vendredi, 11 avril 2014
Les déesses de marbre et les héros d’airain…
Comme disait Heredia…
Vous souvenez-vous, lectrices chéries ? Non évidemment…
L’année dernière j’étais allé, comme chaque année, à l’hôpital Tenon histoire qu’un prof vérifie l’état du rognon qui subsistait dans l’organisme par ailleurs à peine usagé de votre serviteur.
J’avais pour l’occasion vérifié que si un médecin était susceptible, un professeur n’était pas susceptible.
Non, un professeur est extrêmement susceptible !
En foi de quoi, pour se venger à la façon mesquine d'un esprit, rempli certes, mais petit, il m’envoya consulter un cardiologue.
Puis, en me saluant, ce chien ajouta « bon, faut pas exagérer non plus, dans les deux ans, ça suffira… »
Je vis donc deux fois un type que je n’intéressais pas plus qu’il ne m’intéressait. Un type qui n’appréciait que ceux qu’il impressionnait m’a dit Heure-Bleue. Il avait vocation d’être un dieu et moi celle d’être athée… Comme mon cas n’intéressait pas ce type plus qu’il ne m’intéressait, je me mis à la recherche de mini-néphro. Elle était un peu siphonnée, mais me parlait de son goût pour les fondues. Non, pas les cinglées, les autres, la bourguignonne et la savoyarde.
Elle me parlait aussi de sa « fragilité de la sphère ORL » et semblait prendre plaisir à nos conversations semestrielles. Elle souriait à mes sorties, j'écoutais ses tracas avec sérieux. Elle m’avait confié son mail et sa ligne directe, bref tout allait pour le mieux jusqu’à ce qu’elle m’avise qu’elle allait changer d’hôpital.
J’ai donc, grâce à une ténacité dont je vous ai déjà parlé et la « voix d’hôtesse de l’air » dont vous a parlé Heure-Bleue, retrouvé mini-néphro dans les méandres d’un service de recherches sur la fonction rénale de l’hôpital Georges Pompidou.
J’ai obtenu un rendez-vous. J’y suis allé hier. Je fus chaleureusement accueilli par une helvético-italienne de Lugano. Je le sais, je lui ai demandé d’où elle venait.
- Ah ? Vous venez le Lugano ? Comme le docteur B.
- Ouiiii !!! Vous le connaissez ?
Et patati et patata. Cette charmante jeune femme est l’élève de mini-néphro.
Et mini-néphro n’a pas changé. Elle préfère toujours les hommes de façon éhontée. Et elle a peaufiné sa technique…
- Aaaahhh ! Monsieur S. ! Vous revoilà !
Échange de civilités charmant. Ce qui lui a permis de me piéger, moi, le vieux briscard du badinage ! Me faire avoir comme ça ! La vieillesse est un naufrage, lectrices chéries, un naufrage…
Elle m’a bien eu. Elle attendait l’occasion depuis 2007, depuis le départ du docteur B. au CHU de Lausanne.
Ça a commencé comme ça :
- Vous semblez en forme, vous êtes plus détendue qu’à Tenon.
Sourire.
- Oui, je me sens bien mieux ici.
- Ça se voit, vous avez le sourire plus facile.
- Et tout, va mieux, tout…
Là, j’aurais dû me méfier.
- Tiens ! Vous avez coupé votre queue de cheval,
- Ah mais non ! j’ai toujours les cheveux longs mais à l’hôpital je les range !
- Ils sont drôlement rangés !
Le piège a ouvert en grand ses mâchoires.
Elle a dégrafé ses cheveux, a secoué la tête de façon charmante et a fait couler une vague de cheveux sur ses épaules.
Le piège se refermait.
- Alors ? Hmmm ? A-t-elle dit en tournant la tête plusieurs fois.
- Ils sont bien là et ça vous va très bien. Vous avez vraiment l’air en forme.
Le piège s’est refermé. On ne se méfie jamais assez des intellos, ni des femmes.
- A propos de forme, ça fait longtemps, hein, alors on va refaire les examens habituels…
- Bon…
- Un peu plus étendus tout de même. Parce qu’il faut que je vérifie votre fonction rénale, quand même.
- D’accord.
Clac !
- Allo, Madame D. ? Vous notez Monsieur S. Un néphrotest, oui, en juin !
Les mâchoires du piège se sont refermées sur votre Goût préféré. Elle m’a eu !
Un néphrotest est un examen nécessaire pour que la faculté étende ses connaissances sur le fonctionnement des rognons, il faut bien que quelques uns s’y collent et confient leurs reins…
Malheureusement, ça commence tôt, à jeun, et ça dure toute la journée.
J’habille ça de considérations humanitaires mais en fait je me suis fait avoir tout bêtement par un mouvement de cheveux et un sourire !
Quand elle a dit « Et tout va mieux, tout… » J’aurais dû me méfier… Elle n’a pas grandi d’un centimètre, mais elle a grandi, c’est sûr… Elle a appris des choses…
08:14 | Commentaires (7)
mardi, 08 avril 2014
Le temps hélas tique…
Hier nous nous sommes demandé ce que nous pourrions bien faire pour nourrir Merveille.
L’Ours nous à la fois tiré une épine du pied et enfoncé un pieu dans le cœur.
Nous savons quoi lui donner à manger et nous n’avons aucune idée de la façon de nous y prendre pour lui faire abandonner ces idées de bouffe nuisible…
Non que les pommes de terre écrasées avec une noix de beurre demi-sel soient dangereuses pour le goût ou la santé.
Non, ce sont plutôt ces petits machins carrés de poisson pané qui m’inquiètent…
J’ai dans l’idée de l’emmener au Jardin des Plantes sous peu pour lui rafraîchir la mémoire quant à ce à quoi doit ressembler un vrai poisson.
Puis, avec la flemme qui caractérise le véritable intellectuel je me suis dit « après tout, une fois de temps en temps, ce n’est pas grave, et il faut bien que les animaux s’adaptent pour survivre, hein ? »
Tout ça pour vous montrer, lectrices chéries, comme il est facile de passer des compromis du négociateur chevronné aux compromissions du flemmard avéré…
Le soir arrivé, le repas servi, Heure-Bleue et moi, après avoir regardé les Izvestia et écouté la Pravda, ou l’inverse, sachant « qu’il n’y a pas plus de pravda dans les Известия que d’izvestia dans la правда » nous sommes dit, dans une envolée culturelle magnifique « Ce soir, sur Arte, il y « Le mépris », ça fait longtemps… »
Heure-Bleue a dit « Pfiouuu… J’ai lu ça il y a longtemps, c’est un bouquin de Moravia. »
Je me suis contenté de dire « Je le reverrai volontiers, je l’ai vu il y a longtemps, c’était bien… »
J’ai débarrassé la table pendant la météo et me suis rassis.
Non je ne suis pas « devenu rassis », je suis « juste plus très frais ».
Nous avons commencé à regarder « Le mépris ». J’aime toujours autant ce film.
Et ses fesses ? Si je les aime ses fesses ? Je ne peux pas dire mais Brigitte Bardot avait de belles fesses et de belles jambes et pas que.
Mais si j’avoue qu’elle avait une belle plastique et que c’était une Camille remarquable, je n’ai jamais aimé BB. Je lui ai toujours préféré l’assistante, Georgia Moll.
Nous avons commencé à regarder, moi avec plaisir, Heure-Bleue sans enthousiasme.
Elle m’a dit au bout de quelques minutes « il faut que je me rapproche, je ne vois pas clair… »
Puis, encore quelques minutes « Pfff… Ça ne m’étonne pas que ça te plaise, c’est ch… »
Elle s’est assise à son PC et a dit « Je vais regarder quelque chose sur Brigitte Bardot. »
J’étais plongé dans le film quand Heure-Bleue m’a dit :
- Tu te rends compte ? Elle aussi était amblyope ! Elle a été détectée à quatre ans !
- Mmmhh…
- Elle n’était pas plus jeune que moi finalement, je n’ai que (secret) Mais plus de quatre ans.
C’est là que je me suis aperçu qu’Heure-Bleue n’a pas de problèmes qu’avec l’heure.
Elle en a avec le temps. Chez elle il est élastique. Il s’étire, s’étire et cède d’un coup…
Passé l’anniversaire de mes soixante cinq ans, je sais que je suis dans ma soixante sixième année et que six mois plus tard je serai plus près de soixante six que de soixante cinq ans.
Chez Heure-Bleue il n’en va pas de même. Pas du tout. Dès sa date anniversaire l’âge y reste accroché, s’étire, s’étire tel un élastique et, dans la microseconde qui suit la fin de la dernière seconde de la dernière minute de la dernière heure du dernier jour qui précède son anniversaire, l’élastique cède et Heure-Bleue prend un an dans la vue.
Comme tous les élastiques qui cèdent, ça lui fait mal et j’en fais généralement les frais. Elle va bientôt m’appeler Chronos...
Pour en revenir au film, j’en ai retiré une fois de plus que l’amour est une chose compliquée, qui souvent finit mal, qu’il apparaît on ne sait pourquoi et disparaît sur un détail qui semble insignifiant…
10:05 | Commentaires (12)
lundi, 07 avril 2014
Avant la fin du moi nous serons tous ego…
C’est vrai, il est si instructif de regarder autour de soi comme l’a dit lakevio sur ma dernière note.
Avant de reprendre ce qui promet d’être un monument à la gloire du vide, je vais répondre à Liliplume qui me disait « Tu aimerais voir tes merveilles jouer avec des crottes de chien ? »
Lili, je ne le verrai probablement pas mais je suis sûr qu’à un moment ou un autre elle le feront.
Et si ce n’est avec des crottes de chien desséchées, ce sera avec des crottes de bébé fraîches…
Et ça n’a, à ma connaissance, jamais tué personne…
Pour en revenir à mon mouton, comme disait Saint Exupéry, il est certes instructif de regarder autour de soi.
A une condition au moins, être capable de voir ce qu’il faut regarder.
Ce qui n’est hélas pas toujours le cas chez moi. Oui, j’ai toujours l’attention attirée par un évènement sans importance à quoi je trouve une drôlerie qui n’existe souvent que dans mon esprit. Drôlerie que je suis parfois le seul à déceler. A moins que ce que j’y vois n’amuse que moi.
A quoi peut-on s’attendre de quelqu’un que « Le pendule de Foucault » a amusé…
Regarder des situations anodines et s’en amuser alors que j’aurais dû remarquer quelque chose de vraiment important et bien plus près de moi.
Ça aurait sans doute évité beaucoup de disputes après coup inutiles…
J’aurais pu, au lieu de rire à écouter les mérites de la « 4G » un matin, regarder la plaque sur laquelle chauffait mon lait…
J’aurais pu, au lieu de regarder la lumière de mes jours dans son bain en sortant de la salle de bains, faire attention à la poignée de la porte qui s’est fichée –sans doute toute seule- dans la poche de ma veste ce qui l’arracha sur le champ.
J’aurais pu, au lieu de regarder attentivement la relève de la garde à Buckingham Palace, prêter attention au pigeon tournoyant qui s’est soulagé sur mon pantalon.
Finalement, j’aurais toujours été un curieux extrêmement attentif.
Curieux de tout, sauf de ce qu’il faut vraiment regarder.
Attentif à beaucoup de choses, sauf à quoi il faut vraiment faire attention…
10:13 | Commentaires (6)
dimanche, 06 avril 2014
On est trahi que par les chiens.
Liwymi, cette photo, c'est juste histoire de te faire pleurer devant ce que tu as perdu en allant t’enterrer dans ta zone d’activité dont les seuls mérites aux yeux de ton boss sont d’être moins chère et de t’empêcher de travailler dans un environnement agréable.
Nous sommes passés par le square des Batignolles. Nous avons pensé à toi en regardant les canards et les fleurs.
Heure-Bleue regardait les fleurs bleues en pensant à tes yeux et à ceux de tes deux merveilles.
Je regardait les canards en me perdant dans des supputations sur le temps de cuisson et la taille de leur foie.
Que veux tu, on est poète ou on ne l’est pas , tu le sais…
Nous avons fini par aller nous asseoir sur un banc de la place du docteur Félix Lobligeois qui nous plaît bien.
Alors qu’Heure-Bleue tournait le dos à deux gamins, je les regardais jouer.
J’ai vu qu’une petite fille de quatre ans au plus et un petit garçon de cinq maximum jouaient au ballon.
De façon très différente.
Elle, les jambes formant un pont au dessus d’une rigole, attendait patiemment que son frère donnât un coup de pied dans le ballon, espérant que le ballon passerait entre ses jambes, l’orientant au passage.
Lui, un peu brute mais pas trop quand même espérait que le ballon resterait dans la rigole jusqu’à ce qu’un petit barrage l’arrête.
Le ballon, évidemment, détruisit le barrage.
Recouvert d’un petit papier blanc, un kleenex usagé ramassé par terre, le petit barrage s’éparpilla sous le coup du ballon.
Le papier vola d’un côté, les matériaux de construction de l’autre.
Le petit garçon, sous le regard vaguement dégoûté de sa petite sœur, le reconstruisit aussitôt, en réunissant les morceaux des ses petites mains.
C’est là que j’ai remarqué quelque chose de bizarre sur la construction.
Elle n’était pas finalement si bizarre. J’ai certes un œil percé mais l’autre est resté perçant.
Le barrage était en effet constitué d’un assemblage plutôt astucieux de petits cylindres, patiemment remis en ordre par l’architecte en herbe.
Tout aurait été parfait si la mère ne s’était aperçue, gâchant le plaisir du petit garçon et mon émerveillement , que le barrage était fait de… crottes de chien desséchées.
Vous avez remarqué, lectrices chéries, le talent qu’ont les mères de pourrir les plus chouettes moments de notre enfance ?
Le soleil de ce samedi me poussant à des réflexions d’ordre philosophique, à regarder ces deux enfants rabroués par une mère désespérément terre à terre, je me suis demandé pourquoi tant de mes congénères se transformaient en autistes dès leur prime jeunesse.
Ma réflexion a rapidement pris un tour cynoscatologique…
Pourquoi diable se complaisent-ils à se couper des bruits du monde avec des écouteurs ?
Pourquoi aiment-ils se boucher les yeux avec des écrans ?
Pourquoi persistent-ils s’éteindre la cervelle avec des smartphones, leurs doigts courant sur un écran dès qu’ils sont réveillés ?
C’est vrai quoi ! Il est si simple, si instructif, si couramment disponible en ville, si gratuit, si distrayant et si bon pour le système immunitaire de s’amuser avec des merdes de chien…
07:49 | Commentaires (9)
samedi, 05 avril 2014
Tous les garçons et les filles de mon âge…
Commencent à avoir de la bouteille.
La dernière note de Milky me plonge dans le désarroi des questions sans réponse.
Vous connaissez Milky, cette… fille ? Jeune fille ? Femme ? enfin, cette petite chose –elle n’est vraiment pas grande- du genre féminin à coup sûr. Ça je le sais, elle donnait le sein à une chose plus petite encore qui s’appelle Hiboute et ce qui sortait de sa chemise est un robert, pas un Robert *.
Avant de sortir un truc épouvantable du genre « elle emmène Hiboute en train » et me faire haïr par quelqu’un qui jusqu’ici était une amie, je vais revenir à mon propos qui était de savoir si on passe irrévocablement du stade d’enfant à celui de garçon, puis de mec puis d’homme puis de vieux et enfin de mort.
Pareil pour le camp d’en face. Passez vous sans espoir de retour, lectrices chéries, du stade d’enfant à celui de fille, puis de jeune fille, puis de femme, puis de vieille et enfin de morte ?
Maintenant que je suis entre « homme » et « vieux », malgré les objurgations d’Heure-Bleue qui prétend que je suis entre « vieux » et « mort », je me dis –non, je ne pense pas et je crois encore moins- que selon ce qui nous passe par la tête, on navigue entre toutes les catégories qui jalonnent notre courte vie.
J’en veux pour preuve votre serviteur qui, passant devant le marchand de « kouignettes » au bas du Sacré Cœur, passe du stade d’homme au stade d’enfant en deux pas.
Je ne vous dirai même pas par quels âges je passe quand je traîne dans les rues de Paris au printemps.
Je note que les filles ? Jeunes filles ? Femmes, non, il n’y a pas de vieilles ni de mortes en la matière sont soumises elles aussi à la tyrannie l’attirance.
J’ai comme ça, des exemples à la pelle.
Une blogueuse amie, qui n’est pourtant plus une enfant depuis quelques… semaines, passe ainsi, au hasard des saisons du stade de femme à celui de jeune fille si j’en crois un commentaire qu’elle me fit qui disait :
« Moi je regarde plutôt les jolis petits culs des jeunes gens, quand ils ne sont pas perdus, les culs, dans un jean trop large. »
Il semble même que « le temps ne fait rien à l’affaire » car, selon la même :
« A 86 ans maman disait souvent que dans sa tête elle était toujours la jeune fille de 15 ans et plus ça va plus je suis d'accord avec cette façon de nous voir. »
Je ne citerai pas toutes les lectrices chéries qui, à un moment ou un autre, ont commenté en ce sens une note ou une autre.
Toutes corroborant l’idée selon laquelle on a plus l’âge de son cerveau que celui de ses artères et pas du tout l’âge de César Franck…
Ainsi, nous ne serions que des bagnoles avec des jeunes gens ou des jeunes filles au volant.
Au fil des années, il y toujours la même jeune fille ou le même jeune homme au volant.
Il n’y a que la carrosserie qui s’écaille et la mécanique qui se déglingue.
Il suffit de fermer les yeux pour que tout rentre dans l’ordre.
Et se rendre à l’évidence : Être adulte est au mieux une idée imbécile, au pire un vœu de philosophe sadique…
* Robert est une marque de biberon de la fin du XIXème siècle a qui le sein doit son appellation argotique.
13:17 | Commentaires (5)