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vendredi, 20 juillet 2012

Check point Charlie.

Il est des frontières peu faciles à franchir…
Cet été 1961 fut sans histoire, mes douze ans avaient augmenté ma curiosité mais n’avaient pas effacé mon ignorance des filles.
Il me restait bien plus à découvrir que je ne pensais.
Je peux même affirmer aujourd’hui qu’il en reste toujours autant.
A croire que le territoire s’étend au gré de l'exploration…

Danielle, ma première « découverte » en la matière me battait un peu froid à cause de l’abandon de l’année dernière.
Elle avait vu pousser deux petits pois sous son T-shirt et j’en avais vu descendre deux dans mon short…
Nous reprîmes sans entrain un embryon d’idylle qui ne dura que quelques jours.
Histoire de se convaincre que l’amour éternel dure environ deux mois et que, selon ma grand’mère, « le raccommodage, ça vaut pas du neuf »…
Je m’ennuyai cette année-là, comme tous les gamins qui ne savent pas trop quoi faire de leur peau, qui cherchent ils ne savent quoi, souffrent vaguement de manque sans savoir ce qui leur manque.
S’il ne m’avait fallu être en classe à huit heures tous les matins, j’aurais été totalement  heureux de retrouver le lycée, c’est dire.
C’est dire aussi si l’emploi du temps des élèves intéressait les professeurs, une fois chaque professeur satisfait du sien…
Mes camarades aussi, je ne sais pourquoi, semblaient traîner eux aussi un sac à dos de vague tristesse.
La classe de quatrième me vit commencer le grec.
J’aimais bien. L’alphabet fut aisément intégré dans la base de données ainsi que quelques tournures de phrases.
Ça me valut, des décennies plus tard, un éclat de rire d’une réceptionniste d’hôtel à Rhodes qui me dit « Oh ! Que c’est gentil ! Merci ! Mais vous savez, monsieur, on ne parle plus comme ça depuis plus de deux-mille- cinq-cents ans ! »

Je me souviens néanmoins que dans la langue de l’époque, un général c’était « archontas », et que c’est devenu depuis « strategos »…
Rien de bien important, donc.
Oh ! Si ! En cours de latin, nous devions étudier Ovide.
Sans en savoir davantage nous nous précipitâmes, chacun chez notre libraire et achetâmes « L’Art d’aimer » VO et en VF.
Nous aurions dû nous méfier, si Ovide était abordé dans « le Morisset Thévenot », nulle trace de « L’Art d’aimer ».
Ce qui devait arriver arriva et si nous lûmes en douce l’édition de poche de « L’Art d’aimer », nous dûmes transpirer sur « Les Métamorphoses ».
Cette année aurait pu passer sans anicroche ni évènement marquant sans la guerre d’Algérie, « les évènements » comme on disait.
Je connus alors ma première expérience politique qui fut assez féroce.
Au coin de la rue du XVIIIème où j’habitais, il y avait « l’épicier arabe ».
Ce monsieur, un vrai pruneau, très brun et très frisé,  vivotait tant bien que mal de son échoppe, faisant comme beaucoup de commerçants de l’époque, crédit à partir du vingt du mois.
Le FLN prélevait sans doute déjà sa dîme chez l’épicier, qui devait la payer pour éviter un jet de grenade.
L’OAS en eut sûrement vent qui commença par lui dévaster nuitamment sa boutique avec des explosifs, signant son action courageuse d’un « mort aux traîtres » bien senti sur le mur.
D’après mon père, il se mit donc à verser aussi de l’argent à l’OAS, pensant avoir la paix en donnant des sous aux deux parties.
La technique ne fonctionna pas.
Un matin, en partant au lycée, je vis donc ce pauvre homme, assis sur les trois marches de l’entrée de sa boutique, la tête dans les mains, sanglotant.
Je ne le connaissais que pour les pommes de terre mais j'eus le coeur terriblement serré.
C'était la première fois que je voyais un « vieux » pleurer.

Environ une fois par mois –coïncidant sans doute avec le passage des « percepteurs »- je le voyais dans cet état.
Un matin de printemps, je vis la boutique fermée.
Elle le resta jusqu’à l’automne 1962.
Notre arabe revint alors.
Ses cheveux étaient tous devenus blancs…

mercredi, 18 juillet 2012

Confiteor...

Vous savez maintenant mon goût pour la chimie et les déboires qu’il peut engendrer.
Je songeai donc à me livrer désormais à d’autres activités qui, quoique moins risquées  m’emmenaient parfois bénéficier des talents qu’on rencontre à l’AP-HP.

J’eus malgré tout la chance de ne connaître de l’hôpital que les services de traumatologie.

Cette année scolaire 1960-1961 fut une année qui me dévoila la duplicité de l’âme professorale dès le premier trimestre.
J’en garde le souvenir d’un trimestre qui se solda de façon désastreuse en français. Le latin, comme les mathématiques, oblige à un travail soutenu, ne serait-ce que pour savoir de quoi on parle, le français en revanche peut se satisfaire d’un travail de dilettante –au sens noble du terme- quand on a bénéficié d’un entraînement chez les Frères.
Je vous rappelle qu’il ne manquait guère chez eux que des miradors aux quatre coins de la salle pour parfaire l’illusion d’un camp de travaux forcés.
Les choses arrivèrent insidieusement.
Mon nom me classait à peu près au début du dernier tiers de la liste d’appel. J’échappais la plupart du temps à l’invitation d’aller sur l’estrade pour montrer à mes petits camarades comme je savais bien telle fable de La Fontaine ou telle scène de Corneille.
Comme il fallait bien dispenser le cours, la vérification s’arrêtait rapidement, huit ou dix élèves au plus étaient interrogés.
Si j’étais interrogé le deuxième ou troisième, je m’en sortais bien car doté d’une assez bonne mémoire, j’arrivais à faire parfaitement illusion.
Un matin toutefois, la malchance fit que le stylo de la prof de lettres tomba en premier lieu sur mon nom.
Je fis la brillante démonstration que, contrairement à une légende répandue par le corps enseignant, un élève est capable d’observer un silence total en classe.
J’écopai d’une bulle, d’un droit de visite pour le jeudi et d’une mercuriale de ma mère « Si tu crois qu’on se saigne aux quatre veines pour que tu te conduises comme ces voyous de la Porte de Clignancourt ! ».
Oui, pour ma mère, l’archétype du Mal était, selon qu’elle s’en prenait à mes sœurs ou à moi, « ces filles de la Porte de Clignancourt » ou « ces voyous de la Porte de Clignancourt ».
Bref, la guigne de la semaine.
Ça ne m’empêcha d’aller voir « Hiroshima mon amour » à l’Ornano 43.
Contre toute attente, attiré par les mots « mon amour » dans le titre, alors qu’à la vue des premières images je pensais être déçu, le film me passionna.
Les choses reprirent un cours normal mais un peu cahotant tout de même, la prof de lettres se méfiant de moi et de mon goût marqué pour le moindre effort.
De temps en temps, elle m’interrogeait le premier, histoire d’être sûre que j’étais ce qu’elle pensait que j’étais : Doué peut-être, flemmard sûrement.
J’appris mes leçons quelque temps pour échapper au mauvais sort, elle se calma, pensant que la leçon avait porté.
Peu de semaines avant la période dite « des compos », une avalanche de zéros m’emporta, surpris brutalement que je fus par la reprise des hostilités.
Le jour de la composition de récitation, mon tour survint.
Elle commença par « Le cheval et le loup », impeccable.
Et c’est là que sa duplicité s’exposa.
Pour tous les autres, les bégayeurs, les cancres avérés –très rares, un oubli de l’administration sans doute, ou des parents redoutablement efficaces dans leur plaidoiries- et les « bons élèves », les « Agnan », une seule tentative de les coincer suffisait, sans illusion qu’elle était sur le résultat.
En revanche, quand mon récit s’acheva, elle demanda « et si vous nous disiez, avec les mots de Corneille, comment Rodrigue subvertit les arabes ? », je gagnai donc le droit de réciter le Cid, « sous moi donc cette troupe s’avance ».
Je ne portais pas « sur le front cette mâle assurance » mais je m’exécutai.
Puis, « Le loup et le chien », puis « Les animaux malades de la peste ».
Je me demandai ce qu’elle cherchait exactement.
Je savais toutes, oui toutes, absolument toutes les récitations du trimestre.
Je le savais bien, j’avais travaillé d’arrache pieds pendant les trois derniers jours !
Et à la fin elle m’annonça « Zéro, monsieur Le-Goût ! »
Je  la regardai, effaré, « Mais pourquoi ?».
« Pourquoi ? Eh bien parce que je sais maintenant que vous n’avez jamais appris vos leçons pendant tout le trimestre et que vous avez été capable en moins d’une semaine –comment le savait-elle ?- d’apprendre tous les textes du trimestre, un scandale ! Un gaspillage ! »
Et elle persista, « Vous êtes ici pour apprendre à apprendre, pas pour ingurgiter bêtement les textes qu’on vous désigne ! En deux mots vous êtes ici pour travailler, pas pour m’accorder une vague attention quand ce que je dis vous intéresse !»
Je ne m’étais jamais fait sermonner de cette façon.
Je me le tins pour dit, au moins jusqu’à la fin de l’année.
Il n’empêche qu’en pensant à cette compo de récitation, j’ai encore la honte au front.
Un autre épisode l’année suivante me fit encore plus honte, rien que d’y penser.
Et je ne pense pas avoir le courage de le raconter.
La cruauté des enfants est effroyable. Je n’étais pas seul en cause mais j’ai encore honte à chaque fois que j’y pense.
Heureusement, pour adoucir ma peine, il y eut Nicole K. une des copines de ma sœur.
Pour occuper les jeudis désormais sans visite au lycée, j’en tombai immédiatement amoureux fou.
Pour au moins un mois et demi… 
Les grandes vacances arrivaient.
La Bourgogne était prévue.

Ce ne sera pas encore cette fois que Mab sera satisfaite...
Mais si ce n'est l'année prochaine, ce sera l'année suivante.



mardi, 17 juillet 2012

« Bis repetita placent », mais pas toujours…

Après cette année sans autre histoire que la gamelle du début et des vacances assez ennuyeuses, j’abordai avec un courage modéré la cinquième, seule classe que j’allais redoubler.
Heureusement, j’étais entré à « la grande école » un an avant la date normale et je n’avais passé qu’une semaine en CP.
Je dus ce redoublement à mon goût pour les sciences, ma curiosité, l’un et l’autre jamais démentis ainsi qu’un goût tenace pour l’expérimentation.
Et ce dans des domaines aussi variés que la physique d’Albert Einstein et le physique de mes petites camarades…
Dès le début de novembre, on commençait déjà à cogiter sérieusement à ce que les parents pourraient bien mettre dans les chaussons devant la cheminée.

J’avais tanné mes parents, jurant mes grands-dieux que je serai premier en tout jusqu’à la retraite et sage comme une image jusqu’à la fin du XXXIème siècle.
Je voulais que le Père Noël, financé par les heures supplémentaires paternelles, veuille bien m’apporter un microscope –sans doute pour mesurer mes progrès en discipline- et surtout, surtout, « Le petit Chimiste » que j’avais repéré à la boutique de jouets « L’Univers des Inventions », boutique pas très éloignée de la station Barbès-Rochechouart où je prenais parfois le métro pour renter à la maison.

Impatient que j’étais, déjà tenaillé par l’ambition d’être un des pionniers d’une conquête de l’espace entamée par une petite chienne russe et surtout, l’envoi de Luna I vers la Lune.
J’avais décidé d’anticiper sur le contenu de la boîte du « Petit Chimiste » en racontant des carabistouilles au pharmacien, qui n’en croyait rien, pour lui acheter quelques produits indispensables à mes entreprises.
La conquête de l’espace nécessite en effet au minimun un véhicule dont j’entamai le prototype à petite échelle.
La fleur de soufre ne posa aucun problème, les chats et les chiens ayant la mauvaise habitude d’uriner au pied des immeubles.
Le permanganate de potassium en paillettes n’appela pas de commentaires non plus, il est toujours bon de se désinfecter.
Je vis un air soupçonneux s’étendre sur le visage du pharmacien alors que je tentai l’achat de quelques dizaines de grammes de chlorate de sodium…
Imaginez un peu si j’avais su à l’époque qu’on peut faire du chlorate de soude par chauffage de l’eau de Javel…
La tentative d’approvisionnement en perchlorate de potassium se solda par un net refroidissement des relations avec le pharmacien.
C’était dommage car l’efficacité du mélange de perchlorate de potassium avec du sucre cristal n’est plus à démontrer…
Je cherchai donc d’autres voies d’approvisionnement.
Les vacances de la Toussaint chez ma grand’mère maternelle m’en ouvrirent une inespérée.
Le village où elle habitait était plein de jardiniers, donc de boutiques à produits de jardinage.
Une recherche dans quelques bouquins aux puces de Saint-Ouen m’avait ouvert des horizons insoupçonnés en matière de motorisation spatiale.
J’y découvris le désherbant magique qui me manquait : Le chlorate de sodium sous son nom de jardinier.
Après quelques essais prometteurs avec un camarade de classe aussi cinglé que moi, je me lançai en solo.
C’est à ce moment là, quelques jours avant Noël que la science compta une victime de plus.
Moi, votre serviteur préféré.
Mon dernier lancement m’amena directement à l’hôpital Bichat pour deux mois et demi.
Autant dire presque tout le deuxième trimestre.
Dans l’affaire, je perdis un œil et un an de scolarité…
Cette année de cinquième fut funeste et aurait réduit à néant une carrière de séducteur irrésistible sans un talent inné pour le baratin.

Bref, la seule chose que je gagnai cette année-là fut quelque argent en engageant le pari que je pouvais tirer à la carabine les deux yeux ouverts sur les stands de tir près du métro Pigalle...

lundi, 16 juillet 2012

Le royaume des cieux ne m’est pas ouvert…

Et c’est aussi bien.
Lakevio, tandis que nous parlions de « notre époque » et de nos souvenirs de pension m’a incité à raconter cet épisode, que je n’ai jamais oublié et qui me pince toujours le coeur.

Pour revenir un instant sur mes années chez les Frères, mes parents auraient dû éviter de m’envoyer dans une école religieuse.
Ils auraient dû se méfier d’un gamin qui, regardant le réveil, demandait non pas « pourquoi les aiguilles tournent ?» mais « comment les aiguilles tournent ?».
Ce qui m'a valu assez tôt quelques explications orageuses, suite à des démontages intempestifs de réveil...

Ce n’est que bien plus tard que j’ai appris que quand quelqu’un demande « comment ça marche » plutôt que « pourquoi ça marche », c’est une âme perdue…
Ce n’est pas que j’étais ce qu’on appelle « un esprit fort », non, c’est que j’étais curieux et peu apte à croire sans demander d’explications un peu plus convaincantes que « c’est comme ça ! ».

Non que je fusse déjà le ricaneur adepte du « croa croa » au passage d’un curé –d’ailleurs ma mère m’aurait collé une taloche si j’avais osé…- ou l’anticlérical suiviste.
Je ne connaissais rien encore de ces querelles qui divisaient les Français depuis près de deux cents ans et n’avais pas d’avis bien tranché…
Du coup, je connus assez jeune cette sensation particulièrement désagréable qu’est le sentiment d’injustice.
Ça commença dès la première leçon « d’Histoire Sainte ».
Je suppose que comme tout bon chrétien vous vous souvenez de ce début de la Genèse qui nous dit « Au commencement était le Chaos » et un peu plus loin,  « Que la lumière soit, et la lumière fut », « Et dieu vit que la lumière était bonne ».
Bref, après avoir séparé la terre de l’eau, le jour de la nuit, on nous dit que « l’Eternel » arrangea son petit métier et que tout désormais irait pour le mieux.
Et que donc, après avoir « Créé le Ciel et la Terre » il alla se reposer.
La cloche retentit. Youpee ! La récré !
Dès que la cloche reretentit, « en rang par deux » devant la porte de la classe « et en silence s’il vous plaît messieurs ! », le cours reprit.
Le Frère, continua un instant à nous raconter la Genèse et nous demanda « vous avez bien compris, mes enfants ? », il reprit un souffle qu’il avait court, « si quelque chose vous a échappé de la Création du Monde, c’est le moment de le dire ».
Je levai timidement le doigt.
« Oui monsieur Le-Goût ? Que n’as-tu pas compris mon fils ?»
«  Mais alors, qui à créé Dieu ? ».
La classe était déjà silencieuse –parler en classe valait une heure à genoux- mais là le silence devint si profond que j’eus l’impression d’être devenu sourd.
Comment avais-je osé ! Il y a des choses qu’on ne remet pas en question.
« Dieu a toujours existé et existera toujours, il a créé l’univers qui nous entoure ! »
Et là, la phrase suivante fit s’envoler mon dimanche à la maison
« Mais alors, dans quoi il est l’univers ? ».

Sans tenir compte de mon ingénuité, bien réelle, le jugement du Frère, quasiment une ordalie, tomba.
C’est là que je fus injustement convié à rester le dimanche à méditer sur le sort funeste qui attend le gamin qui pose des questions taboues.
La seconde injustice dont je fus victime fut du même type et tomba dans le même trimestre.
Apparemment, il est malvenu dans certaines communautés de faire preuve d’un minimum de réflexion et de tirer des enseignements des faits exposés.
Surtout quand ça va à l’encontre de ce qu’on veut faire admettre.
Il était question d’un petit cordonnier, très pauvre, très marié, plein d’enfants –croissez et multipliez vous- et très généreux et d’un notable très méchant, très riche, très cupide, affecté d’une morale élastique et interprétant abusivement les lois qui régissent les relations commerciales dans une société civilisée.
La question à méditer après la lecture était « pourquoi le petit cordonnier restait-il toujours pauvre ?»
L'écoute assidue du Frère m’avait amené à une conclusion incontestable et solidement argumentée.
Il commença à interroger au hasard mes compagnons de géhenne.
Les réponses débiles et gnan-gnan de mes camarades me tirèrent des soupirs aussi silencieux que désolés.
Ils n’avaient rien compris à l’histoire.
 Mon tour arriva assez tard. Le sourire béat affiché par le Frère à l’écoute des réponses aurait dû me mettre la puce à l’oreille.
« Monsieur Le-Goût, si vous nous faisiez part de ce que vous avez tiré comme enseignement de cette histoire ? Pourquoi ce cordonnier reste-t-il désespérément pauvre, malgré tout le travail fait ? »
« Mais parce qu’il était honnête, mon Père ! ».
Et paf ! Le deuxième dimanche du trimestre à s'envola , précédé de deux heures à genoux pour mauvais esprit et de cent lignes sur la charité qui m’apprirent que désormais,  il me faudrait répondre comme attendu et n’en penser pas moins…
Amen…

dimanche, 15 juillet 2012

L’écrit vain…

Mis à part le déménagement de mes petites affaires de mon placard du lycée Michelet et mon arrivée pas trop triomphale dans le lycée qui m’hébergea pendant les années qui suivirent –j’ai évité de faire de trop grosses bêtises entre dix et dix-sept ans-, rien de particulier ne marqua cette première année de lycée.
Ah si ! Contrairement à ce que prétend Heure-Bleue, je ne suis pas devenu frileux en vieillissant, j’ai toujours été frileux.
Ceci pour expliquer que je me suis souvent fait prendre dans les couloirs pendant les récréations.
Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi il était indispensable de mourir de froid dehors pendant les interclasses alors que les couloirs étaient chauffés…
Et aussi, j’allais oublier, une de mes premières rédactions me valut les compliments du prof de lettres « Enfin quelqu’un qui sait ce qu’est la poésie ! Messieurs, prenez-en de la graine auprès de monsieur Le-Goût !».
Oui, en ces temps reculés, les professeurs nous appelaient «Monsieur», et il était fortement recommandé de faire de même, faute de quoi, la visite du jeudi s'imposait...

Le pourquoi ? Je ne me souviens que du premier vers de la poésie que ce prof avait demandée à la classe pour le lundi matin.
« Lorsque le soir descend, en manteau de velours ».
Cette merveille me valut aussi un titre moins rutilant de « fayot » auprès de mes camarades.
Camarades que je dus convaincre à coups de « colles à la maison* » qu’il n’en était rien.

Mon cœur ne fut, cette année-là, pas ou peu sollicité.
L’intégration dans un nouveau milieu, plus bourgeois que le mien, était un boulot à plein temps.
Il me fallut apprendre des tas de choses, notamment qu’on ne vient pas en tennis –rien à voir avec les Nike inabordables d’aujourd’hui- les jours où il y a « gym ».
Aux dires des copains bien disposés à mon égard « faut pas venir en tennis, et encore moins en survêtement les jours de gym ».
Pourquoi ça ? Parce que, dixerunt les mêmes, « ça fait que tu fais pas-aidé ».
C’est le lycée qui a fait mon « éducation bourgeoise »
Il était plein de gamins bons élèves, qui étaient bons en tout et trouvaient le temps d’apprendre le piano, le judo et d’aller au cinéclub du lycée.
Ils m’apprirent comment écouter la musique, lire les livres et regarder les écrans et les tableaux.

La mine, quoi…
Les grandes vacances qui suivirent ne me virent pas en Bourgogne, elles se passèrent chez ma grand’mère paternelle.
Toute la famille de mon père y était, plein de tantes et de cousines.
Mais les cousines, quand elles sont filles de pied-noir, c’est comme les sœurs.
Faut pas regarder et encore moins toucher…
Cette année là, je pris une tarte d’une de mes tantes pour m’être fait serrer en pleine lecture d’un bouquin merdique, genre Delly, c’est tout ce qu’il y avait dans la maison de ma tante R.
Un truc hyper osé puisque la dernière phrase du bouquin, pour autant qu’il m’en souvienne, était quelque chose comme « Sous les frondaisons rougeoyantes d’automne, leurs lèvres se joignirent. »  
D’après la tante baffeuse, le démon de la luxure me guettait.
Si elle avait su à quel point c’est moi qui le guettait, ce démon…

*Les « colles à la maison » étaient des devoirs supplémentaires à faire chez soi accompagnés d’un petit formulaire gracieusement offert par le lycée, rempli par le prof  et rendus au surveillant général, dit « le surgé »,  à la date prévue revêtus de la signature des parents.
Il était vivement conseillé de s’y conformer, faute de quoi la « colle à la maison », péché véniel de l’école publique et n’intervenant dans le classement que pour un commentaire, se transformait en « colle du jeudi », autrement grave, ne serait-ce que parce qu’il fallait se lever tôt...