vendredi, 22 août 2014
Le pantalon.
Une inconnue qui signa « Dé dit casse » un commentaire me demandant de raconter mes jeudis
« En galoche, bermuda et bretelles, genoux écorchés, lance pierre a la main a guetter les filles derrière les buissons »
se trompe lourdement.
Ou elle est trop jeune, ou sa mémoire lui joue des tours.
Le bermuda et le lance-pierre ne coexistent pas.
Le lance-pierre et le matage de filles derrière les buissons non plus.
Le bermuda était, à l’époque de mes jeudis, un attribut de gosse de petit bourgeois.
Le lance-pierre couchait mal avec les allées du parc Monceau.
Et quand on en était arrivé à regarder les filles, l’outil prévu n’était pas le lance-pierre…
Que je te dise, « Dé dit casse », les bermudas, je n’ai jamais porté.
Les lance-pierres, contrairement aux filles, c'est pas mon truc, .
En revanche, la culotte courte de velours côtelé, j’ai eu une longue, bien trop longue expérience de la chose. Un long martyre pour moi qui ai toujours été frileux.
Ma mère, encore elle, avait rapidement tranché entre les degrés dont j’avais besoin et les francs dont elle avait besoin.
Jusqu’à mon entrée en sixième, j’ai donc dû porter ces culottes courtes qui me couvraient, certes, mais de honte car les autres portaient des pantalons. Au moins l’hiver.
Quand je suis entré au lycée, mon père, qui ne sortait pas du même milieu que ma mère, savait bien, lui, combien il est important de paraître appartenir au milieu qu’on aborde. Il convainquit ma mère, à coups d’arguments d’abord, d’heures supplémentaires ensuite, qu’il me fallait un pantalon pour aller au lycée, ce repaire de bourgeois. Les arguments la laissèrent froide. Les heures supplémentaires ne la poussèrent qu'à remarquer que ça permettrait de mettre des sous de côté.
Mon père, qui la connaissait lança « Ma poule ! Tu ne veux pas que ton fils ait honte de ses parents ! Qu’il pense « maman ne m’aime pas » non ? »
Pour vicieux qu’il fût, l’argument porta et ma mère se rendit à ses raisons.
Sa vengeance à elle fut aussi vicieuse que l’attaque de mon père. Elle m’emmena « Au Chic Parisien », Porte de Clignancourt et, après moult essayages, jeta son dévolu sur un pantalon gris-bleu, rêche comme une brosse de chiendent, dix fois trop long et de deux tailles trop grand. Elle vérifia soigneusement à mes regards qu’il ne me plaisait pas du tout pour l’acheter quand même. Dans son esprit, elle ne devait accorder à mon père que des demi-victoires. Elle devait penser que l’avoir laissé lui faire trois enfants était largement suffisant comme victoire…
Ce pantalon, non seulement ne me plaisait pas mais, à côté de celui de mes camarades de classe qui n’étaient pourtant pas des , il me donnait un côté clochard peu seyant. Les revers en étaient quatre fois trop épais, tous ces tours auraient permis de l’allonger jusqu’à mon service militaire.
La ceinture me serrait assez pour que je ne perdisse pas mon pantalon trop large.
Ma mère s’était vengée de la maigre victoire de mon père en me transformant en clown. Elle ne manquait pas chaque soir de lui faire remarquer que « quand même, en culotte courte, il est bien plus beau ! Des pantalons, à cet âge là… »
Je ne suis pas sûr du tout que pour elle j’étais autrement élégant.
Et madrée comme elle était, elle avait soigneusement écouté mon père.
Elle n’avait acheté qu’un pantalon…
Les récréations des enfants d'une dizaine d'années étant ce qu’elles sont, pendant encore au moins un trimestre, je dus porter deux semaines sur trois, cette culotte courte en velours qui me râpait le haut des cuisses et laissait passer des courants d’air désagréables. Mon père dût encore se battre sévèrement contre l’inertie maternelle pour que je pusse enfin aller au lycée tous les jours en pantalon…
10:38 | Commentaires (12)
jeudi, 21 août 2014
Le retour du jeudi.
Ouais, je sais… Mais vous savez bien comme je suis, lectrices chéries.
Je suis aujourd’hui d’humeur plus guillerette car le soleil éclaire la pièce et que la large fenêtre donne sur les arbres, comme d’habitude, mais aussi sur un ciel dont j’avais oublié qu’il pût être aussi bleu et lumineux.
Ça vous remonte tout de suite le moral.
Ça m’inciterait à écrire autre chose qu’une longue digression sur le döner si j’avais une idée de ce que je pourrais bien vous raconter.
Mais bon, je sais que je ne suis pas le seul à ne rien dire en dix lignes tous les matins.
Hein , Mab ?
Dis moi encore que tu aimes mes titres de note.
Ça m’encourage.
Ça m'aidera à raconter quelque souvenir.
Ou une promenade dans Paris.
Ou un souvenir de promenade.
Bref, quelque chose qui te plaira.
09:45 | Commentaires (10)
mercredi, 20 août 2014
Légion döner.
Alors voilà, lectrices chéries. Il semblerait que cette affaire de döner suscite encore quelques réactions. Notamment de Brigitte, qui me précise qu’elle ne peut pas manger ce genre de chose autrement que sur une assiette car, dit-elle « sinon je ne sais pas manger élégamment ».
Que je te dise, Brigitte, il est impossible de manger un sandwich quelconque élégamment.
Que ce soit un « sec-beurre-cornichons » ou un döner.
Bon, d’accord, le döner, c’est pire.
Mais moins que la « pita-houmous-schwarma » qui, en plus te flanque des gouttelettes de houmous pleines d’huile d’olive sur le plastron pendant que tu essaies vainement de rattraper le bout de poulet qui vient de t’arriver sur le pantalon, histoire d’y laisser une autre tache…
Pour le döner, je peux néanmoins dispenser quelques lumières.
D’abord, tout d’abord, évite de faire comme Heure-Bleue qui tient absolument, malgré les objurgations de votre Goût préféré, à commencer par mordre dans cette merveille par le milieu.
Erreur ! Tragique erreur qui voit chaque fois se réaliser la prophétie de votre serviteur.
La déformation du petit pain laisse échapper de chaque côté des lèvres bien-aimées un tas de petits morceaux de veau.
Veau délicieux lui aussi mais qui sera irrémédiablement perdu.
Il finira, après avoir constellé de taches de gras le chemisier de la lumière de mes jours et un bref passage sur sa jupe, sur le sol.
Parfois, avant d’arriver per terre, un orphelin décorera tristement la chaussure d’Heure-Bleue.
Donc, Brigitte, il convient tout d’abord de faire attention et de se pencher sur son plateau. Surtout ne pas tenter d’amener à sa bouche cet échafaudage instable.
Ensuite, tourner la tête pour commencer, en ayant pris grand soin de maintenir le döner aussi parfaitement horizontal que possible, de commencer à mordre dedans PAR-UN-BOUT !
Et continuer, un peu comme si tu faisais un zig-zag vertical, de façon à conserver un flanc aussi droit que possible.
Reste un dernier piège, hélas.
Oui, Brigitte, tu n’échapperas pas à la rondelle d’oignon, vicieusement planquée qui, accrochée à tes dents lors d’une morsure enthousiaste, entraînera la moitié du reste de viande.
C’est là que le conseil de se pencher vers le plateau prend tout son intérêt.
Tu pourras récupérer, avec les doigts certes, le veau qui te narguera sur le plateau.
Mais pense une seconde à ce qui serait arrivé si, dans un souci d’élégance masticatoire, tu avais alors amené le döner jusqu’à ta bouche. Bien droite sur ta chaise comme ta maman te l’a seriné toute ton enfance.
Et imagine l’effet de l’avalanche de petits bouts de veau délicieux que non seulement tu ne pourrais pas déguster mais qui, vicieusement, auraient pourri et tes habits et une journée qui s’annonçait si belle.
Et ne me cherchez pas d'histoires car celui qui serait capable d'avancer des arguments irréfutables pour que j''écrive « aurait pourri » plutôt que « auraient pourri » est prié de se faire connaître...
12:52 | Commentaires (8)
mardi, 19 août 2014
Tant qu'on n'a pas tout döner, on n'a rien döner. Signé J.C.
Il semblerait que certaines de mes lectrices chéries ne sachent pas ce qu’est un « döner ».
Ça pourrait évidemment commencer comme ça :
Bon, selon mes maigres rudiments de la langue de Goethe, ça donne à peu près ça mais les germanophones corrigeront mes erreurs :
« Suffit d’assaisonner plus, comme ça on ne sent pas le goût de vieux… »
Mais ne vous affolez pas, lectrices chéries, ce n’est pas courant. Le Turc est souvent de solide constitution. Ça ne le met pas forcément à l’abri d’une gastro mais ça incite le mastroquet à la prudence.
On ne sait jamais, n’est-ce pas, ce qui sort des chantiers ou ateliers alentour.
Tenter de fourguer du döner pas frais à un Kurde fort comme un Turc est risqué.
Surtout s’il a le caractère ombrageux du peshmerga exilé, population courante dans cette partie du Xème à la frontière du IXème…
En réalité, lectrices chéries, le vrai döner ressemble à ça.
Et dites vous que ce que vous connaissez sous le nom de « kebab » n’est qu’une mauvaise copie du döner, ce sandwich qui a permis de préserver une paix, fraîche, certes mais durable, en Allemagne, entre le Mamelouk et le Reître.
Et je ne le prends jamais avec les frites.
Juste piquant.
Un peu de tomate pour le goût.
Un peu d’oignon pour l’haleine.
17:19 | Commentaires (6)
lundi, 18 août 2014
Jamais le dimanche…
Dimanche, je suis allé traîner seul à Paris.
Plus précisément Porte Saint Denis. Pour y déjeuner d’un döner largement arrosé de « Château La Pompe ».
Je confirme, les döner turcs sont les meilleurs. Et celui du 9 rue du Faubourg Saint Denis est le meilleur des döner turcs.
Le döner turc a un net avantage sur le döner rebeu. Il est fait avec du veau, pas avec de la dinde bas de gamme. Le commerçant turc est sûrement aussi attaché à sa marge que le commerçant rebeu ou gaulois mais il tient beaucoup à ce que sa gargote ne soit pas dévastée par des hordes d’ouvriers turcs déçus de voir le mastroquet plus séduit pas une baisse des coûts que par la satisfaction de sa clientèle.
J’ai donc déjeuné de ce délicieux döner et je suis sorti avec l’idée de boire un café.
Ça s’est mal passé. Le boulevard de Bonne nouvelle était peu animé. La plupart des cafés étaient fermés. Alors, quand j’ai dépassé la Poste, j’ai pris à droite car je me suis rappelé un café de la rue d’Hauteville qui était ouvert le dimanche.
J’ai descendu la rue d’Hauteville jusqu’au-delà de l’endroit où ce café se trouvait. Presque jusqu’à la rue Lafayette.
Et là, lectrices chéries, le temps m’a roulé dessus sans faire gaffe et m’a écrasé.
Il y a une grande différence entre les dimanches d’il y a longtemps et les dimanches de maintenant, lectrices chéries. Dans les dimanches de maintenant, les cafés ont fermé. Et pas qu’eux. Je suis remonté jusqu’au 83 de la rue d’Hauteville, juste après la caserne de la gendarmerie.
Tout fout le camp.
Il y avait dans cette rue une densité incroyable de fourreurs.
Il n’en reste qu’une poignée, remplacés qu’ils furent tous, en à peine cinquante ans, par de vagues boutiques de « retouches cuirs et peaux », des pizzerias et s’il reste un ou deux fourreurs, ils semblent dans une débine noire.
Le café que je visais était donc fermé, remplacé par un bistrot vaguement branchouille. L’auvergnat qui le tenait est probablement parti nourrir les vers à Saint Chély d’Apcher…
Déçu, je suis descendu jusqu’à la rue des Petites Ecuries que j’ai parcourue jusqu’à ce qu’elle croise la rue du Faubourg Poissonnière que j’ai descendue jusqu’à Bonne Nouvelle. Les bistrots n’ayant toujours pas ouvert, j’ai continué jusqu’à Sentier par où j’étais arrivé. Là, je n’ai pas continué vers la Seine parce que le temps était si gris et triste que j’ai craint un moment être tenté de me jeter dedans pour égayer un peu la journée…
Mais bon, j’ai eu de la chance. Il n’a pas plu. Alors j’ai pris la rue Réaumur et celle du Quatre Septembre jusqu’à la Place de l’Opéra. Peu d’animation, là non plus. J’ai été content d’arriver à Saint Lazare…
09:52 | Commentaires (9)