lundi, 22 mars 2021
Devoir de Lakevio du Goût N° 73
Chaque fois que je passe devant ce mur, je ne peux pas m’empêcher de regarder dans le caniveau.
C’est une source quasi inépuisable de petites choses étranges.
Je me rappelle surtout qu’il y a peu, il n’y avait pas de mur.
Ni de porte.
Maman me tient par la main et me tire vers l’école maternelle.
Oui, elle me tire parce que je « lambine » à regarder dans le caniveau.
Je me demande pourquoi elle ne change pas de trottoir ou ne me tient pas par l’autre main, ce qui m’aurait éloigné du caniveau et empêché de regarder dedans tout au long du chemin.
Non, pas tout au long.
Pas quand on prend le passage qui mène jusqu’à l’autre rue et qui est sombre, n’a pas de caniveau et dont les pavés sont toujours glissants.
Maman ne peut pas passer par un autre chemin, sauf à arriver en retard chez la dame du « Chic Parisien ».
Mais je ne sais pas pourquoi elle me laisse « lambiner » le long du caniveau.
Peut-être pour me garder un peu plus longtemps avec elle.
J’ai remarqué qu’elle regarde madame Comprade, ma maîtresse, d’un air bizarre, comme si elle ne l’aimait pas...
Maman regarde pareil celle qu’elle appelle « l’autre ».
Moi je sais qu’« l’autre », elle s’appelle Malika.
Elle est drôlement belle.
Elle a les yeux bleus ! Oui, bleus !
Je ne savais même pas que des yeux pouvaient être bleus !
Ce sont les plus beaux yeux que j’aie jamais vu.
Je pense que maman la déteste.
Je ne sais pas pourquoi...
Elle est gentille Malika.
Elle me tient la main pour entrer en classe et elle est assise à côté de moi.
Mais on n’est pas encore à l’école et je déteste ce passage, il est sombre et j’ai peur.
Tant que maman me tient par la main, ça va.
J’espère que ce soir, on ne passera pas par là.
Mais alors je ne verrai pas le mur et dans l’autre caniveau, il n’y a jamais rien.
C’est une vraie rue et il n’y a pas de choses qui traînent dans les caniveaux.
N’empêche, c’était mieux quand il n’y avait pas le mur...
De l’autre côté, il y a de l’herbe.
Je le sais, je l’ai vue quand il n’y avait pas le mur...
08:03 | Commentaires (25)
dimanche, 21 mars 2021
Coup de froid...
J’ai eu froid, d’un coup.
Je me suis levé d’un lit qui disparut dès que fus debout.
Il faisait nuit.
Je suis allé jusqu’à la porte qui soudain ne fermait plus.
La serrure n’était pas cassée, non, simplement l’huis et le chambranle ne se joignaient plus.
Un jour de plusieurs centimètres empêchait la serrure de faire son office.
En plus quelqu’un montait l’escalier...
Miraculeusement, quand il a atteint le palier et qu’il a voulu ouvrir la porte, celle-ci a accepté de se fermer.
J’ai eu peur car ma mère n’était pas là.
Mon père non plus.
Pas plus que mes sœurs et l’ameublement de l’appartement avait quelque chose de bizarre.
La moitié des meubles avait disparu au profit d’échafaudages inconnus.
Le jour s’est levé d’un seul coup, comme une lampe qu’on allume et je suis sorti.
Je suis allé jusqu’au boulevard Ornano, je l’ai reconnu tout de suite.
Le cinéma proposait un film que j’avais déjà vu mais dont je ne pus lire l’affiche.
Je savais seulement que je l’avais déjà vu.
J’ai avancé vers la rue Ordener. Mon père arrivait vers moi.
Je l’ai appelé.
Plusieurs fois.
Plein de fois.
Il portait sa gabardine grise, celle que je lui connaissais depuis des années.
Il avançait sans regarder autour de lui.
Il ne venait pas.
Il n’allait pas.
Il partait.
Il quittait tout pour je ne sais où.
Je l’ai encore appelé.
Il ne m’a pas entendu.
Il est parti sans regarder.
Une vague de tristesse m’a alors submergé, telle que je me suis mis à pleurer à gros sanglots.
Puis le jour s’est levé.
Moi aussi.
J’ai fait la vaisselle que je n’avais pas faite la veille au soir alors que je déteste trouver de la vaisselle sale au lever...
Je me suis rappelé mon rêve en rangeant la vaisselle.
J’avais rêvé de mon père.
Je crois qu’il est vraiment mort maintenant, puisqu’il partait…
Mon père ?
C’est celui qui ressemblait à Kennedy sur la photo, avec l’air de frimer, les mains sur les hanches...
Mon père était quelqu’un de gentil.
Taquin, voire infernal mais gentil.
Vraiment gentil.
Peut-être trop gentil pour le monde où il avait vécu.
09:54 | Commentaires (11)
vendredi, 19 mars 2021
73ème devoir de Lakevio du Goût
09:37 | Commentaires (9)
jeudi, 18 mars 2021
Et les chevilles ?
Eh bien j’en aurais appris de belles hier !
Vous savez qu’Heure-Bleue, empêchée de se mouvoir avec légèreté à cause justement de sa légèreté de réflexion, « m’a désigné volontaire » pour effectuer une bonne part des tâches qui lui sont dévolues.
Sauf le repassage évidemment, tâche dont j’ai oublié les arcanes depuis des décennies.
Rien de particulier à dire sur les courses, la cuisine, la vaisselle, faire le lit, bref tous ces trucs que je fais tous les jours.
Là où, d’après Heure-Bleue, ça pèche sévèrement, c’est du côté du nettoyage de lavabo, du balayage et de l’aspirateur.
Et je m’insurge !
C’est même pas vrai ce qu’elle dit parce que le lavabo, elle peste le soir après s’être lavé les dents et que c’est elle qui l’a sali !
Sans compter la mauvaise foi de la mauvaise patiente !
J’ai fini par lui dire « mais finalement, qu’est-ce que j’ai de bien hein ? Qu’est-ce que j’ai de bien ? »
Et là, elle m’a laissé sans voix.
Elle a réfléchi deux secondes, m’a regardé et dit « Ben, tu me supportes, Minou, c’est déjà beaucoup ! »
Alors j’ai essuyé la vaisselle du dîner et l’ai rangée.
Que voulez-vous répondre à ça ?
Mais bon sang ! Quelle mauvaise foi !
Alors que depuis que je la connais, je ne m’en étais pas aperçu...
C’est pourtant vrai que ça rend aveugle...
10:50 | Commentaires (14)
mercredi, 17 mars 2021
Coup de pied au cou de pied...
Ouais, elle est facile mais c’est le jour des gosses, hein...
Lundi nous sommes allés chez le médecin pour l’entendre commenter nos analyses.
Elles sont impeccables.
Elles...
Heure-Bleue, en revanche, moins.
Elle s’est foulé une cheville en voulant sauter dans le bus.
Elle avait seulement oublié que l’agilité de l’adolescence est plutôt passagère.
Ce ne serait rien si, têtue comme une mule, elle n’avait refusé avec une énergie surprenante pour une souffreteuse, de prendre le taxi que je lui proposais.
Mais non ! Madame a voulu faire à pied le kilomètre et demi qui sépare le cabinet du médecin de l’arrêt du 20 à la République.
Évidemment il lui fut impossible de résister à l’appel du Monoprix du métro Temple...
De « boitillante », sa marche s’est ainsi transformée en « chaloupée » pour finir en « accrochée à Minou » sur les derniers mètres.
Au point que mon coude gauche, celui auquel se pend Heure-Bleue, est maintenant dix centimètres au dessous du code droit, celui qui porte les courses pendant qu’elle me donne le bras...
Je dispose néanmoins d’une information d’importance : Il y a pire que « Minou enrhumé ».
Ou lectrices chéries, « Ma Mine » avec un cheville foulée c’est autre chose.
C’est grandiose !
Que je vous explique.
Avez-vous déjà essayé de mettre un collier à un chat adulte qui n’a jamais connu d’entrave ?
Eh bien Heure-Bleue immobilisée, c’est un peu ça !
Elle est infernale.
On dirait un gosse assez malade pour être couché, pas assez pour avoir envie de dormir.
Un gosse la veille de Noël.
Un prisonnier à deux jours de sa libération.
Autant dire l’enfer...
Alors, avant de préparer une pizza pour midi, et de passer l’aspirateur pour lui éviter de boitiller en gémissant, je vous demande une seule chose, lectrices chéries.
Jetez vous sur vos claviers et noyez nos notes de commentaires élogieux sur la résilience d’Heure-Bleue.
Si vous pouviez faire pareil avec la patience du Goût, ce serait bien aussi...
Bref, lectrices chéries, plaignez-nous !
10:41 | Commentaires (20)