dimanche, 16 février 2014
Vanguard
Mab, lundi dernier m’a demandé « Cette expérience t’a rendu plus sage ? »
Eh bien, je dois avouer sans honte aucune que non.
Rien ne m’a rendu sage. J’étais, et suis resté, curieux.
Heure-Bleue sait très bien que si l’occasion, improbable malheureusement, se présentait d’aller faire un tour sur ISS (International Space Station), je n’hésiterais pas une seconde.
Manque de pot, « ils » ne veulent que des gamins avec deux doctorats, deux yeux, deux reins et les deux genoux impeccables …
Pfff…
Me reste plus qu'à écouter ça en rêvant...
En tout cas pas ça, dès sa sortie ça faisait plus penser à Clément Ader qu'à la NASA...
16:38 | Commentaires (6)
samedi, 15 février 2014
My Valentine
Vous aviez l'habitude, lectrices chéries, des notes pétillantes d'intelligence, pleines d'esprit, parfois d'émotion quand ce n'est pas de poésie ?
Ça va changer.
Je n'ai rien à dire.
Que celle qui a crié « Il était temps ! » se taise !
Je n’ai hélas pas grand’ chose à vous dire, lectrices chéries. Même l’expo au Centre Pompidou ne m’a pas laissé de souvenir marquant.
La seule chose peut-être à constater, après le rendez-vous au BHV avec une blogueuse qu’on aime, c’est l’évolution de la société.
Le monde était déjà féroce, en plus il est devenu con…
Nous avions remarqué que, depuis que la direction du BHV avait changé, les employés étaient passés du statut de personnel qui fait son métier à celui de cheptel à surveiller.
Selon la logique du temps, le personnel était devenu, non une armée de vendeurs qui vaquaient à leurs occupations mais une bande de fainéants veillés par une armée de chefaillons gonflés de la maigre importance que leur donnait leur badge d’une couleur différente de celui de la piétaille.
Aucun ne semblant avoir remarqué qu’il était passé du stade d’humain sans autre signe distinctif que sa personnalité à celui de bétail étiqueté. Histoire de respecter « les normes de traçabilité » sans doute…
Nous avons donc pu après ces désespérantes constatations, vérifier une des dernières améliorations de la politique commerciale du BHV.
Dès qu’on y entre, une armée de vigiles à l’œil aux aguets vous donne l’impression d’avoir mis le pied par inadvertance au lieu de plus secret de la CIA.
Il y en a même un, que j’ai vu de mes yeux vu, alpaguer un type casqué équipé d’une corde et d’outils, à la fenêtre des toilettes du cinquième étage.
Lui demander d’un ton rogue « Qu'est-ce vous faites là monsieur ? »
Comme si le lascar avait grimpé en rappel la façade de l’immeuble pour voler une chemise…
Un peu interdit quand même, le type a dit « Ben, j’fais les carreaux ! »
Je sais maintenant que le BHV n’est plus un magasin où des vendeurs accueillent des clients mais un magasin où des fainéants accueillent des voleurs.
A part ça, lectrices chéries, ma vie est désespérément terne.
Comme tous les ans, le 14 février, « on » m’a dit « et ,n’achète pas de fleurs, tu vas encore te faire refiler des rogatons ! Ce voleur est capable de te vendre des roses de l’année dernière ».
Fort de ces recommandations, je n’ai rien dit, rien fait, rien acheté, seulement fait quelques courses accompagné d’une Heure-Bleue scandalisée par le prix de fleurs qui auraient été plus à leur place dans une poubelle que dans un vase.
En arrivant à la maison, elle m’a dit « Pfff… J’ai rien pour la Saint Valentin, même pas de fleurs… »
Je n’ai pas osé dire « Ah mais si ! Tu m’as moi, Minou ! » histoire de ne pas entamer une querelle idiote…
Et on s’étonne qu’il y ait plus d’une femme par semaine qui meurt sous les coups de son conjoint.
Qui n’a jamais si bien mérité ce nom…
09:03 | Commentaires (11)
jeudi, 13 février 2014
Ma libraire sans canailles…
Il est heureux que dans la vie il n’y ait pas que des histoires d’yeux malencontreusement mis hors-service ou des chagrins d’amour.
Il ya aussi les expériences commerciales marquantes…
Je me rappelle aujourd’hui, après être passé au rayon bouquins du Monop’ de mon coin, un épisode qui aurait dû valoir à Heure-Bleue un boulot de dialoguiste de films autrement gratifiant, pognonesquement parlant, que celui de libraire.
Dans cette librairie du XVIIème qui laissa un souvenir ému à une chalandise qu’on eût préférée cliente plutôt que flatteuse, il advint que ma libraire moitié accueillit trois… J’allais écrire « jeunes filles » alors qu’il s’agissait de graines de bandit affirmées…
Du réduit qui servait à préparer les « rico » d’Heure-Bleue, et mes cafés les jours où j’étais là, comme ce jour-là justement, j’entendis une séquence digne des meilleurs films noirs.
Les trois gamines entrèrent donc dans la librairie et se dispersèrent dans le but manifeste de chaparder quelque chose.
Sachant que la libraire avait au mieux deux yeux, ignorant que la mienne n’en avait qu’un pour cause d’amblyopie, elle parièrent sur deux éléments dont un se révéla illusoire.
Le premier étant qu’avec deux yeux il est impossible de surveiller sérieusement trois mômes.
Le second, et ce fut là leur erreur, étant qu’une femme a peur de tout et a fortiori des voyous…
La lumière de mes jours leur enjoignit donc d’un ton sans réplique « vous trois, restez ensemble et là-devant ! »
Les trois gamines continuaient à se disperser dans la boutique.
Connaissant ce ton et Heure-Bleue, je me dis « Aïe, les malheureuses… » et ressentis une bouffée de pitié pour ces pauvres gamines qui venaient de commettre une regrettable erreur de jugement.
La plus vieille, « leader » de son groupe lança, « et si on veut pas ? Hein ? » avec un accent faubourien.
Mon Heure-Bleue préférée décrocha la batte de base-ball, offerte par un ami un peu fondu et pendue derrière la caisse à titre dissuasif et lui dit « Tu verras bien… »
Adossé à l’entrée du recoin, j’admirais « La fièvre monte à El Paso » d’un air intéressé.
La gamine, histoire de sauver son amour-propre, lança « Tu vas faire quoi ? T’oseras pas ! »
Là, usant du ton glacial qui me fait craindre un sort funeste quand Heure-Bleue n’est pas d’accord avec moi et tient un couteau à la main, elle jeta « Je serais toi, je ne parierais pas mes dents de devant là-dessus… »
Elle avait les pupilles étrécies, celles que l’Ours appelait –moi je n’ose pas- « ses yeux de folle », le regard qui faisait craindre une réaction mortelle si on insistait.
Je pense que la môme, experte en matière de survie en milieu hostile, s’est dit à ce moment « Merde ! Je suis tombée sur une qui sait se battre ou pire, sur une cinglée qui va me démonter à coups de batte de base-ball… »
La petite bande a quitté la librairie en silence pendant que ma libraire préférée rependait tranquillement la batte à sa place en grommelant, « Non mais, quelles petites connes… Elles croyaient quoi ?»
Vous voyez, lectrices chéries, qu’il est bien plus dangereux de partager sa vie avec Heure-Bleue que faire des expériences de chimie…
06:50 | Commentaires (13)
mercredi, 12 février 2014
Luscus sed non caecus...
Deux semaines passèrent, Jean-Pierre avait gagné une paire de « boules à thé », histoire de le faire tenir tranquille en attendant d’être opéré.
Quelques jours après lui, j’en gagnai une paire aussi pour les mêmes raisons.
Tous les deux dans le noir nous parlions de tout et de rien.
Surtout de rien parce qu’il était plus grand que moi, il avait douze ans et n’était intéressé que par le foot. Pas du tout par la conquête de l’espace.
La Lune devait lui sembler bien trop démunie de terrains de foot pour l’intéresser…
Nous finissions par dormir beaucoup et, à écouter les parents, nous maigrissions dangereusement. Faute d’exercice, je l’ai su après.
Au bout de cette quinzaine de jours, à une semaine à peine de février, on emmena Jean-Pierre, mort de trouille, se faire « rescotcher » la rétine.
Il était si apeuré qu’il jura de ne plus jamais jouer au foot !
Il revint dans le pâté, avec ses « boules à thé » soigneusement attachées.
Il me réveilla le lendemain avec son envie de vomir terrible qu’il satisfit dans ses draps…
Geneviève se précipita, râla pour la forme, le plaignit, changea les draps et en profita pour m’annoncer
- Toi, mon garçon, c’est après-demain que le professeur t’opèrera !
- Alors jusque là on ne me fait rien ?
- Si, je te fais tes piqûres, comme tous les jours.
- Pfff…
- Tu croyais y échapper ? Mais, mon garçon, tu n’aurais pas oublié que tu saignais ? Et que quand on saigne, il y a plaie, alors hop ! Pas de microbes ! Ici on les tue !
- J’ai faim…
- Je reviens avec les petits déjeuners ! Et toi, mon garçon ? Tu peux manger ?
Jean-Pierre dit d’un ton pas trop gai « Oui madame. »
Elle alla chercher les petits déjeuners, nous les donna à la becquée et repartit, je ne la reverrais qu’à l’heure des visites.
Lors de cette visite, le professeur confirma « Mon garçon, jeudi je t’opère, je profite, le jeudi tu es libre… Je vais essayer de réparer tes bêtises. Prie pour que ça marche. »
Le soir, mes parents vinrent, tentèrent de se rassurer plus que rassurer un petit garçon qui n’avait pas peur tant il avait confiance dans « le professeur » et demandèrent à l’infirmière-chef un rendez-vous avec lui pour en savoir plus.
Je sus plus tard qu’il les avait avertis que la rétine pouvait ne pas se recoller ou se redécoller à la moindre occasion et surtout que je risquais de développer une « cataracte traumatique » qui était à l’époque irréversible.
On me réopéra donc le surlendemain.
Je gardai mes « boules à thé » sagement le temps nécessaire. Ce que j’aurais dû faire avant…
Chaque visite, le professeur Blancard semblait de plus en plus songeur et réticent à me parler.
Vers la fin février il vint pour la première fois dans la soirée, pendant les visites, ce qu’il ne faisait jamais.
Mes parents étaient là.
Il annonça la nouvelle. La mauvaise nouvelle.
La rétine s’était recollée mais l’adhésion restait fragile, il restait aussi des traces de sang qui à la longue se résorberaient.
Il s’arrêta un instant, le temps que mes parents digèrent la nouvelle.
Puis reprit « le problème c’est le cristallin qui s’opacifie de façon irréversible, la cataracte traumatique tant redoutée se développe, il est à craindre que l’état de la médecine aujourd’hui ne permette pas à cet œil de recouvrer sa fonction. Je suis désolé mon garçon, il est très probable que ton œil ne marche plus jamais… »
Ma mère se mit à pleurer, mon père ne dit rien mais j’étais sûr qu’il faisait une sale tête.
De façon assez surprenante, je ne fis rien de tout ça. Je n’étais pas content bien sûr mais les choses étant arrivées, il n’était pas question de pleurer dessus.
Eh non, Mab, l’expérience ne m’avait pas rendu plus sage.
Je pensais seulement à être à l’avenir plus précautionneux…
Je resterais à l’hôpital jusqu’à disparition complète des traces de l’expérience et n’en sortirai qu’une semaines avant Pâques, un matin de printemps absolument délicieux.
L’air du dehors me fit tourner la tête, près de trois mois sans sortir m’avaient fait fondre. Prends en de la graine, Coumarine, si tu veux fondre, reste couchée trois mois sans sortir au régime hospitalier. Je t’assure, ça marche.
Je sortais juste pour être en vacances, sans une cicatrice et maigre comme un chat errant.
A part une divergence dans le regard qui s’est accentuée puis stabilisée l’année suivante, il n'y eut comme conséquences que le redoublement de la cinquième et cette « borgnitude ».
« Borgnitude » gênante surtout pour draguer et jouer au tennis.
Je me suis tiré quand même de tout ça.
Oui, ce n'était pas bien grave car je ne joue jamais au tennis…
06:50 | Commentaires (8)
mardi, 11 février 2014
De macula rerum…
Deux semaines passèrent, traversées seulement par cinq minutes de lumière pendant lesquelles je me faisait engueuler chaque fois que je bougeais les yeux.
Pendant un long moment, le sulfate d’atropine et le chlorhydrate de cocaïne me donnaient l’impression délicieuse que mes yeux allaient jaillir de leurs orbites pour s’écraser sur le mur de la chambre.
Chaque jour néanmoins « mon œil », l’œil esquinté, était un peu plus noyé de lumière.
Chaque jour aussi, le professeur semblait un peu plus inquiet.
Il me caressait la joue en partant mais je le sentais pensif.
Vint enfin le jour où le retrait des « boules à thé » me combla de joie.
Le professeur Blancard était venu avec l’infirmière chef, un adjudant plutôt hargneux.
Du moins les premières secondes…
J’avais récupéré plein de lumière !
Je pouvais bouger les yeux sans me faire disputer !
Le professeur Blancard était néanmoins prudent et tâtillon.
Avant de m’éblouir avec son ophtalmoscope et de m’arracher les yeux avec l’atropine il me dit :
- Cache ton œil droit mon garçon.
- Oui monsieur.
- Regarde la fenêtre.
- Oui monsieur.
- Comment sont la première et la deuxième vitre de droite en partant du bas ?
- La première est dépolie, celle au-dessus est transparente mais fendue de haut en bas tout droit.
- Bien, très bien ! Cache l’œil gauche maintenant et regarde la même fenêtre.
Ce fut épouvantable, j’eus bien du mal, la gorge serrée par l’inquiétude, à avouer :
- C’est pareil mais toutes les lignes sont en zig-zag !
- Aucune n’est droite, c’est ça ?
- Oui monsieur.
- Je te l’avais dit, ce que tu risquais ! Tu as gagné mon garçon, tu as un décollement de la rétine, mais bon, tu es jeune, je vais essayer de réparer ça…
Je lui faisais confiance mais je me mis à pleurer.
L’adjudant ne put s’empêcher de dire « ah ça ! C’est bien la peine de pleurer maintenant ! Il fallait y penser avant de faire une bêtise ! »
Le professeur dit à l’adjudant « voyons, ce n’est qu’un enfant curieux ! » et ils partirent.
Geneviève vint me consoler et dit plein de mal de l’infirmière chef, prétendant même qu’il n’était pas étonnant qu’elle n’ait pas trouvé de mari…
En attendant, j’avais au moins gagné de ne plus porter les « boules à thé » jusqu’à ce que le professeur ait décidé de m’opérer de nouveau.
On me conseilla de ne pas courir partout mais on me laissa libre d’aller et venir dans le couloir.
Je fus rejoint quelques jours plus tard par un autre gamin un peu plus grand que moi, Jean-Pierre, qu’un ballon de foot avait frappé si fort au visage qu’il avait lui aussi la rétine de l’œil droit décollée.
Nous étions deux dans la chambre, nos camarades de lycée passaient une ou deux fois par semaine mais nous apportaient des potins et des illustrés plutôt que nos devoirs…
Nous nous fîmes souvent engueuler par Geneviève qui trouvait que nous mettions un bord… épouvantable dans la chambre.
Peu de temps avant que je ne « repasse sur le billard », mon père vint me voir et se disputa avec le père de Jean-Pierre. Un pied-noir et un gaulliste ne pouvaient pas s’entendre.
Surtout que le père de Jean-Pierre était un gaulliste assez calme tandis que mon père est le seul communiste que j’ai vu voter Tixier-Vignancourt.
Un communiste d’extrême droite, en somme…
Une courte période de froid s’ensuivit entre J.P. et moi qui cessa rapidement car on s’ennuyait ferme quand même et nous n’avions rien à faire de ces histoires.
Avec Jean-Pierre on a essayé une partie de balle au prisonnier avec une balle de papier, mais on nous a disputés…
06:43 | Commentaires (10)