dimanche, 30 mars 2014
Partie de campagne.
Hier je suis allé à la campagne avec Nadia.
Mais non, lectrices chéries, n’allez pas penser à des trucs inconvenants…
Avec Fred, un autre copain de notre forum de fondus de l’audio avec qui je me chamaille mais pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la hi-fi, nous étions invités par un malade de la bidouille dans un coin au fin fond de l’Oise.
Coin tellement paumé que même les deux GPS, celui de Nadia et celui de Fred avaient du mal à indiquer la route mais étaient tout de même de temps en temps d’accord entre eux.
C’est vous dire le coin…
Il est apparu au retour que le bled n’était qu’à une quarantaine de kilomètres de Paris.
C’est sans doute pourquoi nous avons parcouru près de soixante-dix kilomètres grâce aux tergiversations et autres hésitations de ces GPS.
Le début de la visite s’est plutôt bien passé. Nous avons été un peu surpris d’arriver dans un… J’allais écrire un jardin. Dans un truc qui ressemblait à une décharge dédiée au rebut d’un revendeur d’enceintes acoustiques victime de vandalisme.
J’ai tout de même trouvé une de ces merveilles des début de l’électronique à tubes. Rouillé, en mauvais état mais un appareil dont la précision de la mesure faisait penser à l’honnêteté d’un tract électoral. L’appareil était équipé d’un galvanomètre pourvu en tout et pour tout de trois indications : « Mauvaise-Douteuse-Bonne »
Notre hôte était charmant. Ce pauvre homme avait trois filles tout aussi charmantes.
Tout s’est bien passé jusque vers quinze heures. Le but de la visite s’annonçait sérieux.
Nous avons d’abord accueilli un homme, encore jeune mais plus pour très longtemps, plutôt effacé, qui m’a raconté, déçu de la vie, ce qu’il faisait, c'est-à-dire peu, les intermittents du spectacle étant pour nombre d’entre eux des intermittents du chômage, proies de boîtes de production qui les utilisent comme des kleenex.
Puis sont arrivés deux autre hommes, dont nul n’a pu savoir ce qu’ils faisaient exactement.
Enfin, le clou de la journée fut donné. Un couple étrange fit son apparition. Ils étaient le vrai but de cette invitation.
Un lutin proche de la soixantaine est arrivé, accompagné d’une petite femme genre « Joan Baez addict ».
Lui, passablement dégarni du dessus mais si soucieux de garder ses quelques mèches restantes qu'il les maintenait d’un catogan.
Il avait l’air très affairé avec deux petites planches dans une main tandis que sa femme portait une enceinte acoustique. J’ai déduit du spectacle que c’était lui l’intellectuel…
C’est à partir de ce moment que ça s’est un peu gâté. Heureusement que, vue au second degré, la situation était parfaitement désopilante.
Après avoir regardé sa femme jouer de la « clef Allen » pour monter un caisson de grave, le seigneur a passé du temps à « régler le système ».
- Alors ? Ça marche là ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
- Euh… La voie droite est muette…
Le maître s’est levé, a approché une oreille, à constaté le silence qui s’échappait de l’enceinte, a soupiré, a vérifié, a dit « merde ! », a rebranché, a revérifié et remis en route le bouzin.
Il s’est mis au milieu de la pièce, les mains dans le dos, les yeux clos.
Il avait l’air sérieux, le vrai, celui qui prête à rire.
Il a haussé les épaules et a poussé l’enceinte gauche de dix centimètres vers la gauche, a eu l’air satisfait.
Il n’y avait pas de quoi. La pauvre chanteuse sortait passablement esquintée de son voyage au travers d’enceintes que lui seul pouvait qualifier d’acoustiques.
Il a lancé « Alors ? Hein ? »
Il y eut quelques « mmmouaiiisss… » polis.
- Qu’est-ce que vous en retirez, les gars ?
J’ai osé :
- Que c’est trop fort.
Fred a abondé dans ce sens.
- Ah mais non ! A dit le sérieux qui a insisté :
- Le direct, ça pète !
J’ai insisté :
- Pas les chanteuses. Du moins pas en concert.
Je ne suis pas sûr de m’être fait un ami…
Sur le chemin du retour nous avons convenu que nous avions entendu quelque chose de bien pire que les enceintes de Nadia. Mais la journée fut somme toute agréable.
Il est toujours réconfortant de constater que d'autres peuvent être plus ridicules que nous...
09:58 | Commentaires (6)
vendredi, 28 mars 2014
L'école des fanes...
Ce matin, sur la demande expresse de la lumière de mes jours, je suis allé regarder ce que faisait l’autre lumière de mes jours sur les photos mises en ligne par l’école.
Merveille est allée prendre des cours de campagne, de blé et de bestioles.
Elle est censée avoir appris comment on traite le blé avant d’en arriver au pain…
Évidemment, l’école a perdu beaucoup de temps à mettre en ligne un tas de photos moins intéressantes que d’autres puisque Merveille n’y figurait pas.
Ça m’a néanmoins permis de toucher du regard ce que l’Ours entend, quand ils parle de ses deux filles, par « Ça va être un souci, ça… »
En effet, j’ai vu nombre de photos où, au lieu d’avoir l’attention fixée sur la fabrication de je ne sais quoi, sur le cahier à remplir, sur les bestioles à examiner, certains avaient le regard fixé et plus qu’attendri sur leur petite camarade tandis que d’autres avaient l’œil dirigé vers un petit garçon à deux places de là avec un regard que les pères ne verront plus d’ici peu…
Je remarque toujours les détails comme ça. Comme les femmes dans le bus ou les travaux d'approche des garçons par exemple.
J'appelle ça -dans mon for intérieur- de la « sociologie ambulatoire. »
J'aime les néologismes, il n'a pas que Lacan qui a le droit, non mais !
Puis j’ai regardé tout aussi attentivement les photos où figurait Merveille.
Alors que les autres enfants, surtout les garçons, plongeaient avec ravissement leurs mains dans une pâte collante, les en sortaient sans problème, Merveille semblait n’y prendre aucun plaisir.
Je suis sûr que certains se sont essuyé les mains sur leur jean sans aucun remords…
Merveille, elle, touchait la pâte du bout des doigts l’air sérieux mais peu enthousiaste. La photo suivante la montre, les mains devant elle, l’air embêté de ses deux mains, ne sachant où nettoyer des mains qu’elle aurait souhaitées sans ce truc collant aux doigts.
J’ai souri en la voyant –il faut dire qu’elle est très belle, objectivement, c’est la plus belle de l’école-, puis ai dit à Heure-Bleue « Tu as vu Merveille ? Je ne la sens pas boulangère… »
Heure-Bleue, pour me contrarier, a prétendu que je n’en savais rien…
Connaissant les parents et les grands-parents de Merveille, je sais que j’ai raison.
10:45 | Commentaires (6)
jeudi, 27 mars 2014
No heat ! No sun ! No… vember ?
Oui, lectrices chéries, j’en ai assez !
Le retour de l’hiver me tue le moral. Encore un coup des Russes, après l’Ukraine ils vont payer en gaz de chauffage ce que le Qatar nous a laissé j'en suis sûr …
Pour me réchauffer j’ai accompagné chez le médecin une Heure-Bleue qui s’était décoré un œil d’une conjonctivite du plus bel effet.
Au retour, le sort a voulu que nous fussions séparés dans le bus. J’ai trouvé une place à côté d’une dame. Quand le bus a traversé le boulevard de Sébastopol elle m’a demandé :
- Ou sommes nous ?
- Nous arrivons à Etienne Marcel.
- Je ne prends pas ce bus, d’habitude…
- Après c’est la place des Victoires.
- Ah ! Ça je connais ! J’ai travaillé place des Victoires quand j’étais jeune…
Je n’ai pu me retenir.
- Mais c’était hier alors ! Ai-je badiné.
- C’était place des Victoires, chez Cacharel, jusqu’en 1978. De 1967 à 1978…
- Ah, oui, je me rappelle les longues jupes « gitanes », ai-je soupiré.
- Oh oui, j’étais jeune et mince à cette époque a-t-elle soupiré à son tour.
- C’est bien ce que je disais, c’était hier…
Elle a eu la gentillesse de me sourire.
J’ai vu un mouvement, du côté où je vois, Heure-Bleue est venue s’asseoir de l’autre côté de l’allée centrale à ma hauteur.
- Minou ?
- Oui ?
- Tu n’as même pas vu que j’étais arrivée de l’autre côté.
- Si, si, c’est le côté où je vois.
Peut-être deux arrêts plus loin, les deux sièges derrière moi se sont libérés.
Heure-Bleue s’est précipitée, m’a dit « viens à côté de moi. »
La dame avec qui je parlais est descendue, nous a dit « au revoir ».
Dès que le bus a redémarré, Heure-Bleue s’est tournée vers moi « Mais ce n’est pas possible ! On ne peut pas te laisser sans te retrouver en train de parler avec une femme ! »
Elle s’est abstenue du « Tu ne changeras jamais » pourtant de rigueur.
Ça m’aurait pourtant bien plu de ne pas changer.
Nos conceptions divergent sur le type de changement, j’en ai peur…
10:39 | Commentaires (11)
mercredi, 26 mars 2014
Dissonance...
Je vous ai déjà conté cette histoire d’oreillers « en cafouillon » où je fus piégé par sa voix pour une fois melliflue.
Ce matin, histoire d’éviter à Heure-Bleue une cruralgie féroce, plus connue sous le nom de « tour de rein », j’ai changé l’enveloppe de la couette.
J’ai fait un gros effort pour le faire moi-même car voir Heure-Bleue se battre avec une enveloppe de couette est un spectacle de qualité. De haute tenue, même.
J’ai bien envie de le voir mais elle refuse…
Mais bon, la pousser dans un fauteuil roulant pendant quatre-vingt-dix jours pour cause de col du fémur ne m’emballe pas.
Alors je l’ai fait.
Comme j’ai souvent fait le lit de la version antérieure, celle avec drap du dessous, drap du dessus, couvertures et couvre lit.
Je suis le seul à faire un lit « au carré » grâce à un entraînement féroce dont je vous ai déjà parlé et que, comme le vélo ou la nage, on n’oublie jamais.
Enfin, sauf Heure-Bleue qui ne sait pas nager et est la seule personne que je connaisse qui ait oublié le vélo…
Le scénario de l’aventure est parfaitement au point et invariable. Il faut dire que l’aventure n’est ni palpitante ni compliquée. Enfin pour moi.
Néanmoins, le partage des tâches, rôdé comme un ballet, ferait l’admiration de l’association « Osez le Féminisme ».
Je me charge de la couette, du plaid et du drap du dessous.
Heure-Bleue se charge de changer les taies d’oreiller.
Plus exactement de mettre des taies propres sur des oreillers dont j’ai retiré les taies moins propres.
Je vais donc au placard, prends un draps de dessous, une enveloppe de couette et c’est tout.
Puis, je mets la couette.
Et là, quelque chose me frappe. Malgré ses dénégations forcenées, Heure-Bleue a une âme de poète.
Je viens de retirer des oreillers des taies correspondant à l’enveloppe que je dois remplacer.
L’air bête, l’enveloppe pendant au bout du bras, je pense aux précédents changements et je me rappelle en secouant la tête que les ensembles enveloppe et taies sont systématiquement désassortis.
L’enveloppe d’un ensemble est accompagnée systématiquement des taies d’un autre ensemble.
Heure-Bleue, parangon de la branchitude, qui apporte un soin jaloux à mettre des verres dépareillés dès que nous recevons, fait de même avec notre plumard !
Si vous voyiez comme elle fait attention à dégotter trois paires de taies qui n’ont rien à voir entre elles et encore moins avec l’enveloppe de couette…
Même moi je reste pantois devant tant d’opiniâtreté.
Pourtant, à part moi elle ne reçoit personne dans ce lit.
Enfin, j’espère…
06:45 | Commentaires (8)
mardi, 25 mars 2014
Allo maman, bobo…
Je lis et entends souvent depuis quelque temps quelque chose qui me déplaît profondément.
Me hérissait déjà le racisme à base ethnique, qui consiste à trouver que le Noir court mieux que le Gaulois mais devrait se contenter de bananes selon une interprétation étrange des Evangiles répandue par certains bigots. Il semblait prouvé aussi, selon des sources voisines, que le Maghrébin vole mieux, plus vite et surtout plus souvent que notre Rafale.
Je ne perdrai pas mon temps, lectrices chéries, à vous parler de « la fourberie du Jaune », de la fainéantise congénitale de l’Africain ou de la cruauté de l’Extrême-Oriental.
Non, je ne vous parlerai pas de toutes ces preuves de la stupidité, de la peur et de l’ignorance qui submergent la cervelle du pilier de café du commerce. Celui qui trouve que « l’autre », même s’il est né ici, « eh ben il est v’nu que pour les allocs et le RSA, heureusement qu’Marine elle va virer tout ça ! »
Il y avait jusqu’à une époque récente, quelques inimitiés, souvent solides, entre divers représentants des classes de notre beau pays. Le riche y méprise souvent le pauvre qui, à l’en croire est si dépourvu de sens commun qu’il pense que le monde est mal fait. Le pauvre déteste souvent le riche, le riche étant simplement celui qui gagne plus que lui, ce qui étend considérablement la zone de détestation.
Le dirigeant était fier de ne plus faire partie des dirigés, oubliant dans l’enthousiasme qu'il a de nouveaux patrons, son banquier et son percepteur...
Bref, tout allait pour le mieux dans ce monde où la rancœur, pour des motifs parfois sérieux, parfois futiles était monnaie courante et semblait justifier quelques discriminations pourtant illégales.
Non, je vous parlerai aujourd’hui d’un nouveau racisme, un racisme social.
La droite, d’abord extrême puis plus récemment dite « droite forte », c'est-à-dire la même mais sans bandeau sur l’œil ni patrimoine familial lourd à porter, a trouvé un nouvel ennemi, une classe indéterminée dont votre Goût adoré s’honore de faire partie.
« L’horrible bobo » ! Voilà à quoi ces conservateurs bornés me réduisent.
Ça justifie l’appellation USienne de « neocons », si savoureuse et si juste avec l’accent français.
Dès que quelqu’un les invite à y aller doucement, remarque que la vie n’est pas drôle mais qu’elle est courte et qu’il faut en profiter, qu’il faut vivre et laisser vivre, que la fin ne justifie pas tous les moyens, qu’il y a des choses qu’on ne fait pas, surtout si ce n’est que pour l’argent, eh bien le type qui dit des choses comme ça est un « bobo ».
Vous n’êtes pas dans la misère et vous trouvez que le trader est beaucoup trop payé compte tenu de son apport à la société ?
Vous êtes un bobo.
Vous vivez dans un appartement plutôt sympa et vous trouvez à la fois que La Lanterne est une chouette maison qui vous plairait bien ?
Vous êtes un bobo.
En plus vous trouvez que la façon de traiter les Roms est scandaleuse et indigne ?
Là vous devenez un affreux bobo.
Vous trouvez débile et indigne d’aller distribuer des horions à des femmes aux seins nus qui manifestent pour le mariage homo ?
Là, ça s’aggrave, vous êtes alors un de ces « horribles bobos ».
Bref, être bobo est apparemment avoir l’esprit large et ouvert.
Pour paraphraser Courteline et son plaisir de fin gourmet, j’en viens à me dire que passer pour un bobo aux yeux de crétins fascisants est plutôt flatteur.
Pour ces gens, être bobo est une maladie grave alors qu’elle consiste surtout à s’apercevoir que si la vie n’est pas drôle tous les jours, en aucun cas c’est quelque chose de sérieux.
10:30 | Commentaires (7)