mercredi, 03 septembre 2014
Dujardin en friche.
L’ouverture de mon navigateur donne souvent lieu chez moi à un étonnement de gamin devant les trouvailles bizarres de la gent qui remplit mon écran d’écrits au fond aussi approximatif que la forme.
Si, si, je vous jure, lectrices chéries, c'est là.
Et là, justement, j’ai l’œil attiré par ce titre surprenant qui tente de me faire accroire que Jean-Dujardin aurait volé son Oscar.
La formule m’estourbit car, malgré des décennies passées avec une Heure-Bleue pas toujours pragmatique, je suis resté un cartésien averti et je me suis demandé comment on pouvait étouffer en loucedé une statuette devant des milliers de personnes qui vous ont choisi pour la qualité de votre interprétation. Et surtout comment on pouvait plagier une interprétation car si une chose est « toujours imitée mais jamais égalée » selon un slogan bien connu, c’est bien l’interprétation. Pompée, l'interprétation devient une imitation qui ne trompe que l'imitateur.
La suite de l’article fut loin de me rassurer. Il était question de plagiat par Michel Hazanavicius d’un scénario traitant d’hommage au cinéma muet. Scénario appartenant à quelqu’un d’autre.
Rien qu'à ça, on voit que la culture cinématographique chez Closer manque cruellement. Les hommages au cinéma muet ne manquant ni dans la littérature ni sur les écrans.
Mais ne soyons ni méchant ni mesquin. Surtout je ne veux pas entrer dans cette querelle que la justice tranchera.
Il me semble à moi que Closer, contrairement à ses bêtasses journaux concurrents de la presse écrite, a trouvé un filon pour se maintenir en vie de façon quasiment éternelle.
On dirait bien que ce canard WC ait mis le doigt sur une pépite qui lui assure la vente de papier pour les trois millénaires qui viennent.
Rien qu'avec les westerns, les films d'espionnage, les films policiers, les films de guerre et les « peplum ».
Vous vous rendez compte, lectrices chéries ?
Toutes ses histoires d'Indiens et de cow-boys qui s'étripent.
Toutes ces histoires de méchants d'en face - « les espions »- alors que nous, les gentils, on a juste des « agents de renseignement ».
Toutes ces histoires de bandits qui finissent, un coup en prison, un coup sous les cocotiers, un coup six pieds sous terre.
Toutes ces histoires ressassées mille fois de méchants « doryphores » vaincus par d'astucieux résistants, sans parler des généraux anglais et américains hyper connus.
Et enfin toutes ces histoires de culturistes transformés pour l'occasion en acteur pour jouer les aventures de héros plus souvent miteux que mythiques.
Tiens, Spartacus et Hercule. C'est pas des plagiats ça ? On les a vus combien de fois sous des signatures différentes ? Hein ?
Et tout ça c'est en oubliant une source profuse de plagiats absolument incontestables. Je veux parler des films pornographiques.
Ces films où le matériel de base, les décors, les accessoires et l'action sont invariables depuis la première carte postale de fesse.
Je me demande si mes parents eux-mêmes n'auraient pas, par hasard, pompé le scénario d'un film écrit, produit et réalisé par Adam et Eve...
06:41 | Commentaires (7)
mardi, 02 septembre 2014
Nevermore ? Vraiment ?
Dimanche soir, j’ai terminé un bouquin, « Le monde d’Hannah », qui relate le voyage entre l’enfance et l’âge adulte de la fille d’une famille juive immigrée de Turquie.
Famille juive qui, comme nombre de familles juives des années quarante, est dévastée par les méfaits d’Adolf . Ce livre, même s’il a sonné faux dans certains chapitres, m’a plu car il a quand même le mérite d’insister sur certains points soigneusement éludés de la période. Il m’a aussi fait revivre dans un Paris que j’ai connu car il a persisté quasiment tel quel jusqu’aux années 1960.
Au dernier chapitre, l’auteur fait dire à son héroïne un vers de Verlaine que son père lui disait souvent :
« Ah les premières fleurs, qu’elles sont parfumées ! »
Votre Goût préféré, idiot comme d’habitude mais se souvenant d’un coup du poème, dit à sa moitié lisant à son côté
- Oh la vache ! Tu te rends compte ? « Ah les premières fleurs, qu’elles sont parfumées ! » Je suis sûr que tu connais ça.
- Hhmmm… Noon…
- Mais si, c’est « Nevermore »… Verlaine…
- Ah ?
J’ai tenté :
- Oui, « Et qu’il bruit d’un murmure charmant, ce oui qui sort de lèvres bien-aimées. » clôt le poème.
- Mmmm… Non…
Quelque chose m’est alors sauté aux neurones et j’ai craint avoir fait une gaffe.
Déjà, « non », c’est pas « oui »…
J’avais seulement oublié qu’Heure-Bleue n’est pas plus branchée poésie que Merveille.
Rien qu’à lui lire cette note, je me suis fait traiter de « chieur ! »
07:55 | Commentaires (11)
lundi, 01 septembre 2014
Devant ma Dalilah, je reste sans son…
Il y a des jours comme ça…
Il y a peu, la lumière de mes jours m’avait troué le moral en m’assénant successivement ces coups de matraque :
D’abord « Maintenant tu as des cheveux de vieux Chinois... »
Puis, insistant lourdement « Même pas, les vieux Chinois ont souvent de beaux cheveux... »
Avant de m’achever d’un défintif « Ben non, finalement tu as des cheveux de... Ben des cheveux de... Ben de vieux ! »
Si , si, elle me l’avait dit là, je vous jure !.
J’avais tant bien que mal digéré ce coup bas.
Il y a trois jours, tandis que mes cheveux fraîchement lavés séchaient pendant que je fouinassais dans ma mémoire à la recherche de quelque chose à raconter à mes lectrices chéries, Heure-Bleue est passée derrière moi et a hurlé « Oh ! Mon dieu mais tu vas avoir une tonsure, mon Minou ! »
J’entrevoyais déjà dans la glace de la salle une chose étrange : Mon cou surmonté d’un énorme genou en train de se raser la barbe. Effrayé à l’idée de faire comme Valéry Giscard d’Estaing, faire une spirale censée couvrir mon crâne avec les deux cheveux restants, je pris d’avance la décision de me raser le crâne, façon Bruce Willis. Mais sans maillot de corps. Doté d’un caractère plutôt heureux, j’ai laissé tomber les supputations capillaires.
Las… Avant-hier soir encore, alors que je lisais tranquillement, la lumière de mes jours est venue s’allonger languissamment à mon côté en mettant comme d’habitude le souk dans le lit.
Elle m’a passé la main dans les cheveux. Je me suis dit « Hmmmhhh… Est-ce que… Par hasard… » mais non, elle a juste dit « Pfff… Tu avais des cheveux magnifiques, Minou, j’adorais passer la main dedans… »
J’ai posé mon bouquin et éteint la lumière pour rêver tranquillement à quoi je ressemblerais complètement chauve…
Ce matin même, alors que le soleil éclairait ma chevelure, la lumière de mes jours, allant sur le balcon et passant derrière moi me jette « Waouh Minou ! Tu as une belle chevelure argentée au soleil ! »
Si elle avait pu éviter d’ajouter « c’est bien la seule chose argentée, chez toi… » ça aurait été gentil…
13:25 | Commentaires (8)
dimanche, 31 août 2014
Les cyprès du Loing…
Comme je vous le disais il y a peu, lectrices chéries, mon père savait, en dehors de chercher des histoires à ma mère ou lui faire des enfants, des tas de choses qui intéressaient les enfants. Même nous faire rire.
Là où il était le meilleur, c’était chez les parents de ma mère qui avaient une maison du côté de Montargis. Il pouvait donner libre cours à une imagination débordante les jours où ma mère était trop occupée à papoter avec les cousins et cousines, dont celle qui avait le magasin « Presse-Épicerie-Mercerie » de la petite place où il y avait la pharmacie remplacée depuis par la Poste. Mes sœurs et moi, et surtout, surtout, mon père, en avions rapidement assez d’entendre parler de « l’oncle Marc » et des millions d’autres qui étaient morts, certains depuis des décennies. Pour ça, ma grand’mère, Berrichonne pure souche était parfaite et c’est la seule que nous écoutions. Elle nous racontait des histoires épouvantables de sa voix tremblotante et nous fichait une trouille pas possible avec ses histoires de revenants et de « meneux de loups », de mauvais sorts, des trucs de Berrichon, quoi…
J’aimais bien aussi son accent, quand elle disait à la dame en face, affligée d’un fils cavaleur sévère, « agalu don’ ton gamin ! Là-bas, en train d’bicher la chtiote fumelle derrière la cabane à l’âââne ! »
Mon père, lui nous avait appris un truc qui nous avait valu d’être interdit de séjour chez cette voisine mais je vous raconterai ça une autre fois. On était des monstres…
Mais, les jours où il décidait qu’il serait un père exemplaire, il l’était. Il nous emmenait à la pêche sur un des nombreux bras du Loing et choisissait prudemment les moins profonds, d’abord parce qu’il s’était déjà fichu dedans, ensuite pour éviter d’avoir à expliquer à ma mère qu’il avait laissé se noyer une de mes petites sœurs en me montrant quelque chose d’intéressant. Il m’apprit alors comment faire un petit moulin à eau avec seulement de petits bouts de branche et un canif. Un moulin à vent avec quatre feuilles et une brindille fichée dans un bout de bois un peu plus gros. Il nous a appris aussi, à mes sœurs et moi, que le soufre décolorait les fleurs. Il me l’a montré avec les allumettes soufrées qu’on pouvait encore acheter dans les années cinquante et une violette. J’ai appris bien plus tard en cours de chimie l’action du dioxyde de soufre sur certains pigments mais celui qui me l’a montré de la façon la plus intéressante et la plus poétique, c’est mon père.
Heure-Bleue vous dira sans doute que le côté poète de mon père ne lui a jamais semblé flagrant mais c’est seulement parce qu’elle ne l’a pas connu quand elle était petite fille. Bon, il lui disait souvent après l'avoir embrassée « Hmmm... Les rouquines, ça sent... »
Il nous a aussi appris la patience. Parfois, avant d’atteindre le « bon coin » il nous fallait marcher le long de la rive biscornue du Loing, et longtemps. Alors, chaque fois qu’une de mes sœurs ou moi lui demandions « C’est encore loin ? » il s’arrêtait nous tenait par la main et nous disait « tu vois le tournant, là-bas ? Eh bien c’est pas là, c'est après. »
Et chaque fois qu’on avait franchi un tournant, il fallait atteindre le suivant qui serait peut-être le dernier. Mais on finissait toujours par arriver.
On rentrait à la maison quand toutes les lignes était accrochées aux branches et qu’il n’en restait plus pour pêcher. Mon père était très fort pour attraper une branche d’arbre en lançant sa ligne dans l’eau car les cyprès étaient nombreux le long de la rivière…
Il se contentait de dire « Et merde ! Encore un bas de ligne ! Putains d’arbres, ils auraient pu les planter ailleurs ! »
Des fois on lui demandait où et il répondait sérieusement « Au bord des routes ! Ça arrête drôlement bien les voitures ! »
Bon, des fois, il était « relou », notamment quand il était en colère après de Gaulle.
Lui regrettait l’Algérie et ça dérapait parce que ma mère lui disait « Ah bon ! Parce que tu trouves qu’il n’y a pas assez d’Arabes ici, peut-être ! »
07:30 | Commentaires (12)
samedi, 30 août 2014
La tectonique des claques.
Comme vous le subodoriez peut-être, lectrices chéries, le couple de mes parents allait cahin-caha. Cahin quand l’un voyait bien l’autre dans le rôle d’Abel. Rôle assez bref si vous vous rappelez cette sombre histoire qui survint dans la Genèse. Caha car il était rare que tout allât bien dans un logement exigu où six personnes devaient cohabiter. Là où ça se passait le moins bien, c’était les samedis et les dimanches d’hiver. Ma mère était frileuse comme une vieille chatte. Mon père supportait mal que l’appartement « sentît la loutre » selon son expression. Ça entraînait immanquablement de nombreuses disputes que ma mère savait lancer plutôt astucieusement. Elle savait pouvoir compter sur la réflexion désagréable qui le lancerait. Elle oubliait souvent que sa réflexion permettrait à mon père de faire montre de l’humour détestable dont il savait faire preuve quand ma mère le titillait un peu trop. Ça marchait à tous les coups, elle sortait perdante de la joute et ils se disputaient jusqu’à ce que le soufflé retombe et qu’arrive l’heure de préparer le repas ou celle des informations à la radio.
Un de ces samedis de février me revient où ma mère s’était levée du pied gauche. Il faisait froid dans la maison, le poêle s’était, comme toujours, éteint vers le milieu de la nuit. Mon père, qui travaillait comme un esclave, devait encore aller faire « des heures sup’ » histoire d’allonger la dose de margarine dans les pâtes –personne n’aimait les épinards et le beurre était trop cher- et ma mère lui demanda d’allumer le poêle avant de partir.
Il aurait dû se méfier, mes sœurs et moi avions depuis longtemps remarqué que, quand notre mère était en forme, elle appelait mon père « Lemmy », quand tout semblait aller pour le mieux entre eux, elle l’appelait « Chéri » et quand elle était « mal virée » elle l’appelait « Gaby ».
C’était un jour néfaste. Il commença par :
- Gaby !
Mon père, qui la connaissait aussi bien que nous, savait que « Gaby » ça voulait dire emmerdements à brève échéance. Il en profitait parce qu’il savait aussi que quand il l’appelait « ma poule », elle détestait ça et le piétinerait volontiers.
- Oui ma poule ?
Ça ne rata pas. Profitant d’heureuses dispositions pour la chamaillerie elle jeta :
- Hoouuuu ! Je te giflerais quand tu m'appelles « ma poule » je déteste ça ! Il faut rallumer le poêle, les enfants vont attraper la crève !
Il s’y mit, froissa deux ou trois feuilles de « Paris Presse-L’intransigeant », mit une poignée de petit bois par-dessus et la séance commença :
- Fais attention en retirant le bac à cendres, Gaby ! Tu vas en mettre partout.
Silence paternel. Pas même un soupir. Il prit le bac à cendre et le versa dans la poubelle en ne soulevant qu’un peu de poussière. Je le regardais attentivement car, comme tous les petits garçons, j’aimais bien l’idée de jouer avec le feu. Il remit le bac à cendre à sa place, ouvrit la gueule du poêle, prit le seau à charbon et en versa un peu sur le petit bois.
« Aaaaattttentiooonnn !!! » Cria ma mère, « tu va tout salir !!! »
- Mais non ma poule…
- Je te connais comme si je t’avais fait ! Tu ne sais pas faire le feu !
- Ouais, ben à propos de feu, il y a des jours où je comprends le docteur Petiot…
- Justement, si tu étais docteur, on ne serait pas là, dans ce taudis.
Quand on en arrivait là, nous savions tous que ma mère avait perdu la bagarre qu’elle avait elle-même lancée. Quelques années plus tard, nous saurions même exactement quand elle lancerait la mauvaise réflexion, celle qu’attendait mon père, confiant dans le caractère routinier de ma mère.
- Si j’avais été médecin, je ne t’aurais pas croisée, ma poule…
Et il se mit à chantonner l’air de « Comment épouser un millionnaire ».
Ma mère est partie, vexée, vers le boyau qui servait de cuisine en pestant « j’aurais dû me marier avec un gendarme, au moins ils sont bien logés ! »
Puis mon père est parti travailler…
Il savait, en dehors de chercher des histoires à ma mère, faire des tas de choses qui intéressaient les enfants.
Je vous en raconterai quelques unes, si vous voulez, lectrices chéries.
07:50 | Commentaires (9)