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mardi, 16 février 2021

FLE ou « deux broquilles d’argomuche »

Ce matin, j’ai entendu parler très vaguement et pour la première fois depuis longtemps de « costaud des Batignolles ».
Pas de « voyou de Saint-Ouen » comme il était courant il y a… Tout ça… Quand on parleit plutôt de « marlous ».
Il m’est alors revenu une conversation à laquelle j’assistais dans l’entreprise où je travaillais.
Un jeune homme venait d’arriver, il est devenu un ami avec qui je correspond encore de temps à autre.
Nous nous sommes croisés au mois de novembre 1973.
J’avais quant à moi commencé à travailler au mois de juillet 1973.
Lui, bien que plus jeune que moi de quelques années, avait déjà « roulé sa bosse » depuis l’âge de quatorze ans.
Il était né et habitait Saint-Ouen.
Il n’était pas un voyou quoique par moment, il avait de la morale une conception plutôt élastique.
Mais ce qui me plaisait le plus chez lui, c’était son langage.
Il usait d’un langage fleuri, appris dans les rues de son quartier.
Pour moi qui disait « merde ! » deux fois par an, ça me paraissait extraordinairement riche et imagé.
Ça donnait parfois à ses phrases un côté étrange, il me fallait une traduction pour suivre la conversation.
C’est ainsi qu’un jour, lui et un autre ayant eu la même formation dite « l’école de rue » conversaient.
Mon copain avait vu à la télévision un documentaire sur la vente des « Yearlings » à Deauville.
Ça avait mal commencé pour moi.
La retranscription n’est pas verbatim mais l’essentiel y est.
Mon copain a dit à l’autre :
- T’as vu le truc sur les canassons ?
- Non… Quoi comme canassons ?
- Les beaux, pas les haridelles de la cambrousse, ceux des courtines.
- Les courses comme à Auteuil ?
- Ouais, celles où le gnasse claque son chômedu.
Ça commençait mal pour moi.
J’avais du mal à suivre.
Mon pote a repris :
- Tu sais que c’est vachement marle un canasson de courtines ?
- Un peu, c’est finaud des arpions ces bestiaux.
- Ouais…
Il a réfléchi à la meilleure façon de traduire sa pensée et a conclu :
- Quand tu les mates en train de guincher, t’as toujours les jetons qu’ils se pètent une guitare…
Là, j’ai finalement demandé « Mais ça veut dire quoi ? Je ne comprends rien à ce que vous racontez ! »
Ils m’ont traduit.
J’ai tout compris.
J’ai même fini par apprendre leur langage.
Et c’est la que j’ai compris le vrai sens de « prof de FLE », le professeur de « Français Langue Étrangère ».
Et ça me fait penser à Adrienne qui n’a pas dû rigoler tous les jours selon les endroits où elle a entendu parler français…

 

lundi, 15 février 2021

Devoir de Lakevio du Goût N° 68

Devoir de Lakevio du Gout_68.jpg

Cette toile de Pissaro vous inspire-t-elle ?
Je l’espère…
Le mieux serait que vous commençassiez ce devoir par :

« Il semble que ce qui vous pousse brusquement à la fugue, ce soit un jour de froid et de grisaille qui vous rend encore plus vive la solitude et vous fait sentir encore plus fort qu’un étau se resserre. »

Et que vous le terminassiez par :

« Je vais laisser cette lettre en suspens… »

Ce serait vraiment bien, je vous assure.

***

Il semble que ce qui vous pousse brusquement à la fugue, ce soit un jour de froid et de grisaille qui vous rend encore plus vive la solitude et vous fait sentir encore plus fort qu’un étau se resserre. 
Et c’est ce qui vient de me frapper.
Elle se dégage de mes bras et s’en va sans un mot. Elle s’enfuit.
Et je ne comprends pas, je ne comprends rien…
Il fait froid, un étau me serre la poitrine, effet de la solitude qui m’étreint comme elle l’étreint sans doute.
Elle est partie soudain, fâchée par une parole maladroite.
Je la regarde, incapable d’un geste, tandis qu’elle marche d’un pas vif sur le Pont Neuf, le dos contracté par la peine et le ressentiment plus encore que par le froid.
Paralysé, bêtement appuyé contre le socle de la statue d’Henri IV je la regarde s’éloigner.
Je me décide à contrecœur à rentrer chez moi chez moi, triste comme un jour sans pain
Triste comme tout jour sans elle.
Le quai atteint, je suis submergé par le chagrin.
Blessé par la vague réminiscence d’instants qui se mettaient à surnager sur la mer de ma mémoire, comme les débris d’un lien qui flottaient, ballotés et sans but autre que se cogner à mon esprit, histoire de me faire souffrir plus encore.
La Seine traversée, j’ai emprunté le quai qui jouxtait le Louvre.
J’avançais avec difficulté car ce n’étaient pas les jambes qui me faisaient défaut, c’était plutôt cette sensation d’avancer difficilement, toute la poitrine pressée par une énorme pince qui m’écrasait le cœur.
Je n’ai pas prêté attention à la passerelle des Arts, pas plus qu’au pont du Carrousel.
Mon avancée malheureuse le long du fleuve me rappelait ma douleur à chaque pas, à chaque banc.
Un éclair de lucidité me ramena à une plus juste vision des choses.
Quel imbécile égoïste j’étais !
« Ma » douleur, « Ma » peine, « Mon » amour, « Ma » solitude.
Non mais quel c… !
Et elle ? Sa douleur ? Sa peine ? Sa probable sensation de perte irrémédiable ?
Qu’est-ce que je croyais ?
Qu’elle n’avait pas mal ? Que je ne l’avais pas blessée ?
J’ai pris le petit escalier et suis entré dans les Tuileries.
Après avoir trouvé une chaise à l’abri, près de l’allée de Diane, je me suis mis à penser à sa souffrance à elle et à mon comportement.
Serrant les paupières pour éviter que les larmes ne perlent, j’ai commencé à écrire dans mon esprit la lettre que je lui enverrai dès que l’encre en serait sèche.
Les mots coulaient seuls, lui redisant mon regret de l’avoir blessée, le désir que j’avais de la consoler et bien d’autres choses que je n’ose aborder habituellement.
Je me découvrais soudain un talent ignoré.
Celui de parler d’amour, moi qui n’avais jamais su en parler…
À croire que le linceul de solitude qui m’enveloppait me permettait enfin d’entrevoir l’âme des autres au lieu de me contempler stupidement.
Alors je me suis levé, ai rangé dans ma mémoire, tout ce que je venais d’y écrire.
Je le coucherai sur le papier en arrivant chez moi c’est sûr.
En attendant, espérant n’en pas perdre un mot,  
je vais laisser cette lettre en suspens… 

vendredi, 12 février 2021

Les doigts gelés...

J’ai failli écrire quelque chose hier matin.
Quand je me suis levé, histoire de n’être pas en caleçon quand le type de la chaudière arriverait, il faisait à peu près 16°C dans la maison.
J’ai ramené la pression d’eau à sa valeur normale dans la chaudière car la nuit avait vu disparaître la pression d’eau dans le circuit, d’où l’arrêt total dans la nuit…
Au plus fort de mon courage, j’ai hésité.
Allais-je passer le reste de la journée dans les toilettes ?
Il y fait à peu près tiède pour des raisons obscures et je me suis dit qu’enfermé là avec mon bouquin était une option intéressante…
Hélas, la lumière de mes jours n’est sûrement pas de cet avis.
Alors j’ai préparé son petit déjeuner, ai pris le mien et me suis « précipité très lentement » dans la salle de bains, c’est à dire avec l’idée d’y être très rapidement mais en prenant mon temps.
À l’idée de retirer le peu d’oripeaux que j’avais sur le … sur le dos, je frissonnais déjà.
Mes jambes, qui ne sont plus les merveilles musclées qu’elles étaient conservaient encore assez de poils pour qu’elles se transformassent sous l’effet du froid en une sorte de paire d’écouvillons géants, de ceux qui devaient servir à Bacchus pour nettoyer des bouteilles que je supputais gigantesques.
Nu comme ma maman m’avait fait, mais plus vieux et moins mignon, je me suis dépêché d’aller dans la chambre pour me vêtir.
J’en ai profité pour faire le lit pendant que la femme de ma vie était dans la salle de bains, évènement rare à cette heure matutinale.
Puis couvert d’une couche de coton et deux couches de cachemire, je me suis mis devant mon clavier.
Une cervelle, telle celle d’une poule devant une fourchette, encombrait mon crâne où elle ne faisait qu’assurer les fonctions réflexes comme la respiration, la digestion et en outre tenait un peu chaud à mes cheveux…
Du coup, ce matin, j’ai craint entendre le voisin frapper à la porte et me dire avec un air inquiet « alors que vous geignissiez ainsi devant la porte j’eus peur que les choses empirassent au point que la conjugaison du verbe coudre m’échappât et que je fusse incapable de dire « Mon dieu ! Il eût pourtant fallu que vous cousissiez cette tenture avant que nous nous aperçussions de son triste état ! » ce qui m’aurait fort marri ! »
Bon, je connais mon voisin et habituellement nous conversons de façon plus décontractée mais il faut bien que je vérifie de temps à autre que malgré la lecture des nouvelles telles qu’écrites sur mon navigateur, je me rappelle comment conjuguer les verbes en français.
Voilà à quoi je suis réduit les matins sans chauffage pour me réchauffer les doigts.
Mais je n’ai toujours rien à vous dire.
Pourvu que le mec du chauffage fasse le boulot !

Devoir de Lakevio du Goût No 68

Devoir de Lakevio du Gout_68.jpg

Cette toile de Pissaro vous inspire-t-elle ?
Je l’espère…
Le mieux serait que vous commençassiez ce devoir par :
« Il semble que ce qui vous pousse brusquement à la fugue, ce soit un jour de froid et de grisaille qui vous rend encore plus vive la solitude et vous fait sentir encore plus fort qu’un étau se resserre. »
Et que vous le terminassiez par :
« Je vais laisser cette lettre en suspens… »
Ce serait vraiment bien, je vous assure.

mardi, 09 février 2021

Les mots et les choses…

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Les mots et les choses…
Hier j’écoutais les informations du soir dans la cuisine en préparant le dîner.
Un instant je suis resté rêveur à écouter mon « truqueur à piles ».
Il y était question de la vague de froid qui s’abattrait incessamment sur la France.
Pire encore, sur la partie de la France où j’habite !
Je n’étais pas content et j’avais déjà froid.
L’idée d’avoir encore plus froid me poussa à avoir une pensée idiote.
Du genre « Ah ils m’ont bien eu avec leur réchauffement climatique ! »
Ça ne dura que le temps de la formuler car je ne suis pas idiot au point de confondre le climat et la température moyenne de la planète avec le temps qu’il fait dans la semaine.
Puis, d’un coup mon attention fut attirée par une de ces phrases tarabiscotées dont l’époque est friande.
J’entendis sortir du poste une voix tout à fait neutre proférer « le Plan grand froid va être activé dans le nord du pays car des risques d’hypothermie sont présents parmi la population des gens en grande précarité ».
Et là, je fus frappé.
Pour avoir entendu maintes fois l’appel de l’abbé Pierre à la radio en 1954, autrement claire, cette voix détachée parlant de façon lénifiante de risques d’hypothermie pour les SDF m’a semblée tout à fait hors de la réalité.
C’est sans doute pour éviter ce déferlement d’émotions, tout à fait irrationnelles chez l’auditeur et préjudiciable à son rythme cardiaque, que la novlangue existe.
Il est vrai que « le Plan grand froid va être activé dans le nord du pays car des risques d’hypothermie sont présents parmi la population des gens en grande précarité » est autrement sérieux et soporifique pour la population que « La vague de froid va voir mourir de froid nombre de sans-abri. ».
On ne dira jamais assez l’intérêt de procéder par périphrases et euphémismes.
Un peu comme le cambrioleur, serré par les chaussettes à clou qui donne une explication fumeuse du genre « la vitrine était cassée, m’sieur l’agent ! Alors de peur qu’on ne vole ce bijoutier, je suis entré et j’ai gardé la main sur les bijoux, vous comprenez ? »
C’est sans doute ce qui pousse les divers rédacteurs de discours officiels ou de bulletins d’information à se dire devant leur clavier « Bah ! Pourquoi user de dix mots quand un millier suffit… »
Et je me rappelle soudain que l’abbé Pierre avait aussi dit, bien des années plus tard « Gouverner, c’est d’abord loger son peuple. »
Il me semble bien qu’il n’avait pas parlé d’engraisser les agents immobiliers ou les bailleurs qui louent des galetas à des tarifs qui en paieraient l’achat