mercredi, 21 mai 2014
Instant tanné.
Hier, je vous ai parlé de Bourganeuf.
Ce n’était pas que par hasard.
Ni pour dire du mal des Creusois ou donner à Seringat l’occasion de nous parler d’un pâtissier de ses connaissances.
D’ailleurs lectrices chéries, je n’ai jamais mis les pieds à Bourganeuf.
C’est seulement que m’a traversé l’esprit le souvenir d’une dame charmante et fort courageuse.
Je vous ai peut-être déjà parlé d’une boutique du XVIIIème qui me confiait, pour meubler –beaucoup- mes vacances scolaires et – un peu – mon porte-monnaie, le montage de kits que certains clients considéraient comme trop difficiles à monter par eux-mêmes.
Le rapport avec Bourganeuf ?
J’y viens.
Cette dame habitait l’immeuble et faisait le ménage de la boutique qui en occupait le rez-de-chaussée.
Les matins où j’y passais, que ce soit pour y prendre mon ouvrage, l’y rendre ou jouer au vendeur, elle officiait. Très sérieusement, toujours sérieusement.
Elle me paraissait très vieille alors qu’elle devait avoir une soixantaine d’années, était veuve et vivotait de la pension d’un mari mort un dimanche d’une crise de paludisme attrapé en faisant la guerre je ne sais où.
Le ménage de la boutique mettait un peu de margarine dans les épinards de sa maigre pension.
Et elle parlait. De tout. Si elle n'avait pas fait le ménage de la boutique, elle n'aurait pas échangé trois mots dans la journée.
Mais elle parlait surtout de sa ville natale et du héros national qui y était né, du moins très près de chez elle.
Elle était intarissable sur Raymond Poulidor.
Ce cycliste remplissait la vie peu animée de madame B. Elle en parlait comme s’il se fût agi de son fils.
Vous me connaissez depuis assez longtemps pour savoir que l’idée d’effort, surtout sportif, me donne des boutons mais cette dame était fort gentille et je l’écoutais, si ce n’est avec beaucoup d’attention, au moins avec patience.
Aucune des places de plus brillant second du cyclisme français ne lui échappait.
« C’t’un gars du pays ! C’est pas un yéyé, lui ! »
J’opinais. Elle posait son balai et continuait « Tu vois mon garçon, il est de Bourganeuf, enfin, juste à côté. Ah c’est vrai, tu connais pas Bourganeuf… C’était bien Bourganeuf quand j’étais gamine… »
Elle reprenait son balai, finissait de ramasser les balayures, vidait le cendrier énorme comme une soupière et puant comme un cent de boucs –je ne fumais pas encore…- et partait en disant « Ça m’a fait du bien de parler du pays mon garçon. »
Après un silence elle ajoutait « Je le sais bien que tu te fous de Poulidor. T’es bien un Parigot… »
Un jour elle est repartie à Bourganeuf.
Voilà pourquoi je vous ai parlé de Bourganeuf hier, lectrices chéries…
07:47 | Commentaires (9)
mardi, 20 mai 2014
La traversée de Paris.
Je vous ai déjà parlé de la blogueuse qu’on aime ?
Enfin, l’une d’entre elles ?
Oui, Heure-Bleue et votre Goût adoré, aimons beaucoup.
C’est notre truc, ça, aimer, ça nous occupe.
Eh bien, hier, nous sommes allés à Paris… Oui, je sais, lectrices chéries, encore…
Hier donc, nous avions rendez-vous à Paris avec cette blogueuse qu’on aime d’autant plus qu’elle n’habite pas à Bourganeuf.
Vous ne connaissez pas Bourganeuf, lectrices chéries ? C’est en plein milieu de la Creuse. Bref, notre blogueuse eût habité là-bas, nous ne l’eussions point aimée. Surtout avec les tarif éhontés pratiqués par la SNCF.
Nous étions donc, Heure-Bleue et moi, partis pleins d’allant pour Paris. Nous avions frimé un peu, genre « on se la fait culturelle », en parlant de l’expo Fragonard et Watteau au musée Jacquemart-André. Arrivés à la gare Saint Lazare, puis montés dans le bus qui nous mena au Petit-Pont, il faisait si beau que la température croissante a fait évaporer nos envies de culture.
Nous avons donc rejoint notre blogueuse, avons constaté benoîtement que nous l’aimions toujours et du coup nous nous sommes jetés avec voracité sur… Les petits choux à la crème d’Odette. Délicieuse jeune femme parlant au bas mot quatre-vingt-six langues et servant ses petits choux avec célérité.
Je me demande si elle n’est pas payée à la guelte…
Nous avons ensuite emprunté le quai de Montebello, l’air était rafraîchi par la Seine proche, j’ai traîné Heure-Bleue et notre comparse dans l’entrée d’un immeuble que je connais depuis bien plus longtemps qu’Heure-Bleue, oui, c’est celui de la photo, quand je vous dis que Paris recèle plein de merveilles.
Après une longue conversation avec une boutiquière du quai de la Tournelle car, je ne sais pour quelle obscure raison où il était question de rappeler à Heure-Bleue comment on disait « le sel » et « l’ange » en hébreu, ça a dérivé sur le monothéisme et la laïcité.
La boutiquière est une Berbère charmante et cultivée aussi la conversation traîna en longueur. Pressée par l’heure, la blogueuse qu’on aime nous a abandonnés pour cause d’engagement ailleurs.
Nous sommes alors repartis vers un boulevard Saint Germain étonnamment calme, à la recherche d’un café. J’ai offert à Heure-Bleue un petit bouquet de roses qui sentaient la rose et pas le pétrole et nous nous sommes arrêtés à la terrasse d’un café.
Nous avons commandé un café, histoire de préparer le prochain « arrêt pipi ».
Un moment, alors que nous papotions, une odeur rare maintenant à frappé mes narines, celle de « l’Amsterdamer ».
J’ai dit à Heure-Bleue « c’est étrange, on dirait qu’on fume la pipe. »
- C’est derrière toi, ça sent bon, hein ? J’aime bien…
Je me suis retourné et j’ai vu la version casher de George Sand, en plus vieux mais tirant avec application sur son brûle-gueule. Une copie de Denise Epstein.
Nous sommes repartis vers Saint Lazare, passant par le pont de l’Archevêché, alourdi par des tas de cadenas qui lui donnent le look doré des chefs d’œuvre de l’art pied-noir.
Oui, c’est bien de là qu’on a cette vue de Notre-Dame qu’on trouve sur les cartes postales.
La preuve :
Puis nous avons décidé de prendre le pont d’Arcole et donc pris le Quai aux Fleurs.
Jankélévitch y a habité et la plaque démontre avec quel brio un philosophe peut vous balancer des évidences à la figure.
Puis nous avons continué et sommes passés devant la maison d’Héloïse et Abélard.
« Qui fut châtré et puis moine » me récita Heure-Bleue à ce moment et me rappela que nous nous étions disputés sur ce quai un hiver il y a bien quarante ans.
Ce qui a donné à cette histoire de castration un parfum inquiétant.
Nous sommes arrivés à la maison d’humeur joyeuse.
On a même dit du mal de je ne sais plus qui, c’est dire…
Alors, lectrices chéries, je vous le dis, si vous voulez, je donne pour pas cher des cours de délayage pour faire des notes vides et sans intérêt mais longues…
A part ça, reconnaissez que Paris, c'est quand même beau, non ?
08:33 | Commentaires (15)
lundi, 19 mai 2014
La paix des méninges…
Je ne sais pourquoi, une bluette particulièrement niaise nous est venue à l’esprit ce matin, à Heure-Bleue et moi.
Nous nous sommes mis à chantonner « Voici des roses blaaaanches, toi qui les aiiiimes taaaant… »
Connaissez-vous, lectrices chéries, une chanson plus nunuche ? A part « L’hirondelle du faubourg », bien sûr…
Les associations d’idées sont parfois curieuses.
Vous vous rappelez sans doute combien cette chanson est triste. Même qu’elle meurt à la fin, la « manman ».
De proche en proche, il me revint cette rentrée des classes, à ma seconde cinquième.
Une des expressions de l’époque était « pleure pas ! Tu la r’verras ta mère ! »
Dans un coin de la cour, ce jour de rentrée, un garçon dont c’était sans doute la première rentrée au lycée, était assis sur une des marches de l’entrée du couloir menant aux classes du premier étage.
Son cartable entre les jambes, il pleurait à gros sanglots, essayant d’évacuer un énorme chagrin et toutes les larmes de son corps.
Un copain et moi sommes passés à ce moment devant lui et, avec un ensemble parfait avons crié « Pleure pas eh ! Tu la r’verras, ta mèèèère ! »
Et là, le garçon a levé la tête et a dit simplement « ma maman elle est morte… » et à repleuré de plus belle.
Si vous aviez voulu savoir à quoi ressemblaient deux garçons avec l’air con, lectrices chéries, il fallait nous regarder à ce moment là…
11:09 | Commentaires (6)
dimanche, 18 mai 2014
Quand on avait encore le corps sage…
Mab a eu hier –comme quasiment tous les jours- la gentillesse de laisser chez moi un commentaire.
Commentaire qui posait « la question ».
Celle qui ne me vint que plus tard, bien plus tard…
« Avec la langue ou pas ? »
J’eus la réponse au mois d’août 1962.
Mais quand même, Mab, tu es gonflée ! Rappelle-toi ! A ces âges, on ne savait même pas que la langue pouvait servir à autre chose qu’à manger des glaces ou a se moquer des autres !
Du coup ça répond, au moins en partie à la question que posait Heure-Bleue il y a quelques jours.
C’est parce qu’on ne savait pas qu’en plus ce serait si bien pour des tas d’autres choses…
Et c’est sans doute pour ça que le temps s’écoule interminablement quand on est petit.
Et si vite quand on est « grand »...
10:17 | Commentaires (6)
samedi, 17 mai 2014
Le triangle dort.
Encore…
Hier soir, après les infos, nous avons regardé la série polar du vendredi soir.
Le dernier épisode se clôt évidemment sur un baiser passionné –je n’aime pas « torride », je trouve que ça fait plus porno qu’érotique- qui laisse penser qu’on passera à autre chose mais plus tard et hors du champ des caméras.
À regarder cette blonde rouler un patin à son brun partenaire, il m’est revenu le souvenir des soucis qui se posent à un enfant de huit ans dans une cour de pension.
Il y a quelque temps, environ cinquante sept ans, un copain et moi parlions d’un film, adossés à un des tilleuls de la cour de récré. Nous étions tous deux des Parisiens et bien que de quartiers différents nous avions vu le même film le dimanche précédent dans deux salles différentes. Grandes, les salles, avec une seule salle par cinéma.
Nous avions vu « L’homme qui n’a pas d’étoile », un western extra avec Kirk Douglas qui joue du Colt 45 comme personne.
A l’époque lui aussi était jeune, enfin c’est ce que je me dis maintenant car nous savions bien alors que c’était malgré tout « un vieux ».
Ce western, évidemment nous amena à nous poser des questions.
Et à apporter des réponses.
Rationnellement fondées sur des rumeurs, comme d’habitude, ce qui prouve que le Web n’a rien inventé.
Et pourquoi ces questions ? Parce que notre jeune âge et l’ambiance résolument spirituelle dans laquelle nous étions plongés eussent dû nous dissuader de penser à des choses comme ça.
Oui, nous nous demandions comment il se faisait que certains acteurs se tirassent vivants de certaines scènes.
Non, vous n’y êtes pas lectrices chéries, il ne s’agissait pas des scènes de fusillade.
On était ignorant mais on se doutait bien que la production d’un film ne se soldait pas forcément par des milliers de morts.
Non, il s’agissait de la scène « The End » avec ce baiser final entre le héros et l’héroïne, celle qui se fourre par idiotie dans des situations indémerdables d’où le héros la tire. (Pas de réflexions graveleuses je vous prie.)
Et là, la conversation entre mon copain et moi prit un tour philosophico-anatomique.
- Tu crois qu’il l’embrasse vraiment sur la bouche ?
- Non, c’est entre la bouche et le menton, en vrai c’est pour de faux.
- Tu crois ? Insistai-je. Parce que quand même, elle l’embrasse.
- Ouais, c’est sûr.
- Ben comment tu le sais ? « Relou » comme j’étais, je n’étais jamais satisfait d’une affirmation peu étayée.
- Ben tu parles ! S’il l’embrassait sur la bouche pour de bon, le vrai mari de l’actrice serait obligé de le tuer après !
- Et alors ? Ça prouve quoi ?
- Ben la preuve ! Il a joué un autre film après ! C’est qu’il l’a pas embrassée pour de bon !
Là, le raisonnement m’a paru inattaquable.
Le fait que nous tentions déjà de découvrir des trucs censés ne nous intéresser que bien plus tard en étant malgré tout persuadés que l’on ne pouvait embrasser quelqu’un sur la bouche sans être marié ne nous semblait pas particulièrement incohérent et ne nous émouvait pas plus que ça…
En éteignant la télé, je me suis dit qu’il était quand même heureux que la notion de propriété soit sortie du mariage sinon les allées des studios de cinéma –et probablement celles des supermarchés- eussent été jonchées de cadavres.
Combien de femmes et d’hommes n’eussent été alors que l’illustration du concept de nue-propriété, qui laisse aux uns la propriété et à d’autres l’usufruit…
07:55 | Commentaires (7)