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vendredi, 27 juillet 2012

Le voyageur indiscret...

Cette façon de raconter mon enfance et une partie de mon adolescence -vous ne croyiez tout de même pas que j'allais tout vous raconter !- me fait un curieux effet.
J’ose espérer qu’il ne s’agit pas de schizophrénie…
Pour tout dire j’ai l’impression parfois d’être un voyageur dans mon propre cerveau.

Et même que ce voyageur est un voyeur particulièrement indiscret, sachant tout ce que je veux garder pour moi, même ce que j’éprouvais au moment où j’ai vécu les choses.
On s’aperçoit avec stupeur que finalement on n’oublie pas grand’ chose des évènements qui marquent notre prime jeunesse.
La mécanique du souvenir fonctionne de façon curieuse.
En ces temps « ante pilule », il fallait recourir à des négociations particulièrement délicates à mener  pour arriver à ses fins.
Ce qui, pour beaucoup de garçons de ma génération –quoiqu’ils racontent-, limitait sévèrement le nombre de petites camarades d’accord pour ce qui est connu sous le nom désormais fameux de « câlin avec tout ».
Sans parler de l’infernal trio « Collant-Panty-Culotte ».
Tout garçon un peu soucieux d'efficacité se serait armé d’un démonte-pneu plutôt que de bisous…
Mais, grands dieux ! Que d’amours nous avons vécues !
Et ces amours sont toutes là, coincées dans un recoin de l’esprit, prêtes à venir à la lumière dès que l’occasion se présentera.
Si une grande partie des images s’estompe, sauf, bien entendu celles sans intérêt et surtout celles qu’on voudrait oublier, d’autres sens restituent ces souvenirs extraordinairement vivaces.
Il y a même, j’en suis sûr, un sens inconnu pour ça.
Celui qui vous restitue le côté impalpable de l’atmosphère qui régnait  quand les évènements qui vous ont marqué sont arrivés.
Ce côté impalpable est là, il vous revient et vous fait battre le cœur comme si vous aviez quitté la classe de quatrième le jour même...
A chaque fois que je vous ai raconté un de mes -nombreuses- amours (vicelard, le coup d'amour masculin au singulier et féminin au pluriel...), j’ai toujours été surpris de me rappeler la sensation de toucher l’autre.
Je la ressens alors au bout des doigts avec tant de précision...

De chacune je me rappelle beaucoup de choses, le côté soyeux de la peau, la voix pas toujours aussi tendre qu’espéré – les filles sont des monstres sans cœur mais avec un habillage des poumons si joli…-.
Il est étrange de se rappeler aussi bien le goût de ses lèvres alors que le souvenir de son visage a tendance à s’estomper.
Pourtant, de ce visage je me souviens, non des yeux mais du regard, du mouvement des cheveux.
Tout est encore caché là, intact, la douceur de sa peau effleurée, son odeur -un mélange léger de savon agrémenté d’une trace d’eau de Cologne-, la tiédeur de son souffle.
Sur le coup –mais non, pas « ça » bande de…-,  même l’état lamentable de mon cœur dont j’espérais qu’il serait assez solide pour résister à ces traitements inhumains me revenait .
Tout, de cette sensation de creux à l’estomac à la liesse qui s'empare de moi d’un coup.
De ses chuchotements qui me ravissent, de la voix que l’on perd, de son…

Fin de la période « fleur bleue ».

 

mercredi, 25 juillet 2012

Salomé

Pour en revenir tout de même à ce qui est arrivé il y a quelques années…

 

J’en entends certains penser « Il nous raconte des shtuyot avec son Heure-Bleue !»
D’autres encore « A l’en croire, il a marié Katharine Hepburn !».
Si Heure-Bleue était née en 1918, vous croyez qu’Hollywood aurait choisi Rita Hayworth pour le rôle de Salomé, surtout pour la danse des sept voiles ?
 

Comme disait quelqu'un bien connu pour un passage sur les planches qui marque encore les esprits « Ils ont des yeux et ne voient point !».
Une blogueuse semblait ne pas croire qu’Heure-Bleue était une rousse aux yeux verts.
Voici un portait d’Heure-Bleue qui date d’à peine quelques…

 

Michele_3.JPG

 


Honnêtement, vous croyez vraiment que j’aurais pu résister ?

A tous ceux qui n’ont pas eu la chance de la croiser il ne reste guère que les yeux pour pleurer…
Vous remarquerez néanmoins ce je ne sais quoi dans l'expression qui incite à ne pas lui chercher des poux dans la tête...

Retour vers le présent...

Déçu une fois de plus par le « je m’en-foutisme » qui semble régner en maître dans certains bureaux des services publics,  je me suis vu d’abord contraint d’appeler l’organisme en question, puis à lui envoyer une lettre.

Si je deviens célèbre dans les mois qui viennent,  ce poulet rejoindra ceux envoyés par Pierre Desproges.
Si je reste confortablement installé dans un anonymat protecteur, cette lettre rejoindra au pire une accueillante corbeille.
Je connais l’administration, sa maladie de l’archivage la conduit inévitablement à garder ce qui est bon pour la corbeille et à mettre à la corbeille ce qui est nécessaire à la bonne marche du service.
Donc, si tout se passe comme prévu, l’inutile l’emportant haut la main, ma lettre rejoindra le classeur, que je suppose énorme, des lettres qui recensent les multiples preuves de l’incurie, de l’incompétence, du laisser-aller et parfois, j’en suis sûr, la flemme de certains qui donnent raison à un sketch de Coluche.

   

Le-Goût-Des-Autres

Ile de France

 

N°SS :            Et puis quoi encore ?

Né le :            Pfiouuu… Il y a quelque temps

 

 

Mesdames, Messieurs

 

Veuillez trouver ci-joint un RIB qui, cette fois-ci j’espère, permettra de créditer le bon compte courant du montant des virements que vous émettez.

 

C’est la quatrième fois que je vous envoie ce RIB, depuis le mois d’octobre en effet, la banque à laquelle j’avais souscrit un compte ne prend plus de clientèle particulière.
Et donc, depuis octobre, vous avez reçu au moins trois RIB de la banque qui nous a accueillis, mon épouse et moi.

Vous nous envoyez obligeamment une lettre nous disant que « notre banque », qui n’existe plus en tant que telle, a refusé le virement qui vous avez émis.
Nous vous avons alors envoyé un RIB de notre nouvelle banque, et, de temps à autre, vous envoyez un virement à l’ancienne banque…


Donc, au lieu de me proposer, à chaque fois que je vous appelle, d’inonder ma messagerie de conseils de prévention en matière de santé, je ne saurais trop vous conseiller de consacrer ces sommes à la qualité des logiciels que vous utilisez et à creuser un peu plus les implications des procédures que vous appliquez…
Il y a plus d’un an, notre changement d’adresse a conduit immédiatement à l’invalidation de ma carte Vitale.
Il m’a fallu attendre près de quatre mois pour en avoir une autre.
Quand, quatorze mois après mon déménagement, la Sécurité Sociale s’est enfin avisée que mon épouse avait elle aussi déménagé, suivant, selon les recommandations du maire qui nous unit, son  époux, donc moi, sa carte Vitale a été immédiatement invalidée, c’était le 25 mai 2012.
Aujourd’hui, 25 juillet 2012, le formulaire nécessaire à l’obtention de la nouvelle carte n’est toujours pas parvenu à trouver notre boîte aux lettres.
J’ai donc appelé le 3xxx, où les quatre à cinq minutes d’attente m’ont été facturées à raison de six centimes d’€uros la minute, alors que la loi stipule assez fermement de ne pas facturer les temps d’attente.
Quand j’ai enfin eu une interlocutrice, cette dernière m’a avisé que « suite à de nouvelles procédures, on ne donne de renseignement qu’à l’assuré en personne ».
Sans envisager la façon dont vous vous en sortiriez avec un assuré dont l’épouse est muette, je me demande simplement ce qui se passe quand l’assuré objet de l’appel est cloué au fond de son lit ou à l’hôpital…
Ou pire encore, s’appelle Heure-Bleue, que j’ai vue à l’œuvre.
Situations courantes que le cabinet de conseil, probablement privé auquel la CNAM a fait appel, n’a manifestement pas envisagées, malgré les sommes exorbitantes –je les connais- qu’il vous a facturées…

 

Je n’ai pas osé mettre la suite que voilà.

Je sais qu’il faut éviter de froisser l’administration si on veut avoir quelque chance d’être entendu et surtout écouté.
Je profite donc du profond sommeil dans lequel vous semblez plongés en cette période de congés pour vous donner mon opinion sur la qualité de votre absence de travail.

 

Espérant, Mesdames, Messieurs, que mes salutations empressées ne vous réveilleront pas en sursaut.

 

Le-Goût-Des-Autres.

 

Ça n'avancera pas la carte Vitale d'Heure-Bleue ni le bon atterrissage sur notre compte des virements mais ça m'a amusé...

lundi, 23 juillet 2012

Fermeture de la boutique à souvenirs...


 

Suite et fin…

Non, je ne vous donnerai pas de détails croustillants, ou pire encore, cliniques…

Nous étions aussi timides l’un que l’autre et il nous fallut encore une semaine avant d’échanger notre premier baiser.
Il arriva de façon impromptue, nous nous promenions les doigts entremêlés et un trou du chemin la fit trébucher, j’eus besoin de mes deux bras pour la retenir.
Comme aurait pu écrire Delly « et ainsi enlacés, la tentation fut trop forte et nous n’y résistâmes point »…
Nos promenades, de fréquentes qu’elles étaient eurent alors tendance à s’éterniser.
Un peu trop même. Un soir, nous revînmes alors que le dîner était entamé.
Je me fis disputer et m’accommodai assez bien de la leçon de savoir-vivre.
L’oncle Fernand, le mari de ma tante, qui n’intervenait que rarement dans nos histoires me regarda. Il se tourna alors vers ma tante « Dis donc, Olga, tu devrais peut-être dire à la Madeleine de faire attention à la p’tiote rouquine. Parce que l’parigot il est déjà musclé de la langue, là il est musclé des lèvres, d’ici qu’il soit musclé de… »

« Fernand !!! » Cria ma tante, l’arrêtant tout net…

On voit là qu'elle partageait sa vie depuis longtemps et savait ce qu'il allait dire avant même qu'il ne le pense...

Ma tante avait encore cet air sévère et vaguement souriant.
Avec le recul je me dis que cet air était sans doute dû autant à une longue expérience qu’à l’état de mes lèvres.
J’en viens à me demander même si le faux-pas de la belle n’était pas un stratagème…
Dûment avertie, « la Madeleine », en revanche, subitement inquiète pour la fille qu’on lui avait confiée, la consigna à la maison toute la journée du lendemain.
Journée du lendemain que je passai à traîner devant la grille de sa maison…

Contrairement à Cyrano, déclarant sa flamme sous la fenêtre de Roxane et surtout à mes habitudes, je restai muet.

Le jour suivant, un jour assez nuageux, sous la promesse de rentrer à l’heure, on lui permit de sortir.
Après cette séparation dramatique, nous partîmes et allâmes de l’autre côté du « pont du canal ».
Il y avait là aussi ces monticules de roseaux. Nous nous assîmes sur l’herbe, à l’ombre d’un immense tas de tiges séchées.
Je l’embrassai.
Puis elle m’embrassa.
Puis nous nous embrassâmes.
Puis nous recommençâmes…
Bien que latiniste longuement entraîné à coups de Morisset-Thévenot, ce ne fut qu’à ce moment là que je saisis le sens profond de l’expression « ad libitum ».
Nous discutions de choses et d’autres.
L’un et l’autre avions la voix qui commençait à s’enrouer et avions du mal à sortir quelques mots de plus.
Une sensation que j’avais déjà connue, la sensation dite « du gargoziau serré ».
J’ignorais qu’elle pût frapper aussi les filles.
Pour nous donner soit du courage, soit une contenance, probablement les deux elle m’embrassa de nouveau.
Et ça dura, jusqu’à ce que je tente timidement de glisser une main dans son short.
Vous avez remarqué comme ces vêtements sont contrariants ?
Vous ne vous y attendez pas et les boutons s’envolent au moment le plus inopportun, dévoilant ce que vous voulez cacher.
En revanche, ils sont indéboutonnables quand il faudrait que ça se fasse facilement et surtout discrètement.
Servi par de précédentes tentatives, j’attendis l’inévitable tape sur la main.

Mais non, à ma grande surprise,  j’eus même droit à un peu d’aide.
J’étais un peu, disons plutôt très, voire très, et même extrêmement maladroit et sûrement pas assez délicat.
Elle se cabra, dit « Aïe ! Tu m'as fait mal ! » mais saisit ma main et la guida.
Elle en choisit avec soin la position et la mût là où ça semblait l’intéresser.
Après quelques instants, elle retira sa main.
Je cessai de bouger, paralysé de trac.
Les yeux clos,  elle souffla « Non… Continue… ».
Je vivais une expérience plus qu’étrange, plus qu’intéressante, en tout cas nouvelle, passionnante et terriblement troublante.

Au bout de quelques minutes j’arrêtai et, inquiété par son souffle qui devenait court,  lui demandai avec difficulté « ça va ? ».
« Chhhuuut… Continue… » coassa-t-elle, la voix encore plus cassée que la mienne.
Des minutes et des minutes passèrent, puis elle se crispa soudain en agrippant mon bras.
Et, comme l’a si bien écrit Maupassant dans « La maison Tellier », elle poussa « un gémissement tellement profond qu’on l’eût pris pour l’adieu d’une âme. ».
Et c’était moi qui avais fait ça ? Idiot que j’étais –que je suis-, j’allais écrire « et c’était moi qui avais fait ça tout seul ! »…
Ce fut à ce moment la plus belle découverte de ma courte existence,  je suis sûr que Colomb fut moins heureux en découvrant l’Amérique.
Elle ouvrit des yeux plus que vagues, et pour tout dire bizarres, me sourit assez tendrement et nous décidâmes sur le champ de nous marier dès le retour de vacances plutôt que retourner bêtement au lycée.
L’idée de vivre d’eau fraîche nous branchait moyen, d’autant que nous avions un appétit aussi féroce que notre ligne était filiforme, mais celle de vivre d’amour nous enthousiasmait…
C’est cette découverte extraordinaire qui m’a mené à poursuivre un travail de recherche acharné dans le domaine.
Vous n’en saurez pas plus.
J’en ai déjà trop dit.
Ce fut le premier des deux-cent-quatre-vingt-seize-mille-huit-cent-cinq serments de mariage entre mes quatorze ans et mes vingt-deux ans.
En revenant à Paris, mon père, à qui il arrivait parfois d’être raisonnable, lorsque je lui annonçai que j’allais me marier incessamment, remarqua platement « Tiens donc, tu as trouvé une méthode pour qu’un grand amour résiste longtemps aux pommes de terre à l’eau ? », il ajouta « fais taire les oiseaux qui te chantent dans la tête et écoute plutôt tes professeurs au lycée. »
Il savait qu’il me condamnait à mourir de chagrin, à pleurer mon amour perdu mais fut intransigeant.
Je ne me mariai donc pas l’année de mes quatorze ans, victime de la dictature parentale.
La semaine d’après, j’allais plutôt bien.
L’emploi du temps ménageait des plages intéressantes qui permettaient d’aller avec des copains jusqu’au lycée Jules Ferry, vivier inépuisable de futures grandes amours.


Et puis.
Des années plus tard, en allant chercher les semi-conducteurs dont j’avais besoin afin de prouver combien mon stage d’ingénieur était efficace, je rencontrai une rousse ravissante, dotée d’yeux verts absolument merveilleux.
Bref, « une bombe » comme on dit aujourd’hui.
Elle était malheureusement dotée du caractère qu’on prête aux panthères, je m’en aperçus hélas trop tard, piégé que je fus sur l’instant.
Je lui proposai de l’emmener voir « Soldat Bleu », elle résista.
Je repassai la voir plusieurs fois. Nous déjeunions parfois dans petit café près de la Bourse. Je la raccompagnais souvent.
J’étais tenace, incapable de résister à un regard pareil et, pour tout dire de résister à une fille pareille.

A force de déjeuner ensemble, nous finîmes par dîner ensemble.
Sans y prendre garde nous prîmes un jour petit-déjeuner ensemble.

Ce fut la deux-cent-quatre-vingt-seize-mille-huit-cent-sixième idée de mariage.
Elle tient toujours.
La rousse en question s’appelle Heure-Bleue.
Et si vous voyiez ses yeux quand elle est en colère, à tomber…

Et voilà, la boutique de souvenirs est fermée pour l’instant.

dimanche, 22 juillet 2012

L’été 1963...

Cet été 1963 me vit de nouveau, et pour la dernière fois sans les parents, chez ma tante en Bourgogne.
Tous mes amis étaient maintenant « casés », pas avec les amours précédentes évidemment et il n’était pas question, sauf à risquer une bagarre, de ne pas respecter la recommandation biblique qui dit de « ne pas convoiter la femme de son voisin ».
Beaucoup se marieraient plus tard avec les mêmes.
Sauf à étendre le champ de nos promenades, une dure période de solitude se profilait et menaçait de gâcher mes vacances.
Je fus sauvé –et elle aussi- par l’arrivée chez « la Madeleine », une vieille amie de ma tante, de deux filles, à Madeleine confiées par la famille « parisienne ».
Pourquoi « parisienne » ? Parce qu’en fait ces deux filles n’étaient pas des Parisiennes mais habitaient du côté de Clichy. Fausses Parisiennes !
Ces deux filles étaient deux cousines plutôt jolies, mais je trouvai l’une vraiment très jolie.
Du moins correspondait-elle à mon goût en matière de filles.
Elle avait les yeux clairs et les cheveux châtains, de ceux qu’on dit « auburn ».
Manifestement, à défaut d’être fidèle à une fille, j’étais –et suis toujours- fidèle à un genre de fille.
Mon regard, suite à mon expérience malheureuse en chimie, avait quelque chose qui n’était pas sans rappeler celui de Jean-Paul Sartre et je me dis que l’affaire était pour le coup mal engagée. Il allait falloir ruser …

Tel le loup de la fable « Le cheval et le loup » je me dis « rusons donc » et espérai, priant un dieu auquel je ne croyais pas, ne pas finir, comme ce loup, avec « une ruade qui vous lui mit en marmelade les mandibules et les dents » .
Bref, en tournant quelques compliments pas trop flagorneurs et considérations bienvenues je commençais d’intéresser la belle.

Une chose fut absolument décisive pour le succès de mon entreprise.
J’avais eu cette année-là un professeur de lettres un peu cinglé qui, sous n’importe quel prétexte, vous collait « dix sonnets pour vendredi prochain !»
Vous vous mouchiez un peu bruyamment en classe ?
« Dix sonnets sur les trompettes de Jéricho, monsieur Le Goût ! Et pas dix fois le même ! ».
De plus, ce fou avait une culture encyclopédique ce qui fait que toute tentative de « pomper » sur un poète ayant vécu et écrit entre Aristophane et Blaise Cendrars se soldait pas une colle pour tricherie et dix sonnets de plus.

Cet entraînement efficace à la versification sur n’importe quel sujet me rendit le plus grand service.
J’avais pu observer que les filles -et, soyons honnêtes, les garçons aussi- adorent qu’on leur parle d’elles.
Si en plus c’est en vers, le succès est assuré…
Le but des gamins de nos âges, contrairement à ce que nous nous racontions entre nous, n’était pas « d’accrocher une conquête à notre tableau de chasse », non, nous étions simplement –comme si on pouvait dire «simplement» en la matière…- amoureux.
Et nous espérions tous, quoi que nous en disions, qu’elles étaient aussi amoureuses de nous que nous l’étions d’elles…

Certaines choses semblaient immuables dans la Bourgogne de ma tante, ce qui facilita les choses.
Jacques S., était toujours passionné par le Tour de France et la grande sœur d’Arlette.
Et, toujours comme tous les ans, les roseaux étaient en tas le long du canal.

Nous nous y promenions, je n’osais pas encore lui prendre la main, me contentant de l’écouter et lui disant des bêtises qui la faisaient parfois rire.
Un après-midi, c’est elle me prit la main –encore ? Eh oui, j'ai toujours été timide !- et nous passâmes le reste de la journée à marcher le long des chemins.
Mon dieu ! Que nous avons marché ! Si on nous avait payés au kilomètre, nous serions devenus millionnaires dans la semaine.