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samedi, 04 mai 2019

Sonate d'automne avant l'heure.

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Je dois vous dire que ce matin, le « doux bruit de la pluie, par terre et sur les toits » comme disait Paulo, me tape sur le système.
En plus il fait un froid de gueux qui me pousserait à m’en aller « les poings dans mes poches crevées » comme disait le pote du premier.
Oui, car il faut que je vous dise, lectrices chéries, que mon caban a, lui aussi les poches crevées.
Je ne sais pourquoi ces poches se trouent.
Les poches de mes jeans tiennent le coup alors que j’y mets mes clefs et que, n’ayant pas de porte-monnaie, de toute façon inutile compte tenu de ma fortune, les pièces de monnaie traînent au fond des poches de ce jean.
Pourquoi diable les poches de mon caban et de mes blousons se trouent-elles alors que je n’y mets que les tickets de bus que je viens d’oblitérer ou le ticket de caisse du Monop qui m’encombre les doigts ?
J’y mets aussi le petit sac soigneusement replié chaque fois au retour à la maison qui sert à porter les courses que nous venons de faire.
C’est un grand mystère que ces poches qui se décousent.
Ce mystère m’agace une fois l’an à peu près.
Dès que les beaux jours s’annoncent.
Je suis tranquille ces temps-ci grâce au temps de mince qui sévit mais je sens venir le moment d’enfiler une aiguille et de recoudre ces poches.
C’est une sage précaution car aller chercher au fond de sa doublure le sac qui doit servir à y mettre les courses alors qu’une foule hargneuse se presse à la caisse du Monop’ est une tâche risquée.
Je les entends déjà penser « va mourir ! Tu nous retardes ! On a téléréalité à la télé ! »
Il me va donc falloir incessamment, sous peu, voire avant, me crever les yeux pour enfiler une aiguille et recoudre ces fichues poches avant qu’une horde de clients impatients ne hurle, au choix, « les vieux à la piqûre ! » ou bien « alors, tu t’affoles un peu papy ? »
Je dois dire que se mettre à la couture avec ce temps de mince, c’est déjà tâter de l’enfer avant l’heure.
Imaginez un peu, lectrices chéries…
Un temps à se jeter dans le canal.
Un boulot à justifier l’emploi du fouet.
Une vue désolante d’un extérieur froid et trempé.
Une envie de retourner se coucher pour ne plus voir ça.
Heureusement que je suis attaché à la vie et qu’il n’y a pas d’armes ni de médicaments  à la maison…
Mais quand diable va-t-il faire beau ?

vendredi, 03 mai 2019

Joli mois de mai.

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Alors que le mois de mars me rend plutôt gai, avec sa promesse de printemps, même si à dire vrai ce mois me voit souvent gelé et emmitouflé, les mois d’avril et mai me voient surtout d’humeur chagrine.
Évidemment il y a l’explication facile de ce fichu scanner à passer, mais ce n’est pas ça, je le sais.
Il y a autre chose.
Et toujours, je ne sais pourquoi, au mois de mai me revient cette histoire de rue Turgot.
Quelqu’un que je connaissais et ai parfois oublié est mort qui y habitait.
Son nom et son visage m’échappent mais ils me reviendront je le sais.
Je ne sais quand.
J’espère seulement pouvoir être encore en état de vous en faire part quand elle reviendra à la surface de ma mémoire.
Cette affaire me cause du souci depuis… Depuis si longtemps.
Et le temps aujourd’hui n’égaie pas cette absence de mémoire étrange qui n’est ni le souvenir ni l’oubli…
Vous avez vu comme est le ciel parisien aujourd’hui ?
Il n’est pas même gris, il est seulement indécis.
Un peu triste comme ces ados qui manquent de beaucoup de choses mais ne savent pas encore quoi.
Le ciel parisien aujourd’hui est comme ces ados. Il est plein de vague à l’âme.
Il ne sait pas ce qu’il veut et semble n’avoir qu’une vague idée de ce qu’il ne veut pas.
Il est presque comme moi.
Au moins je sais que je vais aller chercher du café chez Clooney.
Peut-être même allons nous, Heure-Bleue et moi, croiser quelque scène qui va nous causer ce fou-rire qui fait tant de bien.
Pour y aller, je vais passer cette écharpe de cachemire rouge qui me plaît et devrait chasser cette impression de froid qui me réfrigère de l’intérieur.
Mais pourquoi ai-je froid alors que nous sommes au mois de mai ?
Mais bon sang, qui était-ce ?
Quel souvenir me hante et me rappelle la rue Turgot chaque mois de mai ?
Souvenir si profondément enfoui que seule une ride périodique le fait vaguement affleurer sans jamais crever la surface de ma mémoire…
C’est peut-être cette remarque de Célestine à propos du « Grand Comptoir d’Anvers », ce café qui fait face à la rue Turgot qui a créé cette ride de la mémoire, allez savoir…
Bref, on va aller chercher du café et profiter de l’animation du quartier des Grands Magasins.
Il est rare qu’on n’y remarque pas quelque chose d’intéressant.
Je suis sûr qu’on en rira.
Ça me reviendra, j’en suis sûr…

mercredi, 01 mai 2019

Au bonheur des ogres...

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Comme vous le savez, nous avons passé quelques jours avec Tornade, Merveille et P’tite Sœur.
Je me demande si les travaux forcés n’ont pas été inventés pour que les grands-parents puissent se reposer…
Ce fut néanmoins très chouette.
Il y eut bien sûr quelques moments délicats.
Ces moments où la faim rend les enfants si hargneux que l’absence des ogres se fait cruellement ressentir…
Particulièrement chez la plus petite.
Celles censément adultes, elles, c’est autre chose : Quand la fatigue de la journée commence à obscurcir l’entendement, le ton monte pour des riens.
Elles sont capables d’entamer une chamaillerie alors qu’elles viennent de dire exactement la même chose sur le même sujet.
C’est l’effet dévastateur du « oui mais non » si fréquent dès que deux filles parlent.
Elles viennent de dire la même chose mais manifestement il doit y avoir une différence que je n’ai pas saisie au vol, un regard peut-être, ou un battement de cils passé inaperçu…
Et puis il y a Merveille…
Merveille qui grandit.
Merveille qui a besoin d’acheter un rire car on dirait le mien au même âge, le rire qui fait douter de la présence d’un cerveau en ordre derrière un front parfait.
Merveille qui sait si bien dire « Papy ! Mon papy d’amour ! Tu me fais des concombres ? Je ferai la sauce moi-même avec la crème et le vinaigre de cidre… »
Voix légèrement mourante sur la fin de « cidreeee » et papillotement de cils à l’appui.
J’épluche alors les concombres puis les émince.
Je finis la préparation du dîner, sers un vers de vin blanc à Tornade, de vin rouge à Heure-Bleue et un « baby » de Lagavulin à moi.
La table mise, nous nous asseyons.
J’ai oublié d’apporter la sauce de Merveille.
- Merveille, tu veux bien apporter la sauce de tes concombres ?
- Pfff…
Oui ! C’est bien un soupir à fendre l’âme d’un percepteur qui me répond.
- Merveille, s’il te plaît…
- Oui… Boooon, j’y vais papyyyy mais je ne suis pas ton esclave…
- Eh ! C’est ta sauce, pas la mienne…
Merveille se lève et je reconnais là ma grande sœur à douze ans, raide comme la justice mais portant la misère du monde sur ses frêles épaules, secouant la tête et les yeux au ciel pour le prendre à témoin de la cruauté des vieux et marchant d’un pas agacé vers la cuisine.
Et je ris de bon cœur car je pense qu’elle aura envie de baffer P’tite Sœur quand elle lui fera le même coup.
Vous ne trouvez pas que la stabilité de l’espèce a quelque chose de réconfortant dans ce monde où l’on exige pour toute activité une rapidité croissante ?

mardi, 30 avril 2019

La vérité sort du puits...

Hier soir, alors qu’Heure-Bleue agonisait, plus exactement se demandait quand il m’allait falloir suivre son cercueil, je l’écoutais.
Elle me disait des choses sur Merveille, sur P’Tite Sœur et tout un tas de choses qui traduisaient son inquiétude de voir la camarde passer insidieusement alors qu’elle dormait.
Heure-Bleue aime bien, quand elle s’endort,  l’idée de se réveiller le lendemain matin avec votre serviteur s’agitant à préparer le petit déjeuner.
Hier soir, il n’en alla pas de même, une vague douleur l’inquiétait qui s’apprêtait à gâcher sa nuit.
Ergo la mienne…
Rassurée après réflexion de part et d’autre, nous dormîmes plutôt bien.
Si bien même, que surpris par la qualité de notre sommeil après une semaine de sport intensif et d’inconfort de couchage, nous nous sommes réveillés assez tôt.
J’ai fait part à la lumière de mes jours d’une information qui me semblait propre à la réconforter.
- Ma mine, tu sais quoi ?
- Non…
- Mon grand-père n’a été malade qu’une fois dans sa vie !
- Et alors ? Il est mort quand même !
- Ouais, mais à quatre-vingt-cinq ans !
- Je sais, d’une pneumonie…
Il est vrai que mon grand-père, né la même année que Mistinguett  et un an avant que Wagner ne créât « Le crépuscule des dieux » à Bayreuth était de ces constitutions dites « d’avant guerre ».
Une vie frugale mais copieusement arrosée lui avait enseigné que vivre proche de la nature vous tuait ou vous endurcissait.
Il en avait gardé l’habitude d’une toilette succincte mais sans aucun doute revigorante.
Et pour cause, du plus loin que je me le rappelle, je le vois encore le matin, penché sur la margelle du puits qui nous assurait l’eau de la toilette, de la cuisine et de la boisson.
Pendant les vacances de Noël je le voyais, dehors, retirant son maillot de corps, plongeant dans le seau une main en coquille et se projetant sur le torse des litres d’eau.
Pour boire l’eau du puits, je sais qu’elle était glacée, il est donc inutile de vous dire qu’à le regarder j’étais effrayé.
J’étais sûr qu’un jour ça allait mal tourner pour lui.
Ça s’est vérifié.
Après un séjour à la maison qui prit heureusement fin avant que les matelas étalés par terre pour la nuit ne suscitassent une révolution de chaumière, mon grand-père partit faire un séjour chez une de mes tantes.
C’est là que son habitude l’envoya ad patres le jour de la naissance du printemps 1960.
Il sortit ce matin là pour faire ses besoins dans le fossé qui faisait face à la maison avunculaire.
Il faisait très frais en ce vingt-et-un mars.
Trop frais pour sortir pieds nus, en caleçon et maillot de corps.
Il attrapa la première maladie de sa vie et elle l’emporta.
Quelle idée de faire ce genre de chose à quatre-vingt-cinq ans ?
C’est le genre d’aventure qui ne risque pas d’arriver à Heure-Bleue…
Je l’imagine en culotte et soutif dans un fossé.

dimanche, 28 avril 2019

Démons et Merveille.

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Si les choses avaient suivi l’ordre naturel des choses j’eusse dû être cloué sur mon lit de douleur.
Hélas, Heure-Bleue, avec sa férocité habituelle a décidé que je serai cloué mais debout sur rien, avec juste la douleur…
Heureusement, mon gynécée perso était complet.
La lumière de mes jours et Tornade dirigeaient d’une main de maître une foule de deux filles, Merveille et P’tite Sœur.
J’ai retiré de la première partie de l’expérience qu’une petite fille de presque six ans vous met sur le flanc avec une aisance déconcertante l’Hercule que je suis.
Elle est repartie vendredi soir, ça m’a requinqué…
Hier soir, ce fut plus reposant.
J’ai vaguement regardé « Mc Gyver » avec deux petites filles, une de douze ans et une de soixante et quelques années.
Elles sont charmantes de fraîcheur d’esprit et touchantes de naïveté…
Cela dit, le « Mc Gyver » de 2019 n’a rien de commun avec le « Mc Gyver » des années quatre-vingt.
Il est plus jeune, ce qui arrive rarement dans la vraie vie, plus blond aussi, ce qui est à la portée de n’importe quel coiffeur.
Et il n’a même pas la coiffure dite « mulet » qui seyait si bien à l’autre et rendrait n’importe qui ringard aujourd’hui…
Le nouveau a, semble-t-il, laissé tomber l’astuce pour la chimie.
L’autre, le vieux, avait au moins la délicatesse de sortir les gentils de la mouise avec panache.
Vous lui laissiez une vieille mobylette, un marteau et une boîte d’allumettes, il vous faisait un porte-avion.
Le nouveau, avachi dans le confort du XXIème siècle, bosse dans des grands hôtels où je suis heureux de ne pas mettre les pieds car ils sont vraiment fréquentés par des bandits féroces et qui ne regardent pas à dix meurtres inutiles pour récupérer un smartphone qu’ils auraient pu acheter pour soixante dollars.
Résultat ? Ben, ya des frais…
Le nouveau « Mc Gyver » n’entre pas dans les chambres, non, il fait un peu de chimie et hop ! Il découpe un trou dans le mur de la piaule !
Quand il a attrapé les méchants, il a relancé le BTP pour six mois et troué sévèrement le bilan des assurances.
Mais ce fut assez chouette, les deux petites filles, je veux dire Tornade et Merveille semblaient ravies.
Il est vrai que ça remonte le moral de voir que, contrairement à ce qui se passe dans la vraie vie, les méchants prennent une raclée et sont punis tandis que les gentils récupèrent leurs biens et s’en vont, main dans la main, vers un avenir radieux, plein de sous, d’amour et  de plumards pour y faire plein d’enfants gentils…

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