mercredi, 06 août 2014
Mallarmé pour la journée.
Je ne vous avais pas dit, lectrices chéries, que la dernière fois que je suis allé à une brocante dans mon coin, avec Heure-Bleue et les enfants, j’avais acheté un vieux bouquin pour cinquante cents ?
Non ?
Eh bien si ! J’avais acheté ce livre de poche, vieux de près de vingt ans et écrit par un type mort il y a plus de cent ans parce qu’il correspond tout à fait à ce que j’aime parfois : Un livre qu’on peut prendre sur un mouvement d’humeur, en lire trois pages ou dix lignes et le reposer jusqu’au prochain moment où le besoin s’en fera sentir.
Ce livre de poche est posé sur l’enceinte acoustique qui trône à côté de la table de mon PC.
Cette table est toujours en b…azar, encombrée qu’elle est de ma montre que je ne mets pas souvent, de mon téléphone que j’oublie tout le temps, d’un petit pot de tôle peinte en rose, laid comme une phrase de Nadine Morano et dans lequel je mets mes stylos, gomme et autres agrafes.
Revenons à ce bouquin.
Je ne le lis pas continûment, je ne l’emmène pas non plus là où le Roi va tout seul, contrairement au roman que je suis en train de lire.
Non, rien de tout ça. Je l’ouvre quand je bois mon café, assis devant un écran que je ne lis pas, à côté de la fenêtre ouverte. Dans le calme d’un matin à peine troublé par le passage d’un train où les pépiements des piafs bien heureux de constater qu’il fait jour.
Heure-Bleue dort encore, son petit déjeuner est prêt. J’ai même l’impression que la paix règne sur le monde, c’est dire.
Il est vrai que le sommeil de la lumière de mes jours atténue grandement le tumulte du monde…
Et ce matin, donc, comme un matin tous les deux ou trois matins, j’ouvre ce bouquin, dont je suis sûr qu’Heure-Bleue ne me le volera pas, et j’en lis quelques lignes.
Ces premiers mots déjà me plaisent :
De frigides rose pour vivre
Toutes la même interrompront
Avec un blanc calice prompt
Votre souffle devenu givre
A la fin de la quatrième strophe, je referme le livre. Je n’ai pas besoin de marque-page.
Je le repose sur l’enceinte acoustique et le reprendrai dans deux ou trois jours.
Je l’ouvrirai au hasard et trouverai bien quelque chose pour charmer mon matin.
J’ai toujours trouvé ça plus intéressant que les résultats du foot. En plus il ne me faut même pas bouger pour voyager. Et je peux rêver sans dormir.
Et on peut dire ce qu'on veut de lui, mais Mallarmé, c'était quand même un type qui savait regarder les femmes...
Le champion du monde du vers au sens ambigu.
Théophile Gautier était nettement plus direct.
Oui, lectrices chéries, je sais. Ne dites rien...
07:45 | Commentaires (11)
mardi, 05 août 2014
Ma meilleure plus mauvaise journée.
C’est fou comme une journée où tous les projets ont tourné de travers peut être au bout du compte réussie.
La lumière de mes jours et son mari préféré avaient décidé d’aller déjeuner au Carreau du Temple dans un café censément ouvert.
Il était évidemment fermé jusqu’au 24 août… Alors nous avons descendu la rue des Archives en direction de la Seine. La faim nous tenaillait très sérieusement quand nous avons atteint le BHV. Nous avons décidé d’y déjeuner. Mal nous en prit.
Notre cafeteria a quasiment disparu. Nous sommes donc allés à la cantine japonaise de l’étage. C’est l’été, le personnel qualifié est en vacances, le cuisinier remplaçant peu au fait de ce que mange le Japonais. Tout cela conduit à un déjeuner médiocre mais heureusement animé par un accueil charmant. On nous a gratifiés d’une charmante saynète où deux femmes particulièrement mal élevées, tenant de grands cafés et des petites saletés à grignoter, sont allées s’asseoir à une table du restaurant. La serveuse, une jeune fille fort aimable, leur ayant expliqué civilement qu’elles ne pouvaient pas consommer au restaurant des choses achetées au café voisin se vit gratifiée d’un élégant « va te faire foutre connasse ! » Le pugilat fut évité de justesse…
Après avoir acheté deux bouquins, nous sommes allés prendre un café à « l’Ébouillanté ».
Heure-Bleue eut la malencontreuse idée de prendre une « café grec »
Je ne sais pas si les Grecs aiment vraiment ça. Si oui, ça explique leur situation désastreuse. A le voir on se demande si ça n’a pas déjà été mangé.
Après l’avoir goûté j’en suis sûr…
D’ailleurs ça a dû faire le même effet à Heure-Bleue car elle l’a laissé.
Nous étions bien, au calme. Hélas, là aussi, une cliente mal lunée s’en prit à la serveuse. Une jeune Italienne adorable, dotée d’un sourire à acculer à la faillite tous les dentistes du coin, aussi bien fichue de face que de dos et de profil, avec qui nous avons conversé un moment.
Nous sommes retournés vers les Arts et Métiers prendre le bus. Heure-Bleue et moi avons convenu, mauvaises langues que nous sommes, que si la grossièreté peut être acceptable, il semblerait que la vulgarité soit innée. Ou inculquée dès la prime enfance.
Une fois rentrés, nous avons sacrifié à notre monomanie du moment, la salade.
Heure-Bleue, qui sait être gentille, très gentille –parfois très très très gentille- a sacrifié son envie de regarder « Castle » pour que je puisse regarder « Le genou de Claire ». Je n’ai pas regardé le second film, « Ma nuit chez Maud », c’eût été péché…
J’ai beau avoir vu l’un, l’autre et les autres plusieurs fois, je n’y résiste pas.
J’attends la diffusion de « L’amour l’après-midi » avec impatience.
10:14 | Commentaires (13)
lundi, 04 août 2014
Le passé simple ? Pas vraiment…
Heure-Bleue et moi dînions paisiblement quand nous nous sommes posé une question cruciale.
Qu’allions nous regarder hier soir ?
Nous avions vu « Le goût des autres » plusieurs fois.
« Le viager » encore plus souvent, quand ce n’était pas chez nous, c’était chez les parents ou chez nos sœurs.
J’avais, bien entendu repéré « Diabolo Menthe » que nous avions déjà vu et aimé, Heure-Bleue et moi.
J’aimais bien ce film de Diane Kurys qui peignait si bien l’ambiance du début des années soixante.
Je l’aimais bien aussi parce qu’il m’avait donné à voir à quoi ressemblait l’intérieur de ce lycée Jules Ferry dont je ne connaissais que l’extérieur.
Un moment, entre deux bouchées et deux commémorations de la guerre de 14-18, Heure-Bleue lâcha :
- Diabolo Menthe ? On l’a vu mais c’est chouette.
- Hon hon… Ça me dit assez, je vote pour « Diabolo Menthe »…
D’un coup, la lumière de mes jours me jette :
- Je suis sûr que tu vas penser à Dulcinée.
- Mais non, ça fait longtemps quand même…
- Mmmouais… Ne commence pas à penser à Dulcinée, hein !
- Mais non, attends…
- De toute façon, je le saurais. Si tu prends ton air niais, je le verrais.
- Voyons, j’aime bien ce film mais quand même…
Sur ce coup là, Heure-Bleue a eu tort. Si elle n’en avait pas parlé, je n’aurais jamais pensé à Dulcinée. Je n’y ai d’ailleurs pas pensé. Nous avons été trop occupés à remarquer que le temps avait embelli les souvenirs de Diane Kurys. Je n’avais jamais mangé à la cantine d’un lycée de filles mais Heure-Bleue si. Et l’idée de nappes à carreaux rouge et blanc sur des tables de cantine de lycée en 1963 nous a bien fait rire.
En revanche je n’ai pas été d’accord avec Heure-Bleue à propos du récit de la manif de Charonne fait par une élève.
Heure-Bleue a prétendu que nous – entendez « notre génération »- n’étions pas assez politisés à cet âge là pour que la jeune fille pût faire un tel récit.
Pour me rappeler certains récits faits par des cadors de ma classe, je sais qu’il y a des jeunes gens capables de ça. Et ça, ça marque.
10:22 | Commentaires (13)
dimanche, 03 août 2014
Ce siècle avait deux ans.
Paris remplaçait Nice
Déjà Le-gout-des-autres perçait sous Patrice…
Et la note d’Heure-Bleue me remet en mémoire
D’école maternelle cette terrible histoire.
Bon, d’accord, le siècle avait plus. C’était en octobre 1952.
Le conflit israélo-palestinien, lui, avait à peine quatre ans.
Sans le savoir et elle non plus, j’allais passer dans le camp des partisans de « l’union mixte »…
Au grand dam de ma mère si elle l’avait seulement soupçonné. Déjà une autre qu’elle, une étrangère en plus…
Je vous ai déjà parlé de cet épisode mais je me dois d’y revenir.
Une autre fois, je vous parlerai de mesdames C. et Ch. ayant été le préféré de la première, la seconde ayant eu l’idée malencontreuse de faire remarquer à ma mère que je n’étais pas tout à fait normal.
Avec cette rentrée à l’école maternelle, j’arrivais enfin en un lieu où j’avais un peu plus de place qu’à la maison.
Et surtout, oui surtout, il y avait d’autres enfants que ma grande sœur et mes deux petites sœurs.
Mes parents, ma grande sœur et mes deux petites sœurs, une très brune, une très blonde et une châtain clair avaient, comme moi, des yeux très sombres.
J’ignorais totalement que la couleur des yeux pouvait être différente du marron foncé que je voyais tous les jours, tant dehors qu’à la maison.
Oui, dans la rue où nous habitions, près de cette Porte de Clignancourt qui sera un repoussoir et dont la population restera l’exemple de ce qu’il ne faut surtout pas devenir selon mes parents, il n’y avait pratiquement que des Algériens et pas de Kabyles. Quant à des blonds, autant n’y pas songer…
Dès mon arrivée à l’école je me vis assigner par la maîtresse une place à côté d’une petite fille. Elle s’appelait Malika et je ne pouvais détacher mon regard de son visage.
C’était la première fois que je voyais des yeux autres que des yeux bruns et les siens me semblaient extraordinaires.
Ils étaient bleus !
Je les trouvais magnifiques et les regardais à la moindre occasion tant ils me semblaient beaux.
Bien plus beaux que ceux de mes sœurs ou les miens. Ils me paraissaient même plus beaux que ceux de ma mère ! C’est dire à quel point j’étais impressionné.
Ce qui me paraissait une particularité aussi rare que merveilleuse entraîna chez moi un bouleversement qui me plongea dans un abîme de perplexité. C’était la première fois que je me surprenais à aimer quelqu’un qui n’était pas de mes proches. Cette affection irrépressible pour une petite fille qui n’était pas une de mes sœurs était une bizarrerie qui n’avait pas fini de m’étonner.
Me voici donc assis à côté d’une petite fille aux cheveux aussi noirs que les miens mais longs et frisés, à la peau toute blanche et aux yeux tout bleus.
Ces yeux qui me feront me cogner dans les portes.
J’adorais grâce à elle, entrer en classe après la récréation, ce qui aura un effet bénéfique pour la suite de mes études.
Nous devions, à la fin de la récréation et dès l’appel de la maîtresse, nous mettre en rang par deux et, ô joie pour moi, donner la main à notre camarade pendant que nous rentrions.
J’étais toujours à côté de Malika pour entrer en classe et j'adorais lui tenir la main. En classe j'étais encore assis à côté d'elle à une de ces petites tables à deux places avec un petit banc solidaire de la table et je détestais lui lâcher la main. Heureusement pour moi, elle aussi.
Notre idylle ne dura hélas qu’un peu plus de deux ans. L’enseignement de l’époque, qu’il soit public ou privé, avait l’habitude d’instaurer une sévère ségrégation entre les filles et les garçons dès le CP.
Cette pratique a mis fin brutalement, j’en suis sûr, à nombre d’amourettes qui avaient pris naissance sur les bancs de l’école maternelle.
10:27 | Commentaires (8)
samedi, 02 août 2014
Ce vieux condor debout.
Hier, Heure-Bleue et moi, après moult tergiversations sur le chemin à emprunter, nous sommes rués lentement au Monop’ pour trouver le papier cadeau qui irait bien pour envelopper les cadeaux de P’tite Sœur, qui a eu un an avant-hier, de Merveille, parce qu’on ne fête pas les uns sans les autres, et de nous tous, sauf moi, pôv’ malheureux –plaignez moi, lectrices chéries- dont l’anniversaire arrive trop près de Noël et, du coup, trop loin du 31 juillet…
Après avoir emprunté le chemin le plus verdoyant pour arriver au Monop’, nous avons bu un café chez le soufi qui ne pratique pas vis-à-vis d’Heure-Bleue ce que lui recommande sa croyance.
Oui, si ce dernier me salue courtoisement, il voue à la lumière de mes jours une haine tenace.
Probablement due au fait qu’un jour pas fait comme les autres, elle l’a envoyé paître pour un motif connu d’elle seule.
Ne me demandez pas pourquoi elle y retourne. Probablement parce que sa terrasse est agréable, les consommations abordables et qu’elle se fout de l’opinion de l’iranien mastroquet à son endroit.
Mais je les connais, elle et son « regard balayant » comme dit Lakevio. Je sais que si elle a remarqué que le patron est un flemmard avéré et assez quelconque, il y a aussi ce jeune homme qui fait le service et qui lui a tapé dans l’œil.
Évidemment, un Perse, qu’elle trouve beau comme le jour et que je trouve brun comme la nuit…
Arrivés au Monop’, nous nous sommes séparés.
Si si si, lectrices chéries, on peut même faire quelques achats séparément ! Je suis allé me réapprovisionner en miel, vous savez bien, ce « miel bio » qui fait de moi « l’homme dispendieux », tandis qu’elle allait à l’étage chercher ce pour quoi nous étions venus.
Évidemment, nous n’avons pas ramené le papier cadeau mais un autre cadeau pour Merveille et du gel douche.
Ce n’est pas que ce soit passionnant mais c’est juste pour vous montrer de quelle façon Heure-Bleue et moi perdons nos boulons en route…
Un jour on va arriver chez l’épicier en morceaux disparates.
J’ai rejoint la lumière de mes jours à l’étage et nous nous sommes évidemment arrêtés au rayon librairie.
Là, j’ai eu l’attention attirée par un bouquin élégamment titré « Les nouveaux cons », oui, il me faut toujours savoir comment évolue ma maladie.
J’ai lu la quatrième de couverture, puis feuilleté. J’ai constaté qu’il n’y avait rien de nouveau mais que j’avais affaire à un expert qui connaissait la chose de l’intérieur…
J’en ai retiré l’impression tenace qu’on essayait de me vendre de la soupe.
L’impression s’est transformée en certitude quand j’ai vu qu’un certain Etienne Liebig avait écrit cet opuscule sans goût.
La prédestination, ça existe, lectrices chéries.
Que penser d’un type qui s’appelle Maggi et qui, pour ne pas se faire repérer prend Liebig comme pseudo ?
Comme disent les djeun’s « ya une c… dans le potage ! »
Je sais, c'était facile. Mais c'est les vacances, hein, après tout...
08:31 | Commentaires (5)