samedi, 15 juin 2019
Une note rasoir, une histoire de l'âme...

Fabie m’a fait un commentaire :
« Fais comme moi pendant les chimios, couvre le miroir avec une serviette, cela permet de ne voir que ce que tu veux voir... »
Alors là…
Je dois dire que c’est bien une réflexion de fille, ça…
« Et pourquoi ça ? » vous dites vous, lectrices chéries.
Je vous entends penser d’ici « Pfff… C’est même pas vrai, d’ailleurs tout le monde sait bien que les filles passent plus de temps devant leur miroir que les mecs ! »
Erreur, lectrices chéries !
Plus exactement les garçons, du moins ceux de ma génération, ont besoin de se voir dans la salle de bains.
Et pas seulement pour admirer le profil de médaille qui lance à leurs trousses ces foules de filles, hurlantes de désir.
Non, pas seulement pour ça.
Pour une activité quotidienne indispensable si on veut avoir l’air un peu net.
Une activité souhaitée par les mères, qui veulent toujours embrasser « mon bébé, chair de ma chair, mon fils, mon sang ! »
Une activité enseignée par les pères.
Là je ne sais pas trop si c’est parce que c’est leur boulot ou si c’est pour éviter des histoires avec la mère de « mon bébé, chair de ma chair, mon fils, mon sang ! »
Alors, à force de remarques maternelles, de regards vaguement dégoûtés vers cette ombre qui se met à assombrir sa lèvre supérieure, le garçon s’y met.
Je crois vous avoir déjà parlé de cet épisode.
Le garçon des sixties doit absolument se raser.
La mode n’était pas encore à la barbichette ni à la barbe de trois jours perpétuelle.
Je me rase donc depuis longtemps.
Très longtemps…
Et c’est là que je voulais en arriver : Le conseil de Fabie tombe mal !
Pour se raser, le miroir est indispensable.
Ne pas le couvrir, sous peine de se défigurer car dans les années soixante, les lames coupaient assez mal le poil mais très bien la peau…
Et puis, alors subsistent ces taches de poils qui font ressembler la figure à une pelouse mal tondue avec quelques touffes d’herbe.
Hélas, un autre problème arrive avec les années.
Quand vous avez vingt ans, vous passez la lame aisément sur une peau qui se tient fièrement devant le rasoir.
Mais quand vous avez… Bref, quand vous avez plus…
Ça se passe moins bien.
Il vous faut gonfler les joues si vous voulez qu’il vous en reste un peu après le passage de la lame.
Il vous faut lever fermement et fièrement la tête pour éviter qu’un pli ne se forme et que vous ne vous ôtiez un steak de menton.
C’est là que le miroir se révèle indispensable.
Vous découvrez alors que ce vous preniez pour une une nuance langagière prend toute son importance.
Vous découvrez soudain que vous aviez la peau souple et que vous avez la peau molle.
C’est presque pareil.
Presque, seulement…
09:15 | Commentaires (8)
vendredi, 14 juin 2019
Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
Ce matin, « heureux d’être au monde et de voir clair », d’autant que je n’étais pas « aveugle des yeux » comme je l’entends parfois, je me suis levé.
Habituellement, je ne vérifie au réveil que quelques détails.
Ne vous attendez pas à quelque leste remarque à propos du baromètre de la santé...
Non, il s'agit de choses, triviales, certes mais importantes :
Reste-t-il du lait ?
Le pain est-il assez frais ?
Doit-il être grillé ?
Toutes ces petites choses de chaque matin.
Ce matin, j’ai vérifié quelque chose d’autre.
Non, toujours pas ça...
Mais aussi important :
Vois-je encore correctement ?
Je me suis approché de la fenêtre, avec un peu d’appréhension toutefois à cause du souvenir de la matinée de mercredi.
Ô merveille ! Ô bienveillance du sort !
Je revoyais comme avant !
Comme quand j’étais petit.
Enfin plus tard car quand j’étais petit je regardais le monde avec deux yeux.
J’ai tourné les yeux vers la droite et j’ai pu lire totalement l’enseigne du bout de la rue.
Et sans plisser les yeux !
Je me suis donc lancé dans la confection du petit déjeuner avec l’enthousiasme de la jeunesse que je pensais avoir retrouvée.
Hélas, pas assez retrouvée puisque qu’à me tortiller j’ai réveillé ce foutu genou…
J’ai fait alors la constatation désolante que la vie n’est pas un chemin continu qu’on aimerait parcourir peinardement.
Il n’est pas non plus seulement plein d’ornières qui font qu’on se relève régulièrement après moult chutes.
Non, en y réfléchissant plus avant, surtout avant qu’il ne soit trop tard, c’est surtout une course de haies, une course d’obstacles.
Après la « haie des dix ans », vous devez sauter celle des vingt ans puis celle des trente ans, etc.
La cruauté de la chose restant que bien que les haies soient de moins en moins hautes, elles semblent de plus en plus difficiles franchir.
Pas tant du point de vue de la hauteur que de celui de la vue.
Puis, passant dans la salle de bains, je me suis dit que finalement, voir moins clair en vieillissant n’était pas forcément un malheur.
Surtout quand on voit ce que je vois dans le fichu miroir de cette fichue salle de bains.
Avant, il suffisait d’une toilette pour effacer sans peine une nuit blanche sur des paupières à peine marquées.
Maintenant, même après une nuit de sommeil, c’est un ravalement complet auquel il faut se livrer.
Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
08:39 | Commentaires (16)
mercredi, 12 juin 2019
Ce matin, c’est moi qui ai pris les yeux brouillés…
Je vous avais parlé hier matin d’un rêve épouvantable la nuit précédente.
Il s’est révélé terriblement prémonitoire.
Bon, les évènements ne sont pas allés jusqu’à l’épouvantable conclusion de ce qui s’est révélé un cauchemar.
Bon, dans ce rêve précité, un crabe à l’œil conduisait à l’énucléation de votre serviteur, même si on se dit au premier abord « un crabe à l’œil c’est pas cher », eh bien « au deuxième rabord » c’est horrible.
Néanmoins…
Que je vous dise, lectrices chéries.
Ce matin donc, j’étais aveugle.
Plus exactement je ne voyais plus clairement les choses.
Essayez donc de lire quand les mots et les images sont doubles et non pas côte à côte ou l’une au dessus de l’autre mais décalées à 45° !
Quelle panique mes chéries ! Quelle panique !
Heureusement, si l’on peut dire, c’est ce matin que la lumière de mes jours et moi avions rendez-vous chez l’ophtalmo.
Heure-Bleue, qui est sensible malgré tout, m’a prêté une de ses nombreuses paires de lunettes.
« La petite rouge » aux verres en forme d’olive qui lui vont si bien du point de vue de l’esthétique m’allaient très bien du point de vue de l’optique.
« Tu m’as fait peur Minou ! Tu as du mal à faire la mise au point ! Tu es devenu astigmate ! »
C’eut été gentil si elle avait gardé pour elle la conclusion : « C’t’un truc de vieux, quoi… »
Nous nous sommes rendus au rendez-vous et sommes quasiment arrivés à l’heure.
Heure-Bleue est passée la première chez la « visionnaire ».
Elle en est sortie assez rapidement et d’humeur assez joyeuse pour que je l’entende du bout du couloir dire « Bon, je vous envoie l’aveugle ! »
Après lui avoir fait remarquer que l’aveugle n’était pas sourd, je suis passé à mon tour chez la dame de la vue.
Après avoir regardé comme elle voulait, dit ce qu’elle voulait entendre, mesuré que je n’avais pas de glaucome ou autre saleté, elle a dit, la garce :
- C’est normal, vous êtes seulement astigmate…
- Mais enfin, j’ai jamais eu ça !
- Vous savez, on a le cristallin et la cornée moins souples… avec l’âge…
- En somme j’ai de l’arthrose de la cornée et du cristallin.
- C’est ça !
- Euh… À part ça ?
- Pas de cataracte, pas de tension, vous avez plus de 10/10...
- Oh !
- Oui, 12 à 13/10 je dirais, juste astigmatisme et presbytie…
Elle a imprimé l’ordonnance pour une paire de lunettes pour dehors et une paire de lunettes pour dedans.
J’étais entré avec de vieux yeux, je suis ressorti avec des yeux de vieux…
15:57 | Commentaires (6)
mardi, 11 juin 2019
Les matins du monde...
Ce matin, je me suis réveillé après un rêve épouvantable.
L’épaule de la lumière de mes jours, éclairée par le soleil matinal m’a mis immédiatement de bonne humeur.
À revoir cette épaule et ce cou dans la lumière matinale et montmartroise, je me suis rappelé des moments plus anciens.
J’ai eu envie d’aller avec elle me promener du côté de la Bourse.
Qu’elle me reparle de « ce café où il y avait un grand comptoir et où je prenais mon croissant le matin, tu te rappelles Minou ? »
Comme si je pouvais oublier…
Il est juste à côté d’un bistrot disparu depuis longtemps, « La Une » où on déjeunait pour 8,00 F.
Je ne me rappelle aucun des plats.
Seulement la lumière de mes jours, montant les escaliers devant moi, vêtue d’une jupe qui la déshabillait si bien…
Si nous nous décidons à le faire, ce ne peut être ni aujourd’hui ni demain mais peut-être après demain.
Nous passerons rue Chabanais, sans penser un instant à Viollet Le Duc.
Plutôt à Édouard VII, cet Anglais aux paupières lourdes et aux mœurs légères, qui passait là avec du « demi-monde » du temps normalement consacré aux affaires du monde.
Nous flânerons d’un pas lent le long de la rue des Petits Champs jusqu’au passage Choiseul où nous serons désolés par l’invasion de restaurants supplantant les boutiques.
Puis, la rue Saint Augustin jusqu’à l’avenue de l’Opéra que nous remonterons jusqu’à l’arrêt du 95.
Nous nous assiérons un instant en face de « Brentano’s » et, comme chaque fois, nous regarderons ce qui était « la librairie américaine » en disant « elle était toute rouge, tu te rappelles ? Maintenant elle est marron… »
Pire, elle n’a plus rien de la « librairie américaine ».
Ça va être une chouette promenade.
À moins que nous n’allions voir « Douleur et gloire » d’Almodovar…
Ce serait bien aussi.
10:19 | Commentaires (12)
dimanche, 09 juin 2019
On avait bien s’amusé, avec les pompons avec les pompiers…
Hier, j’ahanais en traînant le caddy dans la rue qui nous ramène chez nous en passant devant la caserne des pompiers.
Heure-Bleue, derrière, comme d’habitude avec son fouet parce que j’allais trop lentement.
Comme quand j’étais gamin, je regardais autour de moi, les maisons, les gens et je faisais –pour une fois- attention à ne pas coincer le caddy dans une de ces ornières dont les trottoirs parisiens sont riches ces temps-ci.
Je me suis arrêté un instant à l’angle de la rue, l’attention charmée par le glouglou de l’eau qui coulait de la vanne carrée habituelle dans le caniveau et faisait, sur une dénivellation du trottoir, un petit lac.
Bon, je dirais plus honnêtement une flaque.
Quelle chose m’a chiffonné dans cette flaque, quelque chose d’anormal.
En effet, l’ordre des choses veut que quand l’eau sort d’un trou, elle fasse un glouglou et s’écoule alentour.
Là, l’eau venait du caniveau et des bulles, assez grosses les bulles, sortaient d’un trou dans le trottoir.
Et ça, c’est anormal.
Alors je me suis approché et ai regardé plus attentivement.
Au fond de la flaque, une petite plaque de fonte comme il y en a plein les trottoirs, ronde et sur laquelle était gravé « GAZ ».
Quand des bulles s’échappent d’une plaque de fonte sur laquelle est écrit « GAZ », ce n’est pas normal du tout.
À partir de ce moment j’ai pu apprécier le sens civique, le souci de la sécurité publique de ces organismes qui nous coûtent un œil…
Nous avons, Heure-Bleue et moi, regardé autour de nous.
Pas un chat.
Une voiture genre « cow-boy » est alors apparue sur laquelle était écrit « Mairie de Paris Sécurité ».
J’ai appelé et secoué le bras.
Le résultat ne fut pas celui escompté.
Après un bref regard vers votre serviteur, le conducteur a accéléré et, je ne vois pas d’autre mot, s’est enfui.
Nous avons donc, Heure-Bleue et moi, repris notre chemin.
Par chance, devant la porte ouverte de la caserne des pompiers, un jeune homme, beau et musclé a tapé dans l’œil de la lumière de mes jours qui ne voit mal que ce qui ne l’intéresse pas.
Des fois c’est moi…
Je suis allé voir l’athlète. Il aidait un type à sortir les poubelles.
- Bonjour Monsieur…
- Bonjour, quelque chose m’inquiète…
- Quoi donc ?
- D’une plaque marquée « GAZ » à l’angle de la rue, sortent des bulles car la plaque est sous l’eau qui déborde du caniveau.
- Et ?
- Quand des bulles sortent d’une plaque marquée « GAZ », quelque chose cloche, non ?
- Aahhh…
- Vous devriez peut-être aller voir, non ?
- Faut peut-être appeler GDF…
L’autre type est alors intervenu et a dit le plus sérieusement du monde :
- Ou alors appelez les pompiers…
Convaincu que chez ces braves jeunes gens, on avait choisi de développer surtout les muscles, je suis revenu vers Heure-Bleue et nous sommes rentrés à la maison.
Ce matin, le quartier n’avait pas brûlé.
C’est sans doute plus grâce au vent qui disperse le gaz que grâce à la vivacité tant d’esprit que d’action des services chargés de notre sécurité…
11:50 | Commentaires (8)



