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mercredi, 23 mars 2016

Beaucoup de bruit pour rien.

N’ayez pas peur, lectrices chéries, je ne vais pas réécrire la pièce de Shakespeare.
Pardon, la « revisiter ».
Non, je vais vous parler d’autre chose.
Pas aussi palpitant que l’histoire des deux couples de la pièce mais tout de même quelque chose de commun.
Hier donc, j’ai accompagné Heure-Bleue chez un type qui finira rentier.
Je veux parler de « son » dentiste.
Nous en sommes revenus à pied, comme souvent mais sans passer par la case « l’Ours ».
Nous avons donc commencé par passer devant la MJC puis avons évité le Monop’  et avons emprunté l’avenue qui mène chez nous.
Et c’est sur ce chemin qui nous fait parcourir plus de deux kilomètres que nous constatons toujours quelque chose de surprenant.
Il y a évidemment le fait que, tant qu’il n’y avait que peu de risques, un fourgon de CRS signalait à l’attention des foules qu’il y avait là un « centre communautaire » que tout le monde ignorait jusqu’au mois de janvier 2015.
Et, grâce à la clairvoyance de nos « services de sécurité » il a fallu attendre l’hécatombe de novembre pour mettre deux plantons devant la synagogue de l’avenue.
Plantons évidemment retirés dès que la nouvelle des attentats de Bruxelles s’est répandue…
La lumière de mes jours et moi nous faisions la réflexion que pour augmenter la « sécurité » nozélites se plantaient avec constance.
Notamment nous constations que, comme toujours, on choisit la méthode qui consiste à réprimer quand on a laissé la situation se dégrader qui est tellement plus rentable électoralement que celle qui consiste à éduquer quand on peut encore le faire…
Et justement, à propos d’éducation et de Shakespeare, nous avons été sortis de notre débat de haut vol par des piaillements perçants.
Des jeunes gens et des jeunes filles, les uns intéressés par les autres.
Les autres faisant semblant de rien mais criant histoire de bien faire comprendre aux uns que « mais si, quand même »…
J’ai dit à Heure-Bleue :
- Mais personne ne leur a appris à parler au lieu de hurler ?
- De toute façon, même quand ils parlent, ils parlent mal…
- C’était comme ça chez toi ?
- Tu plaisantes ?
- C’est comme chez moi.
Il est vrai que si on avait crié comme ça ma mère elle nous aurait décollé la tête d’une seule baffe.
- Nous on sait pas, on n’a jamais crié.
A conclu Heure-Bleue.

mardi, 22 mars 2016

Ma meuf de Pâques.

Parmi les choses qui ont tendance à effrayer la lumière de mes jours, qui n’a pourtant peur de rien, il y a certains voyages.
Je l’ai emmenée aux États-Unis avec l’Ours.
Elle s’est alors rendu compte que finalement, mon job n’était pas un boulot de tout repos et que non, je ne faisais pas touriste mais n’a pas soulevé un cil d’inquiétude.
Elle en a gardé quelques souvenirs…
Plus de trente ans après elle me reproche encore de n’avoir pas cédé pour une promenade en calèche dans Central Park.
Ça et un petit vieux qui s’empiffrait à grand bruit dans une « coffee shop » de Colombus Circle en marmonnant des invectives en yiddish.
Le fait que des types patibulaires nous regardaient descendre les escaliers du métro en supputant le prix de nos habits ne la troublait pas plus que ça.
Puis elle est venue me retrouver pour quatre ans en Israël, terre fort animée.
Tout y vole, les oiseaux, les pierres et les commerçants.
Elle fut évidemment désolée de la tuerie affreuse qui s’était déroulée à deux pas de chez nous.
Pas plus affolée que ça non plus quand la boutique où l’Ours avait acheté je ne sais quoi la veille avait été soufflée le lendemain dans l’explosion de la cabine téléphonique placée devant la vitrine.
Heure-Bleue a toujours fait preuve d’un grand courage devant l’adversité.
Même si elle avait tendance à chercher l’adversité pour montrer son courage…
Il y a néanmoins des choses qui l’effraient.
À me suivre en certaines pérégrinations, je m’attends presque à la voir me tendre la main au détour d’une rue et me dire « Mr Livingstone, I presume ? » tant certaines contrées de Paris lui semblent exotiques.
Dimanche, justement nous sommes allés déjeuner chez une amie dans le XVIIIème.
Pour changer, enfin pour éviter la passerelle, j’ai choisi le bus.
Tout avait bien commencé en montant dans le PC de la porte Champerret.
C’est quand on a commencé le tronçon qui va de la Porte Montmartre à la Porte de Clignancourt que ma moitié préférée a donné des signes d’inquiétude.
Le bus s’est petit à petit rempli de gens qu’elle ne croise jamais.
Oh, elle en a bien vu, de loin.
Rarement comme dimanche, de si près, à la toucher quasiment.
Ce n’est pas leur ethnie, leur couleur ou leur langage qui la tracassent, non, ni même leur accoutrement.
C’est le risque d’attraper je ne sais quoi, une maladie super grave qu’on n’attrape qu’aux portes de Paris.
Et pas la Porte d’Auteuil ou la Porte de Passy, non, plutôt Porte de Saint-Ouen ou Porte de la Chapelle, vous voyez ?
Alors que je sais bien quant à moi qu’on risque plus de perdre son portefeuille ou son smartphone que la santé, Heure-Bleue pense qu’on risque plus de se retrouver avec la fièvre Ebola ou la peste bubonique qu’avec des puces.
Encore que, les puces… La lumière de mes jours, elle supporte pas, elle est la victime désignée des piqûres. Du coup je suis peinard…
C’est ça, la lumière de mes jours a une peur panique de côtoyer des gens qui ne soient pas récurés au Cif.
Je me demande si elle m’a bien regardé…
Quand nous sommes descendus Porte de Clignancourt, j’avais dans l’idée de prendre le 85 pour atteindre la mairie du XVIIIème à Jules Joffrin.
Après une vaine attente, on a décidé d’aller à pieds chez nos amis.
Quand on est passé devant l’entrée du passage Championnet, la lumière de mes jours a regardé autour d’elle, a trouvé évidemment que « vraiment je ne sais pas comment tu as pu grandir ici… Je hais ce coin… » et nous avons pris la rue du Mont-Cenis.
Arrivés à Jule Joffrin, elle s’est rassérénée, remarquant :
- Eh bien, ça s’est quand même drôlement bobotisé ici mais j’ai l’impression que c’est comme aux Batignolles, pas profondément.
- Ouaip, faut pas gratter beaucoup le vernis pour tomber sur le formica…
Il est vrai que je trouve fort heureux que l’on n’arrive jamais à changer profondément la population des villes.
J’aime Paris habillé autrement qu’en musée inerte pour touristes trop propres…

lundi, 21 mars 2016

Sur un air de Lakevio...

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Sur le dernier accord de la coda j’ai posé ma guitare sur la desserte et bu une gorgée de café.
C’est en reposant ma tasse que j’ai entendu le claquement des talons sur le trottoir.
J’ai regardé par la fenêtre.
C’est bien elle.
C’est bien son pas que j’ai reconnu.
Je le reconnaîtrais entre mille, depuis le temps que je l’entends.
Tous les soirs, quand je travaille à ma chanson, je suis distrait par son arrivée.
Je l’ai déjà vue souvent mais je n’ose pas l’aborder.
Pas encore.
Ce soir elle est cachée par un parapluie mais je vois bien son sac.
Je le pense trop lourd pour une épaule que j’ai toujours supputée délicate sous son vêtement.
L’éclairage crépusculaire de l’entrée de l’immeuble la fait sembler plus gracile encore.
Sa silhouette a quelque chose de Tippi Hedren dans « Pas de printemps pour Marnie ».
La pluie accentue cette impression.
Je regarde encore un instant le balancement de ses hanches.
Qu’il est tentant…
Tant pis, je serai trempé mais c’est trop tentant je ne sais pas encore comment je vais faire mais je sens que cette fois ci, c’est elle.
Je ramasse mes clefs et me précipite.
C’est elle, ce sera elle.
La dernière, la vraie, la seule, j’en suis sûr.

dimanche, 20 mars 2016

Aujourd’hui, je ne fais pas le devoir de Lakevio.

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C’est en lisant une remarque d’une blogueuse qui passa au métro Anvers pour faire ce que fait souvent une autre blogueuse : Aller au Marché Saint-Pierre acheter de quoi coudre que m’est revenu quelque chose.
Ma mère m’y traînait aussi quand les blouses de mes sœurs avaient été retournées si souvent qu’elles tombaient en ruines.
En réalité, c'est quand mes sœurs commençaient à faire un peu trop souvent le faux mouvement qui arrachait une manche ou quand la perte d’un bouton occasionnait un tel accroc qu’il était urgent de faire quelque chose.
Ma mère donc, m’y traînait pour diverses raisons dont deux sont avérées.
La première était que pendant qu’elle me tenait par la main je ne faisais pas de bêtises.
La seconde était que je n’étais intéressé que par des choses dont nous savions elle et moi qu’il était hors de question qu’elle me les achetât.
Genre un vieux poste de radio, un autre « Petit chimiste » ou un vieux moteur électrique chez un réparateur de machines à coudre.
Le quartier, dès qu’on avait dépassé la place du Delta, lui semblait du dernier chic.
Tout semblait à ma mère « du dernier chic » dès qu’on n’y voyait presque plus « d’Arabes ».
Elle allait donc assez volontiers, quand il faisait beau et que l’envie, chez elle assez rare, de sortir la prenait, chercher du tissu au Marché Saint-Pierre.
Mieux, il lui arrivait même de se promener certains de ces dimanches avec nous et mon père.
Immanquablement, nous remontions les boulevards Ornano et Barbès, traversions le boulevard en arrivant au « Louxor Pathé » et allions en direction du Trianon.
Ces dimanches là, c’était parfait.
Au cas où une femme en mal d’enfant m’aurait enlevé, ma mère me tenait solidement tandis que mon père tenait ma sœur cadette et que ma grande sœur tentait de retenir la benjamine, toujours prompte à la fuite.
Un de ces dimanches, mon père décida de dérider ma mère, ce qui était une entreprise hasardeuse.
Elle en était encore à la détestation des « Arabes », pas encore à celle de « ces Noirs » qui la prendrait plus tard.
Ces derniers ne la dérangeaient donc pas outre mesure, d’autant qu’il y en avait peu dans notre quartier.
Ils venaient souvent le dimanche faire quelques achats sur le trottoir entre le métro Barbès-Rochechouart et la rue de Clignancourt.
Je me rappelle que ce dimanche là, mon père, qui avait selon le mot de Lakevio « le regard balayant » s’arrêta et dit à ma mère « regarde celui-là, ma poule ».
Un Noir grand comme un basketteur et épais comme un sandwich SNCF, choisissait un pantalon. Il en saisissait un, regardait où il tombait, en choisissait un autre.
Mon père dit :
- Tu vas voir, il va en vouloir deux et prendre le plus long.
- Mais non voyons !
- Si si, si les deux sont au même prix, il ne va prendre que le plus grand.
Il a eu raison.
Il n’aurait peut-être pas dû ajouter :
- C’est normal, ils reviennent de vacances…
- Et comment tu le sais ?
- Ben, ils sont bronzés et n’ont plus de sous !
- Rhooo ! Lemmy ! Ces pauvres gens tu exagères !
Elle ne pouvait s’empêcher d’ajouter
- Ce ne sont pas des Arabes quand même !

vendredi, 18 mars 2016

Voyage en terre inconnue.

On nous avait fait l’article pour un magasin, mon fils et quelqu’un d’autre sans compter les caddies qui empêchent de monter dans le bus tellement qu’y en a.
Un magasin paraît-il super-extra-midable pour les produits frais.
Avec des prix à coller une attaque à l’habitué de Monop’ tellement qu’y sont bas.
On a donc pris le bus pour aller dans une contrée au-delà de la Seine.
Pour tout dire, on a même changé de département.
Un département que c’est quasiment la province.
La province, c’est la banlieue de la banlieue…
On est arrivé dans un coin qui m’a rappelé mes jeunes années.
Le genre de coin qui fait dire à Ettore Scola « Le Christ s’est arrêté à éboulis. »
Le bled que tas par moment limpression que la deuxième guerre ne sest pas arrêtée il y a soixante dix ans mais il y a une semaine.
A peine descendu du bus, la lumière de mes jours à repéré un « Bar Café Tabac Presse » et m’a dit :
- Minou, tu vas me prendre Télérama ? S’il te plaît Minou…
Je ne résiste jamais quand c’est demandé comme ça.
J’ai eu l’impression qu’elle craignait d’entrer dans « un bistrot de voyous ».
J’ai donc obtempéré.
Si la clientèle était effectivement arabe –oui, je sait, on dit « d’origine magrébine »- le tenancier était lui issu de la blanche Cathay.
Quand j’ai demandé :
- Vous avez Télérama, s’il vous plaît ?
Il m’a semblé qu’en fait ils étaient tous de la Lune ou de Mars…
Le tenancier m’a regardé d’un air de dire « mais c’est pas une pharmacie, ici, mon gars ! »
Je suis donc ressorti, ai tendu le bras à Heure-Bleue et nous sommes repartis vers la contrée des produits frais de Cocagne.
Ça a commencé moyennement bien.
Si le temps était printanier à l’extérieur, il était polaire à l’intérieur.
Voyez vous, lectrices chéries, c’est le genre de boutique inverse du Monop’.
Au Monop’ tu entres froid, tu ressors chaud et interdit bancaire.
Là, tu entres chaud, tu ressors froid et ils ne prennent pas les chèques…
Bref, tu viens chercher des tomates, tu sors avec une pneumonie.
Après avoir parcouru des kilomètres d’allées dans un climat sibérien, on a vu que les prix étaient effectivement plus bas qu’ailleurs.
Et pour cause. Je m’étonne qu’ils vendent aux particuliers.
Si tu veux des ailes de poulets, c’est au minimum le carton de quarante-huit ailes.
Quoi que tu veuilles, c’est pour une famille genre ma grand’mère.
Elle avait fait neuf gosses dont ma mère.
Le directeur doit être chinois car on y trouve même du lard halal…
Bref, ce fut un voyage en terre inconnue, quasiment exotique.
La lumière de mes jours, habituée à ses coins de bourges, se demande encore si elle n’aurait pas dû se faire vacciner avant d’aller chercher nos courgettes…
Mais la promenade nous a bien plu quand même…