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mardi, 12 novembre 2013

L’émotion de censure...

A la lumière des commentaires que j’ai reçus sur la note que j’ai publiée hier, je me rends compte que vous, lectrices chéries, baissez plus facilement les bras que la garde...
Il y en a même une, probablement atteinte par Alzheimer qui m’a jeté « Pfff... C’est bien des idées de mec, ça... »
Et pourtant, si je me rappelle bien...
Bref, les années sont sans pitié.
Cela dit, ou je me suis mal exprimé ou vous, lectrices chéries, n’êtes pas si innocentes que vous voulez le faire croire.
D’après certaines, je me serais aventuré à dévoiler des activités que je garde pourtant soigneusement à l’abri des indiscrétions du Web.
Voyons, vous savez bien, bégueule comme je le suis, c'est-à-dire plus encore qu’Heure-Bleue, que je ne suis pas le genre de type à se livrer à des galipettes en public et moins encore à vous les décrire sur le Web.
Donc, je ne saurais trop vous recommander de lire plus attentivement mes notes au lieu de vous en servir comme base de scenarii... Hmmm ?
Bon, je ne vous engueule pas parce que je dois avouer que je vous adore et que j’aime tartiner rien que pour vous, mais tout de même...

 

lundi, 11 novembre 2013

Bonjour tristesse...

Ils appellent ça « SAD » pour « Seasonal Affective Disorder », cette humeur vaguement tristounette de l’automne qui pousse à chercher des câlins pour se consoler de l’absence de peine.
C’est à ce genre de trouvaille propre à vous tuer le moral qu’on comprend pourquoi les Etatsuniens se rabattent en masse sur le hamburger et les doughnuts arrosés de coca plutôt que sur les Etatsuniennes.
A croire qu'ils préfèrent le diabète de type II à leurs moitiés qui, pour ce que j'ai souvent constaté, pousse à se demander qui est la moitié de l'autre. 
« Seasonal Affective Disorder » ! Je t’en foutrais, moi, du « Seasonal Affective Disorder » !
Je ne m’étendrai pas sur le lamentable manque de sens de l’observation qui les a empêché de constater que le câlin automnal se soldait souvent par un gamin au début de l’été, saison autrement favorable à la survie et à l’alimentation que le cœur de l’hiver.
Non, je me cantonnerai à la constatation que les femmes et les hommes envisagent ce fameux « SAD » très différemment.
Bon, le fait que les garçons et les filles ne soient que rarement d’accord n’est pas une découverte récente.
Que, même d’humeur batifoleuse, les désaccords persistent n’est pas neuf.
Cela dit, lectrices chéries, vous pourrez peut-être me donner quelques informations sur des points que plusieurs décennies de vie commune avec « qui vous savez », plus connue sous le nom de Heure-Bleue, n’ont jamais éclaircis.
Exemple ?
Vous vous promenez un dimanche après midi en forêt avec la lumière de vos jours.
Vous avez votre bras autour de sa taille, lui à le sien autour de vos épaules.
Vous avancez à pas lents dans le sous-bois, seul le bruit de vos pas dans les feuilles mortes trouble un silence traversé de temps en temps par le pépiement d’un piaf qui n’a pas compris qu’il devait se taire (ça, c'est pour souligner l'ambiance).
Une certaine langueur commence de vous étreindre et vous vous sentez bien.
Votre camarade de jeux aussi.
 Et c’est là que ça commence à déraper.
Tandis que son bras vous attire et qu’il veut vous embrasser, vous commencez à vous sentir encline à céder à la tentation de la galipette sylvestre.
Avec piafs qui pioupioutent à qui mieux-mieux, lègère brise qui agite les cheveux de l’aimé, etc.
Ne manquera que le coin de ciel montrant un soleil en majesté, histoire d'ajouter une note glorieuse à cet écart de conduite.
Lui, sautant, j’allais écrire « sur l’occasion » alors que c’est de vous qu’il s’agit, commence à tenter de vous convaincre doucereusement que c’est excellent pour le tonus, fait assaut de tendresse, vous parle vaguement «  tapis de feuilles qui n’attendent que nous pour se transformer en nid d’amour » et toutes ces âneries auxquelles nous, les mecs, sommes prêts à recourir pour parvenir à nos fins.
Elle, faisant preuve d’un minimum de jugeote constate plutôt platement « mais, mon chéri ! Tu es sûr qu’il n’y a pas de bêtes là-dedans ? Je suis sûre qu’il y a des bêtes. Ça va tout gâcher ! »
Lui, pressentant quelques difficultés l’assure que « Non, non, mon ange, voyons, les seules bestioles ici à part nous, ce sont les piafs ! »
Et c’est là que ces êtres délicieux, censément là pour ravir nos jours et enchanter nos nuits,  toujours avides de confort, de draps frais, de salles de bains et peu enclines à l’animalité, alors qu’il n’y a pas un chat dans un rayon de vingt bornes, nous sortent « Non, non, non, je ne pourrais pas mon chéri, je suis sûre que quelqu’un peut nous voir... »
Elles vous collent une tape sur la main indiscrète, vous font un bisou sur la joue et repartent joyeusement, heureuses qu’elles sont d’avoir obtenu l’assurance qu’elles peuvent encore vous faire marcher.
Que dis-je, courir !
Vous remballez votre matos, vos idées libidineuses et vos explications vaseuses.
Ne subsistera de cette promenade en forêt qu’une grosse déception et une légère envie de meurtre.
Et quand on pense que l’année prochaine, ça va recommencer...
La vie est un travail de Romain.

samedi, 09 novembre 2013

Le fil est mignon...

Si j’en crois les campagnes de publicité et la foultitude de décorations qui envahissent les vitrines, Noël approche, lectrices chéries.
Ce sera « la dernière séance » gratos chez vous, psys adorées.
Du moins jusqu'à Noël.
C'est pourquoi la séance d'aujourd'hui sera un peu plus longue. Je dois en effet faire provision de compassion pour les semaines qui viennent...
Vous excuserez, j'en suis sûr, mes amours, la longueur de cette note.
Mab serait assez gentille de la lire sans sauter immédiatement à la fin, comme d'habitude. Hmmm ? 
Reprenons donc.
Chez mes fondus, la gaîté était quelque chose d’assez mal vu. De même que pour certains chefs d’entreprise, un employé qui rit est un employé qui ne travaille pas assez, pour les Frères, un enfant qui a l’air gai est un enfant qui n’est pas assez pieux.
Certes, l’arrivée du Christ en ce bas monde était pour eux une bonne nouvelle, de là à s’en réjouir, il ne fallait pas pousser. Un autre saint s’y prêtait mieux à leurs yeux et faisait l’affaire. Saint Nicolas avait le bon goût de n’être pas Jésus, de permettre un semblant de réjouissances et son jour tombait peu avant les vacances de Noël et donnait l’occasion du « banquet ».
Jusqu’à la Saint-Nicolas donc, je me fis oublier. Je me contentai de suivre le cours de chant du Frère, d’écouter en classe et de défendre mon indépendance dans la cour de récréation.
Ce fut une occupation à plein temps. Le plus difficile, car il faisait assez froid, fut de supporter l’épreuve de la douche hebdomadaire qui nous était administrée chaque vendredi.
L’efficacité de cette douche était toute relative, surtout dans les classes des « petits ».
Les « grands » avaient semble-t-il l'épiderme sensible, ou alors plus sale, car leurs classes passaient avant tout le monde.
Le résultat de la « douche des petits » était immuable. Dès qu’au bout du couloir le jet se faisait entendre, la pomme de douche nous voyait, debout sur les clayettes, collés contre le mur, essayant d’échapper au jet glacé que nous avaient laissé les « grands » une fois leur douche tiède passée.
Pour une fois j’avais de la chance, je n’étais pas du côté de l’arrivée d’eau. Le temps que la maigrelette pression amène l’eau jusqu’à ma place, j’avais tout loisir de me coller contre le mur. De temps à autre une gouttelette glacée m’arrivait sur le ventre tandis que je regrettais de ne pouvoir m’incruster dans le mur.
La « douche » finie, nous nous dépêchions de nous rhabiller pour échapper à l’œil du Frère. Ce qui donna lieu à une séquence comique un samedi matin.
Saint Nicolas approchait. Le samedi, la messe avait lieu à sept heures pour que ceux qui habitaient Paris puissent passer assez de temps chez leurs parents.
Pour éviter des réflexions désagréables de parents qui trouveraient que « pour ce prix là on pourrait quand même vérifier la toilette des enfants », un Frère était désigné pour « l’inspection ». Cette inspection était, comme la douche, immuable. On nous faisait aligner, classe après classe, dans la cour. Comme pour la douche, les « petits » passaient les derniers. Le Frère se mettait face à la classe, réunie en demi-cercle devant lui et nous demandait de retirer la chaussure droite. Les nouveaux arrivants étant prévenus par « les anciens », l’inspection se passait bien. Hélas, peu avant la Saint Nicolas, le « Frère inspecteur » tomba malade. Son remplaçant, soit par ignorance du programme, soit par connaissance de l’âme enfantine nous ordonna de retirer la chaussure gauche. Devant une rangée de pieds allant du gris au noir il fut décidé d’abord de nous envoyer nous laver pour de bon, puis de méditer sur la fourberie le reste du week-end. La décision semble-t-il fut prise en haut-lieu de procéder à un tirage aléatoire pour le choix du pied à exposer…

La Saint Nicolas arriva enfin, un lundi si mes souvenirs sont exacts. C’était le seul repas de l’année, un peu plus agréable que les autres. On disait en parlant de lui « le banquet ». Non qu’il y eût profusion d’ortolans, bestioles dont nous ne connaissions que le nom et grâce à La Fontaine mais il y avait une entrée.
Je le saurai les trois années suivantes, cette entrée était immuablement constituée de saucisson, denrée bannie les autres jours de l’année, et trois tranches, histoire d’éviter l’indigestion, maladie quasiment inconnue de l’estomac de pensionnaire.
Il y avait aussi, ô surprise, changeant cette fois sans risque financier pour l’école, de la purée. Rien à voir avec la purée que faisait ma mère, pourtant peu regardante sur les pommes de terre. Il s’agissait de pommes de terre cuites à l’eau, vaguement passées au presse-purée géant et agrémentées de margarine. Je dirais aujourd’hui un paquet de cinq-cents grammes pour cinquante kilos de pommes de terre. Et les boulettes. Aaaahhh ! Ces boulettes ! Une merveille ! Disons un tiers de gras de porc, un tiers de porc, un tiers de bas morceaux d’un animal dont je soupçonne qu’il ne s’agissait pas de filet d’Angus ou de Kobe...
Quant au dessert, je crois bien que c’est le seul gâteau qui ne fût pas un macaron qu’on nous servait dans l’année. Le mille-feuille était la règle et nous l’attendions avec plus d’impatience que le Messie, d’autant que ce dernier était censé être déjà passé.
La Saint Nicolas avait en outre l’avantage de nous signifier que le rythme scolaire serait un peu plus relâché. Les vacances de Noël approchant, le Frère chargé de notre éducation avait trouvé, pour s’assurer une attention soutenue, une méthode autrement efficace que « l’heure sans ». La dernière heure de cours de la journée était consacrée au martyre de tel ou tel autre saint, savamment torturé devant des foules de païens afin qu’il abjurât sa foi juste avant de s’en aller faire un tour au paradis.
Chaque soir nous y avions droit, ce qui était peu étonnant vue la démographie galopante du martyrologe chrétien.
Dans la journée, en revanche, l’enseignement n’avait rien perdu de sa férocité.
La nécessité d’un exemple édifiant, destiné à nous torturer l’âme pour les vacances fut le récit de la mort d’Abel sous les coups de caillou de Caïn.
Imaginez un instant Eve, « tenant le corps de son petit Abel dans les bras, effrayée par sa froidure et son silence, peinant à retenir ses larmes, sûre qu’elle était que quelque chose de grave était arrivé au plus gentil de ses fils ».
On peut remarquer d’ailleurs que le premier crime répertorié dans l’histoire de l’Humanité, aussi surprenant que ça puisse être pour une population de quatre personnes, soit le meurtre d’Abel par son frère... (Je sais, je l’ai déjà dit mais la chose me surprend chaque fois.)
Ces deux semaines s’écoulèrent plutôt rapidement pour moi, occupé que j’étais le jeudi par le chant, le vendredi par la messe et l’étude de la meilleure technique pour échapper à la douche froide.
Et puis, le vendredi il y avait la confession. Ça aurait dû aller vite compte tenu de la rareté des occasions de pécher. Je me dépêchais d’avouer un péché d’orgueil parce que j’étais fier d’avoir chanté à la messe et d’avoir parlé en classe avec mon voisin, péché véniel en apparence seulement car il vous valait tout de même « une heure sans » voire, si la conversation avec excédé deux secondes les célèbres cent lignes « Je ne doit pas parler en classe ». L’année suivante j’expérimenterai le truc vicieux issu d’un cerveau particulièrement retors, la ligne suffisamment longue pour déborder à coup sûr sur la ligne suivante. La spécialité du cru : les « cent lignes » qui font cent-cinquante lignes.
Ces deux semaines passées, je fus heureux de retrouver la maison pour deux autres semaines. Ma mère nous emmenait passer Noël, mes sœurs et moi, chez ma grand-mère. Pas de messe, pas de confession, pas d’ « heure avec », aucune de ces petites tortures incessantes qui me gâchaient la vie.
C’est pendant ces vacances que j’appris qu’il y avait d’autres livres que les « vrais livres ». Une vague cousine de ma mère tenait dans le village où vivait ma grand-mère une de ces boutiques magiques où on trouve de tout. Des journaux, des fruits secs, du vin, et des produits de jardinage. Des produits dont la coexistence dans la même boutique vous enverrait en prison aujourd’hui.
J’y découvrirai un héros autrement intéressant que le Christ : Blek le Roc...

vendredi, 08 novembre 2013

Miserere mei..

Oui, je viens encore chercher du réconfort auprès de vous, lectrices chéries.
Excepté Heure-Bleue, que j'ai saoulée il y a bien longtemps avec cette histoire, et qui donc a vu sa sensibilité aux mallheurs de la lumière de ses jours, moi, s'émousser sévèrement, il ne me reste guère qu'à taper dans des stocks de commisération que je suppute abondants chez vous, lectrices adorées, pour déverser la longue litanie de misères qui pourraient avantageusement remplacer le chapitre parfaitement inintéressant qui cause de ce Jérémie dans un bouquin resté célèbre... 
Assez causé de ce Jérémie et revenons à mon affaire. 
Je me demandai aussitôt ce que j’avais bien pu faire encore qui contrevienne aux usages de l’école. Je craignis d’avoir gagné « une heure sans » et priai très fort le dieu des écoliers de n’avoir pas gagné par inadvertance « une heure avec ».
Mais non. Le Frère me demanda :
- Vous chantez juste. Où avez-vous appris à chanter ? 
Que voulez-vous que je réponde à ça ? Au début des dernières grandes vacances je sortais de l’école maternelle !
- Ben en écoutant la radio…
- En écoutant la radio, mon Père ! Pas « ben, en écoutant la radio » et on ne parle pas avec cet accent traînant de voyou ! Me gourmanda-t-il.
- En écoutant la radio, mon Père.
- Eh bien désormais, vous viendrez avec moi le jeudi après-midi au cours de chant qui a lieu dans la chapelle après la promenade.
Je venais d’être « désigné volontaire ».
La première leçon aurait lieu aujourd’hui même, cet après-midi, il n’y aurait pas de promenade pour cause de pluie. Nous irions à « la salle des fêtes » voir la première des très nombreuses projections et re-projections du documentaire qui raconte la construction du barrage de Génissiat.
Après le « film » nous sommes tous sortis avec soulagement de la salle. Les Frères surtout, eux devaient connaître le documentaire par cœur… Assez étonnamment, j’avais été prodigieusement intéressé par la construction des énormes machines qui produiraient l’électricité, entraînées par les torrents d’eau qui empruntaient les monstrueuses canalisations qui traversaient le barrage. Allez donc savoir ce qui peut passionner un gamin enfermé un jeudi...
Le Frère battit le rappel des élèves qui devaient suivre le cours de chant. J’étais prêt à faire comme si ma leçon ne devait commencer que le jeudi suivant et me dirigeais vers la cours de récréation quand j’entendis dans mon dos « Monsieur S. ! Dites-moi que vous n’avez pas oublié votre cours de chant ! » Je rebroussai aussitôt chemin avant d’être rattrapé par ces petits cheveux si sensibles qui poussent sur les tempes et qui vous donnaient l’impression que la pesanteur n’existait pas tant vous vous envoliez avec les doigts qui les tiraient. Je suivis donc les autres jusqu’à la chapelle.
Contre toute attente, le cours fut intéressant, on commença par m’apprendre la gamme et on vérifia que je chantais juste.
Des heures de « do-mi-sol-do-sol-mi-do »... « Ascendant ! », « Descendant ! »
Tous les jeudis désormais, je suivrais le Frère jusqu’à la chapelle et apprendrais à chanter selon le rite en vigueur.
Du début du troisième trimestre de cette année-là à la fin de mon séjour chez ces fous,  je serai le soliste des messes. Celui qui servirait de récitant à la voix de « soprano 2 » au « miserere », celui qui chanterait « Agnus dei qui tolis peccata mundi » et attendrait que tout le monde ait fini d’ânonner « Misere nobis »…
Toutes les messe du jeudi.
Du dimanche aussi si j’étais collé.
Je me demande si je n’ai pas parfois été collé juste pour servir de soliste...
Parce que les autres collés de ces dimanches ne savaient pas chanter ?
Allez donc savoir ce qui peut germer dans l'esprit de ces tortionnaires...

jeudi, 07 novembre 2013

Les nourritures terrestres...

Avant de continuer « Les aventures du Goût chez les fous », je dois rassurer Mab qui apparemment était inquiète pour mes bien chers Frères.
Mab, mon enfant, n’aie pas peur –depuis que j’écris ça, je me prends pour JP II- ! Contrairement à tes craintes je ne suis pas devenu le cauchemar des Frères.
Les Frères sont restés mon cauchemar. Tu pourras l’apprécier d’ici quelques notes quand les « grandes vacances » approcheront.
S’ils n’ont pas réussi à me « mater » ils ont réussi à me rendre assez faux-cul et m’ont appris l’art de l’argumentation. Surtout l'argumentation spécieuse.
Demandez à Heure-Bleue... 
Ce talent si utile aux religieux dans leurs entreprises de faire prendre des vessies pour des lanternes au benêt qui a le tort de les croire.
Revenons donc à mon histoire.
Même si elle ne passionne pas les foules, n’oubliez pas, lectrices chéries que vous êtes mes psys adorées et gratos.
Surtout gratos.
Bon, adorées aussi.
L’heure du déjeuner arriva enfin, nous étions tous affamés et, fort heureusement, la qualité et la quantité de la nourriture proposée étaient assez basses pour nous éviter de sombrer dans l’obésité.
Quant au goût des mets, il nous préservait efficacement du péché capital de gourmandise…
La cérémonie du repas était immuable, il fallait dès l’arrivée à sa place, derrière le banc, se tenir debout et attendre que le Frère-surveillant se tienne debout à sa place, sur l’estrade qui portait la table des Frères et nous enjoigne d’entamer le bénédicité.
Cette prière était soigneusement contrôlée en paroles et en durée pour nous éviter d’en avaler la moitié des mots avec hâte pour nous jeter ensuite sur nos assiettes avec voracité.
Non, non, il fallait suivre le rythme imposé par le récitant et attendre avec patience qu’il ait psalmodié le « amen » tant attendu puis qu’il dise « asseyez-vous
».
Nous commencions tous alors à piocher dans nos assiettes en attendant avec impatience que tintinnabule la clochette qui donnerait à tous les élèves l’autorisation de parler.
Autorisation qui ne durait guère que quelques minutes, les légers chuchotis du début des conversations se transformant rapidement un brouhaha assourdissant.
Je m’écrasai soigneusement pendant les cours de l’après-midi. A la maison, c’était petit et nous étions entassés mais j’aimais bien l’idée d’y retourner avant les « grandes vacances », exit donc, les questions saugrenues qui me venaient en écoutant les cours du Frère-maître-d’école.
Après le dîner, composé essentiellement de soupe et de pommes de terre, nous avions droit à une longue récréation qui nous amenait jusqu’à l’heure du coucher, vers huit heures et demie.
Seuls n’allaient pas immédiatement au lit ceux, dont je faisais parfois partie, qui avaient « gagné une heure sans ». Les autres avaient le droit de lire les « illustrés » autorisés par l’école. Pas question de s’aventurer chez les Frères avec « Pif le chien » censément communiste ou « Tex Tone », illustré de cow-boys qui ne feraient que nous dissiper et nous détourner de la voie de la raison, Tintin était particulièrement bien en cour, pas autant que « Cœur Vaillant » certes mais très bien vu.
Le lendemain, jeudi, la journée commença par la messe.
C’était notre Frère à nous qui tenait l’instrument dont j’appris que c’était un harmonium. J’en trouvai le son agréable et ça me remonta un moral durement entamé par la disparition de mon dimanche à la maison. Je n’avais absolument aucune idée de ce qui se passait là. Je n’étais jamais entré dans une église et encore moins assisté à la messe. Je m’étais mis au plus près de l’harmonium pour avoir au moins une occupation : suivre les doigts du Frère sur les claviers de l’instrument. Je suivais tant bien que mal l’office, copiant sur les autres les mouvements à faire. Debout. Assis. A genoux. Marmonner en faisant semblant de savoir de quoi il s’agissait. 
A un moment tout de même, guidé par l’harmonium, je me mis à chanter le « refrain » entonné par tous, le « miserere nobis ».
J’eus à ce moment-là droit à un regard intéressé du Frère-organiste. Quand le Père leva la main et dit « Ite missa est », le Frère-organiste dit d’une voix forte « Monsieur S. Venez ici ! »