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mardi, 05 novembre 2013

Caïn caha...

Et l’épreuve fut sérieuse, lectrices chéries, psys gratos de mon cœur...
Il ne m'étonne plus, à voir le comportement de ceux censés être des « camarades de classe »,  que le premier péché commis par l'homme fut le meurtre de son frère.
Le premier à me chercher noise, que je sus alors être « le chef », était une brute dont je me rappelle qu’il portait le nom de Carrier.
J'apprendrai plus tard qu'il portait un nom prédestiné, celui d'un conventionnel célèbre pour son sens aigu de l'efficacité en politique, notamment les négociations avec l'opposition...
Ce Carrier, faisant tournoyer au dessus de sa tête son écharpe nouée au bout pour en faire une sorte de massue, faisait le tour de « la division » à la tête de sa troupe, laquelle courait derrière lui, en un perpétuel assaut, sans cesse à la recherche de plus faibles qu'eux.
J'étais la cible toute désignée, inconnu et nouveau que j'étais et il espérait bien m’assujettir dès mon arrivée. 
C’était « le chef » parce qu’il avait eu, si l'on peut dire, le privilège d’être en CE1 pour la deuxième année consécutive,  ce qui lui valait une carrure de « type à la coule », plus intéressante pour un rôle de « caïd de cour de récré » que pour suivre les cours.
Il n’avait pas encore compris qu’un général avisé envoie les bidasses prendre les coups à sa place mais évite soigneusement de s’exposer... 
J’avais quant à moi un caractère plutôt doux mais malgré tout rétif à l’autorité.
Surtout celle qu’on voulait m’imposer en n’usant que de la force. Je faisais hélas partie de ces raisonneurs qu’il faut convaincre pour être suivi. Arrivé près de moi, il annonça d’un ton rogue qui n’attendait aucune réplique « toi le nouveau, t’es dans ma bande ! » .
On eût dit qu’il énonçait platement un fait.
Du coup mon « Pourquoi ça ? » le désarçonna. Il s’attendait certainement au « oui » soulagé de celui soudainement heureux d’être accepté dans une nouvelle famille, voire un acquiescement muet mais probablement pas à ce qu’on lui demandât sur quoi était fondée cette certitude.
- Parce que c’est moi le chef !
- T’es pas mon chef ! D’abord j'te connais pas !
Ses sbires, mi-admirateurs et déjà mi-traîtres nous entouraient, certains ricanaient d’avance.
- Ici c'est pas ta cour ! Hurla-t-il.
C’est là que le langage de charretier me sauva la mise. Après avoir vérifié, histoire d'éviter une taloche,  qu’aucun Frère ne traînait alentour je lui lançai :
- Peut-être mais en attendant, pauv’con, t’as qu’à aller te faire enc…
Il resta interdit quelques instants mais la présence de sa cour le poussa à réagir violemment.
- Pauv' con toi-même ! Tu vas voir ta gueule !
Je n’en menais pas large, il était plus grand que moi mais surtout semblait brutal et j’avais peur de prendre une raclée.
Néanmoins, la seule leçon, et elle m'est restée, que j’avais tirée de mon école de « voyous de la Porte de Clignancourt », c’était que même si on prenait une volée, il ne fallait pas céder, ne jamais « passer pour un dégonflé » sinon après tout le monde saurait qu’on pouvait te frapper. Et, pour ce que j’avais pu constater, on ne s’en privait pas…
Je savais donc d’entrée que le premier jour dans cette école de fous sanguinaires allait se solder par une raclée mais que je devrais me battre pour n’être pas réduit en esclavage par une petite brute.
Ce n’est jamais aussi clairement dessiné dans l’esprit d’un enfant d’un peu moins de six ans mais c’était bien ça.
A ma répartie, la coterie qui l’entourait se tut d’un coup. Le « chef » lui-même s’arrêta, interdit. Manifestement personne n’avait osé se rebiffer contre lui et encore moins avec ce langage de voyou.
Il se précipita sur moi en levant son écharpe, prêt à m’en asséner un coup. Je lui donnai immédiatement dans le genou un coup de pied assez fort pour que l’écharpe manquât sa cible, et c’était heureux, j’avais l’oreille encore sonnante du coup reçu sur le côté quand le nœud  m’avait frappé. C’était désagréable mais pas trop douloureux et ça me sauva. Surpris d’avoir reçu un coup de pied et me voir debout et apparemment peu inquiet, il recula prit son élan et me donna un coup de poing que je lui rendis aussitôt. Je saignais de la lèvre. Lui aussi saignait mais du nez et il repartit avec sa cour en disant « pff… vous avez vu hein ? Je l’ai eu hein ? »

lundi, 04 novembre 2013

Blood, sweat and tears...

Je squatte votre divan aujourd’hui encore, lectrices chéries.
Je vous sais, connaissant les tendances sadiques si fréquentes chez homo pas toujours aussi sapiens qu’il devrait, impatientes de savoir comment votre serviteur va se sortir de cette première tentative d’intégration chez ces fous sanguinaires que vous supputez mal disposés à mon égard.
Eh bien voilà :
En attendant cette récré, problématique à coup sûr, je m’assis à la place assignée par le Frère-Maître, au premier rang. Je remarquai aussi, près de la porte donnant sur la cour, deux élèves à genoux, les mains sur la tête et me demandai de quels crimes abominables ils pouvaient bien être coupables.
Je sus plus tard que je serai au premier rang pendant tout le temps que je passerai dans cette école, ma mère s’étant longuement épanchée sur les raisons qui l’avaient poussée à me confier aux bons soins des Frères…
Cela dit, ce Frère avait un certain talent pour se faire écouter, non qu’il fut particulièrement attrayant ni même simplement intéressant mais il avait une règle de bois dont il distribuait les coups assez libéralement sur le bout des doigts de ceux dont il jugeait l’attention défaillante.
Comme c’était mon premier cours, j’y prêtai attention. D’ailleurs, d’un naturel curieux j’appréciais plutôt d’aller à l’école et ce que je lui demandais était de m’intéresser, de me faire découvrir le monde et me l’expliquer. Une vraie graine d’élève en somme…
La cloche sonna, me surprenant en pleine réflexion sur ce que disait le Frère.
Je m’attendis à la même ruée qu’à la « grande école » de la rue Championnet mais non. Dans un silence religieux –oui, je sais…-  toute la classe attendit que le Frère ait terminé sa phrase et replié son grand cahier pour relever son pupitre et y ranger ses affaires. J’étais le seul à n’avoir rien à ranger…
J’appris pour l’occasion qu’on ne se précipitait pas non plus pour arriver le premier dans la cour et qu’il y avait un ordre précis qui consistait à faire sortir les rangs un par un en passant devant le Frère qui dispensait les taloches ou les satisfecit, selon le comportement pendant le cours de l’élève qui passait devant lui.
Je sortis donc dans cette cour cimentée que quelques tilleuls déplumés par l’automne meublaient difficilement. A peine dehors, je fus entouré d’une bande de garçons quasiment tous plus vieux que moi, tous n’étaient pas plus grands –merci maman et ta soupe- mais tous étaient curieux. Certains semblaient en plus désireux d’éprouver ma résistance à la coercition.
Manque de chance pour eux, s’ils avaient une assez forte personnalité pour être suivis par une petite cour de lèche-bottes, peu connaissaient ce langage de charretier que j’avais rapidement assimilé –j’ai toujours été plutôt doué pour les langues- pendant le peu de temps que j’avais passé à la « grande école » et sur les trottoirs où ma mère me traînait pour faire les courses.
L’épreuve promettait donc de se révéler assez sérieuse...

dimanche, 03 novembre 2013

Le grand sommeil...

Aujourd’hui, c’est psy chez vous, lectrices chéries.
Vous rappelez-vous votre Goût adoré, traîné par un Frère sadique dans un hangar plein de plumards ?
Ça y est ? Vous vous souvenez de ce dortoir dont je vous ai parlé il y a peu ?
Revenons-y.
Imaginez une pièce immense, dans laquelle tenait une quarantaine de lits de fer. Dans le coin près de la porte, une alcôve délimitée par un rideau blanc servait de chambre pour la nuit au Frère chargé le jour de nous enseigner. C’est à ce moment que j’appris que le Frère chargé de la classe dans laquelle j’arrivais passerait ses jours et ses nuits avec ses élèves. Les élèves garderaient leur lit d’année en année tandis que l’occupant de l’alcôve changerait chaque année. Mon « linger-préfet-de-police » m’amena à un lit dont la place me plut immédiatement. Le lit était devant une fenêtre, placé à environ un mètre du mur, je supputais déjà qu’allongé dessus, je verrai le ciel et la ramure, aujourd’hui dénudée par l’automne, d’un arbre dont j’apprendrai plus tard que c’était un acacia. Le Frère me dit de faire mon lit.
Une chose que je n’avais jamais faite. Je le lui dis. Il leva les yeux au ciel et se mit à me montrer comment- faire. Il le fit impeccablement. J’étais ravi. Hélas, il se mit en tête de le défaire et jeta tout par terre sauf le matelas. « A votre tour, monsieur, on est ici pour apprendre, pas pour être servi ! »
Je me mis à tenter de faire mon lit, la leçon fut dure, voire féroce. Je dus m’y reprendre au moins à cinq fois avant que le Frère tortionnaire reconnaisse que mon lit était « bien au carré ».
Après coup, je me dis qu’il avait bien fait et avait peut-être été plus patient avec moi qui étais le plus jeune qu’avec d’autres. J’aurais souvent l’occasion de le remercier intérieurement en voyant certains de mes « codétenus » recevoir une gifle et obligés de refaire leur lit plusieurs fois. A cette époque barbare, la gifle, les coups de règle sur le bout des doigts, le tirage des petits cheveux sur les tempes, les heures à genoux étaient considérés comme des compléments éducatifs acceptables et il était recommandé de ne pas s’en plaindre auprès de nos parents sinon ça donnait droit à une réédition de la scène mais à la maison…
Mon lit fait, mon guide m’amena dans la classe qui devait m’héberger pour l’année en cours.
Devant la porte de la classe, il frappa et entra. Le « Frère-maître d’école » se tut, tous les élèves se levèrent et psalmodièrent « Bonjour mon Père ».
Le Frère-Préfet me présenta au Frère-Maître qui à son tour se tourna vers la classe en annonçant « Voici votre nouveau camarade, monsieur S. que je vous demande d’accueillir sans vos habituelles méchancetés ».
Je vis des « camarades » tordre le nez, quelques uns me regarder avec curiosité et certains, que je jugeais aussitôt dangereux, avoir un sourire carnassier et je pressentais un accueil plutôt tendu. Je ne m’étais guère battu qu’avec mes sœurs, même avec la grande qui me dominait de deux têtes et une fois à la « grande école ». Cette première « vraie bagarre » m’avait permis de faire connaissance avec le concept de « raclée » mais je ne m’étais jamais battu avec une bande de fauves.
Mon avenir s’annonçait donc des plus sombres dès la prochaine récré…

samedi, 02 novembre 2013

Le jardin extraordinaire.

Non, je ne vous raconterai pas –du moins aujourd’hui- comment j’ai connu le square Saint-Lambert.
Je vous parlerai plutôt d’un autre jardin dont je suis sûr que vous le connaissez mal.
Je vais vous parler du jardin des Tuileries.
Oh, bien sûr, vous y êtes allées, lectrices chéries.
Vous l’avez même vu souventes fois à la télévision ou au cinéma.
Vous avez même probablement pesté en faisant la queue en plein soleil ou sous la pluie pour aller voir « Les nymphéas » à l’Orangerie ou autre chose à la galerie du Jeu de Paume.
Vous avez râlé en arpentant en plein été ces allées poussiéreuses qui salissaient vos escarpins.
Mais qu’en connaissez-vous vraiment, de ces Tuileries ?
Avez-vous arpenté ces petits chemins qui permettent de passer de l’Allée de Diane à l’Allée de Castiglione ?
Avez-vous repéré ces bassins, quelques uns perpétuellement vides où quelques chaises, perpétuellement vides elles aussi, vous appellent ?
Avez-vous vu ces coins inconnus des passants ou vous pouvez remuer vos souvenirs, assis, dans un silence troublé seulement par le bruissement du vent dans les feuilles ?
Et certains de ces bassins, aux abords peu fréquentés où ce sera l’écoulement de l’eau qui vous charmera ?
Ces recoins qui vous amènent à rêver, tranquillement assis à l’abri des regards ?
Ces endroits calmes, où l’on n’entend rien des bruits de l’allée centrale, pas plus que le ronronnement de la circulation sur le quai, protégé que l’on est par la Terrasse du Bord de l’Eau ?
Ces abris qui n'attendent que vous ?
Si, si, vous verrez ! Je vous assure !
Essayez donc d’y faire un tour. Là on peut vraiment flâner.
Même vivre un moment une nouvelle version des « rêveries d’un promeneur solitaire » (ouais, bon...).
Essayez, je vous l’assure, lectrices chéries, vous verrez les Tuileries sous un jour différent de celui auquel vous êtes habituées, cet aspect des Tuileries où « le bruit et la fureur » (encore ? ! ) vous semblent la marque de ce jardin.
Evidemment, si vous y avez des souvenirs, vous constaterez qu’ils y seront encore plus vivaces...
Ne vous y laissez pas trop prendre tout de même.
Sinon vous y passeriez votre vie et vous oublieriez qu’il y a, j’en suis sûr, des tas d’autres jardins où vous pourriez rêver d’autres rêves, revivre d’autres souvenirs, entendre d’autres soupirs.
Alors sortez en, dînez tranquillement et allez demain en voir un autre...

vendredi, 01 novembre 2013

Le Jardin des Délices

Je viens de lire une note de Seringat  qui m’a beaucoup plu.
Vos notes, évidemment me plaisent toutes, lectrices chéries, mais celle de Seringat m’a poussé à réfléchir.
Ce qui est une performance en soi.
Elle est allée voir la FIAC.
La FIAC ne m’a jamais branché, je suis un flâneur, un « pignocheur » comme disait ma grand-mère quand elle parlait de quelqu’un qui picorait dans son assiette quand le plat lui semblait sans goût mais dont certains morceaux exerçaient néanmoins la convoitise.
Un peu comme ceux qui aiment la « peau du lait » mais détestent boire le lait, vous voyez ?
Seringat parle du jardin des Tuileries avec le talent du vrai flâneur.
Seringat donc, m’a poussé à me demander ce qui me plaisait, quand, et pourquoi dans les jardins et squares, grands ou petits, qui parsèment la ville.
Quand je dis « la ville » il s’agit bien sûr de Paris.
D’autres endroits revendiquent le droit d’être « la ville » mais aucun, que ce soit Rome, Venise, Berlin, Londres, New-York, Los Angeles, Hong-Kong, Genève, Tel-Aviv, Jérusalem, Copenhague, Bruxelles, Amsterdam, Madrid, Barcelone ou Detroit, n’est à mon sens « la ville ».
Et ne me cherchez pas d’histoires, « la ville » c’est Paris. Point.
Et pourtant, je vous dis que moi, moi-même personnellement, je connais même Souppes, Les Laumes-Alesia et Cepoy, sans parler de « Bourron-Marlotte-Grez », alors, hein...
Pour en revenir à mon propos, qui peut vous paraître assez fumeux à cause d’une tendance marquée à la digression, je voulais vous entretenir des jardins de Paris qui me plaisent, que j’aime, qui même m’émeuvent pour certains.
Et des saisons qui font qu’ils me plaisent, que je les aime ou qu’ils m’émeuvent.
J’aime certains jardins. Ne me demandez pas pourquoi, comment voulez-vous que je vous dise pourquoi, lectrices chéries ?
Vous savez pourquoi vous aimez votre moitié, vous ? Je ne sais pas, quant à moi pourquoi j’aime la mienne. Je me dis parfois que si on se pose la question, pire, si on y répond, c’est que c’est râpé...
J’aime beaucoup les Tuileries en hiver par exemple. Je n’y passe plus très souvent mais j’aime.
Le square Nadar au printemps, mais là, j’y ai beaucoup de souvenirs, de mes rares « séchages » de cours à mes nombreuses tentatives de nouer des relations plus ou moins diplomatiques.
Le Luxembourg en été, principalement pour ses concerts.
Le Jardin des Plantes en toutes saisons.
Mais là, ce jardin, c’est toute une partie de ma vie, que dis-je, depuis l’enfance jusqu’aujourd’hui, alors, lui cumule. Il me plaît, je l’aime et il m’émeut.
Quelle que soit la saison, que j’y sois seul, avec Heure-Bleue ou avec tout seul.
D’ailleurs je n’y suis, comme aux Tuileries, au Luxembourg ou au square Nadar, jamais seul.
J’y suis avec une armée de souvenirs.
Certains agréables, d’autres moins, d'autres plus encore.
Mais tous sont là.