mardi, 04 avril 2023
Salauds de pauvres !
Un peu (!) en retard pour vous lire hier, lectrices chéries et lecteurs à peine moins chéris.
Excusez-moi, c’est seulement qu’il m’arrive de devoir faire autre chose que lire les blogs…
Hier donc, nous sommes allés traîner rue de Sèvres – frappé d’optimisme béat, j’allais écrire « faire les courses » comme si nous pouvions « faire les courses » au « Bon Marché » qui est tout sauf « bon marché »…
Après avoir ri de bon cœur devant le kilo de pommes de terre à dix-huit €uros et de petits pots de sauce tomate industrielle à onze €uros les cinquante grammes, nous avons acheté du lait et quelques yaourts.
J’ai eu l’impression d’acheter la vache.
J’ai donc fait l’expérience de la différence entre l’inflation et le luxe.
Le tout-venant augmente tout le temps, le luxe est cher tout le temps.
Puis nous avons bu un café dans le café du premier étage.
Faute de candidats à un poste où on est maltraité, on travaille durement et pour peu d’argent, le recrutement se fait moins exigeant.
Le personnel y a changé et y est nettement moins aimable et fait son service « par-dessus la jambe ».
Ce que je comprends parfaitement car dans l’ensemble la clientèle est aussi méprisante que l’encadrement est désagréable.
Cela dit, j’aimerais que leur vindicte ne s’abatte pas sur nous qui sommes assez « bien élevés » pour être polis avec les gens, qu’ils soient à notre service ou non.
Bref, ce fut moins agréable qu’avant la pandémie.
Nous en sommes venus d’ailleurs à nous poser quelques questions.
Les verres posés sur la table étaient vieux, ébréchés, et d’une propreté relative.
Les cafés que nous avions demandés étaient mauvais.
La « malgracieuse » qui nous a servis détestait manifestement son boulot.
Hélas, elle détestait les clients aussi…
Elle amena une carafe d’eau, retourna les verres douteux, les remplit d’une eau tiède et partit sans un mot et encore moins un sourire.
Tout était à la mode « regret du temps passé », je veux dire « vintage ».
Tout était « vintage », de la clientèle aux « chouquettes » posées sur nos soucoupes, même le café était tiède.
Après avoir levé la main et eu droit à la cécité sélective qui rend célèbre le garçon de café parisien, il m’a fallu tonitruer « S’il vous plaît » au point de faire sursauter un tas de « vintage » pour qu’une femme pas gracieuse du tout arrive avec son « TEP ».
Heureusement, la traversée du square Boucicaut nous a montré l’archétype de la devise « Travail Famille Patrie » qui rendit célèbre Pétain puis la famille Le Pen.
Immortalisé dans la pierre, un petit pauvre se voyait donner quelques subsides par deux dames opulentes en taille et en fortune tandis qu’une mère inconsciente au point d’avoir dans les bras un bébé fabriqué alors qu’elle était déjà incapable de subvenir aux besoin du gamin précédent attendait devant les généreuses donatrices.
L’ironie de la chose restant pour moi le contraste entre la scène fixée dans la pierre et les immeubles qu’on voit au delà...
Ça nous a réconfortés.
Cette vision d’un monde immuable qui veut que les pauvres le sont par leur faute alors que s’ils faisaient des économies au lieu de travailler et dépenser l’argent qu’on leur donne pour manger, ils deviendraient riches.
Cela dit, je suis de mauvaise foi car Madame Boucicaut et Madame Clara de Hirsch étaient connues pour leur générosité.
10:21 | Commentaires (3)
lundi, 03 avril 2023
Devoir de Lakevio du Goût N° 158
Chaque fois que je passe sur la place de l’Étoile, je regarde l’Arc de Triomphe.
Chaque fois je me perds en conjectures devant les bas-reliefs qui en ornent les quatre piliers.
Mais vous ?
Qu’y voyez-vous ?
À quoi songez-vous ?
Pensez-vous à la bataille d’Austerlitz ou à « la pelle du 18 juin » que « le Petit Tondu » ramassa en 1815 ?
J’espère en savoir plus lundi…
Je prends souvent le 31 et le 92.
Ces deux bus s’arrêtent tous deux place de l’Étoile.
Le 31 en commence petitement le tour et finit « sa ligne » avenue Hoche pour la reprendre avenue de Wagram.
Le 92, lui sort de l’avenue Mac Mahon pour aller jusqu’à l’avenue Marceau qui le mènera avenue Bosquet.
Cette avenue-là traverse un quartier qui réussit à être encore plus ch… que celui où la lumière de mes jours m’a entraîné et je vous assure que c’est une performance qui vaut d’être notée.
Pour en revenir à la place de l’Étoile, l’arrivée avenue Marceau me fait venir à l’esprit quelque chose qui fut un jour souligné par un gamin alors que je passais avenue Marceau pour rejoindre le Drugstore à l’angle de la rue de Presbourg.
Ce petit garçon criait à sa mère « Mamaaan !!! Regarde ! »
Comme sa mère, je me retournai et écoutai.
Montrant du doigt le bas-relief où la République entraîne ses défenseurs le petit garçon dit avec le plus grand sérieux en « On dirait que le soldat, il mord le zizi de l’autre soldat ! »
La mère et moi regardâmes alors le bas-relief.
J’avais déjà pensé à quelque chose comme ça mais à voir la maman sourire, je me dis qu’elle aussi.
D’un naturel sociable, je n’ai pu m’empêcher de dire « Il n’a pas tort ce petit… »
La maman répondit mezzo voce « Oui… On dirait bien que… »
Le petit, intéressé dit alors « On dirait quoi maman ? »
La maman, un sourire peu gêné aux lèvres, « On dirait bien qu’il… T’es trop petit… »
Je fus rassuré.
Je n’étais donc pas le seul à qui cette idée était venue.
Depuis, je me dis que Rude était finalement assez farceur et l’a fait exprès quand il sculpta cette « Marseillaise ».
Probablement aussi farceur que l’artiste inconnu qui sculpta un morceau des voussures de la cathédrale d’Amiens en l’agrémentant d’une religieuse subissant les assauts d’un diable.
Je suis toujours heureux de constater que, quelle que soit l’époque, le sexe,l’âge et le métier, on pense quand même très souvent « à ça ».
10:09 | Commentaires (20)
vendredi, 31 mars 2023
158ème Devoir de Lakevio du Goût
Chaque fois que je passe sur la place de l’Étoile, je regarde l’Arc de Triomphe.
Chaque fois je me perds en conjectures devant les bas-reliefs qui en ornent les quatre piliers.
Mais vous ?
Qu’y voyez-vous ?
À quoi songez-vous ?
Pensez-vous à la bataille d’Austerlitz ou à « la pelle du 18 juin » que « le Petit Tondu » ramassa en 1815 ?
J’espère en savoir plus lundi…
15:47 | Commentaires (5)
jeudi, 30 mars 2023
Symphonie funèbre mais pas triomphale.
Contrairement à celle écrite par Berlioz.
Non, on ne lira pas ici que « ceux qui pieusement sont morts pour la patrie ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie. »
P… Il me revient de ces vers ce matin.
D’ailleurs, à propos de vers, il y en a d’autres…
Comme disait je ne sais plus qui « vanitas vanitatum et omnia vanitas ».
Néanmoins je peux aujourd’hui vous affirmer que si je ne sais pas si « Les dieux ont soif. », je sais que les crabes ont faim…
Hier, la lumière de mes jours à cité un nom.
Un nom d’acteur ou de cinéaste.
Un nom qui m’a rappelé un « plaquage » mémorable, le truc vexant.
Curieux, j’ai cherché sur le Web quelqu’un qui ne me passait par la cervelle que quand il neigeait au mois de juillet.
Eh bien j’ai vu qu’elle était morte à soixante ans il y a douze ans…
Un crabe lui a probablement grignoté un sein que j’avais connu opulent.
J’avais lu il y a peu qu’on est vieux quand on connaît plus de morts que de vivants.
J’ai alors commencé à compter.
Un ami, un jeune homme que j’ai connu en 1973, est injoignable.
Pendant plusieurs jours, j’ai appelé les numéros divers qui lui donnaient accès.
Rien.
La dernière fois que je lui ai parlé, il avait la tripaille qui partait en lambeaux et avait été opéré moult fois.
La lumière de mes jours et moi avons alors parlé d’un autre, retourné ad patres en 2012, emporté par un crabe des éponges.
Puis, de façon inattendue, une femme que nous connaissons a appelé Heure-Bleue pour avoir des renseignements sur sa famille.
Elles ont longuement parlé d’une cousine qu’Heure-Bleue encore très jeune a connue enfant.
Elle aussi a été emportée par un crabe particulièrement vorace.
J’ai repensé à ma cousine, dévorée par la même bestiole il n’y a pas cinq ans.
C’était ma cousine préférée, celle avec qui je m’entendais mieux qu’avec mes sœurs.
D’autres copains ne donnent plus de nouvelles.
« Ils ont dévissé » comme on dit…
Une amie semble dans le même état et au même stade que ma cousine.
C’est une amie avec qui nous partageons quarante ans de fâcherie et de réconciliations.
Aujourd’hui, elle a un pied dans la tombe et l’autre sur une peau de banane…
Elle a « une chimio de confort » ce qu’on peut traduire par « elle est raide défoncée ».
On lui injecte des trucs qui enverraient en taule pour vingt ans n’importe quel dealer.
Et ce n’est pas la seule…
Je pense à l’instant à une dame qui a mon âge, celle dont feu mon père disait « Elle est mignonne mais elle est fichue comme une église » et qui, à mon regard interrogatif avait répondu « Ben oui, elle a les seins à l’intérieur… »
Il est vrai que sa poitrine attirait moins le regard que ses yeux, d’un bleu magnifique qui illuminaient un visage par ailleurs assez beau.
J’ai laissé tomber cette note deux minutes, le temps de chercher là où je savais qu’elle vivait.
Eh bien, elle aussi est retournée ad patres il y a cinq ans.
Le monde que j’ai connu se dépeuple à un rythme élevé.
On n’y va pas de gaîté de cœur mais manifestement on y va.
Ça m’attriste et me chuchote à l’oreille « memento mori »…
09:18 | Commentaires (19)
lundi, 27 mars 2023
Devoir de Lakevio du Goût N°157
Cette giboulée qui arrose l’Arc de Triomphe me parle.
Alors que la fin du mois de mars arrive, impossible de ne pas penser à « April in Paris ».
John Salminen, Ella Fitzgerald et Louis Armstrong nous invitent à regarder la vie.
Et vous ?
Qu’en pensez-vous ?
Le printemps vous inspire-t-il ?
À Paris ou ailleurs ?
À lundi j’espère.
Il fait beau et je n’ai pas école.
C’est jeudi et je n’ai pas « colle ».
J’ai des devoirs mais je n’ai pas envie de les faire.
Je les ferai demain matin, dans le métro, comme souvent les jeudis où je n’ai pas « colle », pas froid, et surtout que j’ai un but.
Comme aujourd’hui justement.
Je le sais, j’ai le cœur qui bat.
Je dois attendre quelqu’un devant le « Drugstore » des Champs Élysées.
Je monte en courant les escaliers de la station de métro « Étoile ».
Je ne vais pas la jouer « J’ai quinze ans et je ne veux pas mourir » que je viens de lire.
Non, je vais plutôt tenter « J’ai quinze ans et je ne veux pas mourir idiot » que je vais tenter de vivre.
Je sors du métro où il fait déjà chaud et la brise qui balaie les Champs Élysées me caresse le visage.
Il fait beau, je descends l’avenue et j’attends.
Je l’attends…
Comme souvent en ce début avril, les bannières d’un pays étranger suivent mollement le vent et animent l’avenue presque vide.
Arrivé devant le « Drugstore » je regarde en direction de la place de la Concorde, je sais qu’elle est à mille sept cents mètres mais je vois clair, suffisamment pour voir au loin se dessiner l’Obélisque.
J’attends quelqu’un qui a des cheveux mi-longs, châtain clair mais surtout une démarche légère et des yeux bleus.
J’aime ses yeux bleus.
Mais je ne sais pas trop quoi lui dire, j’ai déjà eu du mal à engager la conversation et je me demande comment j’ai pu lui demander ce rendez-vous.
Et surtout, surtout, je me demande comment elle a pu accepter…
Elle a accepté, elle m’a donné rendez-vous ici.
Et je l’…
Elle arrive.
Elle est là !
Et nous ne savons quoi dire...
Mais elle sourit et me tend la main.
Le soleil disparaît soudain tandis que nous voilà trempés en quelques secondes.
Un instant interdite par la soudaineté de la giboulée, elle reste immobile, comme paralysée.
Pris d’un accès de courage, je lui prends la main et l’entraîne dans le « Drugstore ».
Assis, nous attendons le café en silence.
Elle ne m’a pas lâché la main.
Je me dis que c’est un signe.
Je me sens prêt à marcher dans les pas de Tristan…
J’ai quinze ans et je suis encore idiot…
10:54 | Commentaires (23)