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jeudi, 05 septembre 2013

Cinquante nuances de gris.

Meuh non, lectrices chéries, je ne me lance pas dans le récit scabreux. Vous savez bien que ça ne me ressemble pas.
Non, donc. Je vais vous conter par le menu le spectacle auquel nous avons assisté, Heure-Bleue, Lakevio et moi en buvant un café à l’angle de la rue qui permet à nos bandits de passer chez nous.
Nous étions donc tous trois, à deviser avant de partir au musée, assis tranquillement à la terrasse de ce restaurant tenu par un couple de Sri-Lankais adorables –surtout elle…Une vraie beauté- en buvant notre café.
Nous avions de la chance, la rentrée n’était pas encore arrivée, la circulation était faible, la rue calme et nos trublions étaient trop occupés dans le square pour nous déranger.
Au bout d’un moment malgré tout, nous fûmes tirés de nos papotages par des braillements avinés. « Embièrés » à la 8.6 pour être précis.
Le type remontait la rue d’un pas incertain.
La nuance de gris était passablement accentuée, au point que son équilibre aurait été salement compromis s’il n’avait eu l'aide de son « Youpala », en réalité une poussette pleine de ses maigres possessions.
Sa trajectoire était néanmoins « uniformément variée », comme on dit d’un mobile en cours de physique.
En effet, tenir une cannette d’une main en poussant une poussette de l’autre en ayant un méchant coup dans le nez n’est pas une mince affaire.
Ce type, un Africain dans la débine, quasiment un pléonasme dans notre coin, avait cette nuance de gris des gens en mauvaise santé.
Là où on s’est aperçu qu’il commençait à y avoir un sacré balagan dans sa matière grise, c’est quand un chien, gris lui aussi mais de poil, s’est mis à aboyer aux mollets de notre ivrogne.
Effrayé il se mit à pester puis, d’un coup il lâcha « Aaahh !!! Les chiens c’est des vaches !!! »
Même son bestiaire était devenu incertain...

 

mercredi, 04 septembre 2013

C’était bien…

Mon voisin du dessous et moi devisions hier après-midi sur la petite place qu’Heure-Bleue passerait volontiers au lance-flamme.
Le gardien nous expliquait sa jeunesse difficile et sa réussite scolaire tardive. Il n’est ni stupide ni inculte mais les temps sont difficiles et il s'accommode tant bien que mal de sa place de « garde du corps de locataire ».
Nous étions quatre ou cinq à papoter du bon vieux temps où il suffisait d’un regard noir d’adulte pour que nous nous tenions tranquille et nous mettions à parler doucement. Notre voisin du dessous était, comme moi, vaguement surpris de l’inefficacité d’un système scolaire qui lui avait pourtant permis, comme à votre serviteur adoré, grâce à quelques coups de pieds dans le cul judicieusement donnés, d’atteindre une position sociale plutôt enviée.
Au cours de notre conversation, nous en vîmes à discuter des mérites respectifs des établissements qui nous accueillirent et nous formèrent aux dures contingences de la vie d’adolescent.
Après quelques questions, histoire d’être sûr que nous n’étions pas de vulgaires loubards en quête de clients de défonce, il lâcha
- Moi, j’étais au lycée Claude Bernard…
- Ha bon ?
- Oui, c’était là qu’on a vu bâtir le Parc des Princes…
- Moi, c’était Jacques Decour.
- Ah ? Et il y avait quoi à côté, parce que nous…
Ajouta-t-il un regard rêveur dirigé vers le ciel…
- Oui ?
- Aaahhh… C’était un peu plus loin…
- Ah bon, nous il y…
- C’était le lycée Lafontaine.
-…
- Un lycée de jeunes filles, c’est là que…
C’est là que je lui ai demandé « mais vous avez quel âge ? »
- Soixante-deux ans, et vous ?
- Soixante-quatre ans. Et ?...
- Et ton lycée, à toi, il était où ?
- A deux stations de la place Clichy.
- C’était quoi à côté de Jacques Decour ?
- Ben, le lycée Jules Ferry !
- C’était un lycée de jeunes filles ? Maintenant,  c’est mixte…
- Oui, c’était ça…
L’œil rêveur il m’a dit :
- C’était bien, hein ?
- Oui, c’était bien… Ai-je conclu.
Nous sommes de la même génération, que voulez-vous…

mardi, 03 septembre 2013

Les sonos tonnent !

Ce matin, à six heures et six minutes exactement, j’ai été réveillé en sursaut.
Par ma camarade de lit.
Heure-Bleue.
Elle m’a, d’un seul coup d’un seul, fait comprendre pourquoi les sonomètres sont, de nos jours, numérisés et doté d’un affichage électroluminescent.
Avec un modèle plus ancien, il est sûr que l’aiguille de l’appareil en eût été tordue.
Oui, lectrices chéries, j’ai été tiré brutalement des bras de Morphée, non pour tomber dans ceux d’Heure-Bleue, mais par le ronflement de ma moitié !
Oui, celle qui m’affirme sans sourciller, les yeux encore clos, « je ne peux pas ronfler puisque je ne dors pas »…
Elle insiste à l’instant même « Mais je ne dormais pas ! Je persiste ! Aaaahhh Zut ! »
La femme de ma vie est un exemplaire rare de la gent féminine.
Non qu’elle soit silencieuse, elle est même prolixe.
Non qu’elle soit effacée, elle est même parfois belliqueuse.
Non qu’elle soit faible, elle résiste à tout, sauf à la tentation.
Non qu’elle soit de mauvaise foi, elle croit seulement que j’ai toujours tort.
Mais là où elle me surprend encore après plus de huit lustres de vie commune, c’est qu’elle persiste à penser être totalement à l’état de veille alors qu’elle dort du sommeil du juste.
J’en veux pour preuve le ronflement de réacteur d’un Rafale au décollage qui s’échappe d’un nez caché par ses cheveux en cafouillon perpétuel.
Pour être parfaitement honnête –si, si, ça m’arrive- mon sommeil était certainement moins profond car il durait depuis plus de sept heures, mais tout de même.
J’aurais bien tenté de stopper le vacarme d’un bisou mais le souvenir d’un réflexe nuitamment dangereux d’il y a quelques années m’a fait renoncer à cette idée.
Je me suis contenté d’une caresse sur son bras.
Ça n’a hélas attiré qu’un grommellement inintelligible.
Et ça c’est quand même étrange, venant de quelqu’un censément éveillé, non ?
La même m’assénant ensuite « Ah c’est parce que je ronflais ? Je croyais que c’était juste gentil… »
Avouez qu’elle est gonflée…

dimanche, 01 septembre 2013

Les nuits d'été.

Qui n’ont rien à voir avec Berlioz…
Je peux rassurer, plutôt tenter de rassurer, celles de mes lectrices chéries –dont « Rêver au Sud »- qui sont persuadées que nous vivons dans la banlieue d’Alep et que la prochaine vague de bombardement ou de gaz de combat va s’abattre sur votre Heure-Bleue préférée ou votre Goût adoré.
Eh bien non, contrairement à ce que tente de vous faire croire TF1 ou une Heure-Bleue sur le point de craquer, cette résidence n’est pas vraiment invivable.
Bon, Heure-Bleue qui a le sommeil facilement troublé par la chute d’une épingle sur la nappe perd facilement son sang-froid…
Cela dit, elle et moi en parlions ce matin, ce dont vous n’avez rien à cirer.
Voyons, lectrice chéries, vous ne devriez pas fermer cette fenêtre si vite, vous savez bien que je suis un spécialiste du billet sans intérêt mais parfois charmant, poursuivez donc, je vous en prie.
Nous parlions donc, Heure-Bleue et moi de notre façon de vivre cette « animation » un peu poussée dans notre résidence.
Heure-Bleue ne la supporte pas, comme vous avez pu le lire sur son blog. Il faut que je vous dise, Heure-Bleue est comme moi née à Paris, mais est d’un coin quelque peu différent de mon coin. Elle, c’est le XVIIème de la rue de Tocqueville, entre le boulevard Malesherbes et l’avenue de Villiers.
Le coin de super rupins, quoâââ…
Des endroits où, si on picole trop, c’est discrètement dans de grands salons et des verres en cristal.
Mon coin, c’était un autre genre, bien plus animé. Un coin où le quant-à-soi est inconnu, la notion même en est ignorée. Ce coin, quoiqu’en pense Heure-Bleue qui le trouve rebutant et mal famé, s’est grandement amélioré…
Rien qu’au rez-de-chaussée en bas de nos fenêtres, il y avait deux habitants, l'un au vin bas de gamme et l'autre au porto, qui assuraient, avec l’aide des gamins du quartier, l’animation vespérale du coin.
Lui, les soirs d’été qui, comme chacun sait donnent soif, avait des envies de musique qu’il satisfaisait, ses fenêtres largement ouvertes en faisant moult « canards » avec un vieux tuba. Il ne se lançait dans ses interprétations qu’à l’aide d’un sévère coup dans le nez. Les gamins, arrivaient alors et jetaient des pétards dans la bouche du tuba. Avec les résultats qu’on suppute en termes de gueulements avinés.
La voisine de rez-de-chaussée, concierge de son état, se penchait alors et lui hurlait « Naaaan ! Mais tu vas fermer ta gueule ! Ivroooogne ! » avec une articulation largement aussi pâteuse.
Du coup, l’instrumentiste rétorquai « Je suis p’têt’ soûl, moi médèèème, mais j'me soûle pas au porto, moi ! J’me soûle avec du vin à soixante francs à la tireuse, moi médèèème ! »
Ajoutez à ça un environnement très différent de ce qu’il est aujourd’hui, le périphérique n’existait pas. Là où aujourd’hui il y a un stade, la place était occupée par un camp de gitans permanent. La population était, on va dire « mélangée », constituée de transfuges momentanés de Saint-Ouen, où créchaient les « interdits de séjour » à Paris, une forte population d’Algériens venus travailler en France, des « blousons noirs » et ces fameux gitans, tous ces gens étaient parents de jeunes gens qui ne s'entendaient qu'à moitié.
Ils se rassemblaient en bandes qui réglaient leurs différentes à coups de chaîne de vélo et de coups de tournevis de 3x300 qui vous poignardaient aussi bien qu’un pic à glace mais n’étaient pas soumis à autorisation de port d’arme…
Bref, y vivre en étant protégé à coups de taloches de la tentation de devenir « un voyou de la Porte de Clignancourt » était un sport…
On voit bien là l’influence des années cinquante vers la Porte de Clignancourt sur l’acclimatation de votre Goût chéri au bordel ambiant.
On voit aussi pourquoi votre couple préféré supporte différemment l’animation des soirs d’été dans notre résidence « calme et arborée ».

 

vendredi, 30 août 2013

Il y a une femme parmi nous...

Et réciproquement...
Le commentaire de Jeanmi me remet en mémoire un souvenir de cette cinquième dont je vous ai déjà parlé et dont je rougis encore.
Ce souvenir, ajouté aux autres me fait vous avouer que, lectrices chéries, si je n’étais pas un mauvais élève, j’étais quand même un petit garçon pas très sage. Et même infernal.
Les tentatives de Jeanmi pour savoir exactement l’effet que « ça » faisait et qui le conduisirent à user de leçons particulières à prix raisonnable m’ont rappelé cette merveilleuse époque de paris stupides entre gamins. Genre « t’es pas cap’ de…»
Un matin de printemps, saison propice au réveil des sens quand on approche de l’adolescence, je sortais du lycée avec quelques camarades. Le lycée Jacques Decour disposait de trois entrées, une donnant sur le square d’Anvers, l’entrée principale donnait sur l’avenue Trudaine et la troisième sur la rue Bochart de Saron.
Cette rue Bochart de Saron avait l’immense privilège de mener directement au dancing « Le Mikado », célèbre dans le lycée car il avait vu parfois le besoin d'aller récupérer quelques « grands » partis s’initier au métier de gigolo auprès de dames mûres plutôt que bûcher l’utilisation du datif de la troisième déclinaison hellène.
Cette rue Bochart de Saron menait aussi sur le boulevard Rochechouart riche en professions libérales, notamment celles qui faisaient arpenter les trottoirs, proximité de Pigalle oblige.
Nous sortions donc du lycée et allions en direction de la rue de Steinkerque quand un copain me dit, contemplant les dames dans les encoignures de porte, « t’es pas cap de demander combien c’est et d’y aller ! »
Du haut de mes onze ans à peine, que fis-je ? Ben je dis « si ! Chuis cap’ ! »
Et nous voilà partis le long du boulevard Rochechouart, à la recherche de celle qui me ferait le moins peur. Je m’arrêtai devant une dame qui me paraissait « vieille » mais gentille, les copains m’attendant un peu plus loin, histoire de ne pas troubler l’amorce de négociations.
Je m’approchai timidement de la dame et lui dis « S’il vous plaît madame, c’est combien ? »
Je ne me souviens plus du tarif de la dame mais c’était nettement hors de mes moyens.
J’insistai néanmoins, histoire de gagner mon pari « Merci madame » car j’étais très poli à l’époque et ajoutai « Mais je n’ai que deux francs ! »
Et c’est là que je connus la peur de ma vie, et si cette dame est encore de ce monde je suis sûr qu’elle en rit encore. Elle me regarda le plus sérieusement du monde et me lâcha « Bon, c’est d’accord, je n’ai pas mangé depuis deux jours… »
Je m’enfuis vers mes copains et nous courons encore…