encore oublié votre mouchoir ».
Je dois avouer que si elle s’était précipitée en me tendant un mouchoir, j’aurais été effondré…
Ce mouchoir servit longtemps, ce fut un mouchoir inusable, le seul mouchoir inusable et invisible que j’aie jamais connu…
Nous entrâmes au café, « the café », allâmes dans un des boxes, nous y assîmes face à face une fois encore et je commandai nos cafés.
Nous conversâmes un long moment tandis que nos cafés refroidissaient –je crois n’avoir pas bu un seul café chaud dans ce café- et notre conversation porta beaucoup, pour ce que je me rappelle, sur le cinéma. Les leçons prises auprès de mes amis du lycée me furent profitables qui me permirent de ne pas passer pour un bête amateur de castagne sur grand écran.
Si je ne détestais pas un western ou un « peplum » elle avait une prédilection pour les films dits « sérieux » et le fait de pouvoir lui parler de « Hiroshima mon amour » comme quelqu’un qui non seulement l’avait vu mais avait été passionné joua en ma faveur.
Comme elle, j’aurais aimé voir « Le Mépris » mais il était « interdit aux moins de dix-huit ans » selon la formule de l’époque.
Pour être tout à fait honnête, je pense que nous ne voulions pas voir « Le Mépris » exactement pour les mêmes raisons, non que l’intrigue ne m’intéressât pas mais l’idée de voir Brigitte Bardot en tenue d’Eve me tentait…
Elle accepta d’aller avec moi au Montcalm qui donnait en matinée « Les 55 jours de Pékin ».
08:18 | Commentaires (5)