vendredi, 21 juin 2019
On a eu docteur.
Hier « on avait médecin », comme d’autres « ont piscine ».
D’après lui, ça va…
Sauf, comme d’habitude, la tension.
Comme on a toujours le temps d’arriver, on traîne.
Comme on traîne, on attrape le bus au vol et on fait au pas de course les onze cents mètres qui séparent la station du 29 du cabinet du médecin.
Ça ne va pas sans dommages sur la mesure de la tension.
D’autant que ce fourbe s’ingénie à prolonger la conversation pendant que le brassard nous comprime le bras.
Il conclut finalement que « l’effet blouse blanche » et notre course à pied en sont responsables.
Nous sommes repartis, d’un pas plus léger mais surtout plus lent vers la place de la République.
Nous avons regardé le monde autour de nous.
Il était chouette même si Heure-Bleue trouvait une fois qu’il faisait chaud, cent mètres plus loin qu’il faisait lourd, trois cents mètres après qu’il faisait chaud.
La place de la République était en pleins préparatifs de la Fête de la Musique.
Des basses allaient à coup sûr faire s’effondrer la place sur la station de métro en dessous.
Nous sommes passés devant six mille bistrots au bas mot dont aucun ne trouvait grâce aux yeux de la lumière de mes jours.
Depuis que nous étions sortis du cabinet elle voulait boire un café, puis non.
Nous sommes finalement arrivés à l’arrêt du 20, le bus qui nous mène à l’Opéra où nous prenons le 95.
L’affichage, comme d’habitude, nous disait qu’une ligne de RER voyait son « trafic perturbé par un accident grave de voyageur » mais ne donnait pas le temps d’attente pour le prochain bus.
J’ai regardé le panneau qui donne les horaires censément normaux de la ligne.
Là, j’ai vu écrit au marqueur indélébile en gros caractères étranges « C’était mieux avant ! »
Je me suis tourné vers Heure-Bleue, assise sur le banc, et lui ai dit :
- Quelqu’un a écrit sur la vitre « c’était mieux avant ! »
- Pff… Sans doute un vieux con…
A-t-elle dit sans prendre garde au vieux assis à côté d’elle…
- Non, vu la façon dont c’est écrit, je dirais que c’est un jeune.
- Ah ? Il y avait des fautes ?
Ça nous a fait rire.
C’est bien le signe qui ne trompe pas, celui qui montre que si notre confiance dans l’Éducation Nationale s’étiole nous ne sommes pas encore sur la pente glissante qui mène vers la tombe en passant pas le stade vieux réac…
09:57 | Commentaires (10)
jeudi, 20 juin 2019
Les Calment ça énerve parfois…
Je sais, Mab, je sais…
C’est encore Adrienne qui me rappelle quelque chose ce matin.
Adrienne avait, il y a peu, une voisine qu’elle semblait apprécier.
Hélas, la voisine est morte.
La voisine avait perdu la boule et avait été mise dans une maison de retraite.
J’ai donc encore constaté que le proverbe qui dit « On ne change pas les vieilles plantes de pot.» s’avère régulièrement.
Alzheimer ou pas, prendre une vieille personne dans son milieu et la mettre dans un mouroir, c’est la tuer.
Toutes celles que j’ai connues assez vieilles pour y aller n’y ont pas survécu longtemps.
Oui, lectrices chéries, je me suis cantonné à « celles » car «ceux » ne vivent pas assez longtemps statistiquement pour aller y mourir...
Erreur, j’en ai connu un : Mon beau-père.
Il a passé plusieurs années dans un de ces mouroirs, occupé à prendre soin de son voisin de piaule.
Il est tombé en dépression quand ce dernier est mort.
Sinon, je n’ai pu que constater ce fait calamiteux : Ne pas pouvoir s’occuper soi-même de maintenir chez eux les vieux, c’est les condamner à mort.
Ma mère, par exemple, qui contrairement à la voisine d’Adrienne n’était pas « pleine de tact » et dont les aides ménagères n’auraient jamais dit « elle est gentille », n’a pas tenu trois mois dans ce mouroir alors qu’elle avait tenu plus de quarante ans avec mon père.
Ouaip ! Trois mois dans ce mouroir où ma sœur cadette allait la voir quasiment chaque jour.
Une seule semble tenir le coup, Léontine, l’amatrice de champagne, celle qu’on allait voir et qui finissait, de « coupette » en « coupette » avec un sévère coup dans le nez.
Elle est née en 1925 et semble oubliée par le temps.
Elle avait commencé à avoir peur de sortir après qu’on l’eut opérée d’un genou.
Elle avait mal au genou et sortait boire une bière avec son amie ou bien nous l’emmenions au café « siroter un petit demi ».
Rentrée de l’hôpital, ce fut fini, elle s’étiola, tomba et finit à l’hôpital.
Où, vu l’exigüité du placard où on l’avait collée la fit rechuter.
Sa fille finit par la placer dans une maison de retraite.
J’ai appelé Léontine en avril pour lui souhaiter son anniversaire.
Elle met quelques minutes à me reconnaître mais y parvient toujours.
En fait elle ne perd pas la mémoire, elle est seulement « dure de la feuille »…
Heure-Bleue remarque que Léontine a toujours plus facilement reconnu les hommes que les femmes…
Cela dit, Léontine est la seule vieille plante que je connaisse qu’on a pu changer de pot sans qu’elle meure en quelques mois…
10:18 | Commentaires (13)
mercredi, 19 juin 2019
Rio Montmartro...
J’ai peur.
Vous savez, bien sûr que vous savez, que je vis avec « une fille qui a trop chaud ».
Hier, déjà elle aurait mordu les mômes qui faisaient du bruit dans la rue…
Elle est allée jusqu’à admettre qu’elle était d’une humeur de dogue à cause de la chaleur.
Je me demande pourquoi car le thermomètre de la pharmacie indiquait paraît-il 36°C.
Autant dire une température raisonnable pour un début d’été.
Nous sommes tout de même, contraints par la vacuité du frigo, allés faire quelques courses.
En revenant, la lumière de mes jours a mis ses lunettes de soleil pour prendre le morceau de la rue Lamarck qui mène chez nous car le soleil éclaire violemment la rue qui est orientée plein Ouest.
Las… Ces lunettes de soleil ont des verres si efficaces qu’elle voit tout en noir au point qu’elle ne voit plus vraiment ce qui se passe autour d’elle.
Une maîtresse d’école ramenait des gamins vers l’école.
Les gamins supportent bien la chaleur.
Eux…
Heure-Bleue, non.
Elle a émis l’hypothèse qu’il serait peut-être intéressant de stériliser tout le monde, il y aurait moins de bruit.
Tuer les enfants par ce temps là ne lui semble pas plus dérangeant que ça…
L’idée que les gosses n’ont pas forcément envie de voir si tôt l’autre côté des fleurs ne l’effleure pas dès que la température dépasse 22°C.
Alors, hier soir, à l’heure du coucher, tandis que j’avais mis les gouttes dans les yeux magnifiques de la lumière de mes jours, je me suis couché.
À son côté.
J’ai pris mes lunettes, mon livre et ai commencé « la danse du soir », celle qui me pousse à me rapprocher d’Heure-Bleue.
J’ai senti un souffle énervé alors j’ai tourné la tête.
J’ai eu peur qu’elle ne me frappe.
Je me suis éloigné d’elle et ai repris ma lecture…
10:58 | Commentaires (4)
mardi, 18 juin 2019
Ils sont cyniques, nous sommes sinoques...
Merci Guy Bedos...
Vous savez quoi, lectrices chéries ?
Je plains de tout mon cœur les générations qui suivent la nôtre.
Je pense à mes petites-filles si le monde continue dans cette voie.
Depuis plus de vingt ans maintenant, je vois les chômeurs insultés à chaque coin de kiosque à journaux.
Quand ils ne sont pas « fainéants », ils sont « inemployables » ou « peu enclins à la mobilité ».
Quand ce ne sont pas « des escrocs qui abusent du système... »
Il y a parfois quelques périodes d’accalmie quand les affaires ont un sursaut d’activité.
Mais ça retombe rapidement dans les mêmes travers.
Il y a peu, j’ai entendu et vu dans « l’étrange lucarne » un type, économiste de son état, affirmer avec un culot d’acier que l’indemnisation du chômage était en grande partie responsable du chômage lui-même.
Bon, en un certain sens il n’a pas tort.
Un minimum de réflexion amène effectivement à comprendre que « pas d’indemnisation » entraîne « Pas de Pôle Emploi » conduisant inéluctablement à « pas de chômeurs ».
Cela dit, ce matin j’entends parler de la future dégressivité des indemnités de chômage.
Comme chaque fois, j’entends l’antienne « les chiffres montrent que quand le chômage est indemnisé, le chômeur met plus de temps à retrouver un emploi ! »
Et là, je me demande si on a affaire à des cyniques, des andouilles ou si on nous prend pour des andouilles…
Je penche pour une approche particulièrement cynique.
Je ne peux croire que les gens qui m’assènent ça ne savent pas que quand le chômage est indemnisé, on passe du temps à trouver un emploi correspondant à ses compétences, son expérience et payé sensiblement au même tarif.
Comme s’ils ne savaient pas que si les indemnisations diminuent, vous allez vous précipiter sur le premier boulot vaguement équivalent mais payé 30% de moins qui au moins vous permettra d’honorer vos échéances.
Je vais même jusqu’à penser que ça participe délibérément à cette course au « moins disant » réclamée par le MEDEF pour tous sauf eux et les investisseurs.
Je me suis fait rouler dans la farine par un discours sur les vertus de la négociation aboutissant à un consensus où les intérêts de toutes les parties sont pris en compte.
Hélas, comme à toutes les élections précédentes, on ne m’a pas livré ce qu’on m’a vendu.
Quand je vous disais qu’on a affaire à des gens particulièrement cyniques car, non seulement ils privent les gens qu’on a jeté de leur emploi car une machine le fait plus vite et sans récriminer qu’un manœuvre ou qu’un Indien le fait aussi bien qu’un chercheur en pharmacologie formé à Descartes mais dans tous les cas pour moins cher mais encore on leur explique que c’est leur faute.
Et après on entend les même se demander pourquoi le populisme gagne du terrain sans envisager un instant qu’ils en sont finalement les seuls responsables !
Nous avons affaire à des cyniques sans cervelle malgré une formation qui a coûté un œil aux contribuables que pourtant ils méprisent.
Quand a va mal finir, nos cyniques vont tomber de l’armoire en nous disant qu’on n’a rien compris, que nous sommes des imbéciles.
Mais qui n’a rien compris en réalité ? Qui est imbécile ?
Qui n’a pas remarqué que les mêmes causes entraînent les mêmes effets et que ça s’est régulièrement vérifié au cours des siècles précédents ?
09:47 | Commentaires (10)
lundi, 17 juin 2019
Vierge météo…
Hier, je suis passé lire Isabelle.
Elle parlait de la rue Labat.
Une rue de mon quartier de quand j’étais petit que j’ai souvent parcourue mais dans des limites très précises.
Avec ma grande sœur qui était bien plus grande que moi mais pas très grande quand même.
Quand on avait traversé le boulevard, on remontait la rue Hermel jusqu’à la rue Ramey.
J’adorais remonter la rue Ramey parce qu’il y avait une boutique avec le panneau magique dont je vous ai déjà parlé, ce panneau fait de milliers de petites pastilles métallisées tenues par des pointes et qui faisait comme une étoffe moirée au moindre souffle de vent.
C’était là où il y a le bonhomme avec des oreilles de lapin qu’était le panneau magique.
C’était magique et je pouvais rester de longues minutes hypnotisé par ce qui me semblait une mer verticale perpétuellement agitée de vaguelettes.
Il y avait des jours où ma grande sœur n’avait pas envie de m’attendre, planté devant la mer verticale, elle tournait avant et m’entraînait et tournait à gauche dès la rue Labat.
Celle dont parle Isabelle.
Je n’aimais pas trop parce que, avant d’atteindre la rue de Clignancourt, il y avait un endroit que je n’aimais pas, une sorte de « pensionnat pour filles mères » et les femmes que je voyais en sortir me faisaient un peu peur.
Ma grande sœur allongeait le pas et nous continuions jusqu’au boulevard Barbès.
On n’avait pas le droit d’aller au-delà parce que « c’était plein d’Arabes et de voyous »…
Mais malgré tout il y avait une boutique dans la rue, juste au coin de boulevard.
Et c’est une des photos d’Isabelle qui m’y a fait penser, la photo des « saintes vierges ».
Dans cette boutique dont je ne sais plus rien aujourd’hui, sauf que quand j’étais petit elle était déjà vieille et servait de bazar, on vendait des « saintes vierges magiques ».
C’était de petites statuettes qui donnaient une idée du temps qu’il ferait, avec une précision toute relative.
Quand la « sainte vierge » avait sa toge bleue, c’est qu’il allait faire beau, rose s’il allait pleuvoir et mauve si le temps était variable.
Ma grande sœur en a acheté une à ma mère.
Ma mère l’a posée sur le « cosy » de la chambre et cette « sainte vierge » devait dire la vérité car je ne l’ai connue que mauve.
C’est mon père qui m’a appris, fort des bulletins de la météo, que « temps variable » ça veut dire :
« On ne sait quel temps il fera mais si on sort il pleuvra… »
Pffiouuu… Tu te rends compte, Isabelle ?
C’est fou ce qu’une photo de statuettes de la Vierge prise rue Labat peut faire marcher les années à l’envers !
Je ne sais pas si ça se fabrique encore mais une chose est sûre, déjà à l’époque je trouvais ça « kitsch »…
09:47 | Commentaires (6)