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vendredi, 22 novembre 2013

Ich bin ein Berliner.

Nicht ein Pariser, hein Liwimy & Liv…
Bon, c’est mauvais mais je ne peux résister…
Avez-vous vu « Kippour », le film d’Amos Gitaï ?
Le début nous dit que chacun se souvient de ce qu’il faisait lorsque les sirènes ont retenti.
Aujourd’hui, c’est le cinquantième anniversaire de la mort de John Fitzgerald Kennedy.
Vous rappelez-vous, si vous étiez nées, lectrices chéries, ce que vous faisiez le jour où Kennedy fut assassiné ?
Je m’en souviens très bien.
J’étais rentré du lycée et je tentais de faire mes devoirs, mes petites sœurs aussi, c’était animé, puis mon père est rentré du travail, il a allumé la radio.
Le temps que « le poste chauffe », c’était un « poste à lampes », nous avons ramassé nos affaires, et débarrassé la table.
Peu après sept heures et demie il y eut un bref silence puis le speaker annonça « on vient de tirer sur le Président Kennedy ».
Mon père nous fit signe de nous taire, ma mère est arrivée de la cuisine, nous avons tous écouté quelques secondes et nous nous sommes précipités sur le palier.
Les S.. étaient déjà dehors et s’apprêtaient à frapper à notre porte.
Nous sommes tous descendus chez Madame B., la seule de l’immeuble qui avait la télévision.
Sa porte était déjà ouverte et nous sommes entrés, avons à peine salué Madame B.
Ses voisins -que ma mère n’aimait pas trop- les M., étaient déjà là.
Toutes les chaises de l’étage avaient été amenées dans la petite salle à manger-salle de séjour du deux pièces aussi minuscule que le nôtre.
Heureusement qu’elle était veuve sinon la pièce aurait été « salle à manger-salle de séjour-chambre à coucher »…
Nous avons regardé les informations dans un silence religieux.
Elles ont duré, duré…
Serge, le fils de notre voisin S. et les deux plus jeunes enfants des M., Martine et Jacky, tout comme mes sœurs et moi commencions à être sérieusement tenaillés par la faim.
Nous avons dû attendre au moins neuf heures et demie du soir pour dîner.
Attendre que Monsieur M, Monsieur S. et mon père aient fini de régler les problèmes qui allaient se poser quand la troisième guerre mondiale allait éclater.
C'est-à-dire incessamment.
Mesdames S., M., B. et ma mère se partageaient déjà les courses à faire.
Il semblait inévitable de stocker pour des semaines, peut-être des années, des pâtes, de l’huile, du riz et du sucre.
J’aurais bien dit de penser au café et au tonneau de vin du père M. mais l’heure n’était pas à la plaisanterie…

jeudi, 21 novembre 2013

Le pull bleu.

Je ne sais pas si je vous ai déjà donné, lectrices chéries, cette information d’une importance capitale : Il y a un bleu que je déteste par-dessus tout.
Ce bleu qui rappelle les volets, voire les murs, de certaines maisons méditerranéennes.
Et parfois atlantiques… Si, si…
C’est ce bleu-là, oui, ce « bleu layette », celui-là, il me sort par les yeux :
 
nnnnnnnnnnnnnnnn
Eh bien, figurez-vous que la lumière de mes jours, se trouvant probablement trop peu visible, s’est acheté il y a longtemps un pull de coton affligé de cette couleur monstrueuse. Et comme « elle n'use pas », il dure...
Pourtant Heure-Bleue a habituellement un sens assez aigu des couleurs qui l’habillent plutôt que de celles qui la déguisent.
Elle qui s’accommode assez bien car elle n'est pas frileuse, de ne porter que quelques gouttes de « Cabochard » de Grès, qui lui va à ravir et la décrit si bien.
Elle à qui vont si bien les tons « rouille », rouge ou certains tons verts.
Elle dont on peut dire « le noir te va si bien ».
Surtout avec un « col claudine » blanc, ça doit être mon fantasme « maîtresse d’école »…
Eh bien, « elle » a décidé, un jour où son entendement devait sévèrement déconner, qu’elle devait absolument acheter ce pull épouvantable.
Il a tout pour lui. Il est laid, mal taillé, de couleur horrible et, cerise moisie sur un gâteau peu appétissant, il se déforme de façon particulièrement inélégante.
Pire encore : Elle l’aime.
Du coup, quand elle daigne me dire « je t’aime », je suis pétrifié d’inquiétude quant à mon aspect.
Mais tout, heureusement ne va pas si mal dans ce monde pourtant mal embringué.
Ce pull a une caractéristique des plus intéressante.
Il maintient Heure-Bleue attachée au monde de la prime enfance.
Oui ce pull a dû être -mal- tricoté par une fée.
Il attire les taches comme mon Trésor attire vos sous.
Du coup elle ne le porte, quand elle a de la chance, qu’une heure ou deux à la maison.
Sinon elle le jette dans le panier à linge dès qu’il a attiré une goutte de Ricoré ou qu’elle a postillonné une miette de chocolat dessus.
C'est-à-dire au bout de dix minutes environ.
A croire que son subconscient fait preuve de la sagesse dont manque cruellement son moi profond.
Ce qui m’arrange bien, sinon elle m’aurait viré dès le premier soir…
Je ne vous aurais jamais parlé de ce pull si, par une intervention que je soupçonne diabolique, il ne se départait de son rôle d’aimant à taches de temps à autre et lui permettait de sortir avec.
Histoire de s’envoyer sur le plastron une giclée de café dès la première halte…
Dites-moi, lectrices chéries, ce qui peut bien vous passer par la tête quand vous vient l’idée saugrenue d’acheter des choses comme ça ?
Et ne venez pas nous rappeler les âneries que font les hommes, vous en avez depuis des millénaires l’habitude.
Tandis que vous, avec cette technique éprouvée de la tentation, comment pouvez-vous parfois vous laisser aller à de tels écarts ? Hmmm ?
« Bleu layette », sur une rousse !
Pfff... Je vous demande un peu...

mercredi, 20 novembre 2013

Le pain d'hier.

Notre fondu de l’enfer reparti, le reste de l’année s’écoula presque paisiblement.
Tous, moi le premier, attendions les « grandes vacances ». Non qu’elles m’amenassent à la maison mais l’essentiel était qu’elles me permissent de quitter la pension.
Il y avait néanmoins quelques points communs entre la pension et la maison.
Un me reste ancré qui me pousse à ennuyer chacun des boulangers chez qui je vais au hasard de mes pérégrinations déménageuses.
Ce point qui me pousse à demander « une baguette s’il vous plaît, plutôt cuite et chaude. »
Pourquoi ? Parce que !
Cette nouvelle va, j’en suis sûr, vous laisser estourbies de surprise, lectrices chéries.
Ma mère -qui n’était pas Folcoche, contrairement à ce que craint une lectrice chérie mais avait une idée précise de ce qui fait un « enfant bien élevé », sans compter l’idée encore plus précise de qui était digne d’être aimée de son fils, c'est-à-dire personne à part elle-, ma mère donc nous envoyait chercher immuablement le pain qui, à ses yeux, représentait le nec plus ultra de la nourriture bourgeoise : le pain blanc.
Pour elle, le pain idéal était « un pain parisien bien blanc s’il vous plaît. »
Le pain qui finirait de cuire dans l’estomac s’il n’était pas vigoureusement recommandé de le manger rassis. Pour éviter disait-elle « les lourdeurs d'estomac quand on mange du pain frais ! Ca fait mal au ventre quand on mange du pain chaud ! », elle nous envoyait chercher le pain « Et chez Galy, hein ! Pas chez Marion ! » -Marion faisait du « pain moulé », sacrilège aux yeux maternels- et le surveillait comme le lait sur le feu. Elle claironnait, au moment de mettre la table « Pas le pain frais ! Il en reste d’hier soir ! »
Ce « Il en reste d'hier soir, il est encore bon ! » me rappelle cruellement les façons de faire de ma mère.
A cette époque bénie où les enfants étaient presque sages, on ne se servait pas de pain entre les repas et il fallait le demander à table.
Tout manquement à la règle entraînant immanquablement une taloche, on y regardait à deux fois avant de piquer le croûton du pain. Il n'était pas question de baguette, ni même de « bâtard ».
Non, non, seul le « pain parisien de 400 grammes » le pain d'ouvrier,  trouvait grâce à ses yeux, qui se garde trois jours.
Le pain qui finit en « pain perdu » et pas perdu pour tout le monde.
Même trempé dans le lait un bon moment avant d’être saupoudré de sucre et de cacao, le pain du fond de la huche avait bien du mal à ramollir…
Grâce à ce « Il en reste d'hier soir, il est encore bon ! » je suis encore aujourd’hui en mesure de digérer des briques sans grande difficulté.
Heure-Bleue ne peut pas en dire autant, amollie qu’elle est par une éducation qui la fit passer de la batiste au cachemire.
Ma mère réussit donc, à défaut d’enfants sans névroses, à nous assurer une digestion dans les règles de l'art.
Peut-être parce que nous eûmes, mes sœurs et moi, droit à du « pain d'hier » de l'âge où l'on abandonne le biberon à celui d'entrer en troisième...
Allez savoir, lectrices chéries...

 

mardi, 19 novembre 2013

Joli moi de mai...

Les choses se passèrent plutôt bien jusqu’à la période de Pâques.
J’apprenais à chanter le jeudi, je chantais le vendredi, je me relavais les pieds le samedi et je restais collé le dimanche.
Ce n’était pas encore l’année néfaste, la dernière que je passerai chez les Frères, celle où je passerai les week-end et toutes les petites vacances à la pension.
Ma grande sœur, qui aurait alors seize ans, passerait  ses jeudis à venir me voir pendant une partie de l’après-midi. Elle y rencontrerait un jeune homme, un « des grandes classes » que je ne connus que sous l’appellation de « Poussin », que ce soit par sa mère ou par ma sœur. Un jeune homme gentil -surtout avec ma grande sœur- qui serait tué en Algérie quelques années plus tard par une balle perdue. Quarante minutes après le cessez-le-feu… Ma sœur s’en remit, la mère de « Poussin » certainement pas. Je sais maintenant qu’on ne se remet pas de la perte d’un enfant.
Je passai la période de Pâques, comme d’habitude, chez mes grands-parents maternels. J’aimais beaucoup cette période chez eux. Le jardin y embaumait alors le lilas et, si le vendredi saint « il ne fallait surtout pas se couper les ongles car c’était couper du pain béni au diable », le dimanche matin c’était fête.
Mes petites sœurs et moi cherchions les œufs de sucre et les petits poissons en chocolat dans les massifs de giroflées et de narcisses . Même grand-père s’y mettait aussi, l’air de rien et n’hésitait pas à engloutir sur le champ ses trouvailles sous le regard scandalisé de ma grand-mère, les moqueries de mon père et les reproches de ma mère.
C’était vraiment bien.
Je retournai alors à la pension pour le troisième trimestre, les yeux pleins de tous les « illustrés » dont j’avais fait une énorme consommation, profitant honteusement de la gratuité offerte par « la cousine marchande ».
Je fis connaissance avec des « illustrés » comme « Sidéral » ou « Météor » dont j’ai lu plus tard les romans qui les avaient inspirés, écrits par les auteurs de « Astounding Stories » ou « Amazing Science Fiction ».
C’était décidé, je serai écrivain. Il suffisait de savoir lire, écrire et d’un peu d’imagination. En plus ce n’était pas épuisant, on gagnait beaucoup de sous et on était célèbre.
Ben oui, je ne savais pas encore qu’il faut surtout avoir quelque chose à dire…
Cette affaire de célèbrité m’intéressait beaucoup car le copain que je m’étais fait, Loïc, le seul qui m’appelait par mon prénom et que j’appelais par le sien, avait une sœur.
Et quand on est célèbre, c’est bien connu, les filles ne vous résistent pas. Je ne savait rien de ce qu’on pouvait en faire. Seulement « qu’il paraît que c’est vachement bien ».
Je revins donc à la pension, heureux de la place que j’avais au dortoir qui me permettait de voir « mon » coin de ciel et cette branche d’acacia dont je vous ai déjà parlé et qui embaumait le soir.
Hélas, il y avait une surprise dont je me serait bien passé. Et mes compagnons de géhenne aussi. Le moi de mai, dit « Mois de Marie » voyait venir chez mes cinglés un des leurs envoyé en Afrique pour apprendre « aux petits nègres qu’ils étaient des créatures de Dieu et que Dieu les aimait aussi ».
J’avais pu constater que si dieu les aimait, il ne m’aimait pas et que ce « Père blanc » était là pour me le faire sentir ainsi qu’à mes camarades.
Je doutais déjà de l’existence d’un dieu d’amour et de bonté vu ce que je subissais ici.
Le « Père blanc » qui venait nous engueuler à longueur de messe nous prouvait surtout que ce dieu-là était un préfet de police, un véritable Fouché de l’univers qui était plus prompt à la malédiction qu’à la consolation.
Les plus sensibles de mes camarades - si, si il y en avait de sensibles, on les repérait à leurs coquards…- en étaient effrayés et se réveillaient la nuit en proie à des cauchemars pleins des flammes de l’enfer qui les grillaient à cœur.
«  Vous êtes des méchants ! Vous êtes méchants ! Très méchants, mes enfants ! Et le Diable vous arrachera des mains de Dieu pour vous plonger dans les affres de l’enfer pour l’éternité ! » hurlait-il en chaire. Comme ma mère avait déjà usé libéralement de taloches  pour supprimer mon mauvais accent, l’idée d’enfer et de diable dont on m’avait déjà abondamment parlé ne me troublait pas plus que ça.

lundi, 18 novembre 2013

J'ai enfin six ans et pas encore toutes mes dents.

Je vous avais laissées, lectrices chéries,  découvrir avec moi que Blek le Roc était un héros autrement intéressant que le Christ. Il était, contrairement à moi, plein de muscles et pouvait rétamer trois « tuniques rouges » d’un seul revers de main.
Je piquai donc dans Kiwi quelques répliques qui me paraissaient assez bien senties pour que je les ressortisse pendant les récrés quand on me cherchait noise.
Le retour chez les Frères arriva assez rapidement pour m’éviter de devenir insupportable à force de réclusion dans l’appartement trop petit après la maison des grands-parents.
La seule chose qui me plaisait dans ce pensionnat, à part les récréations où on me fichait désormais la paix, c’était la classe. Surtout parce que c’était l’endroit où je me débrouillais le mieux avec le chant et les parties de « billes au pot » des récréations.
C’est d’ailleurs ces parties de billes qui me firent pour la première fois détester ma mère.
Vous ne savez pas jouer « au pot » avec les billes ?
Que je vous explique.
Il y avait « les billes », petites boules de terre cuite peintes de diverses couleurs.
Assez ternes et de peu de valeur mais disponibles en grand nombre.
Puis il y avait « les cales », billes de verre parfaitement sphériques et agrémentées de trainées de verre coloré noyées dans le verre transparent de la bille.
On ne mettait ces « cales » en jeu que quand on avait perdu jusqu’à la dernière bille.
Et enfin, l’apothéose, le graal du joueur de billes,  imaginez une « cale » mais à l’échelle trois ou quatre, « le calot ».
Le jeu consistait à trouver un des endroits de la cour de récréation, se mettre à environ un mètre du trou et chacun des joueurs jetait quelques billes par terre.
Celui dont une des billes était la plus proche du trou commençait, suivi par le suivant dans l’ordre de proximité. En fois l’ordre établi, il suffisait au joueur d’envoyer d’une pichenette les billes dans le trou. Tant que la bille que vous aviez envoyée tombait dans le trou, vous jouiez. Si vous ratiez votre coup, le joueur suivant prenait son tour.
Celui qui envoyait la dernière bille dans le trou, dit « le pot » ramassait toutes les billes.
Quel rapport avec ma mère ? Direz-vous.
Eh bien, il se trouve que j’étais assez habile pour remplir mes poches assez vite.
Un manque de chance tout relatif au bout du compte fit que lors d’une récréation je ramassai toutes les billes en jeu, celles de tous les jeux auxquels j’avais participé.
Les deux poches de ma blouse étaient pleines. Pleines de billes. Trop pleines de billes.
Arrivé en classe, je fus trahi par la résistance des matériaux.
Vous vous souvenez sans doute que mes blouses n’étaient pas ces blouses grises, solides à souhait. Des blouses de quincailler. Des blouses qui pouvaient servir de caisses à outils sans cligner d’un revers de poche. Des blouses parfaites en somme.
Mes blouses donc, n’étaient pas grises, rappelez-vous, mais bleues, avec un liseré rouge et un « col Mao ». Et c’est là que la fâcheuse habitude maternelle de sauter sur le « moins disant » fit des ravages. A mon amour-propre d’abord, à mes possessions ensuite et enfin à mes récréations.
Comme je vous l’ai dit, je me débrouillais plutôt bien en classe. A une question du Frère, je levai si vivement le doigt qu’une poche céda d’un coup, envoyant une centaine de billes sur le carrelage. Je me levai alors dans un mouvement brusque qui fit céder la seconde poche et envoya une autre centaine de billes par terre.
Le silence de la classe fut brutalement interrompu par la ruée de tous les autres pour ramasser les billes. Leurs efforts furent vains. Une fois toutes les billes ramassées, le Frère passa parmi eux et les confisqua toutes.
Oui ! Toutes !
Une fois les billes enfermées dans son bureau, le Frère me fit venir sur l’estrade, me donna une gifle, deux cents lignes et me renvoya, les larmes aux yeux mais pas pleurant, à ma place.
Ce fut la seconde fois que je vouai une haine farouche à ma mère.
Ça passa rapidement car je ne suis pas rancunier mais ce ne fut pas la dernière fois. J’étais assez jeune pour qu’elle dispose encore d’une impressionnante réserve de tours pendables à mon endroit...
Je perdis ce jour-là l’habitude de jouer aux billes. Je me mis à lire pendant les récréations. Ça me valut quelques réflexions de mes barbares mais ils me fichèrent la paix. Plus que le Frère qui ne cessait de me recommander  de prendre de l’exercice avec « mes camarades ». J’en pris pour éviter les punitions. Je me mis à me battre avec certains, en faisant attention à ne pas saigner du nez. Ça me valut quelques retours de récré à genoux
dès l’entrée en classe mais me permit d’acquérir quelques « trucs » suffisamment efficaces pour qu’on me fichât la paix pendant les récréations.